CA Amiens, ch. économique, 11 juillet 2024, n° 21/04492
AMIENS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Dege Holding (SARL)
Défendeur :
SCI La Halle (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grevin
Conseillers :
Mme Dubaele, M. Deloffre
Avocats :
Me Poilly, Me Le Roy, Me Hecker, Me Boudoux d'Hautefeuille, SCP Bejin - Camus, Me Smyth, Me Doyen
DECISION
La SCI La Halle [Adresse 7] est propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 7] à [Localité 1].
Par acte sous seing privé en date du 30 juin 2006 la SCI La Halle [Adresse 7] a donné en location cet immeuble à M.[O] [C] ou à toute société se substituant à lui pour la somme de un euro et ce jusqu'à la réalisation du compromis de vente les liant pour cette société et l'autorisant également à sous-louer les locaux, M. [C] s'engageant pendant cette période à payer tous les droits et taxes afférents à ces bâtiments et à couvrir la police d'assurance.
Par acte en date du 15 décembre 2010 enregistré au service des impôts des entreprises de Saverne il a été convenu entre les associés de la SCI La Halle [Adresse 7] et M. [C] ou toute autre société qu'il désignera d'une promesse de vente des titres de la SCI au profit de m. [C] pour une valeur de 160000 euros cette promesse liant les associés jusqu'au 31 décembre 2011.
Auparavant par un acte sous seing privé intitulé ' bail dérogatoire au statut des baux commerciaux' l'EURL Dege Holding représentée par M. [C] a donné à bail l'immeuble sis [Adresse 7] composé d'une maison d'habitation servant de bureau, d'un hall de stockage et d'un garage à M [G] [F] pour une durée d'un an à compter du 15 octobre 2019 qui sera renouvelé le 9 octobre 2010.
Par exploits d'huissier en date des 19 et 20 février 2020 la SCI La Halle [Adresse 7] a fait assigner M. [G] [F], M. [O] [C] et l'EURL Dege Holding devant le tribunal judiciaire de Saint-Quentin aux fins de voir dire nul et de nul effet le bail invoqué par M. [F], dire nulle et de nul effet et à défaut caduque et inopposable la convention du 30 juin 2006 et à défaut de résilier ces deux conventions avec toutes conséquences de droit et de prononcer l'expulsion de M. [F], de M. [C] et de l'EURL Dege Holding et de les condamner solidairement à lui payer une somme de 2500 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation, de loyer ou à défaut de dommages et intérêts du 15 octobre 2009 jusqu'à la libération effective des lieux une somme de 48406 euros au titre du remboursement des taxes foncières de 2016 à 2019 et une somme de 60000 euros à titre de dommages et intérêts.
M. [F] a soulevé l'irrecevabilité des demandes de la SCI La Halle [Adresse 7] à son égard et s'est opposé au prononcé de la nullité ou de la résiliation du bail dérogatoire le liant à la société Dege Holding et à son expulsion. Il a sollicité le débouté des demandes pécuniaires formées à son encontre par la SCI La Halle [Adresse 7] et a demandé sa condamnation à lui rembourser l'intégralité des loyers et charges acquittés soit la somme de 121223 euros pour manquement à son obligation de délivrance, outre le paiement des frais de remise en état de l'immeuble par lui engagés soit la somme de 152813,10 euros. Il a demandé enfin que l'ensemble des demandes formées à son encontre par M. [C] et la société La Halle [Adresse 7] soient déclarés irrecevables.
M. [C] et la société Dege Holding ont pour leur part demandé que la SCI La Halle [Adresse 7] soit déclarée irrecevable en ses demandes. Ils ont par ailleurs demandé la condamnation de M. [F] au paiement d'une somme de 53685 euros au titre des loyers et charges restés impayés entre les années 2016 et 2019 et la résiliation du bail les liant ainsi que l'expulsion de M. [F] sous astreinte.
Par jugement en date du 21 juin 2021 le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a prononcé l'annulation du bail dérogatoire en date du 9 octobre 2010 consenti par l'EURL Dege Holding à M. [F], ordonné l'expulsion de celui-ci et a condamné M. [F] à payer à la SCI La Halle [Adresse 7] la somme de 38000 euros au titre de l'indemnité d'occupation due du 20 février 2015 au jour de la décision et dit qu'il sera redevable d'une indemnité de 500 euros par mois à compter du jugement. Il a rejeté le surplus des demandes de la SCI La Halle [Adresse 7] et a condamné l'EURL Dege Holding à payer à M. [F] la somme de 52500 euros à titre de remboursement du fait de la nullité du contrat les liant et rejeté le surplus des demandes de M. [F].
Par ailleurs les demandes de M. [C] et de l'EURL Dege Holding ont été déclarées recevables mais non fondées et ils ont été condamnés solidairement à payer à M. [F] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tandis que M. [F] a été condamné à payer à la SCI La Halle [Adresse 7] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 septembre 2021 M. [C] et l'EURL Dege Holding ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Aux termes de leurs conclusions remises le 29 novembre 2022 la société Dege Holding et M. [C] demandent à la cour à titre liminaire de retrancher du dispositif de la décision leur condamnation au remboursement à M. [F] d'une somme de 52500 euros.
Sur le fond ils demandent que le jugement entrepris soit infirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du bail dérogatoire du 9 octobre 2010, les a condamnés au paiement d'une somme de 52500 euros et au paiement d'une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau ils lui demandent de prononcer l'irrecevabilité des demandes formées par la SCI La Halle [Adresse 7] ou subsidiairement leur mal-fondé et de l'en débouter, de débouter M. [F] de ses demandes à leur encontre, de prononcer la résiliation de la convention du 9 octobre 2010 ou 13 octobre 2009 et d'ordonner l'expulsion de M. [F], de fixer au 30ème du montant du loyer mensuel résilié, charges impôts et taxes comprises l'indemnité journalière d'occupation due par M. [F] à compter du jour de la résiliation jusqu'à la libération effective des lieux et de le condamner au paiement d'une somme de 76485 euros au titre de l'arriéré de loyers charges impôts et taxes et de condamner la SCI La Halle [Adresse 7] et M. [F] à leur payer chacun la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant ils demandent à hauteur d'appel que M. [F] les garantissent de toutes sommes qui seraient mises à leur charge et que la SCI La Halle [Adresse 7] et M. [F] soient condamnés aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Le Roy.
Aux termes de ses conclusions remises le 2 mars 2022 la SCI La Halle [Adresse 7] demande à la cour d'annuler le bail signé par M. [F] et la société Dege Holding et M. [C] et d'annuler ou à défaut de déclarer caduque et inopposable la convention du 30 juin 2006 et à défaut de résilier ces conventions et d'ordonner l'expulsion de M. [F].
Elle demande la condamnation solidaire de M. [F], de l'EURL Dege Holding et de M. [C] à lui payer :
- une somme de 2500 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation, de loyer ou à défaut de dommages et intérêts à compter du 15 octobre 2009 jusqu'à la restitution des lieux,
- une somme de 66197 euros au titre du remboursement des taxes foncières de 2016 à 2021 ou à défaut à titre de complément de dommages et intérêts,
- une somme de 60000 euros à titre de dommages et intérêts,
- une somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande de déclarer M. [F], l'EURL Dege Holding et M. [C] irrecevables en leurs demandes à son encontre et les en débouter et de les condamner solidairement aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Montigny Doyen.
Aux termes de ses conclusions remises le 10 janvier 2023 expurgées des demandes ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens invoqués M. [F] demande à la cour de déclarer irrecevables et en tous les cas non fondées les demandes formées par la SCI La Halle [Adresse 7] à son encontre, de dire n'y avoir lieu à nullité ou résiliation du bail du 9 octobre 2010 ni à son expulsion, débouter la SCI La Halle [Adresse 7] de l'ensemble de ses demandes pécuniaires à son égard et de la condamner à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande également sa condamnation à lui payer la somme de 121223 euros au titre de la restitution de l'ensemble des loyers charges et accessoires par lui acquittés et à lui payer la somme de 152813,10 euros au titre des frais de remise en état de l'immeuble et ce du faitdu manquement de la SCI La Halle [Adresse 7] à son obligation de délivrance.
Il demande encore le prononcé l'irrecevabilité des demandes de la société Dege Holding et M. [C] pour défaut de qualité à agir ou défaut d'intérêt et que leurs demandes pécuniaires soient déclarées irrecevables et non fondées, de confirmer le jugement entrepris du chef de la condamnation de l'EURL et de M. [C] au paiement de la somme de 52500 euros condamnation ne présentant aucun caractère ultra petita.
En tout état de cause il demande la confirmation du jugement en ce
qu'il a condamné la société Dege Holding et M. [C] à lui payer une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner solidairement ou in solidum la SCI La Halle [Adresse 7] l'EURL Dege Holding et M. [C] au paiement d'une somme de 4000 euros sur le même fondement et au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de maître d'Hautefeuille.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 septembre 2023.
SUR CE,
Sur la qualification des conventions intervenues entre les parties
Les premiers juges ont considéré que la convention en date du 30 juin 2006 devait être considérée comme un bail dérogatoire dont la durée ne pouvait être supérieure à trois ans ayant eu pour seul objet de permettre à M. [C] de disposer par avance des locaux appartenant à la société dont il allait acquérir les titres afin de les sous-louer au plus vite avant de les louer en qualité de gérant de la SCI La Halle [Adresse 7].
Relevant qu'une promesse de vente n'était intervenue que le 15 décembre 2010, et que le bail avait pris fin au plus tard le 30 juin 2009 dès lors qu'il ne comportait pas de clause de tacite reconduction, il n'existait plus à la date du 9 octobre 2010 lorsqu'a été signé le bail dérogatoire entre M. [F] et l'EURL Dege Holding qu'ils ont en conséquence annulé.
Les appelants soutiennent que l'acte régularisé le 30 juin 2006 entre la SCI La Halle [Adresse 7] et M. [C] n'était qu'un simple bail immobilier à loyer pour des locaux à destination unique de stockage avec faculté de sous-location qui ne prenait donc pas fin automatiquement à la fin d'une période triennale et qu'en conséquence la SCI La Halle [Adresse 7] n'avait pas à intervenir au contrat de sous-location du 13 octobre 2009 dont la demande de nullité ne pouvait émaner que de l'un des cocontractants et non de la SCI qui n'en avait ni la qualité ni intérêt et doit être déclarée irrecevable. Ils ajoutent qu'elle est au demeurant prescrite en son action dès lors qu'elle connaissait de longue date la sous-location intervenue et ce au moins depuis le 5 avril 2013 date de son assignation à l'encontre de M. [F] devant le juge des référés.
Ils contestent qu'au 13 octobre 2009 ils n'aient plus été titulaires d'un bail dès lors que la promesse de vente n'est intervenue que le 15 décembre 2020 et que s'étant maintenus dans les lieux avec le consentement de la SCI, les taxes et assurances ayant été régulièrement acquittés. il y a eu un renouvellement tacite.
Ils s'opposent en conséquence au remboursement de la somme de 52500 euros à M. [F] ainsi qu'aux demandes de la SCI La Halle [Adresse 7] au titre de la valeur locative de l'immeuble qu'elle fixe à 2500 euros sans en justifier ni former de demande d'expertise.
La SCI La Halle [Adresse 7] soutient que le bail revendiqué par M. [F] est entaché de nullité dès lors qu'il a été consenti non par le propriétaire de l'immeuble mais par des tiers ne bénéficiant d'aucun mandat . Elle conteste que la société Dege Holding et M. [C] puissent se présenter comme des locataires avec faculté de sous-location et fait valoir que la convention du 30 juin 2006 n'avait pour objet que de gérer la situation de l'immeuble dans l'attente d'une vente imminente qui n'a jamais été réalisée la promesse de vente étant devenue caduque le 31 décembre 2011.
Elle fait valoir qu'en tout état de cause si l'EURL Dege Holding et M. [C] étaient locataires il ne pouvaient convenir d'un bail dérogatoire au profit de M. [F] mais seulement d'une sous-location.
M. [F] soutient qu'il est bien titulaire d'un bail dérogatoire consenti par l'EURL Dege Holding représentée par M. [C] qui agissait en qualité de mandataire ou au moins en qualité de mandataire apparent de la SCI La Halle [Adresse 7] dans la mesure où l'EURL disposait des clefs de l'immeuble, lui a transmis le bail dérogatoire, lui a remis les avis de taxes foncières et compte tenu de la durée de son occupation dix années sans opposition de la SCI.
Il rappelle en outre qu'à défaut de mandat l'EURL Dege Holding et M. [C] étaient autorisés à sous-louer les locaux.
Il sera rappelé qu'en l'espèce les locaux étaient loués selon un bail commercial à la société Nordcuir qui exploitait un fonds de dépôt de cuir société rachetée par M. [C] et l'EURL Deg Holding en 2004, la société Nordcuir ayant cessé son activité en 2006.
M. [C] et l'EURL Dege Holding étant intéressés par l'achat des locaux ils ont signé la convention du 30 juin 2006 dans l'attente de la signature du compromis de vente.
Cette convention qui prévoyait bien la location des locaux à M. [C] ou toute société qui lui succèderait moyennant le paiement d'un loyer symbolique et le règlement des charges et taxes était manifestement destiné à soustraire les parties à l'application du régime des baux commerciaux dès lors que ce bail devait être de courte durée et avait pour échéance la signature d'une promesse de vente entre les parties des titres de la société propriétaire des lieux .
En effet selon l'article 145-5 du code de commerce les parties peuvent déroger au statut des baux commerciaux à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans à l'époque des faits ( trois ans depuis la loi du 18 juin 2014).
De surcroît l'adoption d'un bail dérogatoire permet la sous-location et également par le biais d'un sous-bail dérogatoire et en l'espèce cette possibilité de sous-location était expressément prévue
En application de l'article 145-5 alinéa 2 à l'expiration d'un délai de deux ans si au plus tard à l'issue d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession , il s'opère un nouveau bail soumis cette fois au statut des baux commerciaux.
En l'espèce au 31 juillet 2008 l'EURL Dege Holding et M. [C] sont restés en possession des lieux au moins avec l'accord implicite de la SCI dès lors que la signature de la promesse de vente constituant l'échéance n'est intervenue que le 15 décembre 2010 et n'est devenue caduque que le 31 décembre 2011.
Dès lors disposant d'un contrat de bail commercial à compter du 31 juillet 2008 ils étaient en capacité de consentir à M. [F] un sous-bail dérogatoire au 13 octobre 2009 au regard de l'autorisation formelle qui leur avait été accordée.
M. [F] est resté dans les lieux au delà de l'échéance du bail et a changé la destination de l'immeuble en y installant 8 logements d'habitation. Il a en outre installé un commerce dans le local de stockage.
Sur le sort des baux consentis
Au regard de ce qui précède la nullité du bail consenti à M. [F] ne saurait être prononcée et en cela le jugement doit être infirmé comme en ce qu'il a condamné l'EURL Dege Holding et M. [C] à rembourser le montant des loyers réglés par M. [F] ,ce qui rend sans objet la demande de retranchement.
L'EURL Dege Holding et M. [C] conteste toute faute commise dans l'exécution du bail les liant à la SCI La Halle [Adresse 7] et en particulier soutiennent avoir réglé la taxe foncière et avoir souscrit une assurance. Ils contestent toute dette à cet égard et s'opposent à la demande en paiement formée à ce titre par la SCI.
Ils considèrent que la SCI n'avait pas à intervenir à l'acte en date du 13 octobre 2009.
Ils demandent par ailleurs la résiliation du bail les liant à M. [F] qui n'a pas respecté les termes de la convention en procédant à une réaffectation des lieux à usage de stockage de marchandises en logements d'habitation sans autorisation et qui accuse un important arriéré de loyers et charges pour un montant de 76485 euros.
La SCI La Halle [Adresse 7] à défaut de nullité du bail en date du 13 octobre 2009 sollicite sa résiliation compte tenu des fautes commises par M. [F] mais également la résiliation de la convention la liant à l'EURL Dege Holding et M. [C] dans la mesure où les droits et taxes n'ont pas été remboursés et qu'aucune justification de l'assurance de l'immeuble n'est produite. Elle leur reproche également d'avoir consenti à M. [F] des droits sur l'immeuble dont ils ne disposaient pas.
M. [F] soutient qu'ayant été laissé dans les lieux à l'expiration du délai en application de l'article L 145-5 alinéa 2 il est désormais titulaire d'un bail commercial et que la SCI [Adresse 7] ne peut tirer profit des stipulations d'un contrat de bail auquel elle n'a pas été partie et qu'elle ne peut ainsi solliciter la résiliation du contrat de bail.
Dans l'hypothèse où il serait retenu que l'EURL Dege Holding et M. [C] n'ont agi que comme mandataires de la SCI, M. [F] soutient que la SCI a manifestement manqué à son obligation de délivrance au regard de l'insalubrité de l'immeuble loué, les travaux de remise en état ayant été évalués à 152813,10 euros TTC et qu'elle ne peut donc lui demander le règlement de loyers et qu'au contraire cela l'autorise à solliciter le remboursement des loyers versés. Il s'oppose à la résiliation du bail .
Il reconnaît avoir réalisé des travaux qui ont généré une plus-value pour l'immeuble même s'ils ont entraîné une modification de la destination des lieux dès lors qu'il a créé des logements mais soutient que ces travaux ont été exécutés avec l'accord à tout le moins implicite de la SCI et de la société Dege Holding cette dernière lui ayant adressé une lettre en 2020 faisant état d'un bail relatif à la maison d'habitation et par la SCI également qui dans ses conclusions prend acte de l'augmentation de la valeur de l'immeuble pour déterminer le montant de l'indemnité d'occupation ce qui constitue selon lui une acceptation dénuée d'équivoque.
Il soutient que les demandes de résiliation du bail formées par l'EURL Dege Holding et M. [C] attraits en la cause par la SCI ne se rattachent pas par un lien suffisant aux demandes de la SCI dès lors qu'elles se contredisent et s'excluent l'une l'autre, les deux parties faisant des demandes identiques à l'encontre d'une seule et même personne.
Sur le fond il fait valoir qu'ils n'ont pas qualité à agir n'étant pas le bailleur mais le mandataire de la SCI.
Il oppose également à l'EURL Dege Holding et M. [C] l'insalubrité de l'immeuble et leur oppose un manquement à l'obligation d edélivrance.
Le bail dérogatoire liant M. [F] à la société Dege Holding est un contrat de sous-location ainsi qu'il l'a été démontré précédemment.
Le locataire principal d'un bail commercial ce qui était le cas de la société Dege Holding au 13 octobre 2009 doit avoir l'autorisation de sous-louer mais doit également en application de l'article L 145-31 appeler le bailleur à concourir à l'acte de sous-location et ce même si la sous- location consiste en un bail dérogatoire. Au demeurant même le titulaire d'un bail dérogatoire est tenu d'appeler le bailleur à concourir à l'acte de sous-location.
Il est manifeste qu'en l'espèce seule la société Dege Holding est intervenue au sous-bail dérogatoire et que la SCI La Halle [Adresse 7] n'a pas été appelée à l'acte.
La sanction de l'absence de concours du bailleur est de rendre la sous-location inopposable au bailleur et qu'ainsi le sous-locataire ne peut se prévaloir d'un droit direct au renouvellement de son bail et le bailleur peut de ce fait obtenir la résiliation du bail principal et ce sauf s'il a renoncé à se prévaloir de l'irrégularité.
Il est admis que la connaissance ou la tolérance même prolongée du bailleur ne peuvent être assimilées à son concours à l'acte et ne l'empêchent aucunement par la suite d'agir en résiliation du bail.
En tout état de cause il est établi que depuis 2015 au moins la SCI La Halle du [Adresse 7] connaît l'existence de la sous-location mais que loin d'avoir renoncé à se prévaloir de l'absence de son concours à l'acte de sous-location elle a tenté de mettre un terme à ses travaux et d'obtenir son expulsion.
Il résulte des pièces versées aux débats par la société Dege Holding qu'elle n'est pas en mesure de justifier du paiement régulier des taxes foncières après l'année 2014 ni de la couverture par l'assurance après l'année 2014. Elle n'a pas en cela respecté ses obligations de locataire principal.
Par ailleurs le fait d'avoir consenti une sous-location par le biais d'un bail dérogatoire sans le concours du bailleur doit également conduire à prononcer la résiliation du bail principal existant entre la SCI La Halle du [Adresse 7] et l'EURL Dege Holding et M. [C].
La résiliation de ce bail principal entraîne la résiliation de la sous location qui était en toute hypothèse également encourue par le sous-locataire qui ne peut établir un paiement régulier du loyer et des charges alors que l'EURL Dege Holding et M. [C] justifient de nombreux rappels et de la délivrance de commandements de payer.
Il sera relevé à cet égard que M. [F] ne peut opposer le manquement à l'obligation de délivrance dès lors que si l'immeuble a été déclaré insalubre en 2019 au regard des huit logements aménagés par M. [F], cet état de fait est le résultat du changement de destination de l'immeuble décidé par lui seul sans l'accord de son bailleur alors même que l'immeuble loué n'était aucunement destiné à l'activité de location de logements d'habitation mais se trouvait être à usage de bureaux et de local de stockage.
Il convient en conséquence de prononcer la résiliation du bail principal et du sous-bail à la date du jugement entrepris soit le 21 juin 2021.
Sur les conséquences de la résiliation des baux
Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné l'expulsion de M.[F] en son principe et en ses modalités.
* sur les demandes de la SCI La Halle [Adresse 7]
M. [F] devenant occupant sans droit ni titre il est redevable à compter de la résiliation et jusqu'à la libération des lieux d'une indemnité d'occupation qui sera fixée au montant du loyer et des charges prévu par son contrat de bail et indexé à la somme de 600 euros.
La SCI La Halle [Adresse 7] n'est pas fondée en effet à solliciter une indemnité d'occupation d'une valeur de 2500 euros en se fondant sur l'état de l'immeuble et sa destination actuelle qu'elle n'a pas autorisée et dont au demeurant elle ne justifie pas.
Elle n'est pas davantage fondée à solliciter la condamnation solidaire de M. [F] et de l'EURL Dege Holding et M. [C] à lui payer une telle indemnité à compter du 15 octobre 2009 étant rappelé que si le bailleur peut agir en réajustement du loyer principal son action se prescrit par deux ans.
La SCI La Halle [Adresse 7] sollicite en outre le montant des taxes foncières dues de l'année 2016 à 2021 soit antérieurement à la résiliation du bail principal.
Il convient de faire droit à sa demande mais de condamner seulement l'EURL Dege Holding et M. [C] au paiement de la somme de 66197 euros majorations comprises au regard des avis d'imposition produits, le paiement des taxes foncières étant à sa charge au titre du bail principal et le sous-bail ne prévoyant pas de clause de solidarité.
La SCI La Halle [Adresse 7] sollicite enfin des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à la suite du non remboursement des taxes foncières et résultant de la privation de la disposition de son immeuble.
La SCI la Halle [Adresse 7] qui ne précise pas les raisons de l'échec de la vente de ses titres et ne s'explique pas sur son absence d'action à l'encontre de son locataire principal mais également à l'encontre de M. [F] sous-locataire durant plusieurs années ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque consistant dans l'empêchement de disposer de son immeuble.
Elle n'a en effet agi en référé qu'en avril 2016 l'instance ayant fait l'objet d'un retrait du rôle puis au fond en 2020 seulement.
S'agissant des taxes foncières elle n'a pas agi davantage à l'encontre de la scoiété Dege Holding durant plusieurs années.
Il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts.
* sur les demandes de l'EURL Dege Holding et M. [C]
Les demandes de l'EURL Dege Holding et M. [C] relatives au sous-bail dérogatoires ont un lien suffisant avec les demandes du bailleur principal et sont ainsi recevables.
L'EURL Dege Holding et M. [C] sollicitent le paiement des loyers dus au titre de la sous-location et restés impayés du mois de l'année 2016 au mois de novembre 2022 outre les taxes foncières de l'année 2016 à 2018 soit un total de 76485 euros.
M. [F] ne justifiant que de paiements et de virements jusqu'en 2015, ne justifie pas du règlement des loyers dont le paiement est sollicité.
Il convient de faire droit à la demande de l'EURL Dege Holding et M. [C] pour des loyers antérieurs à la résiliation du sous-bail étant rappelé que la sous-location conserve ses effets entre le locataire principal et le sous-locataire tant que le bail principal se poursuit.
Il est ainsi dû par M. [F] la somme de 66285 euros au mois de juin 2021 comprenant outre les loyers les taxes foncières des années 2016 à 2018.
M. [F] sera en outre tenu de garantir l'EURL Dege Holding et M. [C] du paiement des taxes foncières pour les années 2019 à 2021 non comprises dans le montant des sommes réclamées à M. [F].
* Sur les demandes de M. [F]
M. [F] sera débouté de sa demande relative au remboursement des travaux par lui exécutés dans l'immeuble sans autorisation et visant à modifier la destination de l'immeuble et de sa demande tendant au remboursement des loyers par lui acquittés au demeurant formée contre le seul bailleur principal et auquel il n'est pas fondé à opposer un manquement à l'obligation de délivrance.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner in solidum L'EURL Dege Holding et M. [C] et M. [F] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.
Il convient de condamner in solidum l'EURL Dege Holding et M. [C] ainsi que M. [F] à payer à la SCI La Halle [Adresse 7] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme la décision entreprise excepté en ce qu'elle a prononcé l'expulsion de M. [F] en son principe et ses modalités ;
Statuant à nouveau ;
Prononce la résiliation du bail principal en date du 30 juin 2006 et du sous-bail en date du 13 octobre 2009 à compter du 21 juin 2021 ;
Condamne M. [G] [F] à payer à la SCI La Halle [Adresse 7] une indemnité d'occupation d'un montant de 600 euros à compter de la résiliation des baux et jusqu'à la restitution effective des lieux ;
Condamne l'EURL Dege Holding représentée par M. [C] à payer à la SCI La Halle [Adresse 7] la somme de 66197 euros au titre des taxes foncières dues pour les années 2016 à 2021 ;
Dit que M. [F] devra garantir l'EURL Dege Holding représentée M. [C] du paiement de taxes foncières pour les années 2019 à 2021 ;
Déboute la SCI La Halle [Adresse 7] de sa demande de dommages et intérêt ;
Condamne M. [G] [F] à payer à l'EURL Dege Holding représentée par M. [C] la somme de la somme de 66285 euros due au mois de juin 2021 au titre des loyers antérieurs à la résiliation du bail et des taxes foncières de 2016 à 2018 ;
Déboute M. [F] de ses demandes tendant à voir constater l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre tant par la SCI La Halle [Adresse 7] que par la société Dege Holding, tendant à la condamnation de la SCI La Halle [Adresse 7] au remboursement des loyers et charges par lui acquittés et au remboursement des frais de remise en état de l'immeuble et de sa demande en paiement de la somme de 52500 euros formée à l'encontre de l'EURL Dege Holding et M. [C] ;
Dit sans objet la demande de retranchement ;
Condamne in solidum l'EURL Dege Holding et M. [C] ainsi que M. [F] à payer à la SCI La Halle [Adresse 7] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et à hauteur d'appel ;
Les condamne in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Montigny-Doyen.