CA Rouen, ch. soc., 4 juillet 2024, n° 22/03704
ROUEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Groupement d'Intérêt Economique Pari Mutuel Urbain (PMU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bideault
Conseillers :
Mme Pouget, Mme De Brier
Avocats :
Me Masson, Me Donzel
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le Groupement d'Intérêt Economique Pari Mutuel Urbain ( PMU) ( le groupement ou l'employeur) a pour activités principales la conception, la promotion, la commercialisation et le traitement des paris sur les courses de chevaux, en points de vente physique et en ligne ainsi que sur les hippodromes de la région parisienne.
Le groupement emploie plus de 1 000 salariés et applique la convention collective du PMU du 9 mai 1975.
M. [I] (le salarié) a été engagé par le PMU par contrat de travail à durée déterminée du 3 janvier au 30 juin 2000 puis par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2000 en qualité de directeur adjoint d'agence.
Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait les fonctions de directeur de l'agence de [Localité 5].
A compter du 18 novembre 2019, le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie ; cet arrêt de travail étant régulièrement renouvelé.
A l'issue de la visite médicale de reprise du 11 juin 2020, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail.
M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 novembre 2020 par lettre du 21 octobre précédent puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 novembre 2020 motivée comme suit:
' Vous avez été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement en date du 2 novembre 2020 auquel vous ne vous êtes pas présenté.
En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement, en raison de votre inaptitude physique constatée le 11 juin 2020 par le médecin du travail précisant 'Compte tenu de l'examen médical, le poste de travail de Monsieur [I] [U] est incompatible avec son état de santé et je le déclare inapte (art R4624-42 du code du travail). Serait en capacité d'exercer dans un autre environnement professionnel', et de l'impossibilité constatée de tout reclassement compte tenu d'une part, des préconisations faites par le médecin du travail (avis d'inaptitude du 11 juin 2020 et courrier du 23 juin 2020) et d'autre part, de votre refus, exprimé par lettre datée du 14 octobre 2020, d'accepter les propositions de postes faites par courrier du 29 septembre 2020.
Le comité social et économique a par ailleurs été consulté sur les propositions de reclassement soumises au médecin du travail lors d'une réunion en date du 24 septembre 2020. Le comité social et économique a conclu à l'impossibilité de vous reclasser ( vote à l'unanimité).
La rupture de votre contrat de travail prend effet immédiatement, à compter de la date d'envoi de la présente. Vous n'effectuerez donc pas de préavis. (...)'
Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen ; lequel, par jugement du 18 octobre 2022, a :
- jugé que le licenciement de M. [I] ne souffre aucune nullité
- débouté M. [I] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul
- débouté M. [I] du surplus de ses demandes
- débouté les parties au titre de leur demandes respectives concernant l'article 700 du code de procédure civile
- condamné les parties au partage des dépens.
Le 16 novembre 2022, M. [I] a interjeté appel de ce jugement.
La société a constitué avocat par voie électronique le 21 décembre 2022 puis nouvel avocat le 18 janvier 2023.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 2 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, M. [I], salarié appelant, demande à la cour de :
- le juger recevable et bien fondé en son appel,
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement ne souffrait d'aucune nullité,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul outre les intérêts, de complément d'indemnité en application de la convention nationale du PMU outre les intérêts, d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
- déclarer nul son licenciement avec toutes conséquences de droit,
- condamner la société à lui verser les sommes de :
dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir : 168 840 euros
complément d'indemnité conventionnelle en application de l'article 26 de la convention nationale du PMU, outre intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2021, jour de la demande : 43 046 euros
indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile : 8 000 euros
- condamner la société PMU en tous frais et dépens, y compris éventuels frais d'exécution.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 26 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, le PMU, employeur intimé, demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ainsi que de sa demande de versement d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- débouter M. [I] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que le licenciement ne souffre d'aucune nullité,
- débouter M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire, si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse ;
- limiter l'indemnisation de M. [I] en application de l'article L 1235-3 du code du travail,
- juger que M. [I] ne justifie pas du quantum de son préjudice
- juger que l'indemnité conventionnelle de licenciement versée doit rentrer en compte dans la fixation de l'indemnisation,
- limiter l'indemnisation à des proportions raisonnables
A titre infiniment subsidiaire, si le licenciement est jugé nul
- juger que M. [I] ne justifie pas le quantum de son préjudice,
- limiter l'indemnisation à des proportions raisonnables,
En tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de versement d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- condamner M. [I] à lui verser la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2024 et l'affaire plaidée à l'audience du 16 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur le licenciement
Au soutien de sa demande de nullité du licenciement, le salarié invoque avoir été victime d'un harcèlement moral.
L'employeur conteste l'existence d'un quelconque harcèlement moral.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.
L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La deuxième partie de ce texte présuppose que les éléments de fait présentés par le salarié soient des faits établis puisqu'il n'est pas offert à l'employeur de les contester mais seulement de démontrer qu'ils étaient justifiés.
Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le salarié soutient avoir été victime de méthodes de management inaproppriées et violentes, avoir subi une pression constante, notamment pour atteindre des objectifs et procéder aux licenciements de collaborateurs. Il expose que son supérieur, M. [Y], directeur commercial, n'avait aucun respect pour les salariés ; qu'il exigeait d'eux qu'ils travaillent le week-end ; qu'aucun résultat ne trouvait grâce à ses yeux ; que son obsession principale était de faire pression sur les responsables d'agences pour licencier tel ou tel collaborateur ou pour supprimer des postes de travail.
Il indique que M. [Y] était soutenu par Mme [D], directrice régionale. Ainsi, ils avaient mis en oeuvre des 'people review' qui étaient en réalité des examens de profils de chacun des collaborateurs, à l'issue desquels ils donnaient leurs consignes en vue des licenciements à venir. Au sujet de ces démarches destinées à supprimer des postes de travail ou à éliminer des collaborateurs, M. [Y] utilisait la même expression tirée de son passé chez France Télecom, le 'crash programme'.
Le salarié expose qu'il avait le souci constant de protéger les salariés ; que cependant il était soumis à la pression de sa hiérarchie ; qu'il a été profondément impacté au niveau de sa santé par le travail de 'liquidateur' qui lui était demandé ; qu'il a été victime d'un burn out.
Il précise que le directeur général du PMU, M. [E], a été révoqué au regard du climat social conflictuel constaté au sein du groupement ; que les syndicats ont alerté sur les risques de troubles psycho-sociaux au sein du PMU ; qu'une expertise a été diligentée ; que le rapport d'expertise déposé le 21 février 2020 a fait état d'une dégradation négative des conditions de travail, de l'augmentation du nombre des licenciements et des ruptures conventionnelles, du fait que les managers de proximité étaient particulièrement exposés à un risque d'épuisement professionnel.
Le salarié verse aux débats les comptes rendus du CSE en date des 24 septembre et 16 octobre 2020 ; le rapport d'expertise sur les risques psycho-sociaux du 21 février 2020, les copies d'échanges de mails avec M. [Y] et Mme [D] concernant une 'people review' ou la situation de salariés , des attestations de M. [V], délégué syndical, de Mme [Z] son adjointe, de M. [N], son chef de secteur, un Sms de M. [X] aux fins d'établir qu'il était considéré comme un bon professionnel, qu'il était victime de pressions de la part de sa hiérarchie pour atteindre une baisse des effectifs, qu'il a essayé de protéger ses équipes et a ressenti un fort malaise qui a eu pour conséquence une dégradation de sa santé.
Il ressort des éléments produits par le salarié que le 26 septembre 2019, à la suite de plusieurs constats de situations de souffrance au travail, les représentants du personnel ont décidé de recourir à une expertise relative aux risques psycho sociaux au sein du PMU, expertise confiée à un cabinet extérieur.
Il résulte du rapport d'expertise déposé le 21 février 2020 que près de 75% des salariés ont répondu à l'enquête ( soit 937 personnes sur 1254 contactées), que 25% des salariés qui se sont exprimés ont fait état d'un degré élevé ou très élevé d'exposition à l'épuisement professionnel ; que la nouvelle politique de l'entreprise était dirigée vers une baisse des effectifs, que des départs en nombre ont été constatés, que deux fois plus de licenciements et trois fois plus de ruptures conventionnelles ont été observés, de sorte qu'un climat de peur pour l'emploi touchait la majorité des salariés entendus. L'existence d'un manque de considération, d'un management autoritaire était relevée au sein de l'enquête, ce management créant des tensions au sein des équipes, un mal être professionnel et un turn over important.
A la suite du dépôt de ce rapport, une assemblée générale ordinaire des membres du GIE a été convoquée avec pour objet la révocation pour faute de M. [E] de ses fonctions de directeur général. Si la convocation mentionne au titre des griefs reprochés des prises de positions contradictoires dans la gestion du projet Thémis, tel que soutenu par l'employeur, elle évoque également, au titre des griefs, la création d'un climat conflictuel qui fait écho à des difficultés évoquées par les syndicats qui avaient alerté sur le risque de troubles pyscho-sociaux.
Le salarié établit l'existence d'échanges avec sa hiérarchie concernant des projets de licenciements de salariés et des reproches sur les chiffres d'affaires. Ainsi, par mail du 23 août 2019, M. [Y] indique à M. [I] ' j'attendais bien mieux pour ma part sur juillet/août sur cette agence ' puis par mail du 15 juillet 2019 ' le niveau du match à livrer quotidiennement nécessite de n'avoir en cible que des top performers sur le terrain (..) J'ai en conséquence besoin de partager avec vous fin septembre/ début octobre une people review en profondeur, sans concession, responsable des move à envisager dans vos team'.
Par mail du 29 septembre 2017, M. [Y] a pu écrire à M. [I] 'un seul maillon faible nocif identifié: [R] [L], qu'il convient de traiter. Sa présence constitue un risque de pollution de l'équipe au delà d'être une LP ( déléguée du personnel selon le salarié ou low performer selon l'employeur). Pas certain au passage qu'il faille la remplacer au regard des gains de productivité que nous fera faire le futur SI de l'agence. (...) Concernant le coordo qui ne me semble pas avoir un grand charisume et qui part en retraite sous 18 mois, anticipons les scénarios de remplacement.'
Les représentants du personnel, l'adjointe du salarié et son responsable de secteur attestent de l'existence d'une grande pression sur M. [I] aux fins de procéder à certains licenciements dans son équipe, de la dégradation de son état de santé.
Ces éléments établissent ainsi suffisamment des faits répétés qui, pris et appréciés dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral en présence de laquelle l'employeur se doit d'établir que les comportements et faits qui lui sont reprochés étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
En réponse, l'employeur se contente de contester la valeur probante des pièces produites par le salarié et de soutenir que M. [E] a été licencié en raison de prises de positions contradictoires à celles des membres du conseil d'administration en versant aux débats deux articles de presse.
L'employeur ne produit aucune pièce de nature à contester utilement les éléments versés aux débats par M. [I] faisant état de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé en lien avec les méthodes de management adoptées par la direction de l'entreprise.
Cette présomption de harcèlement n'est par conséquent pas renversée par l'employeur qui ne verse aux débats aucun élément propre à établir que les faits et agissements qui lui sont imputés seraient étrangers à toute forme de harcèlement et procéderaient d'un exercice normal de ses prérogatives.
Ainsi, par infirmation du jugement déféré, il sera désormais jugé que les faits de harcèlement moral dénoncés par le salarié sont établis.
Sur la nullité du licenciement
Il est rappelé que le licenciement d'un salarié pour inaptitude est nul lorsque cette inaptitude trouve son origine dans des actes de harcèlement moral commis par l'employeur.
Il a été précédemment jugé que le salarié avait été victime de harcèlement moral.
Tant les pièces médicales produites par M. [I] que les termes de l'avis d'inaptitude du 11 juin 2020 selon lesquels il serait en capacité d'exercer dans un autre environnement professionnel établissent l'existence d'un lien entre les agissements de l'employeur et le licenciement de M. [I], lequel a d'abord été placé en arrêt de travail puis s'est vu déclarer inapte à son poste dans le prolongement des arrêts de travail.
Il y a donc lieu de prononcer la nullité du licenciement, par infirmation du jugement entrepris.
2/ Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
Le salarié revendique le versement d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 43 046 euros sur le fondement de l'article 26 de la convention collective applicable.
Il indique qu'une indemnité de 90 217 euros lui a été versée ; que cependant en application de l'article 26 de la convention collective, il est en droit de percevoir l'indemnité conventionnelle et l'indemnité légale qui se cumulent. Il considère que le principe selon lequel 'en cas de concours de dispositions légales et conventionnelles, les avantages qu'elles instituent ne peuvent se cumuler lorsqu'elles ont la même cause et le même objet ' ne peut s'appliquer puisque l'article 26 prévoit expressément un versement de l'indemnité conventionnelle 'en dehors des indemnités légales'.
Il considère que le fait que le texte conventionnel ait été modifié postérieurement à son licenciement est inopérant en ce que seule la version en vigueur au jour de la rupture est applicable.
L'employeur considère qu'en application du principe juridique établi de non cumul des avantages légaux et conventionnels ayant le même objet ou la même cause, le salarié doit être débouté de sa demande.
Il rappelle que le salarié a perçu une indemnité de licenciement d'un montant total de 90 217 euros.
Il soutient en outre que conformément à la méthode d'interprétation des conventions collectives en vigueur, celle-ci doit être en priorité interprétée comme la loi, c'est à dire en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours en utilisant la méthode téléologique.
L'employeur affirme que quelque soit la méthode utilisée, l'article 26 de la convention collective ne saurait être interprété comme ayant autorisé un cumul entre l'indemnité conventionnelle et l'indemnité légale. Il précise qu'aucun salarié n'a jamais bénéficié de ce cumul, que le 1er avril 2021, la convention collective a été réécrite et que désormais l'article 26 ne mentionne plus la partie de la phrase qui indiquait 'en dehors des indemnités légales'.
Sur ce ;
Une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur.
En cas de concours de dispositions légales et conventionnelles, les avantages qu'elles instituent ne peuvent se cumuler lorsqu'elles ont la même cause et le même objet, seul le plus favorable d'entre eux pouvant être accordé.
En l'espèce, l'article 26 de la convention collective du PMU, dans sa version applicable à l'espèce, stipule ' La durée du préavis réciproque est de 3 mois. En dehors des indemnités légales, sous réserve d'un an de présence, il sera accordé, en cas de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, une indemnité équivalente à 5% du dernier salaire mensuel par mois de présence, majorée de 25% pour les cadres ayant 50 ans révolus. Dans le cas d'une faute grave ou lourde, l'indemnité sera réglée conformément aux dispositions légales en vigueur'.
Les parties ne contestent pas que cet article, après avoir évoqué la durée du préavis, institue une indemnité de licenciement conventionnelle pour les salariés licenciés pour autre cause qu'une faute grave ou une faute lourde.
Contrairement à ce que soutient le salarié, cet article a la même finalité que l'indemnité légale de licenciement prévue à l'article L 1234-9 du code du travail.
En effet, cet article prévoit un mode de calcul plus favorable de l'indemnité de licenciement pour le salarié, de sorte que cette indemnité ne peut se cumuler avec l'indemnité légale de licenciement.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le salarié a perçu une indemnité conventionnelle de licenciement de 90 217 euros, celle-ci étant supérieure au montant de l'indemnité légale de licenciement de 43 046 euros.
Il ne ressort pas des éléments produits qu'il n'ait pas été entièrement rempli de ses droits au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Le salarié ne pouvant prétendre au cumul de l'indemnité légale et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, il y a lieu de le débouter de sa demande de rappel d'indemnité de licenciement à hauteur de 43 046 euros.
Sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul
Conformément à l'article L. 1235-3-1 du code du travail, qui prévoit une indemnisation qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire, au regard de l'ancienneté de M. [I] ( 20 ans), mais aussi de l'absence de tout élément sur sa situation professionnelle postérieurement au licenciement, il convient de condamner l'employeur à lui payer la somme de 113 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Aux termes de l'article L 1235-4 du code du travail dans sa version issue de la loi du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Il convient en conséquence de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'Antenne Pôle Emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.
3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [I] les frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer.
Il convient en l'espèce de condamner l'employeur, succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais irrépétibles exposés par lui.
Il y a également lieu de condamner l'employeur aux dépens d'appel et de première instance par infirmation du jugement entrepris.
Il est précisé que la charge des frais d'exécution forcée est régie par les dispositions d'ordre public de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution. Le juge du fond ne pouvant statuer par avance sur le sort de ces frais.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort ;
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Rouen du 18 octobre 2022 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau:
Juge nul le licenciement de M. [U] [I] ;
Condamne le Groupement d'Intérêt Economique Pari Mutuel Urbain à verser à M. [U] [I] la somme de 113 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne le Groupement d'Intérêt Economique Pari Mutuel Urbain à verser à l'organisme concerné le montant des indemnités chômage versées à M. [U] [I] depuis son licenciement dans la limite de 6 mois de prestations ;
Déboute M. [U] [I] de sa demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Condamne le Groupement d'Intérêt Economique Pari Mutuel Urbain à verser à M. [U] [I] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne le Groupement d'Intérêt Economique Pari Mutuel Urbain aux dépens de première instance et d'appel.