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Décisions

CA Angers, 1re ch. a, 31 mai 2011, n° 10/02081

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

S.A.S. SEDIS

Défendeur :

S.A.S. JF CESBRON

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Me VERDUN

Conseillers :

Me RAULINE, Me LECAPLAIN-MOREL

Avoués :

SCP GONTIER - LANGLOIS, SCP CHATTELEYN ET GEORGE

Avocats :

Me ALIROL, Me BOISNARD

T. com. ANGERS, du 27 juillet 2010

27 juillet 2010

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Sedis a fait construire un supermarché à PUYGOUZON (Tarn), confiant la conception et l'exécution du lot 'froid' (vitrines, chambres froides et groupes frigorifiques), à la SAS JF Cesbron. La livraison et la mise en exploitation des équipements sont intervenues au mois d'août 2007.

Le frigoriste a assuré la maintenance des installations, d'abord dans le cadre du service après-vente puis en vertu d'un contrat d'entretien, moyennant une redevance annuelle forfaitaire de 20 326,79 €, payable d'avance. Ce contrat, proposé le 1er octobre 2008, n'a été accepté par le client qu'ultérieurement, après qu'une panne importante se soit déclarée sur l'installation au mois de janvier 2009.

Suite à un refus d'intervention de la SAS JF Cesbron, cette panne a été réparée par une société tierce, basée à Toulouse. Les parties se sont rapprochées au mois d'avril 2009, la SAS Sedis s'engageant à signer le contrat de maintenance en contrepartie de quoi la SAS JF Cesbron s'engageait à remettre en état le groupe froid et positif, et à restituer au prestataire intervenu au mois de janvier une quantité de gaz fréon équivalente à celle qu'il avait livrée. Ce prestataire a refusé cette restitution, invoquant son illicéité, et a exigé de la SAS Sedis le paiement intégral de ses factures. Le contrat de maintenance a néanmoins été souscrit, prenant effet à compter du mois de septembre 2009.

Par acte d'huissier de justice du 30 avril 2010, la SAS JF Cesbron a, après une mise en demeure restée vaine, fait assigner la SAS Sedis devant le juge des référés commerciaux d'ANGERS afin de l'entendre condamner à lui verser une somme provisionnelle de 3 242,42 €, constituée de pénalités de retard conventionnelles pour 2 279,58 €, et d'un solde d'impayé de factures établies entre le 24 juin et le 5 décembre 2008.

Par une ordonnance du 27 juillet 2010, le juge des référés a estimé que cette demande ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, et écartant l'exception de compensation invoquée par la SAS Sedis, condamné celle-ci à verser à la SAS JF Cesbron la somme provisionnelle de 3 242,42 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2009, déboutant la SAS JF Cesbron de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive mais lui accordant une indemnité de procédure de 2 000 €.

La SAS Sedis a relevé appel de cette décision, par déclaration du 17 août 2010.

Les parties ont constitué avoué et conclu. La clôture de l'instruction a été prononcée le 31 mars 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions déposées par la SAS Sedis le 17 mars 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles elle demande à la cour :

d'infirmer l'ordonnance entreprise,

de constater l'existence d'une contestation sérieuse quant à l'existence de l'obligation à paiement que revendique la SAS JF Cesbron, laquelle était tenue d'une garantie de bon fonctionnement de 2 ans dans laquelle s'inscrivaient les prestations qui lui ont été facturées à tort,

de déclarer la SAS JF Cesbron responsable des dommages causés par les dysfonctionnements de ses installations et de la condamner à ce titre à lui rembourser la somme de 14 179,20 € correspondant aux factures d'intervention du prestataire auquel elle a dû faire appel pour remédier à la panne du mois de janvier 2009,

subsidiairement, de lui allouer cette somme avancée pour des opérations de réparations et de maintenance normalement dévolues à la SAS JF Cesbron,

de condamner celle-ci à lui verser une somme de 4 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

de la condamner aux entiers dépens de l'instance.

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Vu les dernières conclusions déposées par la SAS JF Cesbron le 3 mars 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles elle sollicite :

la confirmation de l'ordonnance déférée, au constat que le solde de facturation qu'elle invoque n'est pas sérieusement contestable, que ce soit du chef des pénalités de retard pour des paiements tardifs qui ont été de 5 à 16 mois, ou pour les interventions facturées et sans rapport avec le service après-vente ou le contrat d'entretien, que la garantie légale de bon fonctionnement ne s'applique pas aux équipements litigieux en application de l'article 1792-7 du Code civil, issu de l'ordonnance du 8 juin 2005 et qu'en toute hypothèse, les réparations facturées sont sans rapport avec la maintenance des installations de froid,

le rejet de la demande en compensation avec une créance indemnitaire que le juge des référés n'a pas compétence pour trancher,

la condamnation de la SAS Sedis à lui verser une indemnité de 3 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

sa condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel.

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MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l'existence de contestations sérieuses

Attendu qu'il ressort des pièces produites que la créance de 3 242,42 € qu'invoque la SAS JF Cesbron est constituée, à concurrence de 2 219,78 €, de pénalités de retard appliquées à 13 factures émises entre le 24 juin 2008 et le 14 octobre 2009 (pièce de la SAS JF Cesbron n° 44) ;

Que, pour contester l'exigibilité de ces pénalités, stipulées tant aux conditions générales de vente du prestataire, qu'à l'article XII du contrat d'entretien, dans des termes et conditions rappelées au recto de chacune des factures émises, la SAS Sedis soutient que le principal n'était pas dû dès lors les prestations et interventions facturées relevaient de l'exécution de la garantie biennale de bon fonctionnement à laquelle la SAS JF Cesbron était tenue en application des articles 12 du marché initial et 1792-3 du Code civil ;

Mais attendu que, sur la garantie légale, force est de constater que le marché initial passé, aux dires de la SAS Sedis, le 11 juin 2007, porte sur des éléments d'équipements destinés de manière exclusive à l'exercice d'une activité professionnelle ; qu'il relève, par conséquent, du champ de l'exception édictée par l'article 1792-7 du Code civil qui, issu de l'ordonnance du 8 juin 2005, écarte la garantie légale de bon fonctionnement pour ce type d'équipement dans les marchés passés après le 9 juin 2005 ; qu'il s'ensuit que la SAS Sedis n'est pas fondée à invoquer le bénéfice de la garantie biennale prévue à l'article 1792-3 du Code civil ;

Quant à la garantie conventionnelle de bon fonctionnement, la SAS JF Cesbron affirme ne l'avoir accordée que pour un an, ce que conforte le fait qu'elle ait établi une proposition de contrat d'entretien dès le 1er octobre 2008, au terme de la première année d'utilisation des équipements ; que l'appelante s'abstenant curieusement de produire le contrat du 11 juin 2007 dont elle prétend tirer ses droits, n'apporte pas la preuve qui lui incombe du sérieux de sa contestation de l'exigibilité du principal et des pénalités de retard qui en sont l'accessoire ;

Que l'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a retenu que cette contestation n'était pas susceptible de faire obstacle au paiement de la provision réclamée ;

II) Sur l'exception de compensation

Attendu que la SAS Sedis s'estime créancière envers la SAS JF Cesbron du montant des factures d'intervention de la société tierce à laquelle elle a été contrainte de s'adresser pour assurer le dépannage en urgence de ses installations frigorifiques des mois de janvier à avril 2009 ; qu'elle affirme, au soutien de cette demande en garantie, que la SAS JF Cesbron aurait engagé sa responsabilité contractuelle d'abord, en refusant d'intervenir nonobstant son contrat d'entretien, ensuite en se montrant défaillante dans son obligation de maintenance comme le révélerait la survenue d'une panne importante sur le système frigorifique ; qu'elle affirme également que le frigoriste aurait reconnu sa responsabilité dans la survenance de ce sinistre en cherchant à transiger avec l'entreprise tierce pour qu'elle ne facture pas la fourniture de fluides qu'elle lui proposait de lui restituer en nature ;

Mais attendu, de première part, que les courriers échangés entre les parties après la panne survenue au mois de janvier 2009 révèlent que lorsque la SAS JF Cesbron a refusé d'intervenir, le contrat de maintenance des installations frigoriques n'avait toujours pas été accepté par la SAS Sedis qui s'estimait, à tort, bénéficiaire de la garantie légale de bon fonctionnement ainsi qu'il ressort de ses lettres des 27 mars et 31 juillet 2009 (ses pièces n° 8 et 9) ; que le moyen pris d'une défaillance dans l'exécution d'un contrat de maintenance inexistant manque donc en fait ;

Qu'ensuite, si la survenance d'une panne grave, ayant entraîné l'arrêt complet des installations 16 mois seulement après leur mise en exploitation permet de douter de la qualité des équipements et des prestations fournies par la SAS JF Cesbron, la créance indemnitaire susceptible d'en résulter n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible ; qu'elle ne permet pas à la SAS Sedis de se prévaloir d'une compensation, en l'état purement éventuelle, pour faire échec à la demande de provision à valoir sur une créance d'intérêts de retard liquide et exigible ;

Qu'enfin, et contrairement à ce qu'affirme l'appelante, la SAS JF Cesbron n'a pas cherché à 'transiger' directement avec l'entreprise tierce mais à remplir l'engagement qu'elle avait souscrit envers sa cliente au mois d'avril 2009 de restituer en nature la quantité de gaz fréon fournie par cette entreprise ; que cet engagement avait pour contrepartie celui pris par la SAS Sedis de souscrire un contrat d'entretien dans les conditions proposées par le frigoriste ; que l'équivoque résultant de ce contexte transactionnel interdit d'en déduire une quelconque reconnaissance de responsabilité de la part de la SAS JF Cesbron, ou un quelconque engagement de prendre en charge les frais d'intervention de son concurrent ;

Qu'il s'ensuit que la SAS Sedis n'invoquant qu'une créance indemnitaire éventuelle, ne peut qu'en être déboutée de sa demande en compensation ou en paiement d'une provision à valoir sur cette créance, ce qui conduit à une confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il n'existe aucune considération d'équité qui permette de dispenser la SAS Sedis de contribuer aux frais irrépétibles qu'a dû exposer son adversaire pour défendre à son appel infondé ; qu'il lui sera fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, dans les limites prévues au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME l'ordonnance déférée, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Sedis à payer à la SAS JF Cesbron une indemnité de 1 600 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La CONDAMNE aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.