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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 4 juillet 2024, n° 23/00243

FORT-DE-FRANCE

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Pilotrans (Sté)

Défendeur :

Locavet (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Paris

Avocats :

Me Constant, Me Ollivier

CA Fort-de-France n° 23/00243

3 juillet 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement contradictoire rendu en date du 12 avril 2023, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a statué comme suit :

- Déboute M. [E] [V], exerçant sous l'enseigne Pilotrans, de ses demandes ;

- Condamne M. [E] [V], exerçant sous l'enseigne Pilotrans à payer à la SARL Locavet la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette toute autre demande, plus ample ou contraire ;

- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit ;

- Laisse les dépens de l'instance à la charge de M. [E] [V], exerçant sous l'enseigne Pilotrans, en ce compris les frais de greffe d'un montant de 62,92 euros.

Par déclaration au greffe en date du 1er juin 2023, M. [E] [V], exerçant sous l'enseigne Pilotrans, a interjeté appel de chacun des chefs du jugement susvisé.

Par courriers transmis par voie électronique le 2 juin 2023, le greffe a sollicité les observations de l'avocat de l'appelant sur les raisons du défaut de paiement du droit prévu par l'article 1635 bis P du code général des impôts, l'a informé de la possibilité de régulariser la situation, lui a rappelé la sanction prévue par l'articles 963 du code de procédure civile, à savoir l'irrecevabilité de l'appel ou des défenses, et l'a averti qu'à défaut de régularisation, l'irrecevabilité serait constatée d'office.

L'affaire a été orientée à la mise en état le 16 juin 2023.

Un avis à signifier la déclaration d'appel à la SARL Locavet, exerçant sous l'enseigne 'Régie Linge', non constituée, a été adressé à l'appelant le 11 septembre 2023 par le greffe.

La SARL Locavet a constitué avocat le 2 octobre 2023.

Par conclusions d'incident remises au greffe par voie électronique en date du 30 mai 2024, la SARL Locavet sollicite du magistrat chargé de la mise en état de :

- DÉCLARER incompétente la cour d'appel de Fort-de-France pour connaître de l'appel de M. [E] [V] interjeté à l'encontre du jugement entrepris rendu par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France le 12 avril 2023 au profit de la cour d'appel de Paris par application de l'article D.442 -3 du code de commerce ;

- CONDAMNER M. [E] [V], exerçant sous l'enseigne Pilotrans, à verser la somme de 3.000 euros au profit de la SARL Locavet au titre de ses frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et ;

- CONDAMNER M. [E] [V], exerçant sous l'enseigne Pilotrans, aux entiers dépens d'appel.

Par conclusions d'incident remises au greffe par voie électronique en date du 16 mai 2024, M. [E] [V], exerçant sous l'enseigne Pilotrans, sollicite du magistrat chargé de la mise en état de :

- Débouter la SARL Locavet de sa demande à ce qu'il soit prononcé la caducité ;

- La condamner à verser à l'appelant la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Renvoyer la procédure devant la cour d'appel de Paris.

M. [E] [V], exerçant sous l'enseigne Pilotrans, a régularisé son timbre fiscal.

L'incident a été retenu le 6 juin 2024 et mis en délibéré le 4 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de caducité :

Le 20 mars 2024, la SARL Locavet sollicitait par conclusions d'incident que soit prononcée la caducité de la déclaration d'appel.

Cependant, il sera rappelé que le conseiller de la mise en état n'est tenu que par le dispositif des dernières conclusions et qu'il n'est pas sollicité dans le dispositif des dernières conclusions d'incident remises au greffe le 30 mai 2024 une quelconque demande de caducité de la déclaration d'appel.

Dans ces conditions, il ne sera pas statué sur cette demande.

Sur la compétence de la cour d'appel de Fort-de-France :

Le conseiller de la mise en état exerce devant la cour les attributions qui sont celles du juge de la mise en état devant le tribunal judiciaire, avec les pouvoirs prévus à l'article 789 du code de procédure civile, lequel article lui donne pouvoir de statuer en son 1° sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance et en son 6° sur les fins de non-recevoir.

L'exception d'incompétence soulevée par la SARL Locavet est une exception de procédure de sorte que le conseiller de la mise en état est ici compétent.

Il résulte des termes même de la décision querellée que le jugement a été rendu au visa de l'article 442-6 I 5° du code de commerce

Aux termes de l'article L. 442-6 II 5° du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Par ailleurs, l'article L. 442-6, III, alinéa 5 dudit code dispose que les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

L'article D. 442-3 du code de commerce, issu du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, applicable à compter du 1er décembre 2009 précise que pour l'application de l'article L.442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.

Le tableau, figurant à l'annexe 4-2-1 visée par ce texte, comporte une liste de huit tribunaux, dont le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, désignés comme juridiction spécialisée pour connaître des actions fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce.

Il s'évince de ces textes d'ordre public que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juridictions spécialement désignées dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce.

En l'espèce, la décision entreprise a été rendue par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France.

Par ailleurs, la décision querellée a été rendue au visa de l'article 442-6 I 5° du code de commerce de sorte que l'article D. 442-3 susvisé est applicable à l'appel de cette décision.

La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France est donc, en application des textes susvisés, exclusivement celle de Paris.

La règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2 du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, devenues l'article L. 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir. Il en résulte que, lorsqu'un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 précité, la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 précité, doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l'interdépendance des demandes, soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée (Com., 18 octobre 2023, pourvoi n° 21-15.378).

Dans ces conditions, l'affaire sera renvoyée devant la cour d'appel de Paris, juridiction compétente.

Les dépens sont réservés.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties à ce stade du litige.

PAR CES MOTIFS

Le magistrat chargé de la mise en état,

- SE DÉCLARE incompétent pour statuer sur le présent litige au profit de la cour d'appel de Paris et renvoie selon la procédure de l'article 82 du code de procédure civile l'affaire devant cette cour ;

- RÉSERVE les dépens ;

- REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.