Décisions
CA Montpellier, ch. com., 23 juillet 2024, n° 22/05713
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 23 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/05713 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PTN7
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 01 MARS 2021
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
N° RG 2020 004916
APPELANTE :
SASU LE BIKINI prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
Madame [B] [K]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Pauline AQUILA, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012895 du 11/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
(ordo d'irrcevabilité des conclusions du 16.09.2021)
SASU LE BONHEUR prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Pauline AQUILA, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS
(ordonnance d'irrecevabilité des conclusions du 16.09.2021)
PARTIE INTERVENANTE :
Monsieur [Y] [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la SASU LE BIKINI
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 21 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère faisant fonction de présidente en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée chargée du rapport et M. Thibault GRAFFIN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
FAITS ET PROCEDURE
Le 14 mars 2019, la SASU Le Bonheur, représentée par sa présidente et associée unique, Mme [B] [K], a cédé son fonds de commerce de restaurant, snack, bar exploité à [Localité 5] sous l'enseigne commerciale «'[7]'» à la SASU Le Bikini, dont le gérant est Mme [F] [E], au prix de 40'000 euros, soit 35'000 euros pour les éléments incorporels et 5'000 euros pour les éléments corporels.
Le paiement était stipulé payable comptant à hauteur de 8'000 euros et le solde à l'aide d'un crédit-vendeur de 32'000 euros, soit :
- 1'000 euros le 30 juin 2019';
- 3'000 euros le 31 juillet 2019';
- 3'000 euros le 31 août 2019';
- 2'000 euros le 30 septembre 2019';
- et 23'000 euros le 30 novembre 2019.
Le 19 mars 2020, la société Le Bonheur a mis en demeure vainement la société Le Bikini d'avoir à lui régler le solde du prix de vente impayé, soit 26'500 euros.
Par exploit du 6 octobre 2020, la société Le Bonheur et Mme [B] [K] ont assigné la société Le Bikini en paiement.
Par jugement contradictoire en date du 1er mars 2021, le tribunal de commerce de Béziers a :
- condamné la société Le Bikini à payer à la société Le Bonheur et à Mme [B] [K] la somme de 26'500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2020'et la somme de 3'000 euros à titre de dommages et intérêts';
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit';
- et condamné la société Le Bikini à payer à la société Le Bonheur et à Mme [B] [K] la somme de 3'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'outre les dépens.
Par déclaration du 16 mars 2021 enregistrée sous le n° RG 21/01735, la société Le Bikini a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance en date du 16 septembre 2021, devenue irrévocable, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions déposées hors délai le 13 septembre 2021 par la société Le Bonheur et Mme [B] [K].
Par jugement du 18 mai 2022, le tribunal de commerce de Béziers a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la société Le Bikini, et désigné M. [Y] [H] en qualité de mandataire liquidateur.
Par ordonnance du 20 octobre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance et prononcé le retrait de l'affaire du rôle.
Celle-ci a été rétablie sur l'intervention volontaire du liquidateur de la société Le Bikini.
Par conclusions du 1er février 2023, la SASU Le Bikini et son liquidateur judiciaire, M. [Y] [H], demandent à la cour, au visa des articles 1137, 1217, 1604, 1626, 1641 et suivants du code civil et de l'article 31 du code de procédure civile :
- de réformer le jugement entrepris';
- de déclarer irrecevables les demandes de Mme [B] [K] pour défaut de qualité et d'intérêt à agir';
- de juger que la société Le Bonheur a manqué à ses obligations de délivrance, de garantie d'éviction et de garantie des vices cachés'; qu'elle s'est rendue coupable de dol'; qu'elle a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui lui a causé des dommages'; et qu'aucune condamnation ne pouvait être prononcée au profit de Mme [B] [K], non partie à la procédure';
à titre principal, de condamner la société Le Bonheur à payer à M. [H], ès qualités, les sommes suivantes':
- 6'474 euros au titre des travaux de mise en conformité de l'installation électrique';
- 20'000 euros en réparation de son trouble de jouissance';
- 1'500 euros en réparation de son préjudice moral';
à titre subsidiaire, si la cour ne faisait pas droit à ses demandes de dommages et intérêts';
- d'ordonner la résolution de la vente';
- de constater que la société Le Bikini a déjà restitué le fonds de commerce à la société Le Bonheur';
- de condamner la société Le Bonheur à payer à M. [H], ès qualités, les sommes suivantes':
- 13'500 euros déjà versés en règlement d'une partie du prix de vente';
- 20'000 euros en réparation de son trouble de jouissance';
- 1'500 euros en réparation de son préjudice moral';
à titre infiniment subsidiaire, avant dire droit,
- d'ordonner une mesure d'expertise avec pour mission de':
- entendre les parties ou toute autre personne en leurs dires et leurs explications';
- se faire remettre tous documents lui apparaissant utiles à sa mission';
se rendre sur les lieux à savoir [Localité 5], [7], [Adresse 3]';
- décrire les lieux et les différents désordres affectant le fonds de commerce et plus particulièrement l'installation électrique du local';
- donner son avis sur la conformité de cette installation électrique';
- lister et chiffrer les travaux de remise en état';
- décrire les préjudices subis par la société Le Bikini': diminution de la valeur du fonds de commerce, trouble de jouissance'
- donner sur avis sur une éventuelle réduction de prix de vente du fait des différents désordres';
- faire les comptes entre les parties';
- et, d'une manière générale, donner au tribunal tous les éléments utiles à la solution du litige, provoquer les observations des parties en leur adressant un pré-rapport de ses opérations et répondre à leurs dires';
en toutes hypothèses,
- de rejeter les prétentions de la société Le Bonheur, prises en la personne de son représentant légal en exercice, et celles de Mme [B] [K] ;
- et de condamner la société Le Bonheur à payer à M. [Y] [H], ès qualités, la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 21 mars 2024, formant appel incident, la société Le Bonheur et Mme [B] [K] demandent à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de':
- de confirmer partiellement le jugement entrepris sauf la rectification des erreurs matérielles commises par les premiers juges, dans les termes suivants':
juger qu'elles étaient assistées en première instance par Me Pauline Aquila en qualité d'avocate postulante';
- condamner la société Le Bikini à payer à la société Le Bonheur la somme de 26'500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2020';
- condamner la société Le Bikini à payer à Mme [B] [K], la somme de 3'000 euros à titre de dommages et intérêts';
- débouter la société Le Bikini de l'intégralité de ses demandes'tant à titre principal que subsidiaire ;
- de la condamner à payer à la société Le Bonheur la somme de 3'000 euros et ajoutant, celle de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'outre les dépens de première instance et d'appel.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 21 mai 2024.
MOTIFS
Il convient de relever en premier lieu que la société Le Bonheur et Mme [B] [K] déclarées irrecevables à conclure en application de l'article 909 du code de procédure civile, de sorte que leurs conclusions, tant celles notifiées le 13 septembre 2021, que les dernières du 21 mars 2024 après radiation, ne sont pas recevables.
Pour s'opposer au paiement du solde du prix, la SASU Le Bikini soutient que la SASU Le Bonheur aurait manqué à ses obligations de délivrance, d'éviction, de fournir une chose exempte de vice caché, outre le dol de la venderesse qui aurait eu parfaite connaissance du défaut de conformité et du vice de la chose vendue.
L'acte de cession prévoit en son article 5 que « l'acquéreur s'engage à prendre le fonds de commerce cédé, les accessoires en dépendant dans l'état où ils se trouveront lors de son entrée en jouissance, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ni diminution du prix ci-après fixé pour quelque cause que ce soit.»
Cette clause ne bénéficie pas toutefois à un vendeur qui connaîtrait l'existence du vice et a fortiori, à l'auteur d'un dol.
À cet égard, le tribunal retient exactement les motifs suivants :
« Il est invoqué l'existence d'un défaut de conformité de l'installation électrique, basé sur le rapport d'une société Ingeris dressé postérieurement à la vente.
En second lieu, la cessionnaire a fait établir en novembre 2019, un rapport d'inspection qui évoque différents aspects techniques, mais pas de non- conformité.
C'est ainsi que concernant le tableau électrique dont il est sollicité le remplacement au terme du devis versé aux débats pour 3 500 € reproche un défaut d'étiquetage, un problème sur la coupure d'urgence mais pas les points visés au devis.
Ce rapport d'inspection ne justifie pas que les désordres invoqués existaient lors de la cession.
D'autant que lorsque la SASU Le Bonheur a fait l'acquisition du fonds de commerce, le 15 décembre 2017, l'installation électrique venait d'être rénovée par le précédent propriétaire.
M. [R], avait fait intervenir un électricien, M. [O], lequel avait indiqué le 21 novembre 2017 qu'elle certifiait « que le local est mis en sécurité selon les normes électriques en vigueur.»
Il n'existe, en matière de vente de fonds de commerce, aucune obligation de diagnostics ou de contrôle, contrairement aux ventes d'immeuble d'habitation.
Pendant l'exploitation du fonds par la SASU Le Bonheur, celle-ci n'a fait aucune modification ni travaux sur l'électricité.
Lorsqu'elle a revendu le fonds, 14 mois plus tard, elle a fait intervenir un autre électricien qui a émis le même certificat de conformité électrique.
Il est démontré par ces deux professionnels que l'installation était sécure et exempte de vice électrique.
Ce n'est au surplus que lorsque Mme [K] a réclamé paiement le 5 octobre 20l9 du solde du prix de la vente le 14 mars 2019 qu'il a été invoqué un prétendu non-respect des normes électriques par lettre du 26 octobre 2019 suivant, celui-ci n'ayant jamais été déploré jusque-là, depuis la vente. »
Il convient d'ajouter à ces motifs que les productions de l'appelante, notamment le rapport d'inspection de l'installation électrique effectuée par la société Ingeris daté du mois de novembre 2019 et le chiffrage de l'entreprise Mega objet d'un devis du 2 décembre 2019 pour un montant de 6500 € pour "remise aux normes"sont des éléments unilatéraux, recueillis en violation du principe du contradictoire, et dès lors insuffisants à la preuve et à contredire le certificat de conformité des installations.
Ils ne permettent pas d'établir l'imputabilité des désordres électriques ayant causé des coupures de courant dont témoignent des clients durant l'été 2019.
La cour ne saurait suppléer la carence de la société Le Bikini dans l'administration de la preuve en ordonnant la mesure d'instruction sollicitée à titre subsidiaire, qu'il lui appartenait de demander avant tout procès en application de l'article 146 du code de procédure civile, la charge de la preuve des inexécutions alléguées lui incombant et non à son adversaire, contrairement à ce qu'elle soutient.
En ce qui concerne la non communication des bilans, l'activité non seulement de restaurant mais aussi de snack-bar, les certificats de conformité 2018 concernant le nettoyage de la hotte, ou encore la fermeture administrative qui aurait été dissimulée par le vendeur durant l'hiver 2018-2019, la preuve de ces griefs n'est pas davantage rapportée, et encore moins leur caractère déterminant du consentement à la cession.
En définitive, la SASU Le Bikini n'établit ni le vice affectant la vente ni l'existence de quelques manquements contractuels du vendeur qui la dispenseraient de son obligation au paiement du prix ; le jugement l'a en conséquence justement déboutée de toutes ses demandes tendant à la résolution de la vente et au versement d'indemnités. À l'opposé, il l'a exactement condamnée au paiement du solde, soit 26'500 € alors qu'elle ne s'est acquittée que d'un montant de 13'500 €, étant précisé que cette somme revient au vendeur, et non certes, à sa présidente à titre personnel, d'où il suit la réformation du jugement sur ce point.'
Les premiers juges ont en revanche justement accordé à Mme [K] la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts, dans la mesure où le défaut de paiement du prix de vente a empêché la dissolution de la SASU venderesse Le Bonheur et contraint sa gérante, Mme [K], à continuer d'en assumer la gestion, lui causant divers tracas.
L'action ayant été engagée par Mme [K] dans l'assignation de première instance à titre personnel pour le préjudice personnel distinct qu'elle invoque du fait du non-paiement du crédit vendeur, celle-ci est recevable, d'où il suit le rejet de la fin de non recevoir tirée d'une prétendue absence de qualité à agir.
Ce dommage moral subi est néanmoins propre à Mme [B] [K], de sorte que le jugement sera également réformé en ce qu'il a condamné la société Bikini à payer ce montant également à la personne morale Le Bonheur.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Vu l'ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 16 septembre 2021.
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 21 mars 2024 par la société Le Bonheur et Mme [B] [K] ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée tirée d'un prétendu défaut de qualité à agir de Mme [K] ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SASU Le Bikini à payer la somme de 26'500 € à Mme [B] [K] et à la société Le Bonheur la somme de 3'000 euros à titre de dommages et intérêts';
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de Mme [K] au titre du paiement du solde du prix, et la société Le Bonheur, de sa demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne la SASU le Bikini aux dépens d'appel ;
Fixe le montant de toutes les condamnations prononcées contre elle au passif de la SASU Le Bikini.
le greffier, la présidente,
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 23 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/05713 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PTN7
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 01 MARS 2021
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
N° RG 2020 004916
APPELANTE :
SASU LE BIKINI prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
Madame [B] [K]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Pauline AQUILA, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012895 du 11/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
(ordo d'irrcevabilité des conclusions du 16.09.2021)
SASU LE BONHEUR prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Pauline AQUILA, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS
(ordonnance d'irrecevabilité des conclusions du 16.09.2021)
PARTIE INTERVENANTE :
Monsieur [Y] [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la SASU LE BIKINI
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 21 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère faisant fonction de présidente en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée chargée du rapport et M. Thibault GRAFFIN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
FAITS ET PROCEDURE
Le 14 mars 2019, la SASU Le Bonheur, représentée par sa présidente et associée unique, Mme [B] [K], a cédé son fonds de commerce de restaurant, snack, bar exploité à [Localité 5] sous l'enseigne commerciale «'[7]'» à la SASU Le Bikini, dont le gérant est Mme [F] [E], au prix de 40'000 euros, soit 35'000 euros pour les éléments incorporels et 5'000 euros pour les éléments corporels.
Le paiement était stipulé payable comptant à hauteur de 8'000 euros et le solde à l'aide d'un crédit-vendeur de 32'000 euros, soit :
- 1'000 euros le 30 juin 2019';
- 3'000 euros le 31 juillet 2019';
- 3'000 euros le 31 août 2019';
- 2'000 euros le 30 septembre 2019';
- et 23'000 euros le 30 novembre 2019.
Le 19 mars 2020, la société Le Bonheur a mis en demeure vainement la société Le Bikini d'avoir à lui régler le solde du prix de vente impayé, soit 26'500 euros.
Par exploit du 6 octobre 2020, la société Le Bonheur et Mme [B] [K] ont assigné la société Le Bikini en paiement.
Par jugement contradictoire en date du 1er mars 2021, le tribunal de commerce de Béziers a :
- condamné la société Le Bikini à payer à la société Le Bonheur et à Mme [B] [K] la somme de 26'500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2020'et la somme de 3'000 euros à titre de dommages et intérêts';
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit';
- et condamné la société Le Bikini à payer à la société Le Bonheur et à Mme [B] [K] la somme de 3'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'outre les dépens.
Par déclaration du 16 mars 2021 enregistrée sous le n° RG 21/01735, la société Le Bikini a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance en date du 16 septembre 2021, devenue irrévocable, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions déposées hors délai le 13 septembre 2021 par la société Le Bonheur et Mme [B] [K].
Par jugement du 18 mai 2022, le tribunal de commerce de Béziers a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la société Le Bikini, et désigné M. [Y] [H] en qualité de mandataire liquidateur.
Par ordonnance du 20 octobre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance et prononcé le retrait de l'affaire du rôle.
Celle-ci a été rétablie sur l'intervention volontaire du liquidateur de la société Le Bikini.
Par conclusions du 1er février 2023, la SASU Le Bikini et son liquidateur judiciaire, M. [Y] [H], demandent à la cour, au visa des articles 1137, 1217, 1604, 1626, 1641 et suivants du code civil et de l'article 31 du code de procédure civile :
- de réformer le jugement entrepris';
- de déclarer irrecevables les demandes de Mme [B] [K] pour défaut de qualité et d'intérêt à agir';
- de juger que la société Le Bonheur a manqué à ses obligations de délivrance, de garantie d'éviction et de garantie des vices cachés'; qu'elle s'est rendue coupable de dol'; qu'elle a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui lui a causé des dommages'; et qu'aucune condamnation ne pouvait être prononcée au profit de Mme [B] [K], non partie à la procédure';
à titre principal, de condamner la société Le Bonheur à payer à M. [H], ès qualités, les sommes suivantes':
- 6'474 euros au titre des travaux de mise en conformité de l'installation électrique';
- 20'000 euros en réparation de son trouble de jouissance';
- 1'500 euros en réparation de son préjudice moral';
à titre subsidiaire, si la cour ne faisait pas droit à ses demandes de dommages et intérêts';
- d'ordonner la résolution de la vente';
- de constater que la société Le Bikini a déjà restitué le fonds de commerce à la société Le Bonheur';
- de condamner la société Le Bonheur à payer à M. [H], ès qualités, les sommes suivantes':
- 13'500 euros déjà versés en règlement d'une partie du prix de vente';
- 20'000 euros en réparation de son trouble de jouissance';
- 1'500 euros en réparation de son préjudice moral';
à titre infiniment subsidiaire, avant dire droit,
- d'ordonner une mesure d'expertise avec pour mission de':
- entendre les parties ou toute autre personne en leurs dires et leurs explications';
- se faire remettre tous documents lui apparaissant utiles à sa mission';
se rendre sur les lieux à savoir [Localité 5], [7], [Adresse 3]';
- décrire les lieux et les différents désordres affectant le fonds de commerce et plus particulièrement l'installation électrique du local';
- donner son avis sur la conformité de cette installation électrique';
- lister et chiffrer les travaux de remise en état';
- décrire les préjudices subis par la société Le Bikini': diminution de la valeur du fonds de commerce, trouble de jouissance'
- donner sur avis sur une éventuelle réduction de prix de vente du fait des différents désordres';
- faire les comptes entre les parties';
- et, d'une manière générale, donner au tribunal tous les éléments utiles à la solution du litige, provoquer les observations des parties en leur adressant un pré-rapport de ses opérations et répondre à leurs dires';
en toutes hypothèses,
- de rejeter les prétentions de la société Le Bonheur, prises en la personne de son représentant légal en exercice, et celles de Mme [B] [K] ;
- et de condamner la société Le Bonheur à payer à M. [Y] [H], ès qualités, la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 21 mars 2024, formant appel incident, la société Le Bonheur et Mme [B] [K] demandent à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de':
- de confirmer partiellement le jugement entrepris sauf la rectification des erreurs matérielles commises par les premiers juges, dans les termes suivants':
juger qu'elles étaient assistées en première instance par Me Pauline Aquila en qualité d'avocate postulante';
- condamner la société Le Bikini à payer à la société Le Bonheur la somme de 26'500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2020';
- condamner la société Le Bikini à payer à Mme [B] [K], la somme de 3'000 euros à titre de dommages et intérêts';
- débouter la société Le Bikini de l'intégralité de ses demandes'tant à titre principal que subsidiaire ;
- de la condamner à payer à la société Le Bonheur la somme de 3'000 euros et ajoutant, celle de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'outre les dépens de première instance et d'appel.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 21 mai 2024.
MOTIFS
Il convient de relever en premier lieu que la société Le Bonheur et Mme [B] [K] déclarées irrecevables à conclure en application de l'article 909 du code de procédure civile, de sorte que leurs conclusions, tant celles notifiées le 13 septembre 2021, que les dernières du 21 mars 2024 après radiation, ne sont pas recevables.
Pour s'opposer au paiement du solde du prix, la SASU Le Bikini soutient que la SASU Le Bonheur aurait manqué à ses obligations de délivrance, d'éviction, de fournir une chose exempte de vice caché, outre le dol de la venderesse qui aurait eu parfaite connaissance du défaut de conformité et du vice de la chose vendue.
L'acte de cession prévoit en son article 5 que « l'acquéreur s'engage à prendre le fonds de commerce cédé, les accessoires en dépendant dans l'état où ils se trouveront lors de son entrée en jouissance, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ni diminution du prix ci-après fixé pour quelque cause que ce soit.»
Cette clause ne bénéficie pas toutefois à un vendeur qui connaîtrait l'existence du vice et a fortiori, à l'auteur d'un dol.
À cet égard, le tribunal retient exactement les motifs suivants :
« Il est invoqué l'existence d'un défaut de conformité de l'installation électrique, basé sur le rapport d'une société Ingeris dressé postérieurement à la vente.
En second lieu, la cessionnaire a fait établir en novembre 2019, un rapport d'inspection qui évoque différents aspects techniques, mais pas de non- conformité.
C'est ainsi que concernant le tableau électrique dont il est sollicité le remplacement au terme du devis versé aux débats pour 3 500 € reproche un défaut d'étiquetage, un problème sur la coupure d'urgence mais pas les points visés au devis.
Ce rapport d'inspection ne justifie pas que les désordres invoqués existaient lors de la cession.
D'autant que lorsque la SASU Le Bonheur a fait l'acquisition du fonds de commerce, le 15 décembre 2017, l'installation électrique venait d'être rénovée par le précédent propriétaire.
M. [R], avait fait intervenir un électricien, M. [O], lequel avait indiqué le 21 novembre 2017 qu'elle certifiait « que le local est mis en sécurité selon les normes électriques en vigueur.»
Il n'existe, en matière de vente de fonds de commerce, aucune obligation de diagnostics ou de contrôle, contrairement aux ventes d'immeuble d'habitation.
Pendant l'exploitation du fonds par la SASU Le Bonheur, celle-ci n'a fait aucune modification ni travaux sur l'électricité.
Lorsqu'elle a revendu le fonds, 14 mois plus tard, elle a fait intervenir un autre électricien qui a émis le même certificat de conformité électrique.
Il est démontré par ces deux professionnels que l'installation était sécure et exempte de vice électrique.
Ce n'est au surplus que lorsque Mme [K] a réclamé paiement le 5 octobre 20l9 du solde du prix de la vente le 14 mars 2019 qu'il a été invoqué un prétendu non-respect des normes électriques par lettre du 26 octobre 2019 suivant, celui-ci n'ayant jamais été déploré jusque-là, depuis la vente. »
Il convient d'ajouter à ces motifs que les productions de l'appelante, notamment le rapport d'inspection de l'installation électrique effectuée par la société Ingeris daté du mois de novembre 2019 et le chiffrage de l'entreprise Mega objet d'un devis du 2 décembre 2019 pour un montant de 6500 € pour "remise aux normes"sont des éléments unilatéraux, recueillis en violation du principe du contradictoire, et dès lors insuffisants à la preuve et à contredire le certificat de conformité des installations.
Ils ne permettent pas d'établir l'imputabilité des désordres électriques ayant causé des coupures de courant dont témoignent des clients durant l'été 2019.
La cour ne saurait suppléer la carence de la société Le Bikini dans l'administration de la preuve en ordonnant la mesure d'instruction sollicitée à titre subsidiaire, qu'il lui appartenait de demander avant tout procès en application de l'article 146 du code de procédure civile, la charge de la preuve des inexécutions alléguées lui incombant et non à son adversaire, contrairement à ce qu'elle soutient.
En ce qui concerne la non communication des bilans, l'activité non seulement de restaurant mais aussi de snack-bar, les certificats de conformité 2018 concernant le nettoyage de la hotte, ou encore la fermeture administrative qui aurait été dissimulée par le vendeur durant l'hiver 2018-2019, la preuve de ces griefs n'est pas davantage rapportée, et encore moins leur caractère déterminant du consentement à la cession.
En définitive, la SASU Le Bikini n'établit ni le vice affectant la vente ni l'existence de quelques manquements contractuels du vendeur qui la dispenseraient de son obligation au paiement du prix ; le jugement l'a en conséquence justement déboutée de toutes ses demandes tendant à la résolution de la vente et au versement d'indemnités. À l'opposé, il l'a exactement condamnée au paiement du solde, soit 26'500 € alors qu'elle ne s'est acquittée que d'un montant de 13'500 €, étant précisé que cette somme revient au vendeur, et non certes, à sa présidente à titre personnel, d'où il suit la réformation du jugement sur ce point.'
Les premiers juges ont en revanche justement accordé à Mme [K] la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts, dans la mesure où le défaut de paiement du prix de vente a empêché la dissolution de la SASU venderesse Le Bonheur et contraint sa gérante, Mme [K], à continuer d'en assumer la gestion, lui causant divers tracas.
L'action ayant été engagée par Mme [K] dans l'assignation de première instance à titre personnel pour le préjudice personnel distinct qu'elle invoque du fait du non-paiement du crédit vendeur, celle-ci est recevable, d'où il suit le rejet de la fin de non recevoir tirée d'une prétendue absence de qualité à agir.
Ce dommage moral subi est néanmoins propre à Mme [B] [K], de sorte que le jugement sera également réformé en ce qu'il a condamné la société Bikini à payer ce montant également à la personne morale Le Bonheur.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Vu l'ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 16 septembre 2021.
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 21 mars 2024 par la société Le Bonheur et Mme [B] [K] ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée tirée d'un prétendu défaut de qualité à agir de Mme [K] ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SASU Le Bikini à payer la somme de 26'500 € à Mme [B] [K] et à la société Le Bonheur la somme de 3'000 euros à titre de dommages et intérêts';
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de Mme [K] au titre du paiement du solde du prix, et la société Le Bonheur, de sa demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne la SASU le Bikini aux dépens d'appel ;
Fixe le montant de toutes les condamnations prononcées contre elle au passif de la SASU Le Bikini.
le greffier, la présidente,