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Décisions

CA Paris, Pôle 3 ch. 1, 11 juillet 2024, n° 23/11943

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Époux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Paulmier-Cayol

Conseillers :

M. Gelot, Mme Luxardo

Avocats :

Me Wolmark, Me Chaumeau, Me Lombard, Me Bontemps

Paris, Pôle 3 Chambre 1, du 5 juill. 202…

5 juillet 2023

EXPOSE DU LITIGE :

[M] [B] est décédée le [Date décès 8] 2008.

Elle laisse pour lui succéder, ab intestat :

- son conjoint survivant en la personne de M. [A] [U],

- ses trois enfants issus de sa première union avec [V] [G] [L], à savoir, Mme [E] [G] [L], MM. [D]-[A] et [N] [G] [L].

Par jugement du 26 juin 2012, le tribunal de grande instance de Melun, saisi par M. [D]-[A] [G] [L] et Mme [E] [G] [L], a notamment ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision issue de la succession d'[M] [B] et rejeté leur demande de licitation d'un bien immobilier situé à [Localité 12] (17) dépendant de l'actif de la succession.

M. [D]-[A] [G] [L] et Mme [E] [G] [L] ont interjeté appel de ce jugement. L'appel formé par les appelants a donné lieu à une décision de caducité.

Aucun accord amiable n'a pu aboutir entre les parties.

Par actes de commissaire de justice des 11 et 12 mars 2020, M. [N] [G] [L] a fait assigner Mme [E] [G][L], M. [D] [A] [G] [L], et M. [U] devant le tribunal judiciaire de Melun aux fins essentielles de voir ordonner l'ouverture des opérations de partage judiciaire et reconnaître le recel successoral.

Par conclusions remises le 6 octobre 2021, Mme [E] [G] [L] et M. [D]-[A] [G] [L] ont saisi le juge de la mise en état d'un incident aux fins essentielles de voir déclarer les demandes de M. [N] [G] [L] irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 26 juin 2012.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Melun a notamment :

- déclaré irrecevable la demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'[M] [B],

- déclaré recevables, pour le surplus, les demandes formées par M. [N] [G] [L], par assignation du 11 mars 2020, enregistrée sous le numéro RG 20/1156,

- réservé les dépens.

M. [N] [G] [L] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 12 octobre 2022 qui a été enregistrée sous le n°22/17526.

Une seconde déclaration d'appel rectificative a été remise au greffe de la cour de céans le 12 octobre 2022 qui a été enregistrée sous le n°22/17533.

Par avis du 2 novembre 2022, le greffe fixait à bref délai l'affaire enrôlée sous le numéro 22/17533 conformément à l'article 905 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 2 novembre 2022, le président de la chambre ordonnait la jonction des procédures 22/17533 et 22/17526, précisant qu'elles se poursuivront sous le numéro unique 22/17533.

Le 1er décembre 2022, M. [N] [G] [L] a déposé lui-même au greffe de la cour un acte d'inscription de faux à titre incident portant sur une mention de l'ordonnance de jonction du 2 novembre 2022 et sur cinq mentions de l'ordonnance du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Melun en date du 11 avril 2022.

M. [N] [G] [L] a remis au greffe, le 2 décembre 2022, ses premières conclusions d'appelant.

Les inscriptions de faux ont fait l'objet d'un avis de fixation pour être plaidées le 15 mars 2023.

Par arrêt du 17 mai 2023, la cour d'appel de Paris a notamment statué dans les termes suivants :

- déboute M. [N] [G] de ses inscriptions de faux à l'encontre de l'ordonnance de jonction du 2 novembre 2022 et de l'ordonnance frappée d'appel rendue le 11 avril 2022 par le juge de la mise en état près du tribunal judiciaire de Melun,

- condamne M. [N] [G] à payer au Trésor une somme de 5 000 euros à titre d'amende civile,

- condamne M. [N] [G] à payer la somme de 3 000 euros à M. [D]-[A] [G], la même somme à Mme [E] [G] et la même somme à M. [A] [U],

- condamne M. [N] [G] à payer la somme de 2 000 euros à M. [D]-[A] [G], la même somme à Mme [E] [G] et la même somme à M. [A] [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. [N] [G] aux dépens de la procédure d'inscription de faux incidente qu'il a diligentée.

La veille du prononcé de cet arrêt, M. [N] [G] [L] a saisi la présidente de la chambre 3-1 de la cour d'appel de Paris d'un incident aux fins essentielles de voir déclarer irrecevables les conclusions de M. [D] [G] [L] et Mme [E] [G] [L] remises le 10 mars 2023, d'une part et de M. [A] [U] remises le 14 mars 2023, d'autre part.

Par ordonnance du 5 juillet 2023, la présidente de la 3ème chambre 1 de la cour d'appel de Paris, statuant sur ce dernier incident, a :

- dit que M. [N] [G] [L] est irrecevable en son incident,

- condamné M. [N] [G] à payer à M. [D]-[A] [G], Mme [E] [G] et à M. [A] [U] la somme de 4 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [N] [G] à payer à M. [D]-[A] [G], Mme [E] [G] et à M. [A] [U] la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [N] [G] à une amende civile de 7 000 euros,

- condamné M. [N] [G] aux dépens de l'incident qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile pour les avocats qui en ont fait la demande.

Le président de la chambre 3-1, après avoir rappelé l'autonomie de la procédure d'inscription de faux, le retrait des débats par l'arrêt de la cour du 17 mai 2023 statuant sur la procédure incidente d'inscription de faux, des conclusions de l'appelant du 16 mai 2023 remises postérieurement à la tenue des débats sur l'inscription de faux, a déclaré l'incident sur la procédure d'inscription de faux présenté le 16 mars 2023 par M. [N] [G] [L] irrecevable aux motifs que le président de la chambre n'était plus compétent pour statuer après le 15 mars 2023, date des débats sur l'inscription de faux qui se sont tenus devant la cour.

L'ordonnance a caractérisé l'abus par M. [N] [G] [L] du droit d'ester en justice que constituait cet incident de procédure introduit en cours de délibéré, la veille du prononcé de la décision sur la procédure d'inscription de faux, par son caractère dilatoire et par la contrainte procédurale qu'il fait peser sur les autres parties tenues de se défendre et d'engager des frais à ce titre tandis que M. [N] [G] [L], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, n'a pas à les subir, détournant ainsi la finalité de cette institution à but social.

Par requête remise le 20 juillet 2023, M. [N] [G] [L] a déféré l'ordonnance du président de la cour d'appel de Paris en demandant de :

- dire recevable le déféré-nullité de M. [N] [G] [L] contre l'ordonnance du 5 juillet 2023, RG n°22/17533, pôle 3 chambre 1 de la cour d'appel de Paris,

- surseoir à statuer sur la demande d'annulation de l'ordonnance du 5 juillet 2023 (n°22/17533 du RG) en ce qu'elle dit M. [N] [G] [L] irrecevable en son incident (tendant à l'irrecevabilité des conclusions du 10 mars 2023 et du 14 mars 2023), et ce jusqu'à ce que la juridiction répressive ait définitivement statué sur la procédure pénale initiée par le concluant selon plainte déposée le 5 juin 2023,

- annuler l'ordonnance du 5 juillet 2023 du magistrat du pôle 3 chambre 1 de la cour d'appel de Paris, n°22/17533 du RG de la cour d'appel de Paris, en ce qu'elle a condamné le requérant à une amende civile (de 7 000 euros), à payer des dommages et intérêts à chacune des trois parties adverses (4 000 euros pour chacune), en ce qu'elle l'a condamné aux dépens et à payer 2 000 euros à chacune des parties adverses sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

- dire recevable le déféré-nullité de M. [N] [G] [L] contre l'ordonnance du 5 juillet 2023, RG n°22/17533, pôle 3 chambre 1 de la cour d'appel de Paris,

- annuler en toutes ses dispositions l'ordonnance du 5 juillet 2023, RG n°22/17533, pôle 3 chambre 1 de la cour d'appel de Paris, entachée d'excès de pouvoir,

en tout état de cause,

- condamner in solidum M. [D]-[A] [G] [L] et Mme [E] [G] [L] et M. [A] [U] à payer à M. [N] [G] [L] les entiers dépens,

- condamner M. [D]-[A] [G] [L] et Mme [E] [G] [L] et M. [A] [U] à payer à M. [N] [G] [L] 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs uniques conclusions notifiées le 6 mai 2024, M. [D]-[A] [G] [L] et Mme [E] [G] [L], défendeurs au déféré, demandent à la cour de :

- déclarer irrecevable la requête en déféré-nullité de l'ordonnance du président de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 2023 notifiée par voie électronique par M. [N] [G] [L] le 20 juillet 2023,

- condamner M. [N] [G] [L] à payer :

*à Mme [E] [G] [L] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

*à M. [D]-[A] [G] [L] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [N] [G] [L] aux dépens relatifs aux entiers dépens. (sic)

Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 13 mai 2024, M. [A] [U], défendeur au déféré, demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la requête en déféré-nullité de l'ordonnance du président de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 2023 notifiée par voie électronique par M. [N] [G] [L] le 20 juillet 2023,

- condamner M. [N] [G] [L] à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [N] [G] [L] de toutes demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner M. [N] [G] [L] aux dépens relatifs à l'instance.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire sur le déféré de l'ordonnance de la présidente de la chambre 3-1 en date du 5 juillet 2023 a été appelée à l'audience du 19 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 916 du code de procédure civile dispose que :

« Les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond.

Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction ou lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps.

Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l'instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l'appel.

La requête, remise au greffe de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée, contient, outre les mentions prescrites par l'article 57 et à peine d'irrecevabilité, l'indication de la décision déférée ainsi qu'un exposé des moyens en fait et en droit.

Les ordonnances du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, statuant sur la caducité ou l'irrecevabilité en application des articles 905-1 et 905-2, peuvent également être déférées à la cour dans les conditions des alinéas précédents. ».

Il résulte de ce texte qu'un recours peut être formé devant la cour d'appel à l'encontre de certaines ordonnances rendues par le conseiller de la mise en état ou par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président dans les procédures instruites et jugées en application des articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile ; l'article 916 indique par ailleurs quelles sont les ordonnances susceptibles d'être déférées à la cour d'appel.

De par le caractère inclusif de la préposition ''dans'' accolée à la durée de quinze jours pendant laquelle peuvent être déférées à la cour ces ordonnances, ce délai commence à courir à compter du jour du prononcé de l'ordonnance faisant l'objet de ce déféré.

En l'espèce, l'ordonnance déférée a été rendue le 5 juillet 2023 ; le délai de quinze jours, commençant à courir le 5 juillet 2023, a expiré le 19 juillet 2023.

La requête en déféré a été présentée par M. [N] [G] [L] le 20 juillet 2023, soit après l'écoulement du délai prescrit par l'article 916 du code de procédure civile.

Il est rappelé qu'en application de l'article 125 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir résultant de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ont un caractère d'ordre public.

Partant, le déféré formé par M. [N] [G] [L] à l'encontre de l'ordonnance d'incident rendue par la présidente de la chambre 3-1 après l'écoulement du délai de recours est irrecevable.

Aux termes du 4° de l'article 50 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, le bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être retiré, en tout ou partie, dans le cas où la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable. Selon l'article 51 de cette loi, ce retrait dans le cas mentionné au 4° de l'article 50 est prononcé par le président de la juridiction saisie.

L'article 65 du décret d'application de cette loi (décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020), précise, lorsque la procédure engagée par le bénéficiaire de l'aide a été jugée dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable, que le retrait est prononcé par la juridiction saisie qui en avise le bâtonnier et le bureau d'aide juridictionnelle.

En l'espèce, l'ordonnance déférée a caractérisé l'abus commis par M. [N] [G] [L] du droit d'ester en justice en introduisant cet incident ; poursuivant dans cet abus, il introduit un déféré frappé d'une irrecevabilité d'ordre public, n'ayant ainsi nullement tenu compte de l'avertissement solennel que constituait l'amende civile prononcée à son encontre ; animé d'une intention de nuire, il oblige ses adversaires par son recours irrecevable et inutile à la solution du litige, à supporter à nouveau des frais de justice.

Partant, il y a lieu, en faisant application des textes susvisés, d'ordonner le retrait de l'aide juridictionnelle dont a bénéficié M. [N] [G] [L] au titre de l'incident d'irrecevabilité ayant abouti à l'ordonnance du 5 juillet 2023 et du présent arrêt sur déféré.

M. [N] [G] [L] supportera les dépens du présent incident, et se verra condamné au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme il sera dit au dispositif de la présente décision.

Du fait du montant déjà conséquent du montant de l'amende civile prononcée par l'ordonnance déférée, la cour ne prononcera pas une nouvelle amende civile par le présent arrêt.

M. [N] [G] [L], qui échoue en son déféré, en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et dans les limites du déféré,

Déclare irrecevable le déféré introduit par M. [N] [G] [L] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 5 juillet 2023 par le président de la chambre 3-1 de la cour d'appel de Paris ;

Ordonne le retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée à M. [N] [G] [L] au titre de l'incident de procédure ayant donné lieu au prononcé de l'ordonnance déférée et du présent arrêt ;

Dit que la présente décision sera transmise au président du bureau d'aide juridictionnelle et au bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. [N] [G] [L] à payer à M. [D]-[A] [G] [L], Mme [E] [G] [L] épouse [K], M. [A] [U] chacun la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [N] [G] [L] aux dépens du présent déféré.