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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 10 juillet 2024, n° 23/02259

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Adaming Conseil (SAS)

Défendeur :

Primopierre (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ferreira

Conseillers :

M. Vet, M. Balista

Avocats :

Me Boillot, Me Suissa, Me Dalmayrac, Me Orso

TGI Toulouse, du 25 avr. 2023, n° 22/021…

25 avril 2023

EXPOSE DES FAITS

La société Adaming Conseil est une société spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques ainsi que dans la formation pour adultes.

Basée à [Localité 6], cette société a décidé en 2019 d'étendre en Occitanie son activité de formation.

Par acte sous seing privé en date du 15 avril 2019, la SCI Primopierre a consenti un bail commercial avec effet à partir du 1er juillet 2019 au profit de la société Adaming Conseil pour des locaux à usage de bureaux et des emplacements de parking situés dans un ensemble immobilier dénommé 'Golf Park' situé [Adresse 5] à [Localité 7].

Les loyers demeurant impayés, la société Sefal Property, administrateur des biens de la société Primopierre, a mis en demeure le 18 mars 2022 la société Adaming Conseil de procéder au règlement des arriérés.

Le 30 juin 2022, la société Adaming Conseil a donné congé, lequel a été refusé par la société Primopierre qui a continué à solliciter le règlement des loyers.

Par acte d'huissier en date du 10 décembre 2022, la SCI Primopierre a fait assigner la société Adaming Conseil devant le président du tribunal judiciaire de Toulouse, statuant en matière de référé, afin qu'elle soit condamnée à lui payer, notamment, les loyers impayés et charges assortis des intérêts conventionnels.

Par acte d'huissier en date du 25 janvier 2023, dénoncée le 30 janvier 2023, la société Primopierre a fait diligenter une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société Adaming Conseil, laquelle s'est révélée fructueuse.

Par ordonnance de référé contradictoire en date du 25 avril 2023, au visa de l'article 835 du code de procédure civile et de l'article 1343-5 du code civil, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse, constatant que la durée du bail de 6 ans était ferme et incompressible, a:

- condamné la société Adaming Conseil à régler à la SCI Primopierre la somme provisionnelle de 174.744,83 euros majorée des intérêts au taux légal :

* à compter du 1er juin 2022 au 22 août 2022 sur la somme de 70.324,48 euros,

* à compter du 22 août 2022 juqu'à la date de l'assignation sur la somme de 99.172,32 euros,

* à compter de la date de l'assignation et jusqu'à parfait paiement sur la somme de 174.744,83 euros,

- débouté la société Adaming conseil de sa demande de délais de paiement,

- condamné la société Adaming Conseil à payer à la SCI Primopierre la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Adaming Conseil aux dépens.

Par déclaration en date du 23 juin 2023, la société Adaming Conseil a relevé appel de cette ordonnance en critiquant l'ensemble de ses dispositions.

Par acte d'huissier en date du 29 juin 2023 dénoncé à la société Adaming Conseil, la saisie conservatoire a été convertie en saisie attribution au bénéfice de la SCI Primopierre pour un montant de 144 596, 88 euros.

Un certificat de non-contestation a été dressée le 21 juillet 2023 par le commissaire de justice instrumentaire.

Par acte d'huissier en date du 6 octobre 2023, signifié par voie électronique le même jour, une saisie attribution a été diligentée par la société Primopierre à l'encontre de la société Adaming Conseil et s'est révélée fructueuse à hauteur de 30 780, 34 euros.

Enfin, par acte d'huissier en date du 22 décembre 2023, une nouvelle saisie attribution a été diligentée par la société Primopierre à l'encontre de la société Adaming Conseil pour le solde restant dû au titre de l'ordonnance de référé dont appel, saisie qui s'est révélée fructueuse à hauteur de 7 142, 17 euros.

En l'absence de règlement des loyers en cours depuis le prononcé de l'ordonnance dont appel, la société Primopierre a, de nouveau, diligenté une saisie conservatoire sur les comptes de la société Adaming Conseil, par acte d'huissier du 5 mars 2024, à hauteur de 47 077, 60 euros.

La sas Adaming conseil, appelante, dans ses dernières conclusions en date du 15 avril 2024, demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance dont appel dans toutes ses dispositions,

statuant de nouveau,

- débouter la sci Primopierre de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- constater l'existence d'une contestation sérieuse puisqu'elle a pu légitimement penser qu'elle s'était engagée sur un bail commercial classique offrant la possibilité de le résilier tous les trois ans et qu'il est nécessaire de se prononcer sur la disproportion des intérêts et pénalités de retard fixés contractuellement ce qui relève du juge du fond

- juger qu'il n'y a lieu à référé,

à titre subsidiaire,

- lui accorder la possibilité de régler toute condamnation en vingt-quatre mensualités,

- juger que doivent être déduites de la provision réclamée par la SCI Primopierre les sommes correspondant aux intérêts contractuels ou, subsidiairement, modérer les pénalités prévues au bail litigieux,

en tout état de cause,

- condamner la SCI Primopierre à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Primopierre aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

La SCI Primopierre, intimée, dans ses dernières conclusions en date du 16 avril 2024 demande à la cour, au visa des articles 63, 65, 68, 70, 802 et 835 du code de procédure civile, de :

- débouter la sas Adaming conseil de toutes ses demandes fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance dont appel,

- la recevoir en sa demande additionnelle et y faisant droit,

- condamner la société Adaming Conseil à lui payer une provision complémentaire de 145.226,89 euros avec intérêts au taux légal à compter :

* du 28 août 2023 sur la somme de 61.081,73 euros,

* du 16 octobre 2023 sur la somme de 38.217,39 euros,

* de la date de signification des présentes conclusions d'actualisation n° 2 sur la somme de 45.927,77 euros,

- condamner la société Adaming Conseil à lui payer la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Adaming Conseil aux entiers dépens de la procédure devant la Cour.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans la limite de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes mesure qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond. Elle est sérieuse lorsqu'elle apparaît susceptible de prospérer au fond.

En l'espèce, la société Adaming Conseil estime qu'elle a légitimement pu penser qu'elle s'était engagée dans un bail 3-6-9 auquel il pouvait être mis fin à l'issue de la première période triennale, soit le 30 juin 2022.

Or, la clause litigieuse est rédigée dans des termes clairs ne donnant pas lieu à interprétation puisqu'il est indiqué : 'le preneur renonce expressément à sa faculté de donner congé pour l'expiration de la première période triennale de telle sorte que le bail sera d'une donnée ferme et incompressible de six années'. Cette possibilité est parfaitement légale puisqu' expressément prévue à l'article L. 145-4 alinéa 2 du code de commerce, notamment pour les immeubles à usage de bureaux.

Par ailleurs, il résulte de l'article 4.1 du bail qu'en contrepartie de cet engagement sur le long terme, il a été convenu d'accorder au preneur une franchise exceptionnelle de loyer équivalente à neuf mois de loyer hors taxe et hors charges (art. 4.1 du bail commercial).

De ce fait, la société Adaming Conseil ne peut sérieusement prétendre qu'elle pensait légitimement pouvoir donner congé au bout de trois années et son argumentation ne peut constituer une contestation sérieuse.

S'agissant de l'article 7.1 du bail commercial relatif aux intérêts de retard, c'est à juste titre que le premier juge a dit qu'une stipulation contractuelle de cette nature pouvait s'analyser en une clause pénale et qu'il était en conséquence incompétent pour statuer aussi bien sur son existence que sur son montant, le juge des référé ne disposant pas de pouvoir modérateur.

Le montant de la provision accordée en première instance au bailleur doit en conséquence être confirmée.

La société Adaming Conseil étant restée dans les lieux sans reprendre le paiement des loyers, la SCI Primopierre est bien fondée à former une demande additionnelle pour les loyers et charges qui ont continué à courir et qui ne sont pas contestés par le preneur.

Une provision complémentaire de 145 126, 89 euros doit lui être allouée, laquelle se décompose de la manière suivante :

- pour le second trimestre 2023 : 30 576, 14 euros (déduction faite du coût de la saisie conservatoire)

- pour le troisième trimestre 2023 : 30 576, 14 euros

- pour le quatrième trimestre 2023 : 35 272, 13 euros

- pour le premier trimestre 2024 : 32 675, 28 euros

Auxquels il convient d'ajouter :

- le coût de l'assurance de 2022 pour la somme de 428, 95 euros

- le coût de l'assurance de 2023 pour la somme de 575, 69 euros

- appel en complément des charges d'électricité 2023 pour la somme de 2 845, 26 euros

- appel de taxe foncière et d'ordure ménagères 2023 pour la somme de 12 676, 80 euros

et déduire la somme de 499, 50 euros suite à la réédition de compte de charges 2021

outre intérêts au taux légal aux conditions énoncées au dispositif de la présente décision.

S'agissant de la demande de délais de paiement, celle-ci doit être rejetée, toutes les saisies partiquées sur les comptes bancaires démontrant l'absence de difficultés financières pour la société Adaming Conseil.

Par conséquent, l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse le 25 avril 2023 doit être confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- CONFIRME, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le le 25 avril 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse,

Y ajoutant,

- CONDAMNE la société Adaming Conseil à verser à la SCI Primopierre une provision complémentaire provisionnelle de 145 126, 89 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 août 2023 sur la somme de 61 081,73 €, du 16 octobre 2023 sur la somme de 38 117,39 € et à compter du 16 avril 2024 sur la somme de 45 927,77 €,

- DEBOUTE la société Adaming Conseil de sa demande de délais de paiement,

- CONDAMNE la société Adaming Conseil à payer à la SCI Primopierre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE la société Adaming Conseil aux dépens.