CA Bastia, ch. civ. b, 7 décembre 2011, n° 11/00017
BASTIA
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
MOZZICONACCI
Défendeur :
SARL SOCIETE PIERRE GORI ENTREPRISE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. LAVIGNE
Conseillers :
M. HOAREAU, Mme ALZEARI
Avoué :
Me ALBERTINI
Avocats :
Me SOLLACARO, SCP CANARELLI
ORIGINE DU LITIGE :
Suivant devis accepté du 8 janvier 1998 d'un montant de 9.878,70 euros, Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI a confié à la SARL SOCIETE PIERRE GORI ENTREPRISE (ci-après la SPGE) la fourniture et la pose de menuiseries intérieures dans sa maison sise à PORTIGLIOLI sur le territoire de la commune de PROPRIANO.
Se plaignant de malfaçons, Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI a obtenu la désignation d'un expert le 1er août 2008 puis, au vu du rapport d'expertise déposé le 3 mars 2009, a assigné par acte du 6 octobre 2009 la SPGE en réparation.
Par jugement contradictoire du 23 septembre 2010, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a débouté Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI de toutes ses demandes comme prescrites et l'a condamné à payer à la SPGE la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
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ETAT DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR :
Par déclaration remise au greffe le 11 janvier 2011, Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI a relevé appel de toutes les dispositions de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées le 11 avril 2011, il demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- dire et juger que la responsabilité contractuelle est applicable,
- ordonner une nouvelle expertise,
- déclarer l'intimée responsable des désordres et malfaçons constatés par l'expert,
- condamner l'intimée à effectuer sous astreinte les travaux de reprise nécessaires à la mise en conformité de l'ouvrage,
- condamner l'intimée au paiement de la somme correspondant au montant des travaux destinés à remédier aux défauts d'exécution et de finition, de la somme de 2.500 euros au titre du préjudice subi et de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile .
Par conclusions récapitulatives du 21 avril 2011, la SPGE, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur Charles GORI, demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- débouter en conséquence l'appelant de toutes ses demandes,
- reconventionnellement, le condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 septembre 2011 avec renvoi de l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 27 octobre 2011.
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SUR QUOI LA COUR :
La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
Le rapport d'expertise judiciaire établi par Monsieur de Castelli le 3 mars 2009 procède d'un examen complet et d'une analyse précise des données techniques de la cause. Les conclusions proposées s'appuient sur une démonstration rigoureuse et cohérente. L'expert a en outre répondu à toutes les observations formulées par les parties. Enfin, le rapport n'encourt aucune critique d'ordre juridique et technique, l'appelant limitant ses griefs au montant des estimations effectuées.
Ce document peut dès lors servir de base à la discussion et il convient de rejeter la demande de nouvelle expertise formulée par Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI en appel.
Il résulte, des énonciations du rapport d'expertise, que les travaux confiés par l'appelant à la société intimée ont consisté en la fabrication et la pose, dans la maison à usage d'habitation appartenant à l'appelant, de quatorzes éléments de menuiserie constitués par des portes et des façades de placard ainsi qu'en la pose de voliges et la confection d'un meuble de télévision.
L'expert a relevé, sur l'ensemble des éléments installés, des défauts de fabrication, de finition et de pose. C'est ainsi que les poignées commandant l'ouverture ne sont pas entièrement solidarisées avec le pêne et présentent du 'jeu' ; que les assemblages des traverses sur les montants verticaux sont assurés par des clous alors qu'ils auraient dû être chevillés en bois ; que les tenons des traverses présentent une légère saillie par rapport au montant extérieur ; qu'il existe sur le pourtour des panneaux un petit liséré de teinte moins foncée que le reste du panneau; que dans les salles de bains et les toilettes, il existe un interstice d'environ un centimètre et demi entre les chambranles et les dormants des portes.
Selon l'expert, ces défauts ne mettent pas en cause la solidité des ouvrages ni ne les rendent impropres à sa destination ; leur inconvénient est essentiellement d'ordre esthétique ; le coût de la remise en état s'établit à 1.292, 94 euros ; dans la mesure où ils n'ont aucune conséquence sur les conditions d'habitation de la villa, le préjudice subi par Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI est très limité.
En se fondant sur les énonciations de ce rapport et ce à juste titre pour les motifs qui précèdent, le premier juge a considéré qu'ils ne relevaient pas de la garantie décennale prévue par l'article 1792 du code civil, dont les conditions d'application ne sont pas réunies. Il a estimé que la garantie légale applicable était la garantie de bon fonctionnement édictée par l'article 1792-3 du même code mais qu'elle se heurtait en l'espèce au délai biennal de forclusion.
Pour obtenir l'infirmation de cette décision, l'appelant soutient, dans un premier moyen que les désordres sont bien de nature décennale car ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination s'agissant de désordres esthétiques de grande ampleur affectant une villa de grand standing ; dans un second moyen, subsidiaire, que la responsabilité contractuelle de la société SPGE est engagée par les fautes caractérisées qu'elle a commises dans l'exécution des travaux et également par le non-respect de l'engagement qu'elle avait pris le 1er juillet 2004 en vue de procéder à l'ensemble des réfections nécessaires.
L'intimée s'approprie pour sa part les motifs retenus dans le jugement pour conclure à la confirmation de celui-ci.
C'est par des motifs pertinents et non sérieusement critiqués que le premier juge a écarté l'application de la garantie décennale après avoir relevé que les désordres litigieux, dont on rappellera qu'ils s'analysent en défauts esthétiques affectant des éléments détachables de menuiseries, ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage, ne le rendent pas impropre à sa destination, le caractère de grand standing de la villa relevant de l'affirmation gratuite, et enfin n'affectent pas la solidité d'un élément d'équipement indissociable.
En revanche, les malfaçons affectant la menuiserie comme en l'espèce relèvent typiquement de la garantie biennale de bon fonctionnement de l' article 1792-3 du code civil en ce qu'ils affectent des éléments d'équipement qui ne font pas indissociablement corps avec l'ouvrage au sens de l'article 1792-2 du même code mais que l'on peut au contraire déposer, démonter ou remplacer sans détérioration ou enlèvement de matière.
C'est donc à bon droit que le tribunal s'est placé sur ce fondement juridique pour statuer sur l'action en réparation dont il était saisi et qu'il a constaté que celle-ci était prescrite. En effet, l'appelant ne conteste pas que le paiement intégral de la facture de travaux intervenu le 21 novembre 1998 équivaut de sa part à une réception tacite et sans réserves des travaux. Dès lors, la forclusion biennale était acquise lorsqu'il a exercé l'action en réparation en juillet 2008.
Enfin, une fois la prescription acquise, le maître de l'ouvrage ne peut invoquer un autre fondement pour demander réparation du même type de dommage ; par ailleurs, l'appelant n'apporte, en dehors de ses affirmations, aucun élément permettant de constater l'existence de l'accord , dénié par l'intimée, par lequel celle-ci se serait engagée à entreprendre les travaux de réfection. Les demandes ne peuvent dès lors être accueillies sur le fondement, subsidiaire, de la responsabilité contractuelle de la société SPGE.
Il convient en définitive de confirmer le jugement déféré déboutant Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI de toutes ses demandes, le condamnant aux dépens et au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile dont il a été fait une juste application.
Pour autant, l'action exercée par l'appelant ne présente aucun caractère abusif et il convient de rejeter la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée de ce chef par l'intimée.
En revanche, une nouvelle condamnation au paiement de la même somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles supportées par celle-ci doit être ajoutée en cause d'appel.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Dit Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI non fondé en son appel,
Le déboute de sa demande d'expertise,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute la SARL SOCIETE PIERRE GORI ENTREPRISE de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI à payer la SARL SOCIETE PIERRE GORI ENTREPRISE la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 euros) en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile ,
Condamne Monsieur Jean-Baptiste MOZZICONACCI aux dépens.