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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 23 juillet 2024, n° 24/00397

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sarl (Localité 4)

Défendeur :

SCI du Roi René

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Graffin

Avocats :

Me Salvignol, Me Fulachier, Me Royer, Me Saint-Martin, Me Kerdoncuff, Me Merlin, Me Coq Blanchi

T. com. Montpellier, du 15 déc. 2023, n°…

15 décembre 2023

FAITS ET PROCEDURE

La SCI du Roi René, sise [Adresse 1] à [Localité 3], exerce une activité de propriété, de gestion, d'exploitation par bail et par location de tous biens et droits immobiliers.

Par acte sous seing privé en date du 29 janvier 2016, cette SCI du Roi René a donné à bail commercial un local sis [Adresse 1] à [Localité 3] pour une durée de 9 ans à Mme [L] [E], épouse [P], aux droits de laquelle vient la SARL [Localité 4].

Le montant du loyer était fixé à la somme annuelle de 7 611,48 euros hors taxes, soit 634,29 euros hors taxes par mois. À cette somme s'ajoutait une provision sur charges de 50 euros par mois. Le bail prévoyait par ailleurs l'indexation annuelle du loyer sur l'indice des loyers commerciaux, soit à la somme annuelle de 8 668,08 euros hors taxes, ( 722,34 euros par mois de loyer outre 80 euros de provision sur charges).

Par exploit du 2 avril 2021, la société du Roi René a fait délivrer un commandement de payer à la société [Localité 4] pour la somme de 4'487,45 euros au titre des loyers et charges impayés.

Le 16 juin 2022, la société du Roi René a mis en demeure la société [Localité 4] d'avoir à lui régler la somme de 2 624,46 euros, après deux défauts de paiement mensuels consécutifs, et une absence de régularisation des charges.

Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 7 novembre 2022, la société [Localité 4] a fait l'objet d'une procédure de redressement sans administration judiciaire.

Le jugement a fixé la date de cessation des paiements au 1er janvier 2022 et désigné Mme [U] [M] en qualité de mandataire judiciaire.

Le 5 janvier 2023, la SCI du Roi René a déclaré entre les mains du mandataire sa créance de loyers, charges et taxes foncières, pour un montant total de 2 299,46 euros.

Le 23 mars 2023 elle a saisi le juge-commissaire du tribunal de commerce de Montpellier d'une requête aux fins de constat de la résolution du bail commercial, en faisant valoir que la société [Localité 4] n'avait pas payé les loyers postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire.

Par ordonnance du 6 septembre 2023, le juge-commissaire a débouté la SCI du Roi René en retenant que sa créance avait été réglée par la société [Localité 4].

Par jugement contradictoire du 15 décembre 2023, le tribunal de commerce de Montpellier, saisi du recours formé par la SCI contre cette ordonnance le 4 octobre 2023, a':

constaté que la société [Localité 4] n'a pas procédé au paiement de ses loyers et charges afférents à une occupation postérieure dans le délai légal de trois mois suivant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et que la demande de résiliation du bail commercial est postérieure à l'expiration de ce délai';

constaté la résiliation de plein droit du bail conclu entre la société du Roi René et la société [Localité 4] pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture du 7 novembre 2022';

et condamné la société [Localité 4] à payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure'civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 81,58 euros.

Par déclaration du 22 janvier 2024, la société [Localité 4] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 4 avril 2024, elle demande à la cour, au visa des articles L. 622-7, L. 622-13, L. 622-14 et L. 627-2 du code de commerce :

d'infirmer le jugement attaqué';

à titre principal

d'annuler le jugement entrepris ;

à titre subsidiaire

de constater que la résiliation de plein droit n'a pas pu intervenir, à défaut pour le débiteur d'exiger, avec avis conforme du mandataire, la poursuite du contrat ;

de débouter en conséquence la société du Roi René de sa demande de constat de la résiliation du bail commercial conclu entre la société [Localité 4] et la société du Roi René ;

à titre plus subsidiaire

de constater que la société du Roi René ne peut pas se prévaloir d'un retard de paiement trouvant son origine dans sa propre turpitude';

à titre encore plus subsidiaire

de constater que la concluante a régularisé le loyer dans le délai de trois mois à compter de la première dette exigible ;

en tout état de cause

de débouter la société du Roi René de l'ensemble de ses demandes ;

et de la condamner à payer à la société [Localité 4] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 23 avril 2024, la SCI du Roi René demande à la cour, au visa des articles 564 et 700 du code de procédure civile et des articles L. 622-14, L. 631-14, R. 621-21 et R. 622-13 du code de commerce,'de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions';

- de déclarer irrecevable et mal fondées les demandes de l'appelante, et de la condamner à lui payer la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel, avec distraction.

Mme [M], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire représentante des créanciers, a conclu le 16 avril 2024 s'en rapporter à l'appréciation de la cour.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 5 juin 2024.

MOTIFS

La "nullité du jugement" critiqué demandée par la SARL [Localité 4] consiste dans les motifs des conclusions de celle-ci en une irrecevablité du recours formé le 4 octobre 2023 devant le tribunal de commerce de l'ordonnance du juge commissaire datée du 6 septembre 2023.

Si la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel doit soulever, fût-ce d'office, une fin de non recevoir tirée de l'expiration d'un délai de recours, soit en l'espèce le délai de 10 jours pour former un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire querellée, la SCI Victor justifie n'avoir été destinataire d'une notification à son conseil que le 28 septembre 2023, de sorte que son recours est recevable.

Le bailleur invoque utilement l'article L622-14-2° du code de commerce, applicable au redressement judiciaire, lequel dispose : « Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement.

Si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation. ».

Le jugement d'ouverture de la procédure de redressement étant daté du 7 novembre 2022, le bailleur ne pouvait pas agir avant le 7 février 2023 ; il a régulièrement déposé sa requête le 23 mars 2023 pour pouvoir constater la résiliation du bail, quatre mois et 16 jours après l'ouverture de la procédure, et non à compter du dernier paiement reçu, contrairement à ce qui est soutenu par le preneur.

À la date du dépôt de la requête le 23 mars 2023, de nouveaux impayés se sont ajoutés à ceux antérieurs qui avaient été l'objet de la déclaration de créance. Le preneur lui-même estime s'élever à 800 € le 1er mars 2023, et non aux 3200 € qui lui sont réclamés.

Le paiement intervenu postérieurement au dépôt de la requête, soit les 20 et 21 avrils 2023 selon l'appelante est inopérant à cet égard.

Le preneur ne plaide pas utilement que pour solliciter et pour que le juge-commissaire puisse constater la résiliation de plein droit, il faudrait constater le défaut de règlement des loyers dans les conditions du II de l'article L 622-13 du code de commerce, c'est-à-dire après qu'un administrateur aura exigé la continuation du contrat en cours ou quand en l'absence d'administrateur, si le débiteur aura exigé, après avis conforme du mandataire, la poursuite du contrat.

En effet les dispositions de l'article L622-14 relatives au contrat de bail commercial prévoient « sans préjudice de l'application du I et II de l'article L.622-13 » des dispositions spécifiques, dérogatoires, pour la résiliation du contrat de bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise, la résiliation des autres contrats en cours faisant l'objet du III de de l'article L622-13 du code de commerce.

Le jugement déféré a donc justement confirmé les dispositions de l'ordonnance du juge-commissaire en constatant la résiliation de plein droit à la date du 23 mars 2023 du bail conclu entre la SCI du Roi René et la société [Localité 4] pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture du 7 novembre 2022.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée et déclare recevable le recours formé par la SARL [Localité 4] contre l'ordonnance du juge-commissaire ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne la SARL [Localité 4] aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL [Localité 4] à payer à la SCI du Roi René la somme de 1000 € à ce titre.