Décisions
CA Paris, Pôle 5 - ch. 4, 2 juillet 2024, n° 24/01568
PARIS
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
N° RG 24/01568 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIZHM
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 10 Janvier 2024
Date de saisine : 25 Janvier 2024
Nature de l'affaire : Demande en réparation des préjudices résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie
Décision attaquée : n° 2022007731 rendue par le Tribunal de Commerce de PARIS le 04 Décembre 2023
Appelante :
S.A.R.L. DOSETCONFORT [Localité 1], représentée par Me Julien ANDREZ de la SCP AyacheSalama, avocat au barreau de PARIS, toque : P334 - N° du dossier 20230545
Intimée :
S.A.S. TEMPUR SEALY FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 - N° du dossier 42146
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(n° , 4 pages)
Nous, Julien RICHAUD, magistrat en charge de la mise en état,
Assisté de Mianta Andrianasoloniary, greffier lors des débats et de Sonia JHALLI lors du prononcé de l'ordonnance,
Vu l'instance enrôlée sous le numéro RG 24/01568 ;
Vu le jugement rendu le 14 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Paris dans le litige opposant la SAS Dosetconfort Paris à la SAS Tempur Sealy France, qui a, avec exécution provisoire de droit en toutes ses dispositions, statué en ces termes :
- Déboute la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] de sa demande tendant au paiement par la SAS TEMPUR SEALY FRANCE d'une somme de 341 402,94 € au titre de la réparation d'un préjudice allégué sur le fondement de l'article L. 442-1, Il du code de commerce ;
- Déboute la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] de sa demande tendant au paiement par la SAS TEMPUR SEALY FRANCE d'une somme de 160 609 € au titre de la réparation d'un préjudice subi du fait de prétendus actes de concurrence déloyale ;
- Déboute la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] de sa demande tendant au paiement par la SAS TEMPUR SEALY FRANCE d'une somme de 12 373,20 € au titre d'une remise de fin d'année 2021 et d'une somme de 5 214 € au titre du remboursement de frais de stockage ;
- Condamne la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] à payer à la SAS TEMPUR SEALY FRANCE la somme de 128 187,80 € au titre des factures n° FC051108, FC051679, FC052104, FC052683, FC052806, FC053180, FC053533, FC053633,FC053647, FC053653, FC053789, FC053800, FC054257, FC055174, FC055519, FC053181 et FC055858, augmentées des intérêts de retard fixés à trois fois le taux d'intérêt légal, outre 680 € à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
- Condamne la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] à payer à la SAS TEMPUR SEALY FRANCE la somme de 27 193 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consécutif à une rupture prématurée du contrat de distribution ;
- Déboute la SAS TEMPUR SEALY FRANCE de sa demande tendant au paiement par la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] d'une somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Condamne la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] à payer à la SAS TEMPUR SEALY FRANCE la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboute la SAS TEMPUR SEALY FRANCE de sa demande tendant à la publication du présent jugement sur le site internet de la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] ;
- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- Condamne la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.
Vu l'appel interjeté par la SAS Dosetconfort [Localité 1] par déclaration reçue au greffe le 10 janvier 2024 ;
Vu les premières conclusions d'appelant notifiées par la voie électronique le 8 avril 2024 ;
Vu les conclusions d'incident notifiées par la SAS Tempur Sealy France par la voie électronique le 4 juin 2024, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, sollicitant du conseiller de la mise en état la radiation du rôle de l'affaire en application de l'article 524 du code de procédure civile outre la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens ;
Vu les conclusions d'incident notifiées par la SAS Dosetconfort [Localité 1] par la voie électronique le 3 juin 2024, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, sollicitant du conseiller de la mise en état le rejet de la demande de radiation ainsi que la condamnation de la SAS Tempur Sealy France à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
1°) Sur la radiation pour défaut d'exécution
En vertu de l'article 383 du code de procédure civile, la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d'administration judiciaire. A moins que la péremption de l'instance ne soit acquise, l'affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l'une des parties.
Conformément à l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision. La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911. La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu'à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d'administration judiciaire.
L'exécution visée par ce texte est celle de ce qui, dans le jugement entrepris, s'impose aux parties en vertu de l'autorité de la chose jugée au sens de l'article 480 du code de procédure civile (en ce sens, 2ème Civ., 19 novembre 2020, n° 19-25.100). Or, celle-ci ne couvre que ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif (en ce sens, Ass. plén., 13 mars 2009, n° 08-16.033), les motifs d'un jugement, fussent-ils son soutien nécessaire, n'ayant ainsi pas l'autorité de la chose jugée (en ce sens, 2ème Civ., 7 mai 2008, n° 06-21.724) mais pouvant néanmoins éclairer sa portée (en ce sens, Com., 27 novembre 2012, n° 11-24.783).
Le jugement entrepris, prononcé le 4 décembre 2023 sur assignation signifiée le 4 février 2022, postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 3 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 modifiant l'article 514 du code de procédure civile de ce fait applicable au litige conformément à son article 55 II, était de droit exécutoire à titre provisoire en toutes ses dispositions. Le tribunal n'en a pas disposé autrement au sens des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile.
La demande de radiation a été présentée par la SAS Tempur Sealy France dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 13 mai 2024, soit dans le délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile, et est ainsi recevable. Il est en outre constant que la SAS Dosetconfort [Localité 1] n'a réglé aucun des chefs de condamnation du jugement entrepris.
Pour s'opposer à la demande la SAS Dosetconfort [Localité 1] invoque simultanément des conséquences manifestement excessives et une impossibilité d'exécution ainsi qu'une atteinte disproportionnée à son droit au juge au motif que sa situation financière s'est dégradée depuis la rupture des relations commerciales, son chiffre d'affaires ayant chuté de 65,41 % au dernier trimestre 2021 et son résultat étant de 3 878 euros au 31 décembre 2023 pour une trésorerie presque inexistante, tandis que la situation de la SAS Tempur Sealy France est florissante.
Outre le fait que les données relatives aux exercices 2021 à 2022 sont obsolètes et sans pertinence pour apprécier les conséquences manifestement excessives de l'exécution ou son impossibilité qui doivent être actuelles, il ressort du compte de résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2023 de la SAS Dosetconfort [Localité 1] (sa pièce 3) que son chiffre d'affaires a presque doublé entre 2022 et 2023 et que la baisse des recettes qu'elle allègue est liée à une augmentation significative des charges pour une bonne part causée par l'accroissement de son activité (ouverture d'une boutique à [Localité 2] -pièce 9 de l'intimée-) et par une nette hausse librement décidée de certains frais (dépenses relatives au community manager passées de 18 949 euros à plus de 89 000 euros, remboursement partiel d'une avance en compte courant d'associé avoisinant 32 000 euros, primes et gratifications multipliées par dix, nouveau poste « rémunération de l'exploitant » de 165 503,80 euros), la trésorerie étant en outre inéluctablement péjorativement affectée par les mouvements entre sociétés intragroupe (à hauteur de plus de 68 000 euros).
Aussi, au regard du caractère non nécessairement artificiel mais purement volontaire de l'augmentation des charges et de la réduction des disponibilités, ni la baisse du chiffre d'affaires constatée en 2024 de 17,82 % entre janvier et avril par rapport à la même période en 2023 (pièce 4 de l'appelante) ou la faiblesse des recettes en 2023 ni le manque de trésorerie de la SAS Dosetconfort [Localité 1] (ses pièces 3, 5 et 12) ne caractérisent une impossibilité d'exécution ou des conséquences manifestement excessives en cas de paiement de la somme totale de 200 000 euros en capital et intérêts due à la SAS Tempur Sealy France en exécution du jugement entrepris.
L'appréciation des conséquences manifestement excessives ou de l'impossibilité d'exécution visées par l'article 524 du code de procédure civile impose un contrôle de proportionnalité de la sanction qu'est la radiation au regard des dispositions de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (ci-après, « la CESDH ») ainsi que l'a jugé la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après, « la CEDH ») dans son arrêt [V] c. France du 10 octobre 2013 (n° 37640/11, §31 à 33) qui précise que :
« le "droit à un tribunal", dont le droit d'accès constitue un aspect particulier, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l'accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l'article 6§1 que si elles tendent à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ['] ;
En outre, l'article 6§1 de la Convention n'oblige pas les Etats contractants à instituer des cours d'appel ou de cassation. Toutefois, si de telles juridictions sont instituées, la procédure qui s'y déroule doit présenter les garanties prévues à l'article 6, notamment en ce qu'il assure aux plaideurs un droit effectif d'accès aux tribunaux pour les décisions relatives à leurs droits et obligations de caractère civil ['] ;
La Cour a déjà examiné la question de savoir si une mesure de radiation du rôle, prononcée par un conseiller de la mise en état en application de l'article 526 du code de procédure civile, pouvait être admise au regard des exigences du droit à un tribunal. À cette occasion, elle a jugé légitimes les buts poursuivis par cette obligation d'exécution d'une décision pour laquelle l'exécution provisoire a été ordonnée, à savoir notamment assurer la protection du créancier, éviter les appels dilatoires et assurer la bonne administration de la justice en désengorgeant les tribunaux. Elle a cependant considéré que, compte tenu de l'effet privatif de celle-ci sur le droit à un double degré de juridiction, l'Etat disposait en la matière d'une marge d'appréciation plus restreinte que dans les affaires portant sur un retrait du rôle de la Cour de cassation en vertu de l'article 1009-1 du même code. Elle s'est alors attachée à déterminer si la mesure de radiation, telle qu'appliquée à la situation considérée, s'analysait en une entrave disproportionnée au droit d'accès à la cour d'appel ['] ».
Il est désormais acquis que les difficultés financières de la SAS Dosetconfort [Localité 1], toute relative au regard du chiffre d'affaires qu'elle dégage, trouvent pour l'essentiel leur origine dans une augmentation de ses charges et des flux intragroupe librement décidée en 2023, peu important de ce fait la proposition d'échéancier refusée par la SAS Tempur Sealy France censée caractériser sa bonne foi (pièces 6 et 7 de l'appelante).
En pareilles circonstances, la radiation de l'affaire, sanction sans conséquence définitive nécessaire qui poursuit des buts légitimes (protection du créancier, prévention des appels dilatoires et bonne administration de la justice), ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans l'exercice par l'appelante de son droit d'accès au juge d'appel, peu important la situation économique de son créancier. Aussi sera-t-elle ordonnée.
2°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant à l'incident, la SAS Dosetconfort [Localité 1], dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer à la SAS Tempur Sealy France la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter, en application des articles 907, 790 et 696 du code de procédure civile, les dépens.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat en charge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire,
Ordonne la radiation de l'affaire du rôle de la cour d'appel pour défaut d'exécution du jugement entrepris par la SAS Dosetconfort Paris ;
Rejette la demande de la SAS Dosetconfort [Localité 1] au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SAS Dosetconfort [Localité 1] à payer à la SAS Tempur Sealy France la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Dosetconfort [Localité 1] aux dépens.
Ordonnance rendue par Julien RICHAUD, magistrat en charge de la mise en état assisté de Sonia JHALLI, greffier présente lors du prononcé de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Paris, le 02 Juillet 2024
Le greffier Le magistrat en charge de la mise en état
Pôle 5 - Chambre 4
N° RG 24/01568 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIZHM
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 10 Janvier 2024
Date de saisine : 25 Janvier 2024
Nature de l'affaire : Demande en réparation des préjudices résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie
Décision attaquée : n° 2022007731 rendue par le Tribunal de Commerce de PARIS le 04 Décembre 2023
Appelante :
S.A.R.L. DOSETCONFORT [Localité 1], représentée par Me Julien ANDREZ de la SCP AyacheSalama, avocat au barreau de PARIS, toque : P334 - N° du dossier 20230545
Intimée :
S.A.S. TEMPUR SEALY FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 - N° du dossier 42146
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(n° , 4 pages)
Nous, Julien RICHAUD, magistrat en charge de la mise en état,
Assisté de Mianta Andrianasoloniary, greffier lors des débats et de Sonia JHALLI lors du prononcé de l'ordonnance,
Vu l'instance enrôlée sous le numéro RG 24/01568 ;
Vu le jugement rendu le 14 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Paris dans le litige opposant la SAS Dosetconfort Paris à la SAS Tempur Sealy France, qui a, avec exécution provisoire de droit en toutes ses dispositions, statué en ces termes :
- Déboute la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] de sa demande tendant au paiement par la SAS TEMPUR SEALY FRANCE d'une somme de 341 402,94 € au titre de la réparation d'un préjudice allégué sur le fondement de l'article L. 442-1, Il du code de commerce ;
- Déboute la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] de sa demande tendant au paiement par la SAS TEMPUR SEALY FRANCE d'une somme de 160 609 € au titre de la réparation d'un préjudice subi du fait de prétendus actes de concurrence déloyale ;
- Déboute la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] de sa demande tendant au paiement par la SAS TEMPUR SEALY FRANCE d'une somme de 12 373,20 € au titre d'une remise de fin d'année 2021 et d'une somme de 5 214 € au titre du remboursement de frais de stockage ;
- Condamne la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] à payer à la SAS TEMPUR SEALY FRANCE la somme de 128 187,80 € au titre des factures n° FC051108, FC051679, FC052104, FC052683, FC052806, FC053180, FC053533, FC053633,FC053647, FC053653, FC053789, FC053800, FC054257, FC055174, FC055519, FC053181 et FC055858, augmentées des intérêts de retard fixés à trois fois le taux d'intérêt légal, outre 680 € à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
- Condamne la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] à payer à la SAS TEMPUR SEALY FRANCE la somme de 27 193 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consécutif à une rupture prématurée du contrat de distribution ;
- Déboute la SAS TEMPUR SEALY FRANCE de sa demande tendant au paiement par la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] d'une somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Condamne la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] à payer à la SAS TEMPUR SEALY FRANCE la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboute la SAS TEMPUR SEALY FRANCE de sa demande tendant à la publication du présent jugement sur le site internet de la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] ;
- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- Condamne la SARL DOSETCONFORT [Localité 1] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.
Vu l'appel interjeté par la SAS Dosetconfort [Localité 1] par déclaration reçue au greffe le 10 janvier 2024 ;
Vu les premières conclusions d'appelant notifiées par la voie électronique le 8 avril 2024 ;
Vu les conclusions d'incident notifiées par la SAS Tempur Sealy France par la voie électronique le 4 juin 2024, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, sollicitant du conseiller de la mise en état la radiation du rôle de l'affaire en application de l'article 524 du code de procédure civile outre la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens ;
Vu les conclusions d'incident notifiées par la SAS Dosetconfort [Localité 1] par la voie électronique le 3 juin 2024, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, sollicitant du conseiller de la mise en état le rejet de la demande de radiation ainsi que la condamnation de la SAS Tempur Sealy France à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
1°) Sur la radiation pour défaut d'exécution
En vertu de l'article 383 du code de procédure civile, la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d'administration judiciaire. A moins que la péremption de l'instance ne soit acquise, l'affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l'une des parties.
Conformément à l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision. La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911. La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu'à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d'administration judiciaire.
L'exécution visée par ce texte est celle de ce qui, dans le jugement entrepris, s'impose aux parties en vertu de l'autorité de la chose jugée au sens de l'article 480 du code de procédure civile (en ce sens, 2ème Civ., 19 novembre 2020, n° 19-25.100). Or, celle-ci ne couvre que ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif (en ce sens, Ass. plén., 13 mars 2009, n° 08-16.033), les motifs d'un jugement, fussent-ils son soutien nécessaire, n'ayant ainsi pas l'autorité de la chose jugée (en ce sens, 2ème Civ., 7 mai 2008, n° 06-21.724) mais pouvant néanmoins éclairer sa portée (en ce sens, Com., 27 novembre 2012, n° 11-24.783).
Le jugement entrepris, prononcé le 4 décembre 2023 sur assignation signifiée le 4 février 2022, postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 3 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 modifiant l'article 514 du code de procédure civile de ce fait applicable au litige conformément à son article 55 II, était de droit exécutoire à titre provisoire en toutes ses dispositions. Le tribunal n'en a pas disposé autrement au sens des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile.
La demande de radiation a été présentée par la SAS Tempur Sealy France dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 13 mai 2024, soit dans le délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile, et est ainsi recevable. Il est en outre constant que la SAS Dosetconfort [Localité 1] n'a réglé aucun des chefs de condamnation du jugement entrepris.
Pour s'opposer à la demande la SAS Dosetconfort [Localité 1] invoque simultanément des conséquences manifestement excessives et une impossibilité d'exécution ainsi qu'une atteinte disproportionnée à son droit au juge au motif que sa situation financière s'est dégradée depuis la rupture des relations commerciales, son chiffre d'affaires ayant chuté de 65,41 % au dernier trimestre 2021 et son résultat étant de 3 878 euros au 31 décembre 2023 pour une trésorerie presque inexistante, tandis que la situation de la SAS Tempur Sealy France est florissante.
Outre le fait que les données relatives aux exercices 2021 à 2022 sont obsolètes et sans pertinence pour apprécier les conséquences manifestement excessives de l'exécution ou son impossibilité qui doivent être actuelles, il ressort du compte de résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2023 de la SAS Dosetconfort [Localité 1] (sa pièce 3) que son chiffre d'affaires a presque doublé entre 2022 et 2023 et que la baisse des recettes qu'elle allègue est liée à une augmentation significative des charges pour une bonne part causée par l'accroissement de son activité (ouverture d'une boutique à [Localité 2] -pièce 9 de l'intimée-) et par une nette hausse librement décidée de certains frais (dépenses relatives au community manager passées de 18 949 euros à plus de 89 000 euros, remboursement partiel d'une avance en compte courant d'associé avoisinant 32 000 euros, primes et gratifications multipliées par dix, nouveau poste « rémunération de l'exploitant » de 165 503,80 euros), la trésorerie étant en outre inéluctablement péjorativement affectée par les mouvements entre sociétés intragroupe (à hauteur de plus de 68 000 euros).
Aussi, au regard du caractère non nécessairement artificiel mais purement volontaire de l'augmentation des charges et de la réduction des disponibilités, ni la baisse du chiffre d'affaires constatée en 2024 de 17,82 % entre janvier et avril par rapport à la même période en 2023 (pièce 4 de l'appelante) ou la faiblesse des recettes en 2023 ni le manque de trésorerie de la SAS Dosetconfort [Localité 1] (ses pièces 3, 5 et 12) ne caractérisent une impossibilité d'exécution ou des conséquences manifestement excessives en cas de paiement de la somme totale de 200 000 euros en capital et intérêts due à la SAS Tempur Sealy France en exécution du jugement entrepris.
L'appréciation des conséquences manifestement excessives ou de l'impossibilité d'exécution visées par l'article 524 du code de procédure civile impose un contrôle de proportionnalité de la sanction qu'est la radiation au regard des dispositions de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (ci-après, « la CESDH ») ainsi que l'a jugé la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après, « la CEDH ») dans son arrêt [V] c. France du 10 octobre 2013 (n° 37640/11, §31 à 33) qui précise que :
« le "droit à un tribunal", dont le droit d'accès constitue un aspect particulier, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l'accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l'article 6§1 que si elles tendent à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ['] ;
En outre, l'article 6§1 de la Convention n'oblige pas les Etats contractants à instituer des cours d'appel ou de cassation. Toutefois, si de telles juridictions sont instituées, la procédure qui s'y déroule doit présenter les garanties prévues à l'article 6, notamment en ce qu'il assure aux plaideurs un droit effectif d'accès aux tribunaux pour les décisions relatives à leurs droits et obligations de caractère civil ['] ;
La Cour a déjà examiné la question de savoir si une mesure de radiation du rôle, prononcée par un conseiller de la mise en état en application de l'article 526 du code de procédure civile, pouvait être admise au regard des exigences du droit à un tribunal. À cette occasion, elle a jugé légitimes les buts poursuivis par cette obligation d'exécution d'une décision pour laquelle l'exécution provisoire a été ordonnée, à savoir notamment assurer la protection du créancier, éviter les appels dilatoires et assurer la bonne administration de la justice en désengorgeant les tribunaux. Elle a cependant considéré que, compte tenu de l'effet privatif de celle-ci sur le droit à un double degré de juridiction, l'Etat disposait en la matière d'une marge d'appréciation plus restreinte que dans les affaires portant sur un retrait du rôle de la Cour de cassation en vertu de l'article 1009-1 du même code. Elle s'est alors attachée à déterminer si la mesure de radiation, telle qu'appliquée à la situation considérée, s'analysait en une entrave disproportionnée au droit d'accès à la cour d'appel ['] ».
Il est désormais acquis que les difficultés financières de la SAS Dosetconfort [Localité 1], toute relative au regard du chiffre d'affaires qu'elle dégage, trouvent pour l'essentiel leur origine dans une augmentation de ses charges et des flux intragroupe librement décidée en 2023, peu important de ce fait la proposition d'échéancier refusée par la SAS Tempur Sealy France censée caractériser sa bonne foi (pièces 6 et 7 de l'appelante).
En pareilles circonstances, la radiation de l'affaire, sanction sans conséquence définitive nécessaire qui poursuit des buts légitimes (protection du créancier, prévention des appels dilatoires et bonne administration de la justice), ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans l'exercice par l'appelante de son droit d'accès au juge d'appel, peu important la situation économique de son créancier. Aussi sera-t-elle ordonnée.
2°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant à l'incident, la SAS Dosetconfort [Localité 1], dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer à la SAS Tempur Sealy France la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter, en application des articles 907, 790 et 696 du code de procédure civile, les dépens.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat en charge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire,
Ordonne la radiation de l'affaire du rôle de la cour d'appel pour défaut d'exécution du jugement entrepris par la SAS Dosetconfort Paris ;
Rejette la demande de la SAS Dosetconfort [Localité 1] au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SAS Dosetconfort [Localité 1] à payer à la SAS Tempur Sealy France la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Dosetconfort [Localité 1] aux dépens.
Ordonnance rendue par Julien RICHAUD, magistrat en charge de la mise en état assisté de Sonia JHALLI, greffier présente lors du prononcé de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Paris, le 02 Juillet 2024
Le greffier Le magistrat en charge de la mise en état