CA Rennes, 7e ch. prud'homale, 30 juillet 2024, n° 23/06163
RENNES
Ordonnance
Autre
PARTIES
Défendeur :
3M France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Charpentier
Avocats :
Me Chainay, Me Bontoux
FAITS et PROCÉDURE
Saisi d'un litige opposant Mme [H] à son ancien employeur la SAS 3 M France le conseil de prud'hommes de Rennes a, par jugement en date du 25 septembre 2023 :
- dit que le licenciement de Mme [H] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse,
- débouté la salariée de ses demandes concernant la rupture de son contrat de travail,
- condamné l'employeur à verser à la salariée un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires en 2018 et 2019, ainsi qu'une indemnité de procédure,
- débouté la salariée de ses autres demandes.
La cour a été saisie d'un appel formé par Mme [H] le 25 septembre 2023.
La société 3M France a constitué avocat le 11 décembre 2023.
Le 22 janvier 2024, Mme [H] a notifié par RPVA ses conclusions d'appelante.
Le 19 avril 2024, le conseil de la SAS 3 M France a notifié ses conclusions par RPVA au greffe de la cour.
Le même jour, il a transmis ses pièces à l'avocat de Mme [H].
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 avril 2024, Mme [H] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces notifiées le 19 avril 2024 par la société 3 M France au motif que celle-ci n'a pas notifié ses conclusions à l'appelante dans le délai imparti par l'article 909 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 24 mai 2024, Mme [H] maintient sa demande d'irrecevabilité des conclusions et pièces de l'intimée et sollicite une indemnité de procédure de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle écarte toute justification de l'absence de transmission des conclusions de l'intimée en l'absence de preuve d'un prétendu dysfonctionnement du RPVA, d'une éventuelle cause étrangère, d'une cause extérieure ou d'une difficulté technique insurmontable l'ayant empêchée de transmette ses conclusions avant le 22 avril 2024 au plus tard en rappelant que l'avocat est tenu de s'assurer de la réception par le greffe et par son adversaire de la réception des accusés réception de la notification de ses conclusions.
En réponse, par conclusions notifiées par voie électronique le 24 mai 2024, la SAS 3 M France soutient qu'elle a adressé ses conclusions le 19 avril 2024 par RPVA dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile ; que manifestement un incident, constitutif d'une force majeure, est intervenu sur le RPVA puisque ce n'est qu'à réception des conclusions d'incident de la salariée que le dysfonctionnement a été révélé avec la disparition du nom de l'intimée et de son avocat sur l'onglet Parties du RPVA.
Elle demande en conséquence au conseiller de la mise en état en application de l'article 910-3 du code de procédure civile d'écarter la demande d'irrecevabilité
Elle demande que ses conclusions soient déclarées recevables et que les dépens soient laissés à la charge de chacune des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article 908 du code de procédure civile dispose qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
L'article 909 prévoit que l'intimé dispose à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
L'article 911 du même code précise que sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour.
Selon l'article 910-3 du même code, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues par les articles 905-2 et 908 à 910.
Constitue un tel cas de force majeure en procédure civile, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.
Il incombe à la SAS 3 M France de rapporter la preuve qu'elle a été empêchée de transmettre à l'appelante ses conclusions dans le délai fixé par l'article 909 du code de procédure civile avant le 22 avril 2024 en raison d'une circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêtait pour elle un caractère insurmontable.
Le fait que le conseil de la société 3M France ait transmis par RPVA le 19 avril 2024 à 17h38 ses conclusions réceptionnées le jour-même par le greffe et qu'il ait adressé le même jour des pièces autres que les conclusions au conseil de l'appelante, qui les a reçues entre 17h41 et 17h44 (en 3 envois) permet d'écarter l'existence d'une difficulté technique temporaire du RPVA, dont la preuve n'est au demeurant pas établie au moyen d'une attestation d'indisponibilité pour durant la période antérieure au 22 avril 2024.
Le conseil de la société 3M France auquel il appartenait de prendre toutes les précautions utiles lors de la transmission à l'appelante de ses conclusions par la réception d'un accusé réception sur le RPVA, ne démontre pas son incapacité de le faire dans le délai imparti de l'article 909 du code de procédure civile en raison d'une cause insurmontable.
En conséquence, faute pour la société 3M France d'établir l'existence d'une force majeure au sens de l'article 930-1 du code de procédure civile l'ayant empêché de transmettre ses conclusions à l'appelante dans le délai de l'article 909 du même code, il convient de déclarer irrecevables les conclusions et pièces transmises par l'intimée au greffe le 19 avril 2024.
Sur les frais irrépétibles
L'équité ne commande pas à ce stade de la procédure l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [H] sera déboutée de sa demande de ce chef.
La société 3 M France sera condamnée aux dépens de l'incident.
PAR CES MOTIFS
Nous, conseiller de la mise en état, par ordonnance contradictoire susceptible de déféré,
DECLARONS irrecevables les conclusions et pièces notifiées le 19 avril 2024 par la SAS 3 M France
DEBOUTONS Mme [H] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS la société 3 M France aux dépens de l'incident.