Décisions
CA Bourges, 1re ch., 11 juillet 2024, n° 24/00044
BOURGES
Arrêt
Autre
VS/RP
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- SCP AVOCATS CENTRE
- SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT
LE : 11 JUILLET 2024
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 JUILLET 2024
N° - Pages
N° RG 24/00044 - N° Portalis DBVD-V-B7I-DTUH
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 12 Décembre 2023
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [E] [R]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9] (Tunisie)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Stéphanie VAIDIE de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANT suivant déclaration du 15/01/2024
II - M. [Y] [K]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Philippe JUNJAUD de la SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT, avocat au barreau de CHATEAUROUX
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
- CPAM DE L'YONNE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 3]
[Localité 7]
Non représentée
Suivants déclaration d'appel et conclusions signifiées par commissaire de justice les 15 février et 11 avril 2024 à personne habilitée
INTIMÉE
11 JUILLET 2024
N° /2
- S.C.P. CENTREHUIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
N° SIRET : 305 91 6 0 17
Représentée par Me Philippe JUNJAUD de la SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT, avocat au barreau de CHATEAUROUX
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Mai 2024 en audience publique, la Cour étant composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
***************
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
***************
EXPOSÉ
Le 13 août 2021, la caisse primaire d'assurance-maladie du département de l'Yonne a émis une contrainte d'un montant de 4124,80 € à l'encontre de [E] [R].
Ce dernier a découvert le 9 juin 2023, alors qu'il devait récupérer à [Localité 7] un nouveau véhicule, que le certificat d'immatriculation de ce dernier avait fait l'objet d'une saisie.
Un procès-verbal de saisie-attribution en date du 28 juin 2023 lui était également remis de 13 juillet suivant par le clerc de l'étude de commissaires de justice CENTREHUIS, ainsi que la dénonciation de cet acte du 30 juin 2023.
Par un courrier électronique du 18 juillet 2023, Maître [K], commissaire de justice, a répondu à Monsieur [R] que les sommes restant dues sont relatives à la saisie-attribution, en l'occurrence 998,03 €, et conditionnent la levée de l'indisponibilité de la carte grise sous 24 heures.
Le même jour, Monsieur [R] a réglé par virement à l'étude de commissaire de justice la somme de 587,35 € au titre des frais de procédure antérieurs au 14 juin 2023.
Puis, par acte du 31 juillet 2023, il a fait assigner la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Yonne, la SCP CENTREHUIS et Maître [K] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Châteauroux aux fins, principalement, d'annulation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de ses quatre véhicules ainsi que du procès-verbal de saisie-attribution du 28 juin 2023.
Par jugement du 12 décembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Châteauroux a :
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande formée par M. [R] tendant à l'annulation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 5 juin 2023 ;
- Rejeté les demandes formées par M. [R] tendant à l'annulation de la saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 et à sa mainlevée ;
- Validé en tant que de besoin la saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à ce que les frais de recouvrement soient mis à la charge de la CPAM de l'Yonne ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation de la CPAM de l'Yonne au versement des sommes de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et de 500 € en réparation de son préjudice matériel ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à ce que les frais de recouvrement soient mis solidairement à la charge de la SCP Centrehuis et de Me [K] ;
- Rejeté la demande formée par M. [R] tendant à la condamnation solidaire de la SCP Centrehuis et de Me [K] à lui rembourser le montant des paiements prétendument indus des actes relatifs à l'indisponibilité du certificat d'immatriculation ;
- Dit que la SCP Centrehuis et que Me [K] n'ont commis aucune faute, ni aucun abus de saisie ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SCP Centrehuis et de Me [K] au versement des sommes de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et de 500 € en réparation de son préjudice matériel ;
- Condamné M. [R] aux entiers dépens.
[E] [R] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 15 janvier 2024 et demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 17 mai 2024, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :
Rejeter les fins de non-recevoir opposées par les intimés ;
- Juger recevable son appel ;
- Juger irrecevables les conclusions comme les pièces de la CPAM de l'Yonne
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- Rejeté les demandes formées par M. [R] tendant à l'annulation de la saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 et à sa mainlevée ;
- Validé en tant que de besoin la saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à ce que les frais de recouvrement soient mis à la charge de la CPAM de l'Yonne ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation de la CPAM de l'Yonne au versement des sommes de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et de 500 € en réparation de son préjudice matériel ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à ce que les frais de recouvrement soient mis solidairement à la charge de la SCP Centrehuis et de Me [K] ;
- Rejeté la demande formée par M. [R] tendant à la condamnation solidaire de la SCP Centrehuis et de Me [K] à lui rembourser le montant des paiements indus des actes relatifs à l'indisponibilité du certificat d'immatriculation ;
- Dit que la SCP Centrehuis et que Me [K] n'ont commis aucune faute, ni aucun abus de saisie ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SCP Centrehuis et de Me [K] au versement des sommes de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et de 500 € en réparation de son préjudice matériel ;
- Condamné M. [R] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
- Annuler la saisie attribution pratiquée le 28 juin 2023 ;
- Condamner la SCP Centrehuis, Me [K] et la CPAM de l'Yonne à lui payer la somme totale de 5 500 € à titre de dommages-intérêts ;
- Rejeter les demandes de la CPAM de l'Yonne, de la SCP Centrehuis et de Me [K] ;
- Condamner la SCP Centrehuis et Me [K] aux entiers dépens ainsi qu'à payer 5 000 € à M. [R] au titre des frais irrépétibles.
La SCP CENTREHUIS et [Y] [K], commissaires de justice, intimés, demandent pour leur part à la cour, dans leurs dernières écritures en date du 2 avril 2024, à la lecture desquelles il est également expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de déclarer, à titre principal, irrecevable l'appel interjeté par Monsieur [R] et, à titre subsidiaire, de confirmer les dispositions du jugement entrepris, de débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à leur verser une indemnité de 3000 € à chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La caisse primaire d'assurance-maladie de l'Yonne n'a pas constitué avocat devant la cour, mais a fait parvenir un courrier électronique le 6 mai 2024 dans lequel elle sollicite que l'appel de Monsieur [R] soit déclaré irrecevable, que le jugement soit confirmé et que l'appelant soit condamné à lui verser la somme de 500 € « en réparation du préjudice de désorganisation de la CPAM ».
SUR QUOI
Il doit être rappelé, à titre liminaire, que s'agissant d'une procédure avec représentation obligatoire, la cour n'est pas valablement saisie des prétentions contenues dans le courrier électronique adressé le 6 mai 2024 par la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Yonne, laquelle n'a pas dûment constitué avocat.
I) Sur la recevabilité de l'appel de Monsieur [R] :
Selon les articles R. 121-19 et R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution « sauf dispositions contraires, la décision du juge de l'exécution peut être frappée d'appel à moins qu'il ne s'agisse d'une mesure d'administration judiciaire » et « le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification de la décision. L'appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure prévue à l'article 905 du code de procédure civile ou à la procédure à jour fixe ».
Il résulte des pièces du dossier (pièce numéro 23 du dossier de l'appelant) que la décision rendue le 12 décembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Châteauroux a fait l'objet d'une notification par le greffe de cette juridiction par courrier recommandé portant le numéro 2C18033792106 daté du 20 décembre 2023.
Si l'accusé de réception de celui-ci comporte la signature de l'appelant et la mention de la date « 23/12/2023 », il convient de constater, d'une part, que cette date n'a pas été mentionnée après les termes « distribué le », mais après les termes « présenté / avisé le » et, d'autre part, que la fiche de suivi du courrier recommandé 2C18033792106 établie par la Poste (pièce numéro 24) montre que celui-ci a, en réalité, « été distribué à son destinataire contre sa signature » le jeudi 4 janvier 2024.
Il en résulte que l'appel interjeté par Monsieur [R] le 15 janvier 2024, soit dans le délai de 15 jours prescrit par les textes ci-dessus rappelés, devra être déclaré recevable.
II) sur les demandes formées par Monsieur [R] :
Il doit être rappelé qu'en application du 3ème alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion »
Dès lors, la cour n'est saisie, outre la demande d'annulation de la saisie-attribution du 28 juin 2023, que de la demande, figurant au dispositif des dernières écritures de l'appelant notifiées par RPVA le 17 mai 2024, tendant à la condamnation de la SCP Centrehuis, de Me [K] et de la CPAM de l'Yonne au paiement de la somme de 5500 € à titre de dommages-intérêts, en dépit des énonciations figurant en page 7 desdites écritures faisant état d'un « préjudice moral qui peut être estimé à 5000 € » ainsi que d'un préjudice matériel résultant de la privation de son véhicule entre le 14 juin et courant septembre 2023 « qui peut être estimé à 5000 € ».
Au soutien de ses demandes, Monsieur [R] rappelle en premier lieu que selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il reproche à la SCP CENTREHUIS et à Maître [K] d'avoir commis une faute au sens de ce texte en engageant à son encontre des actes de recouvrement forcé et en maintenant des saisies conservatoires après le 14 juin 2023, date à laquelle la caisse primaire d'assurance-maladie leur avait pourtant demandé de mettre un terme au recouvrement forcé et aux mesures conservatoires.
Il doit être à cet égard rappelé qu'en application du premier alinéa de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, « à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l' exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés ».
Il est constant qu'en vertu d'une contrainte portant le numéro 1801564726 établie le 13 août 2021, Monsieur [R] se trouvait débiteur envers la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Yonne d'une somme de 4124,80 €, laquelle n'avait toujours pas été réglée lorsque la SCP CENTREHUIS, mandatée par la créancière, a délivré à l'appelant un commandement aux fins de saisie-vente le 26 mai 2023, puis a pratiqué à une saisie administrative des certificats d'immatriculation de ces véhicules le 5 juin suivant.
Il ne saurait donc être soutenu, au sens du texte précité, que ces actes d'exécution forcée n'étaient manifestement pas nécessaires au moment où ils ont été réalisés, de sorte que les frais en résultant doivent être mis à la charge de Monsieur [R], débiteur.
Il est exact que Monsieur [R] justifie avoir réglé le principal de la dette ' soit 4124,80 € ' à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne le 14 juin 2023, de sorte que cette dernière a adressé le même jour à la SCP CENTREHUIS un courrier électronique ainsi rédigé : « Maître, nous vous informons que le docteur [R] [E] a réglé son indu réf. 1801564726 d'un montant de 4124,80 €. L'indu est à ce jour soldé. Nous vous remercions de bien vouloir stopper la procédure de recouvrement forcé (') » (pièce numéro 8 de son dossier).
Pour autant, et en application du texte précité, il demeurait débiteur des frais des actes d'exécution forcée d'ores et déjà réalisés, soit la somme de 990,03 €, étant observé que ces frais ont fait l'objet d'un règlement partiel par Monsieur [R] dans le cadre d'un virement intervenu le 18 juillet 2023, soit postérieurement à la saisie attribution critiquée.
En conséquence, la mesure de saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 apparaît justifiée par l'existence de frais non réglés d'actes d'exécution forcée antérieurs au 14 juin 2023 ' cette saisie-attribution comprenant un décompte précis des sommes réclamées déduisant la somme de 4124,80 € au titre de « versements directs » ' (pièce numéro 9), et ne saurait donc revêtir un caractère fautif au sens des dispositions de l'article 1240 du code civil précité, ainsi que cela a été pertinemment retenu par le premier juge.
Monsieur [R] estime, en outre, que cette mesure de saisie-attribution a été réalisée au mépris du principe de proportionnalité prévu à l'article L 111 ' 7 du code des procédures civiles d'exécution selon lequel « le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ».
Toutefois, au regard de la somme restant due au titre des frais d'actes d'exécution forcée devant être réglés par Monsieur [R], il n'est pas établi que la saisie attribution critiquée excéderait, au sens du texte précité, ce qui se révèle nécessaire pour en obtenir le paiement.
C'est par ailleurs en vain que l'appelant conclut à l'existence d'une faute du commissaire de justice résultant d'une méconnaissance du barème des émoluments en application des articles A 444-13 et suivants du code de commerce, s'agissant de l'application du coefficient 2, dès lors qu'un tel coefficient était applicable au regard de la créance initiale de la caisse primaire d'assurance-maladie (4124,80 €) en application de l'article A 444-46 du même code selon lequel « Lorsque les actes, formalités ou requêtes sont relatifs à une obligation pécuniaire déterminée, les émoluments fixes indiqués aux sous-sections 1 à 3 de la présente section sont multipliés par les coefficients suivants :
1° Si le montant de l'obligation est compris entre 0 et 128 euros : coefficient 0,5 ;
2° Si ce montant est supérieur à 128 euros et inférieur ou égal à 1280 euros : coefficient1;
3° S'il est supérieur à 1 280 euros : coefficient 2. »
C'est en conséquence à juste titre que le juge de l'exécution a considéré que la saisie-attribution litigieuse à laquelle la SCP CENTREHUIS a pratiqué le 28 juin 2023 n'était ni nulle, ni inutile, ni abusive et a, en conséquence, rejeté à bon droit les demandes formées par Monsieur [R].
Ce dernier, succombant ainsi à ses demandes, devra supporter les entiers dépens d'appel, sans qu'aucune considération d'équité ne commande en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCP CENTREHUIS et de Maître [K].
PAR CES MOTIFS
La cour
' Déclare recevable l'appel formé par [E] [R]
' Confirme le jugement entrepris
Y ajoutant,
' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
' Dit que les entiers dépens d'appel seront à la charge de [E] [R].
L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le President
S. MAGIS O. CLEMENT
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- SCP AVOCATS CENTRE
- SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT
LE : 11 JUILLET 2024
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 JUILLET 2024
N° - Pages
N° RG 24/00044 - N° Portalis DBVD-V-B7I-DTUH
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 12 Décembre 2023
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [E] [R]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9] (Tunisie)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Stéphanie VAIDIE de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANT suivant déclaration du 15/01/2024
II - M. [Y] [K]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Philippe JUNJAUD de la SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT, avocat au barreau de CHATEAUROUX
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
- CPAM DE L'YONNE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 3]
[Localité 7]
Non représentée
Suivants déclaration d'appel et conclusions signifiées par commissaire de justice les 15 février et 11 avril 2024 à personne habilitée
INTIMÉE
11 JUILLET 2024
N° /2
- S.C.P. CENTREHUIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
N° SIRET : 305 91 6 0 17
Représentée par Me Philippe JUNJAUD de la SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT, avocat au barreau de CHATEAUROUX
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Mai 2024 en audience publique, la Cour étant composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
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ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ
Le 13 août 2021, la caisse primaire d'assurance-maladie du département de l'Yonne a émis une contrainte d'un montant de 4124,80 € à l'encontre de [E] [R].
Ce dernier a découvert le 9 juin 2023, alors qu'il devait récupérer à [Localité 7] un nouveau véhicule, que le certificat d'immatriculation de ce dernier avait fait l'objet d'une saisie.
Un procès-verbal de saisie-attribution en date du 28 juin 2023 lui était également remis de 13 juillet suivant par le clerc de l'étude de commissaires de justice CENTREHUIS, ainsi que la dénonciation de cet acte du 30 juin 2023.
Par un courrier électronique du 18 juillet 2023, Maître [K], commissaire de justice, a répondu à Monsieur [R] que les sommes restant dues sont relatives à la saisie-attribution, en l'occurrence 998,03 €, et conditionnent la levée de l'indisponibilité de la carte grise sous 24 heures.
Le même jour, Monsieur [R] a réglé par virement à l'étude de commissaire de justice la somme de 587,35 € au titre des frais de procédure antérieurs au 14 juin 2023.
Puis, par acte du 31 juillet 2023, il a fait assigner la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Yonne, la SCP CENTREHUIS et Maître [K] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Châteauroux aux fins, principalement, d'annulation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de ses quatre véhicules ainsi que du procès-verbal de saisie-attribution du 28 juin 2023.
Par jugement du 12 décembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Châteauroux a :
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande formée par M. [R] tendant à l'annulation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 5 juin 2023 ;
- Rejeté les demandes formées par M. [R] tendant à l'annulation de la saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 et à sa mainlevée ;
- Validé en tant que de besoin la saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à ce que les frais de recouvrement soient mis à la charge de la CPAM de l'Yonne ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation de la CPAM de l'Yonne au versement des sommes de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et de 500 € en réparation de son préjudice matériel ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à ce que les frais de recouvrement soient mis solidairement à la charge de la SCP Centrehuis et de Me [K] ;
- Rejeté la demande formée par M. [R] tendant à la condamnation solidaire de la SCP Centrehuis et de Me [K] à lui rembourser le montant des paiements prétendument indus des actes relatifs à l'indisponibilité du certificat d'immatriculation ;
- Dit que la SCP Centrehuis et que Me [K] n'ont commis aucune faute, ni aucun abus de saisie ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SCP Centrehuis et de Me [K] au versement des sommes de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et de 500 € en réparation de son préjudice matériel ;
- Condamné M. [R] aux entiers dépens.
[E] [R] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 15 janvier 2024 et demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 17 mai 2024, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :
Rejeter les fins de non-recevoir opposées par les intimés ;
- Juger recevable son appel ;
- Juger irrecevables les conclusions comme les pièces de la CPAM de l'Yonne
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- Rejeté les demandes formées par M. [R] tendant à l'annulation de la saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 et à sa mainlevée ;
- Validé en tant que de besoin la saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à ce que les frais de recouvrement soient mis à la charge de la CPAM de l'Yonne ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation de la CPAM de l'Yonne au versement des sommes de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et de 500 € en réparation de son préjudice matériel ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à ce que les frais de recouvrement soient mis solidairement à la charge de la SCP Centrehuis et de Me [K] ;
- Rejeté la demande formée par M. [R] tendant à la condamnation solidaire de la SCP Centrehuis et de Me [K] à lui rembourser le montant des paiements indus des actes relatifs à l'indisponibilité du certificat d'immatriculation ;
- Dit que la SCP Centrehuis et que Me [K] n'ont commis aucune faute, ni aucun abus de saisie ;
- Débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SCP Centrehuis et de Me [K] au versement des sommes de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et de 500 € en réparation de son préjudice matériel ;
- Condamné M. [R] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
- Annuler la saisie attribution pratiquée le 28 juin 2023 ;
- Condamner la SCP Centrehuis, Me [K] et la CPAM de l'Yonne à lui payer la somme totale de 5 500 € à titre de dommages-intérêts ;
- Rejeter les demandes de la CPAM de l'Yonne, de la SCP Centrehuis et de Me [K] ;
- Condamner la SCP Centrehuis et Me [K] aux entiers dépens ainsi qu'à payer 5 000 € à M. [R] au titre des frais irrépétibles.
La SCP CENTREHUIS et [Y] [K], commissaires de justice, intimés, demandent pour leur part à la cour, dans leurs dernières écritures en date du 2 avril 2024, à la lecture desquelles il est également expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de déclarer, à titre principal, irrecevable l'appel interjeté par Monsieur [R] et, à titre subsidiaire, de confirmer les dispositions du jugement entrepris, de débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à leur verser une indemnité de 3000 € à chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La caisse primaire d'assurance-maladie de l'Yonne n'a pas constitué avocat devant la cour, mais a fait parvenir un courrier électronique le 6 mai 2024 dans lequel elle sollicite que l'appel de Monsieur [R] soit déclaré irrecevable, que le jugement soit confirmé et que l'appelant soit condamné à lui verser la somme de 500 € « en réparation du préjudice de désorganisation de la CPAM ».
SUR QUOI
Il doit être rappelé, à titre liminaire, que s'agissant d'une procédure avec représentation obligatoire, la cour n'est pas valablement saisie des prétentions contenues dans le courrier électronique adressé le 6 mai 2024 par la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Yonne, laquelle n'a pas dûment constitué avocat.
I) Sur la recevabilité de l'appel de Monsieur [R] :
Selon les articles R. 121-19 et R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution « sauf dispositions contraires, la décision du juge de l'exécution peut être frappée d'appel à moins qu'il ne s'agisse d'une mesure d'administration judiciaire » et « le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification de la décision. L'appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure prévue à l'article 905 du code de procédure civile ou à la procédure à jour fixe ».
Il résulte des pièces du dossier (pièce numéro 23 du dossier de l'appelant) que la décision rendue le 12 décembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Châteauroux a fait l'objet d'une notification par le greffe de cette juridiction par courrier recommandé portant le numéro 2C18033792106 daté du 20 décembre 2023.
Si l'accusé de réception de celui-ci comporte la signature de l'appelant et la mention de la date « 23/12/2023 », il convient de constater, d'une part, que cette date n'a pas été mentionnée après les termes « distribué le », mais après les termes « présenté / avisé le » et, d'autre part, que la fiche de suivi du courrier recommandé 2C18033792106 établie par la Poste (pièce numéro 24) montre que celui-ci a, en réalité, « été distribué à son destinataire contre sa signature » le jeudi 4 janvier 2024.
Il en résulte que l'appel interjeté par Monsieur [R] le 15 janvier 2024, soit dans le délai de 15 jours prescrit par les textes ci-dessus rappelés, devra être déclaré recevable.
II) sur les demandes formées par Monsieur [R] :
Il doit être rappelé qu'en application du 3ème alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion »
Dès lors, la cour n'est saisie, outre la demande d'annulation de la saisie-attribution du 28 juin 2023, que de la demande, figurant au dispositif des dernières écritures de l'appelant notifiées par RPVA le 17 mai 2024, tendant à la condamnation de la SCP Centrehuis, de Me [K] et de la CPAM de l'Yonne au paiement de la somme de 5500 € à titre de dommages-intérêts, en dépit des énonciations figurant en page 7 desdites écritures faisant état d'un « préjudice moral qui peut être estimé à 5000 € » ainsi que d'un préjudice matériel résultant de la privation de son véhicule entre le 14 juin et courant septembre 2023 « qui peut être estimé à 5000 € ».
Au soutien de ses demandes, Monsieur [R] rappelle en premier lieu que selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il reproche à la SCP CENTREHUIS et à Maître [K] d'avoir commis une faute au sens de ce texte en engageant à son encontre des actes de recouvrement forcé et en maintenant des saisies conservatoires après le 14 juin 2023, date à laquelle la caisse primaire d'assurance-maladie leur avait pourtant demandé de mettre un terme au recouvrement forcé et aux mesures conservatoires.
Il doit être à cet égard rappelé qu'en application du premier alinéa de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, « à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l' exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés ».
Il est constant qu'en vertu d'une contrainte portant le numéro 1801564726 établie le 13 août 2021, Monsieur [R] se trouvait débiteur envers la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Yonne d'une somme de 4124,80 €, laquelle n'avait toujours pas été réglée lorsque la SCP CENTREHUIS, mandatée par la créancière, a délivré à l'appelant un commandement aux fins de saisie-vente le 26 mai 2023, puis a pratiqué à une saisie administrative des certificats d'immatriculation de ces véhicules le 5 juin suivant.
Il ne saurait donc être soutenu, au sens du texte précité, que ces actes d'exécution forcée n'étaient manifestement pas nécessaires au moment où ils ont été réalisés, de sorte que les frais en résultant doivent être mis à la charge de Monsieur [R], débiteur.
Il est exact que Monsieur [R] justifie avoir réglé le principal de la dette ' soit 4124,80 € ' à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne le 14 juin 2023, de sorte que cette dernière a adressé le même jour à la SCP CENTREHUIS un courrier électronique ainsi rédigé : « Maître, nous vous informons que le docteur [R] [E] a réglé son indu réf. 1801564726 d'un montant de 4124,80 €. L'indu est à ce jour soldé. Nous vous remercions de bien vouloir stopper la procédure de recouvrement forcé (') » (pièce numéro 8 de son dossier).
Pour autant, et en application du texte précité, il demeurait débiteur des frais des actes d'exécution forcée d'ores et déjà réalisés, soit la somme de 990,03 €, étant observé que ces frais ont fait l'objet d'un règlement partiel par Monsieur [R] dans le cadre d'un virement intervenu le 18 juillet 2023, soit postérieurement à la saisie attribution critiquée.
En conséquence, la mesure de saisie-attribution pratiquée le 28 juin 2023 apparaît justifiée par l'existence de frais non réglés d'actes d'exécution forcée antérieurs au 14 juin 2023 ' cette saisie-attribution comprenant un décompte précis des sommes réclamées déduisant la somme de 4124,80 € au titre de « versements directs » ' (pièce numéro 9), et ne saurait donc revêtir un caractère fautif au sens des dispositions de l'article 1240 du code civil précité, ainsi que cela a été pertinemment retenu par le premier juge.
Monsieur [R] estime, en outre, que cette mesure de saisie-attribution a été réalisée au mépris du principe de proportionnalité prévu à l'article L 111 ' 7 du code des procédures civiles d'exécution selon lequel « le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ».
Toutefois, au regard de la somme restant due au titre des frais d'actes d'exécution forcée devant être réglés par Monsieur [R], il n'est pas établi que la saisie attribution critiquée excéderait, au sens du texte précité, ce qui se révèle nécessaire pour en obtenir le paiement.
C'est par ailleurs en vain que l'appelant conclut à l'existence d'une faute du commissaire de justice résultant d'une méconnaissance du barème des émoluments en application des articles A 444-13 et suivants du code de commerce, s'agissant de l'application du coefficient 2, dès lors qu'un tel coefficient était applicable au regard de la créance initiale de la caisse primaire d'assurance-maladie (4124,80 €) en application de l'article A 444-46 du même code selon lequel « Lorsque les actes, formalités ou requêtes sont relatifs à une obligation pécuniaire déterminée, les émoluments fixes indiqués aux sous-sections 1 à 3 de la présente section sont multipliés par les coefficients suivants :
1° Si le montant de l'obligation est compris entre 0 et 128 euros : coefficient 0,5 ;
2° Si ce montant est supérieur à 128 euros et inférieur ou égal à 1280 euros : coefficient1;
3° S'il est supérieur à 1 280 euros : coefficient 2. »
C'est en conséquence à juste titre que le juge de l'exécution a considéré que la saisie-attribution litigieuse à laquelle la SCP CENTREHUIS a pratiqué le 28 juin 2023 n'était ni nulle, ni inutile, ni abusive et a, en conséquence, rejeté à bon droit les demandes formées par Monsieur [R].
Ce dernier, succombant ainsi à ses demandes, devra supporter les entiers dépens d'appel, sans qu'aucune considération d'équité ne commande en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCP CENTREHUIS et de Maître [K].
PAR CES MOTIFS
La cour
' Déclare recevable l'appel formé par [E] [R]
' Confirme le jugement entrepris
Y ajoutant,
' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
' Dit que les entiers dépens d'appel seront à la charge de [E] [R].
L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le President
S. MAGIS O. CLEMENT