Décisions
CA Douai, ch. 1 sect. 1, 11 juillet 2024, n° 21/05464
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 11/07/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/05464 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5OW
Jugement (N° 21/00700)
rendu le 07 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer
APPELANT
Monsieur [V] [E]
né le 27 septembre 1944 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Gilles Maton, avocat au barreau de Lille, avocat constitué suppléé par Me Gérald Laporte, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
Madame [J] [S]
née le 11 avril 1947 à [Localité 6] (Belgique)
[Adresse 2]
[Localité 4] (Belgique)
représentée par Me Marc Stubbe, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 04 mars 2024, tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024 après prorogation du délibéré en date du 30 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 février 2024
****
Par acte sous seing privé du 11 juin 2020, Mme [J] [S] a vendu à M. [V] [E] un tableau du peintre [I] [P] ainsi désigné : 'Suzanne et les vieillards - ca 1640, huile sur toile, 146x168 cm' moyennant 540 000 euros.
Exposant qu'il ne s'était pas acquitté du prix, Mme [S], qui était toujours en possession du tableau, a fait assigner M. [E] devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer par acte du 26 février 2021 afin d'obtenir sa condamnation à le lui verser.
Par jugement réputé contradictoire du 7 septembre 2021, le tribunal a condamné M. [E] à payer à la demanderesse la somme de 540 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2021, outre 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
M. [E] a interjeté appel de cette décision et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 27 juin 2022, demande à la cour, au visa des articles 1104, 1217, 1582, 1584, 1602 et 1615 du code civil, de l'infirmer en toutes ses dispositions et de condamner l'intimée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 20 septembre 2022, Mme [S] demande pour sa part à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, des articles 1231-6, 1582 et 1650 du code civil, et des articles 700 et 515 du code de procédure civile, de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner l'appelant, outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article 1582 du code civil, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer ; elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé.
Les articles 1103 et 1104 du même code disposent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Enfin, en vertu de l'article 1217, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut, notamment, refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation.
En l'espèce, après la désignation des parties, de l'objet de la vente et du prix, le contrat stipule que le tableau reste la propriété du vendeur jusqu'au complet paiement du prix et comporte en outre la clause suivante :
« Documents requis :
- titre de propriété du tableau,
- certificat original de l'expert [F] [B], de [R] [X], de [Z] [A],
- catalogue Brussel KMSK 1984'».
Au visa de cette clause et par ordonnance du 4 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la production, par Mme [S], dans le délai de deux mois à compter de la décision :
- d'une copie certifiée conforme à l'original de son titre de propriété, ainsi que de sa traduction par un traducteur assermenté,
- d'une traduction en langue française par un expert assermenté de l'expertise réalisée par M. [F] [B] en novembre 1997, portant sur '[I] [P] en atelier : De Kuisheid van [C], Olieverf op doek ; 146x168 cm',
- de l'intégralité du catalogue raisonné de l''uvre de l'artiste [I] [P], références Brussel KMSK 1984.
Or, Mme [S] ne verse aux débats, au titre de la première de ces injonctions (pièce 12), que la photocopie d'un document dactylographié rédigé en néerlandais, signé par «'E.'Loncke'», dont elle indique qu'il s'agit de l'antiquaire de qui elle a acquis l''uvre en question, document qui n'apparaît que comme une description de celle-ci, non comme une facture ou un certificat de vente, et ne comporte pas le nom de l'intimée. Il ne s'agit donc pas d'un titre de propriété.
Il est indifférent que M. [E] n'ait jamais remis en cause le droit de propriété de Mme'[S] sur ce tableau, comme le fait valoir cette dernière, et vain, de la part de celle-ci, de se prévaloir du principe selon lequel «'en fait de meuble possession vaut titre'» dès lors que, indépendamment de ce qu'il est admis que le tableau est entre les mains d'un tiers, elle s'est expressément engagée, par la clause précitée du contrat qui mentionne les «'documents requis », devant donc être obligatoirement fournis, à produire matériellement un titre de propriété et que le conseiller de la mise en état le lui a ordonné. De surcroît, la clause susvisée fait du titre de propriété un accessoire de l''uvre vendue et l'article 1615 du code civil dispose que l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.
Il sera ajouté à titre d'observation, d'une part, que, si l'intimée verse aux débats une photocopie d'une analyse du tableau litigieux, identifiable par la description précise qui en est faite et les dimensions mentionnées, rédigée en néerlandais et signée par [W] [B] mais non datée, ainsi qu'une traduction libre de ce document, l'appelant peut contester à cette pièce la qualification de « certificat original », désignation contractuelle du document qui devait être produit, d'autre part, qu'il peut également contester que la production de photocopies non certifiées conformes de pages d'un document indéterminé constituant la pièce n° 9 de l'intimée satisfasse à l'obligation contractuelle de produire le « catalogue Brussel KMSK 1984 ».
Faute pour Mme [S] d'avoir satisfait ne serait-ce qu'à l'une de ses obligations contractuelles, indépendamment de l'importance que revêt la possibilité d'apporter la preuve de l'origine d'une 'uvre de cette nature sur le marché de l'art, M. [E] est bien fondé à refuser d'exécuter sa propre obligation ou à en suspendre l'exécution, de sorte qu'il ne peut être condamné au règlement du prix.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de débouter Mme [S] de ses demandes.
Il appartient à cette dernière, partie perdante, de supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, et il est en outre équitable qu'en application de l'article 700 du même code, elle indemnise l'appelant des autres frais qu'il a exposés pour assurer la défense de ses intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour
infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
déboute Mme [J] [S] de ses demandes,
la condamne aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à M. [V] [E] d'une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 11/07/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/05464 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5OW
Jugement (N° 21/00700)
rendu le 07 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer
APPELANT
Monsieur [V] [E]
né le 27 septembre 1944 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Gilles Maton, avocat au barreau de Lille, avocat constitué suppléé par Me Gérald Laporte, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
Madame [J] [S]
née le 11 avril 1947 à [Localité 6] (Belgique)
[Adresse 2]
[Localité 4] (Belgique)
représentée par Me Marc Stubbe, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 04 mars 2024, tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024 après prorogation du délibéré en date du 30 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 février 2024
****
Par acte sous seing privé du 11 juin 2020, Mme [J] [S] a vendu à M. [V] [E] un tableau du peintre [I] [P] ainsi désigné : 'Suzanne et les vieillards - ca 1640, huile sur toile, 146x168 cm' moyennant 540 000 euros.
Exposant qu'il ne s'était pas acquitté du prix, Mme [S], qui était toujours en possession du tableau, a fait assigner M. [E] devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer par acte du 26 février 2021 afin d'obtenir sa condamnation à le lui verser.
Par jugement réputé contradictoire du 7 septembre 2021, le tribunal a condamné M. [E] à payer à la demanderesse la somme de 540 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2021, outre 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
M. [E] a interjeté appel de cette décision et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 27 juin 2022, demande à la cour, au visa des articles 1104, 1217, 1582, 1584, 1602 et 1615 du code civil, de l'infirmer en toutes ses dispositions et de condamner l'intimée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 20 septembre 2022, Mme [S] demande pour sa part à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, des articles 1231-6, 1582 et 1650 du code civil, et des articles 700 et 515 du code de procédure civile, de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner l'appelant, outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article 1582 du code civil, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer ; elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé.
Les articles 1103 et 1104 du même code disposent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Enfin, en vertu de l'article 1217, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut, notamment, refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation.
En l'espèce, après la désignation des parties, de l'objet de la vente et du prix, le contrat stipule que le tableau reste la propriété du vendeur jusqu'au complet paiement du prix et comporte en outre la clause suivante :
« Documents requis :
- titre de propriété du tableau,
- certificat original de l'expert [F] [B], de [R] [X], de [Z] [A],
- catalogue Brussel KMSK 1984'».
Au visa de cette clause et par ordonnance du 4 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la production, par Mme [S], dans le délai de deux mois à compter de la décision :
- d'une copie certifiée conforme à l'original de son titre de propriété, ainsi que de sa traduction par un traducteur assermenté,
- d'une traduction en langue française par un expert assermenté de l'expertise réalisée par M. [F] [B] en novembre 1997, portant sur '[I] [P] en atelier : De Kuisheid van [C], Olieverf op doek ; 146x168 cm',
- de l'intégralité du catalogue raisonné de l''uvre de l'artiste [I] [P], références Brussel KMSK 1984.
Or, Mme [S] ne verse aux débats, au titre de la première de ces injonctions (pièce 12), que la photocopie d'un document dactylographié rédigé en néerlandais, signé par «'E.'Loncke'», dont elle indique qu'il s'agit de l'antiquaire de qui elle a acquis l''uvre en question, document qui n'apparaît que comme une description de celle-ci, non comme une facture ou un certificat de vente, et ne comporte pas le nom de l'intimée. Il ne s'agit donc pas d'un titre de propriété.
Il est indifférent que M. [E] n'ait jamais remis en cause le droit de propriété de Mme'[S] sur ce tableau, comme le fait valoir cette dernière, et vain, de la part de celle-ci, de se prévaloir du principe selon lequel «'en fait de meuble possession vaut titre'» dès lors que, indépendamment de ce qu'il est admis que le tableau est entre les mains d'un tiers, elle s'est expressément engagée, par la clause précitée du contrat qui mentionne les «'documents requis », devant donc être obligatoirement fournis, à produire matériellement un titre de propriété et que le conseiller de la mise en état le lui a ordonné. De surcroît, la clause susvisée fait du titre de propriété un accessoire de l''uvre vendue et l'article 1615 du code civil dispose que l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.
Il sera ajouté à titre d'observation, d'une part, que, si l'intimée verse aux débats une photocopie d'une analyse du tableau litigieux, identifiable par la description précise qui en est faite et les dimensions mentionnées, rédigée en néerlandais et signée par [W] [B] mais non datée, ainsi qu'une traduction libre de ce document, l'appelant peut contester à cette pièce la qualification de « certificat original », désignation contractuelle du document qui devait être produit, d'autre part, qu'il peut également contester que la production de photocopies non certifiées conformes de pages d'un document indéterminé constituant la pièce n° 9 de l'intimée satisfasse à l'obligation contractuelle de produire le « catalogue Brussel KMSK 1984 ».
Faute pour Mme [S] d'avoir satisfait ne serait-ce qu'à l'une de ses obligations contractuelles, indépendamment de l'importance que revêt la possibilité d'apporter la preuve de l'origine d'une 'uvre de cette nature sur le marché de l'art, M. [E] est bien fondé à refuser d'exécuter sa propre obligation ou à en suspendre l'exécution, de sorte qu'il ne peut être condamné au règlement du prix.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de débouter Mme [S] de ses demandes.
Il appartient à cette dernière, partie perdante, de supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, et il est en outre équitable qu'en application de l'article 700 du même code, elle indemnise l'appelant des autres frais qu'il a exposés pour assurer la défense de ses intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour
infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
déboute Mme [J] [S] de ses demandes,
la condamne aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à M. [V] [E] d'une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet