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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 23 juillet 2024, n° 22/05850

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/05850

23 juillet 2024

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 23 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/05850 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PTWV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 OCTOBRE 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2021 010945

APPELANTE :

S.A.S. SODISCA prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean Luc VINCKEL de la SELARL VINCKEL - ARMANDET - LE TARGAT - BARAT BAIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

S.A.S SLM prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentér par Me Jonathan DEL VECCHIO, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Muriel TEXIER de la SCP NAVAL CHRISTIAN/TEXIER MURIEL, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 21 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère faisant fonction de présidente en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée chargée du rapport et M. Thibault GRAFFIN, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, cnseiller

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

FAITS ET PROCEDURE

La SAS Sodisca sise [Adresse 5] à [Localité 3], qui exploite un supermarché à l'enseigne Super U, a souscrit un contrat de location financière auprès de la société BNP Paribas Lease Group n° U 0223 880 portant sur du matériel de vidéosurveillance pour une durée de 72 mois moyennant le versement de 24 loyers trimestriels d'un montant de 2 850 euros chacun.

La SAS SLM a fourni et livré à la société Sodisca, qui l'a réceptionné, le matériel de vidéosurveillance acquis par la BNP, le 20 mars 2013.

Le 7 juillet 2014, un second contrat de location n° W 0119379 était conclu entre la BNP Lease Group et la société Sodisca pour une durée de 72 mois moyennant le versement de 24 loyers trimestriels d'un montant de 450 euros chacun.

Par lettre recommandée en date 17 août 2016, la société Sodisca a fait part à la société SLM de dysfonctionnements du matériel de vidéosurveillance.

Par lettre en date du 8 septembre 2016, la société Sodisca, par l'entremise de son conseil, a sollicité en vain de la société SLM d'avoir à lui fournir le contrat complet et signé, et de corriger les dysfonctionnements constatés.

Le 22 novembre 2016, la société Sodisca a fait constater par huissier de justice le dysfonctionnement du matériel de vidéosurveillance et cessé d'honorer le remboursement du crédit-bail entre les mains de la BNP Paribas Lease Group, en faisant valoir que les deux contrats de location et de crédit étaient interdépendants ; que le contrat de location financière était caduc ; et qu'elle tenait à sa disposition le matériel.

Le 14 mars 2017, la banque invoquait une clause du contrat de location financière l'exonérant de la caducité du contrat malgré la résolution du contrat principal.

Le 4 avril 2018, la banque a mis en demeure la société Sodisca sous peine de résiliation des contrats d'avoir à lui régler la somme de 39 594,62 euros au titre des loyers impayés.

Par exploit du 15 janvier 2019, la société Sodisca a assigné la société BNP Paribas Lease Group et la société SLM aux fins de voir constater la caducité du contrat de location financière en se prévalant de l'interdépendance des contrats. La banque a formé des demandes reconventionnelles.

Par jugement contradictoire du 5 octobre 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a':

- prononcé la prescription des demandes de la société Sodisca';

- rejeté l'intégralité de ses demandes ;

- l'a condamnée à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 39'594,62 euros au titre des loyers impayés';

- ordonné à toute personne en possession des matériels, objets des contrats de location, et notamment la société Sodisca, de les remettre à la société BNP Paribas Lease Group et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard';

- ordonné l'exécution provisoire';

- et condamné la société Sodisca à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le tribunal retient les motifs suivants':

«'In limine litis

- l'article 2224 du code civil dispose que : «'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'».

- le contrat n° U0223880, a été signé le 20 mars 2013,

- l'assignation de la société SODISCA a été délivrée le 15 janvier 2019,

- les demandes de la société SODISCA au titre du contrat U0223880, sont prescrites.

Sur le fond

- le procès-verbal de constat d'huissier de Me [F] du 22 novembre 2016 comporte en pages 9, 10, 11 et 12 les photos du contrat n° U0223880 pour indiquer le matériel sur lequel est basé son PV,

- l'action au titre du contrat n°U0223880 est prescrite,

- le conseil de la société SODISCA dans sa lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 février 2017 à l'attention de la société la BNP Paribas Lease Group fait expressément référence au contrat n° W0119379 001 pour justifier la suspension des paiements et sa demande de résolution,

- il existe alors un doute sérieux sur le contrat concerné et le PV de constatations de Me [F],

- le tribunal rejette l'intégralité des demandes de la société SODISCA, et condamnera la société SODISCA au paiement de la somme de 39 594,62 € TTC due au titre des loyers impayés et ordonnera, à toute personne en possession des matériels, objets des contrats de location n°U0223880 et n°WO1 19379 et notamment à la société Sodisca de les remettre à la SA BNP Paribas Lease Group et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard. »

Le 21 novembre 2022, la SAS Sodisca a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 3 avril 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1184 anciens du code civil, de l'article L. 442-6 I-2° ancien du code de commerce, et des articles 1171 et 2224 du code civil :

- de la recevoir en son appel';

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

in limine litis

- de déclarer recevable son action sur le fond';

sur le fond,

- de débouter les sociétés SLM et BNP Lease de l'ensemble de leurs demandes';

- de dire que la société SLM a manqué à ses obligations contractuelles'; et que tout contrat liant la société SLM à la société Sodisca est judiciairement résolu à compter du 21 octobre 2016';

- de juger en conséquence que tout contrat liant la société Sodisca à la société BNP Lease au titre de la fourniture de matériel par la société SLM est caduc';

- de condamner la société SLM à lui payer la somme de 774 630 euros à titre de dommages et intérêts';

- de condamner la société BNP Lease à restituer à la société Sodisca la somme de 40 680,10 euros réglée au titre des condamnations de première instance';

- et de condamner la société SLM à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 7 mai 2024, la SA BNP Paribas Lease Group demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants et 1153 et suivants du code civil':

' de confirmer le jugement entrepris ;

en conséquence, in limine litis,

- de déclarer prescrites les demandes de la société Sodisca portant sur le contrat de location'n° U0223880 ;

- de rejeter l'intégralité des demandes de la société Sodisca';

- de la condamner à lui payer la somme de 39'594,62 euros au titre des loyers impayés';

À titre subsidiaire, si la cour faisait droit aux prétentions de l'appelante,

- de condamner la société Sodisca à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 39'594,62 euros au titre du préjudice subi'directement causé par le comportement fautif de cette dernière ;

À titre infiniment subsidiaire, si la cour faisait droit aux prétentions de l'appelante,

- de prononcer la résiliation des contrats de location conclus entre la société BNP Paribas Lease Group et la société Sodisca, conséquence de l'anéantissement du contrat principal';

- de condamner la société Sodisca à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 39'594,62 euros au titre des loyers impayés'conformément à l'article 56 des conditions générales des contrats de location ;

si la cour faisait droit les droits à la demande de résolution du contrat,

- de condamner la société SLM à restituer à la BNP Paribas Lease Group le groupe le prix de vente des matériels objets des contrats de location, à savoir la somme totale de 78'244,22 euros ;

- et si par extraordinaire, la cour faisait droit aux prétentions de l'appelante au titre de la caducité,

- de condamner la société Sodisca à lui payer la somme de 39'594,62 € TTC à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi causé par le comportement fautif de la société Sodisca ;

- et/ou de condamner la société SLM à payer à la banque cette somme en réparation du préjudice subi directement lié au comportement fautif de la société SLM.

Et en tout état de cause,

- d'ordonner à toute personne en possession de matériels, objets des contrats de location de les remettre à la société BNP Paribas Lease Group et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard';

- et de condamner la société Sodisca ou toute partie succombante au paiement de la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions en date du 12 avril 2024 la SAS SLM demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter les sociétés Sodisca et BNP Paribas Lease Group de toutes leurs demandes dirigées contre elle, et de condamner tout succombant à lui payer la somme de 15'000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 21 mai 2024.

MOTIFS :

L'appelante fait valoir exactement en premier lieu que le point de départ de la prescription de l'action ne saurait courir à compter de la signature du contrat en 2013, alors qu'en application de l'article 2224 du code civil, elle n'a connu les dysfonctionnements affectant le système de vidéosurveillance qu'à compter du 29 juillet 2016 seulement, d'où il suit la réformation du jugement déféré et le rejet de la fin de non-recevoir soulevée.

La société Sodisca fait valoir au fond au soutien de son appel que par courriel des 29 juillet, 3 et 10 août 2016 et ses plaintes des dysfonctionnements dans le système de vidéosurveillance fourni par la société SLM, lequel ne protégeait plus ni les biens ni les personnes ; une mise en demeure est demeurée tout aussi infructueuse ; qu'elle a fait constater le 22 novembre 2016 par huissier de justice les graves dysfonctionnements du système ; qu'en invoquant l'exception d'inexécution et l'interdépendance entre le contrat de location financière et le contrat de fourniture et de maintenance du matériel, elle a suspendu ses paiements, le contrat SLM étant résolu, et le contrat de location financière l'étant dès lors également ; qu'il n'est pas concevable de louer un matériel qui ne fonctionne pas, le contrat étant dès lors sans cause ; et que la banque a prétendu s'exonérer de la caducité du contrat de location financière en invoquant une clause contractuelle réputée non écrite.

En revanche, l'appelante ne saurait fonder sa demande de résolution des contrats liés, ou l'exception d'inexécution qu'elle oppose à la banque, sur un procès-verbal établi de manière non contradictoire par un commissaire de justice relatant ses doléances et visionnant des écrans noirs.

Ce constat dressé au mépris du principe du contradictoire est insuffisant à la preuve de l'existence du dysfonctionnement allégué, et a fortiori de sa cause et de son imputabilité à un défaut de livraison conforme ou de maintenance de la part du fournisseur du matériel, la société SLM, des devis de remplacement étant tout aussi inopérants à cet égard.

Faute d'élément probant opposable aux tiers, la banque peut ainsi avancer, sans être contredite, que le constat unilatéralement dressé ne concerne pas l'équipement qu'elle lui loue.

Il appartenait en réalité à la société Sodisca de solliciter, avant tout procès, une mesure d'instruction probatoire en application de l'article 146 du code de procédure civile, qui aurait constaté, le cas échéant, l'existence des désordres et leur cause, et démontré ainsi l'inexécution par la société SLM de ses obligations contractuelles, et ses effets sur les contrats liés.

À défaut, ses demandes de résolution des contrats de vente et de location financière ne peuvent qu'être écartées et la société Sodisca, être condamnée au paiement des loyers et à restitution à la banque, sans astreinte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée ;

Déboute la société SAS Sodisca de toutes ses demandes ;

Condamne la SAS Sodisca à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 39'594,62 euros au titre des loyers impayés'des contrats n° U 0223 880 n° W 0119379 ;

Condamne la SAS Sodisca à restituer à ses frais exposés les matériels, objets des contrats de location financière à la société BNP Paribas Lease Group ;

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

Condamne la SAS Sodisca aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, la présidente,