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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 4 juillet 2024, n° 23/01400

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/01400

4 juillet 2024

N° RG 23/01400 - N° Portalis DBVM-V-B7H-LYY3

C4

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me David HERPIN

la AARPI CAP CONSEIL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024

Appel d'une décision (N° RG 2021J192)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 08 mars 2023

suivant déclaration d'appel du 06 avril 2023

APPELANT :

M. [I] [J]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me David HERPIN, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉS :

Mme [X] [Z] [S] épouse [H]

née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 6] / FRANCE

M. [P] [H]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 6] / FRANCE

S.A.R.L. LCH au capital de 480 000 euros, immatriculée au RCS de ROMANS sous le n° 502 263 940, représentée par son gérant en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6] / FRANCE

représentés par Me Valérie LIOTARD de l'AARPI CAP CONSEIL, avocat au barreau de VALENCE

PARTIE INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. [O] représentée par Maître [R] [O], Siren 830 000 451, en qualité de mandataire judiciaire de la Société LCH désigné à cette fonction par jugement rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS en date du 30.01.2024

[Adresse 8]

[Localité 5]

non représentée,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre. FIGUET, Présidente de Chambre,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Mai 2024, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, et M. Lionel BRUNO Conseiller, qui a fait rapport, assistés de Mme Alice RICHET, Greffière, ont entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

Faits et procédure :

1. [P] [H] exerce une activité d'agent immobilier et de gestionnaire de biens en tant qu'associé de plusieurs sociétés. Il a constitué avec son épouse, [X] [Z] [S], la société Sarl LCH. Dans le cadre d'une opération d'augmentation de capital réalisée en 2011, [I] [J] est devenu associé dans la société LCH, et le capital social a été réparti comme suit :

- 1200 parts détenues par [X] [Z] [S],

- 1200 parts détenues par [P] [H],

- 2400 parts détenues par [I] [J].

2. [I] [J] a assuré la co-gérance de cette société avec [P] [H] jusqu'au 1er juillet 2019, date de sa démission.

3. [I] [J], ayant constaté que les obligations liées à l'établissement des comptes sociaux des filiales de la société LCH, et notamment, l'établissement des bilans, l'approbation des bilans, ainsi que le dépôt des bilans auprès du greffe, n'avaient pas été effectués depuis plusieurs années, a sollicité la communication des comptes pour les exercices clos au 31/03/2017 et au 31/03/2018 par lettre du 2 avril 2019, mais en vain. Il a entrepris des démarches amiables afin que monsieur [H] établisse les comptes sociaux des sociétés AGS Immobilier, CG Immobilier et [H] Immobilier.

4. Suite à une mise en demeure datée du 24 mai 2019 et signi'ée par acte d'huissier en date du 31 mai 2019, une assemblée générale de la société LCH a été organisée le 1er juillet 2019. ll a été voté, à l'unanimité, la désignation du cabinet d'expertise comptable FIDEV avec une mission complète d'établir les comptes annuels pour les exercices clos au 31 mars 2017 et 31 mars 2018 pour fin juillet 2019, et l'établissement des comptes annuels pour l'exercice clos au 31 mars 2019 au 15 septembre 2019 des 'liales de la société LCH. Lors de cette assemblée, monsieur [J] a démissionné de ses fonctions de gérant de la société LCH.

5. Par ordonnance du 14 juin 2022, le président du tribunal de commerce

de [Localité 12] a enjoint à monsieur [H] d'établir les comptes sociaux des sociétés [H] Immobilier, CG Immobilier et AGS Immobilier en prenant en compte les irrégularités relevées par un expert judiciaire sous astreinte de 100 euros par jour à compter du 1er août 2022. Sous la même astreinte, il a été enjoint à monsieur [H] de convoquer une assemblée générale pour chacune des trois sociétés portant sur l'approbation des comptes annuels.

6. Le 26 août 2021, [I] [J] a assigné [P] [H] et son épouse ainsi que la société LCH devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère, sur le fondement de l'article 1844-7 du code civil, afin de voir prononcer la dissolution anticipée de la société LCH et de condamner [P] [H] et madame [Z] [S] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

7. Par jugement du 8 mars 2023, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :

- dit que la demande de [I] [J] n'apparaît pas régulière, recevable et bien fondée ;

- par conséquent, débouté [I] [J] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de [X] [Z] [S] épouse [H], de [P] [H] et de la société LCH ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit qu'il n'y a pas lieu d'octroyer des dommages et intérêts ;

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires;

- liquidé les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile, pour être mis à la charge de [I] [J].

8. [I] [J] a interjeté appel de cette décision le 6 avril 2023, en ce qu'elle a :

- dit que la demande de [I] [J] n'apparaît pas régulière, recevable et bien fondée ;

- par conséquent, débouté [I] [J] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de [X] [Z] [S] épouse [H], de [P] [H] et de la société LCH ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- liquidé les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile, pour être mis à la charge de [I] [J].

9. Par jugement du 30 janvier 2024, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a ouvert une procédure de redressement judiciaire concernant la société LCH et a désigné la Selarl [O], prise en la personne de maître [O], aux fonctions de mandataire judiciaire. Monsieur [J] a assigné en intervention forcée ce mandataire le 29 février 2024, selon les modalités prévues à l'article 658 du code de procédure civile. La Selarl [O] ne s'est pas constituée devant la cour.

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 2 mai 2024.

Prétentions et moyens de [I] [J] :

10. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 1er mai 2024, il demande à la cour, au visa de l'article 1844-7 du code civil :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le concluant de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des intimés, et en conséquence, statuant à nouveau ;

- de prononcer la dissolution anticipée de la Sarl LCH pour mésentente entre les associés ;

- de désigner un administrateur pour procéder aux opérations de la liquidation ;

- de condamner [P] [H] et [X] [Z] [S] à payer au concluant la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

- de confirmer le jugement pour le surplus, et en conséquence, de débouter [P] [H] et [X] [Z] [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, et de leur appel incident.

Il expose :

11. - que la mésentente entre associés est une cause de dissolution anticipée dans la mesure où elle a pour effet de paralyser le fonctionnement de la société ; que même s'il n'est pas constaté une paralysie totale de la gestion, la dissolution pour mésentente peut être prononcée dès lors que cette mésentente est permanente et généralisée et qu'elle empêche la prise de décision portant sur le moyen ou le long terme ; que si la détention égalitaire des parts sociales de la société empêche toute prise de décision du fait de la mésentente entre les deux associés, laquelle paralysait le fonctionnement de la société, la dissolution de la société est justifiée ;

12. - qu'en l'espèce, la mésentente existant entre associés n'est pas contestée, ce qu'a relevé le tribunal, puisque ce problème a déjà donné lieu à plusieurs actions en justice engagées par le concluant pour défaut du respect des obligations comptables pesant sur monsieur [H] en sa qualité de gérant de la société LCH et de ses filiales ; que cette mésentente est démontrée par les doutes du concluant sur la sincérité de la comptabilité des filiales, qui ont justifié l'organisation de plusieurs expertises judiciaires selon trois ordonnances du président du tribunal de commerce de Romans sur Isère du 30 juillet 2020 ; que les rapports déposés par l'expert ont confirmé ces doutes puisque les bilans ne sont pas sincères ; que ce problème est ancien puisque monsieur [H] a été relancé depuis plusieurs années par le concluant et l'expert-comptable des sociétés ; qu'il est désormais manifeste que tout affectio societatis a disparu ;

13. - que si le tribunal, pour débouter le concluant de sa demande, a estimé que «dans le cadre de la présente instance, et au vu des pièces versées au débat par les parties, le tribunal considère que si la mésentente existe, chaque associé a une part de responsabilité dans celle-ci », cependant, dès lors que la mésentente entre deux associés d'une société est reconnue par eux sans que puisse être déterminé à qui elle est imputable, la dissolution anticipée peut être prononcée ; qu'en la cause, la mésentente est imputable à monsieur [H] dans ses carences concernant la gestion administrative et financière; que si le concluant ne conteste pas souhaiter céder ses parts, cela n'a pas eu pour conséquence cette mésentente qui était préexistante alors que cette volonté de cession n'est pas fautive; que les trois procédures de référé concernant les comptes sociaux ont donné raison au concluant ;

14. - que la paralysie dans le fonctionnement de la société est attestée par l'absence de convocation aux assemblées générales d'approbation des comptes et l'absence d'approbation des comptes annuels ; qu'aucun bilan n'a ainsi été approuvé depuis l'exercice clos le 31 mars 2017 jusqu'à l'exercice clos le 31 mars 2022; que monsieur [H] refuse de transmettre les comptes des filiales ; qu'il existe une égalité parfaite entre le concluant et les époux [H], de sorte qu'aucune décision ne peut être adoptée, alors que les statuts ne prévoient pas de faculté de retrait de sorte que le concluant est contraint de rester associé ;

15. - que la situation financière de la société n'est pas favorable, puisque l'exercice 2016 indique une perte de 197.487 euros, celui de 2017 un bénéfice de 1.919 euros, celui de 2018 une perte de 17.188 euros, celui de 2019 une perte de 246.055 euros et celui de 2020 un bénéfice de 164.019 euros suite à une reprise sur dépréciation, étant sinon déficitaire pour 153.848 euros; que l'expert-comptable a relevé en 2020 des problèmes concernant la TVA, exposant la société à un redressement de 213.633 euros ; que l'état des inscriptions indique une dette de 239.836,99 euros au profit du Trésor Public ;

16. - que l'action du concluant n'est pas abusive, mais ne tend qu'à préserver ses intérêts.

Prétentions et moyens de la Sarl LCH, de [X] [Z] [S] épouse [H] et de [P] [H] :

17. Lors de l'audience des plaidoiries, monsieur [J] a soulevé l'irrecevabilité des conclusions n°2 remises par ces intimés, motif pris qu'elles ont été déposées le jour de l'ordonnance de clôture, mais après le prononcé de cette ordonnance. La cour constate que si ces conclusions ont bien été remises le 2 mai 2024, elles l'ont été cependant après le prononcé de l'ordonnance de clôture, puisque remises par voie électronique à 13h50, alors que l'ordonnance de clôture a été rendue à 9h52. Elles sont ainsi effectivement irrecevables.

18. Selon leurs conclusions n°1 remises le 21 septembre 2023, les intimés demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté l'appelant de l'ensemble de ses demandes ;

- de juger cette demande mal fondée ;

- de juger que la mésentente est imputable à l'appelant ;

- de juger que l'appelant ne rapporte pas la preuve d'une paralysie de la société LCH ;

- de le débouter par voie de conséquence de l'intégralité de ses demandes ;

- de juger l'appel incident des concluants recevable et bien fondé ;

- en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les concluants de leurs demandes de dommages et intérêts et celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuant à nouveau, de condamner [I] [J] à payer aux concluants une somme de 5.000 euros à chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- de condamner [I] [J] à payer aux concluants une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils soutiennent :

19. - qu'en vertu du principe selon lequel « on ne peut pas se prévaloir de sa propre turpitude », le juge qui est saisi d'une demande en dissolution d'une société pour mésentente qui en paralyserait le fonctionnement, doit préalablement rechercher si le demandeur n'est pas à l'origine de cette mésentente ; que si depuis un arrêt rendu le 16 septembre 2014, l'imputabilité de la mésentente ne constitue plus un moyen d'irrecevabilité, elle fait obstacle à ce que la demande de dissolution judiciaire soit regardée comme un juste motif de dissolution de la société (Com 16 septembre 2014 numéro 13-20.083) ; en conséquence, que l'imputabilité de la mésentente étant imputable à l'appelant, elle rend sa demande mal fondée ;

20. - ainsi, que l'appelant est demeuré co-gérant de la société LCH jusqu'au 1er juillet 2019, date à laquelle il a démissionné au motif que monsieur [H] n'a pas satisfait aux obligations légales d'établissement des bilans des sociétés AGS, [H] Immobilier et CG Immobilier, et par conséquence à celles de la société LCH, alors que jusqu'à cette date, aucun des co-gérants n'avait pris l'initiative de convoquer les assemblées générales annuelles pour approuver les comptes de la société LCH ; que c'est à partir de cette date qu'il a souhaité céder ses parts et a initié à cette fin différentes procédures y compris concernant les filiales dans lesquelles il n'était pas associé dans le but de faire pression ; que cette attitude a eu pour effet de tendre les relations entre les associés et ne constitue pas un juste motif de dissolution ;

21. - que le motif pris d'une insincérité des comptes des filiales ne constitue pas un motif, alors que les comptes 2017 à 2021 ont été établis par un expert-comptable et que les assemblées générales ont été tenues, bien qu'avec retard ; que les expertises réalisées n'ont pas apporté d'éléments nouveaux ;

22. - que si l'appelant invoque l'impossibilité d'obtenir des informations concernant la société LCH, il est un associé « dormant », étant employé dans une étude notariale et se désintéressant de la société; que le seul fait avancé par l'appelant pour démontrer la prétendue mésentente est l'absence de tenue de l'assemblée pour l'approbation des comptes arrêtés au 31 mars 2020 alors que celle-ci s'est finalement tenue le 5 mars 2022, ce retard résultant des man'uvres de l'appelant ;

23. - que la mésentente n'est un juste motif de dissolution anticipée que si elle a pour conséquence de paralyser le fonctionnement de la société, peu important la disparition de l'affectio societatis; que tel n'est pas le cas, puisque la société LCH est une holding et n'a pas d'activité propre, n'employant aucun salarié ; que l'appelant ne rapporte pas la preuve d'une paralysie dans le fonctionnement de la société ;

24. - que la demande de l'appelant est abusive, ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts.

*****

25. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

26. Lors de l'audience de plaidoirie, la cour a sollicité de l'appelant une note en délibéré, afin de tenir compte de l'incidence de la recevabilité de son action en dissolution, au regard du placement de la société LCH en redressement judiciaire le 30 janvier 2024, les dispositions du livre VI du code de commerce étant d'ordre public.

27. Par note en délibéré du 22 mai 2024, monsieur [J] a indiqué qu'aucune disposition ne prévoit une cause d'irrecevabilité d'une action en dissolution en cours suite au prononcé d'un redressement judiciaire, alors qu'il a appelé en la cause le mandataire judiciaire.

MOTIFS DE LA DECISION

28. S'agissant de la recevabilité de l'action de monsieur [J], au regard de la procédure de redressement judiciaire de la société LCH, il résulte de l'article L631-1 du code de commerce que la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation.

29. Selon l'article L631-15, au plus tard au terme d'un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. Le tribunal se prononce au vu d'un rapport, établi par l'administrateur ou, lorsqu'il n'en a pas été désigné, par le débiteur. A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

30. Il en résulte qu'à partir du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, le sort du débiteur résulte des décisions qui seront prises par le tribunal, concernant une cession partielle d'actif, un plan d'apurement, ou le prononcé de la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

31. En outre, selon l'article L631-10, à compter du jugement d'ouverture, les parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital de la personne morale qui a fait l'objet du jugement d'ouverture et qui sont détenus, directement ou indirectement par les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ne peuvent être cédés, à peine de nullité, que dans les conditions fixées par le tribunal. L'article L631-19-1 ajoute que lorsque le redressement de l'entreprise le requiert, le tribunal, sur la demande du ministère public, peut subordonner l'adoption du plan au remplacement d'un ou plusieurs dirigeants de l'entreprise. A cette fin et dans les mêmes conditions, le tribunal peut prononcer l'incessibilité des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait et décider que le droit de vote y attaché sera exercé, pour une durée qu'il fixe, par un mandataire de justice désigné à cet effet. De même, il peut ordonner la cession de ces parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital détenu par ces mêmes personnes, le prix de cession étant fixé à dire d'expert.

32. Il résulte de ces principes et dispositions qu'à compter du jugement d'ouverture, la demande de dissolution de la société débitrice se heurte à l'objet de la procédure de redressement judiciaire qui est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Une telle demande contrevient également aux pouvoirs du tribunal concernant la cession des éléments d'actifs, l'adoption d'un plan de redressement ou le prononcé de la liquidation si le redressement est manifestement impossible. Elle contrevient enfin aux restrictions des pouvoirs imposés aux associés dirigeants concernant la cession de leurs parts, lesquelles sont indisponibles, alors qu'une dissolution de la société pour mésentente aurait pour effet de permettre aux associés dirigeants, en cas de boni de liquidation, d'obtenir le remboursement de leurs titres.

33. En conséquence, alors que le tribunal de commerce a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société LCH le 30 janvier 2024, sur assignation du comptable du service des impôts des entreprises Sud Rhône, et a fixé une période d'observation de six mois, il en résulte que l'action de l'appelant est devenue irrecevable, monsieur [J] ayant perdu la qualité de pouvoir solliciter la dissolution anticipée de la société. Compte tenu de cette irrecevabilité, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit que la demande de monsieur [J] n'apparaît pas régulière, recevable et bien fondée et en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

34. Concernant la demande reconventionnelle des époux [H] et de la société LCH, il ne résulte pas que l'action engagée par monsieur [J] était manifestement infondée, et qu'elle a été intentée dans une intention de nuire. Cette demande ne pouvait qu'être rejetée par le tribunal de commerce, dont la décision sera confirmée sur ce point.

35. Par ailleurs, le tribunal a justement rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, et mis les dépens à la charge de l'appelant. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

36. Il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elle a engagés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que ses dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 1844-7 du code civil, les articles L631-1, L631-15, L631-10 et L631-19-1 du code de commerce, les articles 907 et 798 et suivants du code de procédure civile ;

Déclare irrecevable les conclusions n°2 déposées par les consorts [H] et la société LCH le 2 mai 2024 postérieurement à l'ordonnance de clôture ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que la demande de [I] [J] n'apparaît pas régulière, recevable et bien fondée ;

- par conséquent, débouté [I] [J] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de [X] [Z] [S] épouse [H], de [P] [H] et de la société LCH ;

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour;

Statuant à nouveau ;

Déclare l'action de [I] [J] irrecevable en raison de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société LCH ;

y ajoutant ;

Laisse à chacune des parties la charge des frais qu'elle a engagés par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Laisse à chacune des parties ses dépens exposés en cause d'appel ;

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente