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Décisions

Cass. 3e civ., 11 juillet 2024, n° 22-20.046

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Equinox (SAS), Altereco (SCCV)

Défendeur :

Lyon Métropole Habitat (EPIC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

M. Pety

Avocats :

Me Lyon-Caen et Thiriez, Me Le Prado-Gilbert

Lyon, du 9 juin 2022

9 juin 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 juin 2022) et les productions, par acte authentique du 1er août 2011, l'office public d'aménagement concerté du Rhône, aux droits duquel vient l'établissement public Lyon métropole habitat (le promettant), et la société Equinox (la bénéficiaire) ont conclu, en vue de la réalisation d'un programme de construction de cinquante-cinq logements, une promesse synallagmatique de vente de parcelles de terrain au prix total de 6 036 907,90 euros TTC, payable à la signature de l'acte réitérant la vente, laquelle devait intervenir dans le mois de la réalisation de la dernière condition suspensive, au plus tard le 3 mars 2012.

2. Cinq conditions suspensives ont été stipulées dans cette promesse, dont la justification par le promettant d'un état hypothécaire sans aucune inscription.

3. Le promettant a fait délivrer sommation à la bénéficiaire, ainsi qu'à la société Altereco devant lui succéder, de se présenter sous huitaine devant notaire pour parfaire la vente et en régler le prix.

4. Le 24 mai 2013, un procès-verbal de difficultés a été dressé. Le promettant s'est prévalu de la caducité de la promesse et a sollicité le versement par la bénéficiaire de la somme de 259 200 euros à titre d'indemnité d'immobilisation.

5. Par acte du 10 juillet 2013, cette dernière a assigné le promettant en constatation de l'absence de caducité de la promesse et en irrecevabilité de la demande d'indemnité d'immobilisation. Elle a, en outre, sollicité la condamnation du promettant à lui payer la somme de 4 958 565 euros à titre de dommages et intérêts pour refus de réitérer la vente.

6. La société Altereco est volontairement intervenue à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La bénéficiaire et la société Altereco font grief à l'arrêt de mettre cette dernière hors de cause, de condamner la première à payer au promettant une indemnité d'immobilisation et de rejeter toutes autres demandes, dont celle de dommages-intérêts, alors « que les parties à une promesse de vente sont libres de faire peser sur l'une d'elles la charge d'accomplir les formalités nécessaires à la réalisation de l'une de ses conditions suspensives, et celle de prouver que cette condition a été réalisée ; qu'en l'espèce, l'article 11.2 de la promesse de vente du 1er août 2011 stipulait, s'agissant des conditions suspensives, qu'« il devra être justifié par le vendeur d'un état hypothécaire hors formalité ou d'une fiche d'immeuble en cours de validité ne révélant aucune publication de commandement de saisie, ni d'inscription de privilège ou d'hypothèque garantissant des créances dont le solde en capital, intérêt et accessoires ne pourrait être remboursé au moyen du prix de vente » ; que conformément à cette stipulation, la société Equinox rappelait qu'il appartenait au vendeur de justifier de l'état hypothécaire des parcelles objet de la promesse afin de prouver la réalisation de cette condition suspensive ; qu'en retenant néanmoins que la société Equinox, qui était acquéreur, ne pouvait se prévaloir de cette condition suspensive dès lors qu'elle ne justifiait pas d'une inscription hypothécaire ou d'un privilège sur les parcelles vendues, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1168, 1176 et 1315 anciens du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Sur la recevabilité du moyen

8. Le promettant conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'argument, mélangé de fait et de droit, tiré par le bénéficiaire de l'absence de réalisation de la condition suspensive relative à la justification par le promettant d'un état hypothécaire expurgé est nouveau devant la Cour de cassation en ce qu'il n'a pas été soutenu sous la forme d'un moyen devant les juridictions du fond.

9. Cependant, il résulte des conclusions d'appel de la bénéficiaire que cette dernière a fait valoir, par un moyen de fait et de droit, que, contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges, aucune des cinq conditions suspensives, dont celle relative à la justification par le promettant d'un état hypothécaire, n'était réalisée au jour du procès-verbal de difficultés, de sorte que la caducité de la promesse n'était pas acquise, pas plus que le principe du versement d'une indemnité d'immobilisation, la décision de première instance devant être réformée.

10. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1134, alinéa 1er, et 1315, alinéa 2, du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

11. Aux termes du premier de ces textes, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

12. Selon le second, celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

13. Pour confirmer le jugement condamnant la bénéficiaire au paiement d'une indemnité d'immobilisation et rejetant toutes ses demandes, l'arrêt retient que toutes les conditions suspensives sont accomplies ou ne peuvent plus être invoquées par elle, celle-ci ne s'étant pas prévalue devant le notaire de difficultés relatives à la situation hypothécaire, et ajoute qu'il n'est pas justifié d'une inscription ou d'un privilège.

14. En statuant ainsi, alors que la promesse stipule qu'il devra être justifié par le promettant d'un état hypothécaire ne révélant aucune publication ni inscription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne l'établissement public [Localité 4] métropole habitat aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public [Localité 4] métropole habitat et le condamne à payer à la société Equinox la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.