Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 26 juin 2024, n° 22/14241

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Clasquin Fairs & Events (SASU)

Défendeur :

Ats Events (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Braci, Me Delacoux

T. com. Paris, 13e ch. spéciale, du 27 j…

27 juin 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société Clasquin Fairs & Events (Clasquin) est une société de prestations de services en matière de transport et logistique pour les foires, congrès et expositions.

Elle a été choisie, dans le cadre d'un contrat de sous-traitance conclu avec la société de droit anglais European Internation Fairs (EIF), spécialisée en logistique de salons, comme le prestataire local exclusif de la logistique et de la manutention du salon « Passenger Terminal Expo Paris 2020 », qui s'est tenu du 31 mars au 2 avril 2020 à la Porte de [Localité 5].

La société Ats Events (Ats), qui était dirigée par M. [B], est une société concurrente de la société Clasquin.

Le 29 septembre 2019, la société Ats a envoyé un email en anglais à la société EIF, dont la société Clasquin était en copie, en lui indiquant « As your local agent is giving such bad onsite services, many exhibitors/agents will ask us for ours » ; « Etant donné que votre agent local délivre sur place des services d'une si mauvaise qualité beaucoup d'exposants demanderont à bénéficier des nôtres ».

Considérant que la société Ats a porté atteinte à son image et commis des actes de dénigrement et de concurrence déloyale engageant sa responsabilité délictuelle, la société Clasquin l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris le 2 décembre 2019, puis par acte du 3 juin 2021, les deux affaires ayant été jointes.

Par jugement rendu le 27 juin 2022, dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la SASU ATS Events de sa demande d'irrecevabilité des demandes additionnelles de la SAS Clasquin Fairs & Events ;

- condamné la SASU ATS Events à payer à la SAS Clasquin Fairs & Events au titre du préjudice moral au titre de la concurrence déloyale incluant le préjudice d'image à payer la somme de 3 500 €, déboutant la SAS Clasquin Fairs & Events du surplus de ses demandes au titre de la déloyauté, du préjudice d'image, du préjudice moral,

- débouté la SAS Clasquin Fairs & Events de sa demande au titre du préjudice de perte d'un avantage concurrentiel,

- débouté la SAS Clasquin Fairs & Events de sa demande au titre de frais d'huissier,

- condamné la SASU ATS Events à payer à la SAS Clasquin Fairs & Events la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant la SAS Clasquin Fairs & Events du surplus de sa demande à ce titre et à celle d'honoraires déboursés,

- débouté la SAS ATS Events de sa demande de dommages et intérêts pour actions abusives et actes de concurrence déloyale,

- rejeté comme inopérantes ou mal fondées toutes conclusions plus amples ou contraires au présent jugement et en a débouté respectivement les parties,

- condamné la SASU ATS Events aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 109,71 € dont 18,07 € de TVA.

La société Clasquin Fairs & Events a interjeté appel de ce jugement le 26 juillet 2022, l'affaire étant enrôlée sous le n° de RG 22/14241, puis le 2 septembre 2022, l'affaire étant enrôlée sous le n° RG 22/15700.

Par une ordonnance d'incident rendue le 7 mars 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction, l'affaire étant désormais instruite sous le n° de RG 22/14241.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 16 avril 2024, la société Clasquin, appelante, demande à la cour de :

- recevoir les demandes, fins et conclusions de Clasquin Fairs & Events ;

- rejeter les demandes, fins et conclusions d'ATS Events ;

- infirmé le jugement en ce qu'il a :

condamné ATS Events au titre du préjudice moral, d'image et concurrentiel, pour dénigrement commercial, à seulement 3.500 euros,

débouté Clasquin Fairs & Events de ses demandes au titre de la perte d'un avantage concurrentiel et de ses demandes et conclusions plus amples ou contraires audit jugement, et les avoir rejetées comme inopérantes ou infondées,

condamné ATS Events au titre de l'article 700 CPC à seulement 2.000 euros,

débouté Clasquin Fairs & Events de sa demande au titre des frais d'huissiers,

Statuant à nouveau

- condamner ATS Events à verser à Clasquin Fairs & Events la somme de 50.000 euros au titre du préjudice d'image en raison du dénigrement commercial ;

- condamner ATS Events à verser à Clasquin Fairs & Events la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral en raison du dénigrement commercial ;

- condamner ATS Events à verser à Clasquin Fairs & Events la somme de 120.000 euros au titre de la perte d'avantage concurrentiel en raison de l'exercice illicite par ATS Events des professions de commissionnaire de transport et en douane de 2015 à 2020 ;

- condamner ATS Events à verser à Clasquin Fairs & Events la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral en raison de l'exercice illicite par ATS Events des professions de commissionnaire de transport et en douane de 2015 à 2020 ;

- condamner ATS Events à verser à Clasquin Fairs & Events la somme de 20.000 euros au titre du préjudice moral subi en raison de la publicité mensongère par ATS Events de 2015 à 2020 ;

- désigner un consultant pour mieux évaluer les préjudices subis par Clasquin Fairs & Events, lequel consultant rendra un rapport écrit à la Cour et aux parties ;

- ordonner à ATS Events à régler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, les condamnations prononcées par la cour de céans, de fermer son site internet www.Atsevents.paris (ou tout autre site internet successeur ou qui reprendrait les informations mensongères de ce site) ou de supprimer les informations mensongères qui y figurent notamment quant à ses réalisations, et quant à sa prétendue adresse physique (parc des expositions de [Localité 6]) ;

- condamner ATS Events à verser à Clasquin Fairs & Events la somme de 239,33 euros au titre des frais de traduction des mails dont les propos sont qualifiés de dénigrement commercial par le tribunal ;

- condamner ATS Events à verser à Clasquin Fairs & Events la somme de 444,09 euros au titre des frais de constat internet d'huissier ;

- condamner ATS Events aux dépens, dont distraction au profit de Maître Antoine BRACI (conseil de Clasquin Fairs & Events) conformément à l'article 699 CPC et à verser à Clasquin Fairs & Events la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 CPC.

Dans ses uniques conclusions, transmises le 25 janvier 2023, la société ATS Events, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- dire recevable et bien fondée la société ATS Events en son argumentation,

A titre liminaire,

- infirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SASU ATS Events de sa demande d'irrecevabilité des demandes additionnelles de la SAS Clasquin Fairs & Events,

Et statuant à nouveau,

' juger la société Clasquin Fairs & Events irrecevable en ses demandes additionnelles formulées dans ses conclusions, au titre de prétendues pratiques commerciales trompeuses, tant du fait de l'absence de lien suffisant avec les demandes initiales telles que formulées dans son assignation que de l'absence d'intérêt et de qualité à agir de la société Clasquin Fairs & Events.

A titre subsidiaire et en tout état de cause,

- infirmer le Jugement entrepris en qu'il a condamné la société ATS Events à payer à la SAS Clasquin Fairs & Events au titre de préjudice moral au titre de concurrence déloyale incluant le préjudice d'image à la somme de 3.500 €,

- confirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté la SAS Clasquin Fairs & Events du surplus de ses demandes au titre de déloyauté, de préjudice d'image, de préjudice moral,

débouté la SAS Clasquin Fairs & Events de sa demande au titre de préjudice de perte d'un avantage concurrentiel,

débouté la SAS Clasquin Fairs & Events de sa demande au titre de frais d'huissier,

- infirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SASU ATS Events à payer à la SAS Clasquin Fairs & Events la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais de première instance,

- infirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS ATS Events de sa demande de dommages et intérêts pour actions abusives et actes de concurrence déloyale,

Et statuant à nouveau,

- débouter la société Clasquin Fairs & Events de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Clasquin Fairs & Events à payer à la société ATS EVENTS la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé d'une part, par ses actions abusives, et d'autre part, par les actes de concurrence déloyale dont elle s'est rendue coupable,

- condamner la société Clasquin Fairs & Events à verser à la Société ATS Events la somme de 20.000 € en application de l'article 700 du CPC,

- condamner la société Clasquin Fairs & Events aux entiers dépens,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les moyens d'irrecevabilité

La société Ats Events estime que les demandes additionnelles formulées par la société Clasquin modifient l'objet du litige et sont sans lien suffisant avec ses demandes initiales et que la jonction opérée par le tribunal ne doit pas cautionner le détournement de procédure opéré par la société Clasquin.

Elle ajoute que la société Clasquin, qui est un professionnel, n'a pas qualité à agir sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses destinées à protéger les consommateurs, et qu'elle n'a pas qualité pour se plaindre d'une prétendue utilisation illicite d'une marque dont elle n'est pas titulaire.

La société Clasquin fait valoir qu'elle a découvert d'autres faits de concurrence déloyale dont elle n'avait pas connaissance initialement ; qu'elle a donc réassigné la société ATS Events ; qu'ATS Events a demandé une jonction d'instance qui a été accordée.

Sur ce,

Les demandes additionnelles de concurrence déloyale pour exercice illégal de la profession de commissionnaire de transport se rattachent par un lien suffisant, au sens de l'article 70 du code de procédure civile, aux demandes initiales sur le fondement de la concurrence déloyale par dénigrement, ces demandes concernant pareillement les activités de transport et de logistique des deux sociétés en cause qui sont concurrentes sur ce marché, et étant également fondées sur la concurrence déloyale et l'article 1240 du code civil aux fins de réparation des préjudices prétendument subis de ces chefs par la société Clasquin.

Aucune irrecevabilité ne peut davantage être opposée à la société Clasquin du fait qu'elle invoque des dispositions du code de la consommation, ces dispositions pouvant être visées au soutien d'une demande formée par une société commerciale sur le fondement de la concurrence déloyale. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

La société Clasquin n'est en revanche pas recevable à invoquer la marque d'un tiers, qui n'est pas partie à l'instance, au titre d'une prétendue utilisation illégale de ladite marque par la société Ats. Il convient de la déclarer irrecevable de ce chef.

Sur la concurrence déloyale par dénigrement

La société Clasquin soutient que la société Ats Events a adressé à la société EIF un courriel qui jette le discrédit sur ses services ; que la condition de publicité est remplie : que la société Ats visait nécessairement la société Clasquin, qui était l'agent local exclusif d'EIF et qui était en copie dudit mail ; qu'en diffusant des propos dénigrants, la société Ats Events s'est comportée de manière anormale, contraire aux usages commerciaux du secteur de la logistique de salons et à ce que l'on attend d'un professionnel ; que la société Clasquin a subi un préjudice d'image et un préjudice moral.

La société Ats Events prétend que la société Clasquin n'est nullement identifiée ou identifiable dans les échanges de courriels ; que le courriel litigieux intervient en réponse de celui émis par la société EIF qui informe de l'exclusivité dont bénéficie l'agent local Clasquin ; que les propos litigieux relèvent d'une simple critique couverte par la liberté d'expression ; qu'ils n'ont pas pour but de détourner la clientèle de la société Clasquin et qu'ils n'ont pas de caractère public.

Sur ce,

1La divulgation par une personne d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par une autre personne, même en l'absence de situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, peut constituer un acte de dénigrement. Cependant, lorsque l'information en cause se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d'expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure. (Cass. 1ère Civ, 11 juillet 2018 n°17-21.457)

En l'espèce, il est constant que la société EIF a informé la société Ats, par mail du 29 septembre 2019, qu'elle était l'agent exclusif de deux salons se tenant à la Porte de [Localité 5] en 2020, qu'elle avait nommé un seul agent français, de sorte qu'aucun autre agent ne serait autorisé à faire usage d'engin de levage dans les halls, la lettre des organisateurs des salons, jointe audit mail, confirmant ces éléments. Il est également établi, qu'à la réception de ce mail, la société Ats a répondu par mail du même jour, dont la société Clasquin était en copie « As your local agent is giving such bad onsite services, many exhibitors/agents will ask us for ours » ; « Etant donné que votre agent local délivre sur place des services d'une si mauvaise qualité beaucoup d'exposants demanderont à bénéficier des nôtres ».

Ces propos qui visent la société Clasquin, parfaitement identifiable en sa qualité d'agent local exclusif choisi par la société EIF destinataire dudit mail, jettent le discrédit sur la qualité de ses services, sans que cela soit rattaché à un quelconque débat d'intérêt général, l'intention de nuire à la société Clasquin étant manifeste ainsi que relevé par le tribunal de commerce. Les faits de dénigrement sont donc caractérisés.

Sur la concurrence déloyale du fait de l'exercice illicite de la profession de commissionnaire de transport

La société Clasquin reproche à la société Ats l'exercice illicite de la profession de commissionnaire de transport. Elle fait valoir que l'activité de commissionnaire de transport exige une inscription préalable sur un registre spécial ; que la société Ats Events a commis des allégations mensongères, pénalement répréhensibles, sur son site internet en se présentant comme commissionnaire de transport alors qu'elle ne figurait pas dans le registre des commissionnaires de transport de la Direction Régionale Interdépartementale de l'Equipement et de l'Aménagement Ile-de-France ; qu'elle déclare en outre l'activité de commissionnaire de transport à titre d'activités principales sur son extrait Kbis ainsi que dans ses statuts ; qu'il résulte d'un procès-verbal d'huissier du 26 janvier 2020 du site internet de la société ATS qu'y sont reproduites des photographies de camion portant en gros le nom de Ats Events ainsi que d'un engin de levage estampillé ATS Events ; que la société Ats Events exerce donc de façon illicite les activités de commissionnaire de transport et en douane sur un marché concurrentiel et règlementé.

La société Ats Events soutient qu'elle est en capacité d'exercer l'activité de commissionnaire de transport, M. [B] ayant tous les diplômes et attestations requis pour ce faire ; qu'il s'agit pour elle d'une activité nouvelle pour laquelle elle a modifié ses statuts et son Kbis ; qu'elle n'a jamais encore exercé cette activité du fait notamment de la crise sanitaire en 2020 ; que la société Clasquin ne démontre pas que les pratiques commerciales trompeuses alléguées sont de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur.

Sur ce,

Constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d'une réglementation dans l'exercice d'une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur. (Cass Com 17 mars 2021 19-10414)

L'article R. 1422-1 du code des transports énonce : « Tout commissionnaire de transport doit être inscrit au registre des commissionnaires de transport tenu par les services de l'Etat compétents en matière de transport dans la région où se situe le siège social de son entreprise ou à défaut son établissement principal.

L'inscription est prononcée par le préfet de cette région et donne lieu à la délivrance d'un certificat d'inscription. Les divers établissements de l'entreprise sont mentionnés au registre de la région où elle est inscrite ainsi qu'à celui de chacune des régions dans lesquelles ses établissements sont installés. »

L'article R. 1411-1 du code des transports, qui définit l'activité de commissionnaire de transport, énonce : « Les activités du commissionnaire de transport sont les suivantes :

1° Les opérations de groupage, par lesquelles des envois de marchandises en provenance de plusieurs expéditeurs ou à l'adresse de plusieurs destinataires sont réunis et constitués en un lot unique en vue de leur transport ;

2° Les opérations d'affrètement par lesquelles des envois sont confiés sans groupage préalable à des transporteurs publics ;

3° Les opérations de bureau de ville par lesquelles le commissionnaire prend en charge des colis ou expéditions de détail et les remet séparément soit à des transporteurs publics, soit à d'autres commissionnaires de transport ;

4° Les opérations d'organisation de transport par lesquelles le commissionnaire prend en charge des marchandises en provenance ou à destination du territoire national et en assure l'acheminement par les soins d'un ou plusieurs transporteurs publics par quelque voie que ce soit. »

L'article 86 du code des douanes énonce : « Les marchandises importées ou exportées doivent être déclarées en détail par leurs détenteurs ou par les personnes ou services ayant obtenu l'agrément de commissionnaire en douane ou l'autorisation de dédouaner dans les conditions prévues par les articles 87 et suivants du présent code. »

En l'espèce, il résulte de l'extrait Kbis de la société Ats Events en date du 29 octobre 2019 que cette dernière se présente comme exerçant une activité de commissionnaire de transport, et de l'email du 17 janvier 2020 de M. [T], contrôleur principal des transports terrestres à la Direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement de la Région Ile de France, que la société Ats Events ne figure ni sur le registre national des transporteurs publics routiers de marchandises et des commissionnaires, ni sur la liste des entreprises inscrites au registre électronique national des commissionnaires de transport. La société Ats Events, qui ne conteste pas qu'elle n'était pas enregistrée à titre de commissionnaire de transport en 2019 et à tout le moins jusqu'en novembre 2020, se prévalait, en conséquence, indument de la qualité de commissionnaire de transport. Elle échoue en outre à établir qu'elle n'exerçait pas cette activité à cette date alors qu'il résulte du procès-verbal dressé par huissier de justice sur son site internet le 26 janvier 2020 qu'elle disposait de camions et d'engins de levage mentionnant en gros caractères Ats Events, et proposait des activités d'« organisation du transport en amont et en aval, transport routier urgent, organisation des services de fret aérien dans le monde entier, gestion des procédures douanières et de transit » lesquelles entrent dans la profession réglementée de commissionnaire de transport telle que définie par l'article R. 1411-1 du code des transports susvisé.

Il suit de ces développements qu'en alléguant illicitement exercer une activité de commissionnaire de transport et en l'exerçant sans avoir dument procédé aux formalités d'inscription lui permettant d'être bénéficiaire d'un certificat d'inscription délivré par le préfet de région, la société Ats Events s'est octroyée un avantage concurrentiel indu au préjudice de son concurrent la société Clasquin.

Sur la réparation des préjudices

Concernant les actes de dénigrement, la société Clasquin fait valoir qu'elle subit un préjudice d'image ; que pour préserver son image elle devra réaliser des encarts publicitaires ; que son préjudice d'image doit être évalué à 50 000 euros ; qu'elle subit également un préjudice moral compte tenu de sa notoriété dans le secteur et du nombre réduit d'acteurs ; que ce préjudice doit également être réparé par une somme de 50 000 euros ; que la cour devra désigner un consultant pour évaluer le quantum de ses préjudices.

Concernant la concurrence déloyale résultant de l'exercice illicite de l'activité de commissionnaire de transport, la société Clasquin prétend que le préjudice subi au titre de l'avantage indû doit être évalué à 20% du chiffre d'affaires de la société ATS sur la période 2015-20 soit 120 000 euros ; que son préjudice moral doit être évalué à 50 000 euros ; qu'un consultant doit être désigné aux fins d'évaluation de son préjudice.

La société Ats fait valoir que la société Clasquin ne justifie de son préjudice ni dans son principe ni dans son quantum ; que les pièces versées concernent la société mère ; que la crise sanitaire explique à elle seule une baisse de chiffre d'affaires.

Sur ce,

La demande de « désigner un consultant pour mieux évaluer les préjudices subis par la société Clasquin », qui n'est pas justifiée, une mesure d'instruction ne pouvant être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve, sera rejetée.

S'agissant du préjudice subi au titre du dénigrement, c'est par de justes motifs adoptés par la cour que le tribunal a dit que s'agissant d'un seul courriel incriminé lequel n'a pas été diffusé en dehors de son destinataire et de la société Clasquin, victime dudit dénigrement, la somme de 3 500 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice d'image est justifiée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

S'agissant du préjudice de perte d'un avantage concurrentiel, la société Clasquin, demande qu'il soit évalué à la somme de 120 000 euros correspondant à 20% du chiffre d'affaires de la société Ats Events sur la période 2015-2020. Il n'est cependant pas prouvé que la société Ats exerçait l'activité de commissionnaire depuis 2015, ni que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé aurait été intégralement récupéré par la société Clasquin, ni quelle marge a été manquée par la société Clasquin, qui ne produit aucun élément sur ce point, en lien avec l'activité illicite de commissionnaire de transport incriminée.

Au vu de ces éléments, en tenant compte de la seule l'année 2019 pour laquelle l'activité illicite est démontrée, il y a lieu d'attribuer à la société Clasquin en réparation de son préjudice financier une somme de 10 000 euros, sa demande au titre du préjudice moral étant rejetée, faut de justifier d'un préjudice moral distinct de celui qui a déjà été réparé.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande non justifiée et disproportionnée de fermeture du site sous astreinte, ainsi que de « suppression des informations mensongères qui y figurent quant à ses réalisations et à sa prétendue adresse physique (parc des expositions de [Localité 6] », ces éléments n'étant ni suffisamment précis ni caractérisés, étant observé en outre qu'il n'est pas contesté que la société Ats Event est désormais régulièrement inscrite en qualité de commissionnaire de transport depuis le 6 novembre 2020.

Sur les demandes reconventionnelles

La société Ats Events fait valoir que la société Clasquin a détourné de son but l'action en dénigrement commercial et a fait preuve de malice en saisissant le tribunal de commerce ; que les demandes n'ont pour seul but que d'anéantir la concurrence notamment en ternissant son image et sa réputation.

La société Ats Events ajoute que deux sociétés Viparis et UK Media Events ont lu les courriels échangés entre les sociétés Ats et EIF ; que la société Clasquin a donc violé le secret des correspondances ; que ce comportement relève une intention de nuire et de porter atteinte à l'image d'Ats Events.

Sur ce,

Les demandes de la société Clasquin ayant partiellement prospéré, son action ne peut être qualifiée d'abusive.

S'agissant de la prétendue violation du secret des correspondances, le moyen manque en fait, faute de toute démonstration de ce que le mail litigieux a été communiqué à des tiers et que cette communication est imputable à la société Clasquin.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Ats Events, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Elle sera en outre condamnée à payer à la société Clasquin la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700, laquelle comprendra les frais de traduction de mails et de constat d'huissier.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société Clasquin de sa demande au titre d'un préjudice de perte d'un avantage concurrentiel,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes de la société Clasquin en concurrence déloyale pour exercice illégal de la profession de commissionnaire de transport,

Dit que la société Clasquin est irrecevable à agir pour usage illicite de la marque d'un tiers,

Condamne la société Ats Events à payer à la société Clasquin la somme de 10 000 euros en réparation de la perte d'un avantage concurrentiel résultant de l'exercice illégal de la profession de commissionnaire de transport ;

Déboute la société Clasquin du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Ats Events aux dépens d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à ce titre, la somme de 6 000 euros à la société Clasquin.