CA Chambéry, 1re ch., 30 juillet 2024, n° 21/01997
CHAMBÉRY
Autre
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Remind Architecte (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pirat
Conseillers :
Mme Reaidy, M. Sauvage
Avocats :
Me Jourd'huy, Me Murat, SELARL MLB Avocats
Faits et procédure
M. [Z] [C] et Mme [F] [A], son épouse, ont confié à la société Les Ateliers d'architecture Corinne Maironi et Associés aux droits de laquelle vient la société Remind Architecte des travaux de rénovation dans leur propriété sise à [Localité 3].
M. [U] [M] s'est vu confier les lots n°1 terrassement et gros 'uvre, n°2 bis couverture et n°2 ter menuiseries extérieures.
Dans le marché relatif au lot n°2 ter menuiseries extérieures a été mentionnée l'intervention de M. [P] en qualité de sous-traitant.
Les époux [C] ont réglé au titre du lot n°1 différentes sommes à M. [U] [M] et au titre du lot n°2 ter la somme de 1 107 euros TTC à M. [M] et la somme de 6 220,34 euros TTC à M. [K] [P]. M. [P] a présenté trois factures à M. [U] [M], les deux premières factures d'un montant respectif de 6 249,10 euros et de 12 396,54 euros ont été réglées par M. [M].
Par jugement du 11 octobre 2010, le tribunal de commerce de Chambéry a placé M. [M] en liquidation judiciaire. Par courrier du 22 décembre 2010, les époux [C] ont déclaré une créance de 31 132,04 euros TTC au passif de M. [M], soutenant que les travaux réalisés étaient affectés de malfaçons et de désordres.
M. [P] a présenté directement aux époux [C] des factures d'un montant de 24 213,30 euros TTC et de 4 489,78 euros TTC qui ont refusé de les régler. Le 28 décembre 2010, M. [P] a vainement mis en demeure les époux [C] de lui régler la somme de 35 555,59 euros TTC au titre des travaux qu'il a effectués.
Par acte d'huissier du 3 avril 2012, M. [P] a assigné les époux [C], puis a appelé en cause la société Les Ateliers d'architecture Corinne Maironi et Associes devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Albertville notamment aux fins de provision et d'expertise.
Par ordonnance du 10 juillet 2012, le président du tribunal de grande instance d'Albertville a rejeté la demande de provision formée par M. [P] et ordonné une expertise en commettant M. [V] [L] pour y procéder.
L'expert a déposé son rapport le 16 août 2013.
Par acte d'huissier du 27 décembre 2013, M. [P] a assigné les époux [C] et la société Les Ateliers d'architecture Corinne Maironi et Associés aux droits de laquelle se trouve la société Remind Architecte devant le tribunal de grande instance d'Albertville notamment aux fins de paiement de plusieurs factures.
M. [Z] [C] étant décédé le 20 août 2016, M. [P] a, par acte d'huissier du 23 août 2017, fait appeler dans la cause Mmes [J] et [B] [C], les filles du de cujus.
Par décision du 28 juin 2018, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle expertise commettant pour y procéder M. [H] [G].
L'expert a rendu son rapport le 31 décembre 2018.
Par jugement du 17 août 2021, le tribunal de grande instance d'Albertville, devenu le tribunal judiciaire, a :
- Déclaré irrecevable les demandes formées par M. [P] sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
- Débouté M. [P] du surplus de ses demandes ;
- Déclaré sans objet les demandes formées par Mme [A], Mmes [J] et [B] [C] ;
- Condamné M. [P] à payer à Mme [A], Mmes [J] et [B] [C] ensemble la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [P] à payer à la société Remind Architecte la somme de
1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [P] aux entiers dépens ;
- Autorisé M. Murat et de la Selarl Mlb Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Au visa principalement des motifs suivants :
De par leur nature, leur coût et leur ampleur, les travaux litigieux doivent s'analyser en des travaux de construction d'un logement au sens de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et sont donc exclus du champ d'application des dispositions de cet article ;
Les conditions de l'action directe ne sont réunies ni pour le lot n°1 ni pour le lot n°2 ter ;
M. [P] ne produit aucune pièce permettant d'établir son intervention comme sous-traitant au titre du lot n°2 bis ;
L'absence de vérification par la société Les Ateliers d'architecture Corinne Maironi et Associes de ce que M. [M] était titulaire de contrats d'assurance, notamment en matière de responsabilité décennale, est quant à elle en l'espèce sans lien causal direct avec le préjudice financier de M. [P] ;
M. [P] qui a agi en responsabilité contre le maître d'ouvrage sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et au titre de l'action directe envers les maîtres de l'ouvrage et qui voit ses demandes rejetées en l'absence de réunion des conditions prévues par la loi, n'est pas pour autant recevable à agir sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
Par déclaration au greffe du 5 octobre 2021, M. [P] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a déclaré sans objet les demandes formées par Mme [A], Mmes [J] et [B] [C] et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 11 décembre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [P] sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
- Juger recevable et bien fondé son appel dans son action et ses demandes ;
A titre principal,
- Condamner Mme [A], Mmes [J] et [B] [C] payer une somme de 35 555,59 euros au titre des factures en souffrance en application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
A titre subsidiaire,
- Les condamner ensemble à une somme de 35 555,59 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
A titre infiniment subsidiaire,
- Les condamner à une somme de 16 408,37 euros en application des articles 12 et suivants de la loi du 31 décembre 1975 ;
En toutes hypothèses,
- Faire injonction à Mme [A], Mmes [J] et [B] [C] de rapporter la preuve du paiement de l'intégralité des lots 2 ter et 2 bis ;
- A défaut, en déduire qu'ils n'ont pas réglé l'intégralité des lots susvisés, faisant encore une économie substantielle sur le marché global ;
- Confirmer le jugement pour le surplus,
- Débouter Mme [A], Mmes [J] et [B] [C] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Mme [A], Mmes [J] et [B] [C] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile avec distraction au profit de Me Jourd'huy ;
- Rejeter la demande de condamnation à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens formée par les intimées en ce compris la société Remind Architecte.
Par dernières écritures du 30 mars 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [A], Mmes [J] et [B] [C] sollicitent de la cour de :
A titre principal,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Albertville le 17 août 2021 (RG n° 17/01092) ;
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour considérait qu'il existe un lien juridique entre M. [P] et elles :
- Réformer le jugement du rendu par le tribunal judiciaire d'Albertville le 17 août 2021 en ce qu'il a déclaré sans objet leurs demandes ;
Et statuant à nouveau,
Rejetant toutes demandes et conclusions contraires,
- Condamner M. [P] à leur payer la somme de 18 930,45 euros au titre des travaux de reprise de la terrasse bois et 5 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance ;
- Condamner la société Remind Architecte (anciennement dénommée Les Ateliers D'architecture Corinne Maironi Et Associes) à les relever et garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre tant en principal, frais et accessoires ;
En tous cas,
- Condamner M. [P] à leur payer la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [P] aux entiers dépens distraits au profit de M. Murat, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 28 juin 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Remind Architecte sollicite de la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 17 août 2018, et par substitution de motifs concernant l'étendue de la mission confiée à la société Ateliers d'architecture Corine Maironi & Associes ;
- Lui donner acte de ce que M. [P] ne l'a pas intimée en cause d'appel et ne forme aucune demande à son encontre ;
Y ajoutant,
- Dire et juger que la mission de la société Ateliers d'architecture Corine Maironi & Associes au titre de la direction et du contrôle des travaux a été limitée.
- Dire et juger que les consorts [C] ne démontrent pas l'existence des manquements qu'ils prétendent lui reprocher, ni à fortiori l'existence d'un quelconque lien de causalité entre ces griefs et les demandes principales de M. [P] ;
- Débouter en conséquence les consorts [C] de leur appel en garantie à son encontre ;
- Condamner M. [P] ou tout autre succombant à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Mlb Avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 18 décembre 2023 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 30 janvier 2024.
MOTIFS ET DÉCISION
M. [K] [P] fonde son action en paiement sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, à titre subsidiaire sur l'article 12 de cette même loi et à titre infiniment subsidiaire sur l'enrichissement sans cause.
I - Sur les documents contractuels et les travaux réalisés
Il résulte de l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 qu'a la qualité de sous-traitant celui qui exécute, au moyen d'un contrat d'entreprise, tout ou partie d'un contrat d'entreprise conclu entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal.
Il est établi par les pièces versées au dossier que M. Mme [C] ont conclu avec M. [U] [M], exerçant sous le nom 'entreprise [M] [U]':
- un marché de travaux, en date du 15 avril 2010, intitulé 'lot 1 - terrassement gros oeuvre maçonnerie' au prix forfaitaire global de 52 429,15 euros TTC, avec une TVA à 19,6 %, réduit ensuite à la somme de 42 284,13 euros ttc après déduction d'avenants cumulés en moins value d'un total TTC de 10 145,02 ;
Sur le DGD en date du 6 décembre 2010, les travaux indiqués concernent notamment l'extérieur de la maison existante (dépose de pierres de façades, reprise en sous oeuvre), un escalier permettant l'accès à la terrasse, un muret périphérique de cloture, une terrasse et une piscine.
- un marché de travaux en date du 15 avril 2010 intitulé 'lot 2 bis - couverture' au prix forfaitaire de 22 852,57 euros ttc dont une TVA à 5,5% comprenant notamment un garde-corps cintré, un portion, un paravent sur muret, la reprise de la toiture existante, le remplacement de bandeaux et de chéneaux
- un marché de travaux en date du 15 juin 2010 intitulé '2 ter menuiseries extérieures' au prix forfaitaire de 15 712,89 euros réduit ensuite à la somme de 7 712,99 euros ttc après déduction d'avenants cumulés en moins value d'un total TTC de 7 999,90 euros, marché, concernant une terrasse en bois et garde corps, avec balcon, margelles, garde cors bois et ferronnerie, garde corps horizontal et portillon.
Les trois marchés de travaux prévoient qu'en cas d'intervention d'un sous-traitant, son intervention ne pourra se faire qu'avec l'accord du maître de l'ouvrage et qu'il s'agit de prix forfaitaire, les travaux en supplément devant faire l'objet d'un avenant accepté et à défaut seront refusés.
Le marché 2 bis signé du maître de l'ouvrage prévoit expressément l'intervention d'un sous-traitant en la personne de M. [S] [E]' et le marché n°2 ter, signé par le maître de l'ouvrage, prévoit expressément l'intervention de M. [K] [P], peu important que son nom contienne une faute en ce qu'il est écrit '[P]'..
Sur le marché lot 1, M. [K] [P] prétend avoir effectué tous les travaux en qualité de sous-traitant de M. [U] [M] sauf la partie terrassement vrd pour un montant de 4 000 euros HT. Ses deux premières factures lui ont été réglées par M. [U] [M], avant sa liquidation judiciaire, mais pas sa dernière facture d'un montant de 24 213,30 euros dont la tva à 19,6%.
Par ailleurs, M. [K] [P] soutient avoir effectué des travaux supplémentaires à la demande même de M. Mme [C] pour un montant total de 17 562,63 euros TTC :
- au titre du marché lot 1,
- la surélévation du mur d'enceinte, la fourniture et pose d'un delta MS et la création de quatre niches pour un coût total de 3 269 euros HT (avec TVA à 19,6%) selon facture n°40 du 20 octobre 2010 ;
- des travaux de parement pierre et couvertines pour un montant HT de 3 754 euros HT soit de 3 960,47 euros TTC (tva 5.5%) facturés selon facture n°37 en date du 17 septembre intitulé situation n°4 , ces travaux figurant aussi par écriture manuscrite sur la première page du marché lot 1 avec les sommes de 2 350 euros et 1404 euros ce qui correspond au total HT de 3 754 euros ;
- au titre du marché lot 2 ter,
- la fourniture et la pose d'un plancher frêne et lambourdes autoclaves pour un montant facturé à Mme [C] de 6 220,34 euros Tttc dont une TVA à 19.6 %, la facture concernant ces derniers travaux a été réglée par M. Mme [C] directement à M. [K] [P] ;
- des travaux de chevêtre démontage garde corps et platelage et autres prestations sur la terrasse à hauteur de 2 212 euros HT (avec TVA à 19,6%) ;
- au titre du marché lot 2 bis,
- la fourniture de matériels (fourniture de deux rouleaux soprastick sarking ardoise) pour un montant de 248,52 euros avec TVA à 19,6%.
Cependant, aux termes du rapport d'expertise diligentée par M. [L], lequel a procédé à sa mission de façon exhaustive, il est établi qu':
- au titre du lot 1, les travaux effectivement réalisés sont d'un montant de 44 421,33 euros HT somme incluant les travaux supplémentaires à hauteur de 3 269 euros, de 2 212 euros et de 248,52 euros HT, étant précisé que pour les travaux initiaux, l'expert a comptabilisé avec précision les mètres linéaires de parement en pierre et de couvertines, de sorte que les sommes qu'il a retenues englobent aussi la facture 37 de 3 754 euros HT ;
- au titre du lot 2 ter, les travaux effectivement réalisés sont d'un montant de 7 818,50 euros HT
En l'absence d'éléments suffisants venant contredire ces constatations, il y a lieu de retenir ces deux sommes hors surcoûts pour finir les travaux tels que déterminés par l'expert étant souligné, comme le font observer les intimées que les factures de M. [K] [P] sont établies avec un manque de rigueur évident, puisque certaines, avec le même numéro, sont établies au nom de M. [U] [M] ou avec le nom des consorts [C], ainsi la facture 40 d'un montant de 24 213,30 euros (jointe à la déclaration de créance pièce 32 différente de la facture 40 pièce 4 appelant) et la facture 37 en date du 17 septembre 2010 intitulée situation N°4 lot gros oeuvre qui dans celle jointe à la déclaration de créance ne comporte que la mention travaux supplémentaires mais dans celle adressée aux consorts [C] ne porte pas cette mention mais 'chantier M. Mme [C]'.
Par ailleurs, sur le lot 1 d'un montant retenu à 44 421,33 euros HT, les consorts [C] justifient avoir versé la somme de 39 846,16 euros TTC à M. [M] et sur le lot 2 ter d'un montant retenu de 7 818,50 euros HT, les consorts [C] ont réglé la somme de 1 107 euros à M. [U] [M] et 6 220,34 euros à M. [K] [P] soit 7 327,34 euros ttc.
II - Sur l'action en responsabilité quasi délictuelle du maître de l'ouvrage fondée sur l'article 14-1 de la loi relative à la sous-traitance
Aux termes de l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance 'Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :
- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ;
- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.
Les dispositions ci-dessus concernant le maître de l'ouvrage ne s'appliquent pas à la personne physique construisant un logement pour l'occuper elle-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint.
Les dispositions du deuxième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle lorsque le maître de l'ouvrage connaît son existence, nonobstant l'absence du sous-traitant sur le chantier. Les dispositions du troisième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle'.
Si aux termes de ce texte, le maître de l'ouvrage doit, lorsqu'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant non agréé, mettre en demeure l'entrepreneur principal de le lui faire agréer et de lui faire accepter les conditions de paiement, et en outre, en l'absence de délégation de paiement au profit du sous-traitant, de fournir une caution, ce texte qui permet au sous-traitant de rechercher la responsabilité du maître de l'ouvrage qui a négligé d'effectuer cette mise en demeure, ne s'applique pas, comme le premier juge l'a retenu à bon droit, au maître de l'ouvrage, personne physique, pour des travaux de bâtiment concernant son propre logement ou celui de sa famille, le terme de logement devant s'analyser de façon non restrictive et inclure les travaux de bâtiment concernant également l'extérieur de l'immeuble affecté au logement du maître de l'ouvrage, ce qui est le cas en l'espèce, l'ensemble des travaux commandés ayant été effectués sur et autour du bâtiment, logement de M. Mme [C], pour en agrémenter l'utilisation.
En conséquence, M. [K] [P] ne peut solliciter une indemnisation sur le fondement de l'article 14-1 précité pour l'ensemble des travaux réalisés en qualité de sous-traitant de M. [U] [M] et le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.
III - Sur l'action directe du sous-traitant sur le fondement de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975
En application de l'article 12 de la loi précitée 'le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.
Toute renonciation à l'action directe est réputée non écrite.
Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.
Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1799-1 du code civil sont applicables au sous-traitant qui remplit les conditions édictées au présent article'.
Pour que l'action directe soit recevable, plusieurs conditions doivent être réunies :
- le sous-traitant doit avoir adressé une mise en demeure à l'entrepreneur principal ;
- le sous-traitant doit avoir été accepté par le maître de l'ouvrage en application de l'article 3 de la même loi ;
- le maître de l'ouvrage doit avoir agréé les conditions de paiement ;
- l'action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance ;
- l'obligation de paiement du maître de l'ouvrage est limité à ce qu'il doit encore à l'entrepreneur principal à la date de réception de la mise en demeure adressée à ce dernier ;
En l'espèce, s'agissant du lot n°1, il ne peut être considéré que le courrier (lrar) adressé par M. [K] [P] à M. [U] [M] en date du 26 octobre 2020 soit une mise en demeure. Dans ce courrier dans lequel M. [K] [P] évoque l'existence d'un faux document dont il n'est pas clairement établi qu'il concerne le présent litige, ce dernier ajoute ' cette nouvelle histoire s'ajoute au litige désagréable causé par ta seule inconscience et ton amicale indélicatesse, pour lequel ,comme tu le sais, je reste à percevoir la somme de 24 230 euros 13 sauf à parfaire'. En revanche, M. [K] [P] a dans sa déclaration de créance déclaré la somme de 24 230 euros correspondant à la facture n° 40 du 17 septembre 2010 intitulé 'situation n°3 lot 1 gros oeuvre' et la somme de 4 489, 78 euros correspondant à la facture 37 émise également le 17 septembre 2010 mais concernant une situation postérieure soit la situation n° 4 du lot 1.Toutefois, M. [K] [P] a déclaré sa créance à la procédure collective de M. [U] [M], déclaration qui vaut mise en demeure (cass com 15-10- 1991 Bciv 297, com 14-12-1993 bulletin 471).
Mais comme l'a justement indiqué le premier juge, M. [K] [P] n'a pas été accepté par le maître de l'ouvrage en qualité de sous-traitant. Certes, il est établi notamment par des attestations qu'il a produites, qu'il a réalisé des travaux de gros oeuvre sur ce chantier, mais ces attestations ne suffisent pas à établir une acceptation tacite en qualité de sous-traitant, d'autant qu'un ancien salarié de M. [M], M. [Y] (pièce 60 intimées) atteste avoir dans le cadre de son emploi réaliser des travaux afférents au gros oeuvre et que les consorts [C], si l'entreprise [M] intervenait pour le même marché, il est tout à fait admissible qu'ils ne pouvaient savoir à quel titre M. [K] [P] intervenait aussi. Les maîtres de l'ouvrage n'ont pas non plus accepté les conditions de paiement qui sont ignorées, d'autant que le contrat de sous-traitance n'a manifestement pas été écrit puisqu'il n'est pas produit aux débats. Enfin, M. [K] [P] ne rapporte pas la preuve que les travaux supplémentaires retenus par l'expert au titre des travaux effectués aient été directement demandés par les consorts [C] à lui-même, ni même que ces travaux supplémentaires aient été acceptés, alors que le marché initial était un marché à forfait.
Pour le surplus, la cour adopte les motifs pertinents du premier juge.
S'agissant du lot 2ter,
A l'inverse du lot 1, le marché concernant ce lot vise spécifiquement l'intervention de M. [K] [P] en qualité de sous-traitant, de sorte que les consorts [C], en signant le marché, ont agréé son intervention, d'autant qu'ils ont pu régler directement une partie du marché soit 6 220.34 euros à ce dernier.
Mais comme l'a justement motivé le premier juge, :
- au moment du règlement direct, M. [U] [M] était en liquidation judiciaire de sorte qu'il n'est pas démontré que M. Mme [C] ont eu la volonté non équivoque d'accepter les conditions de paiement qui ne sont pas connues ;
- M. [K] [P] n'a pas adressé à M. [U] [M] de mise en demeure préalable ;
Il convient d'ajouter que M. [K] [P] n'a déclaré aucune créance à la procédure collective de M. [U] [M] concernant ce marché et que l'expert a pu indiquer dans son rapport que les parties avaient convenu d'un commun accord que le marché concernant la terrasse était soldée.
Pour le surplus, la cour adopte les motifs pertinents du premier juge, y compris pour le lot 2 bis, étant ajouté que l'expert a inclus dans le total dû au titre du lot 1, la somme de 2 002 euros et la somme de 248,52 euros a priori respectivement sollicités par M. [K] [P] au titre du lot 2 ter et du lot 2 bis.
En conséquence, M. [K] [P] ne peut solliciter une indemnisation sur le fondement de l'article 12 précité et le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.
IV - Sur le fondement de l'enrichissement sans cause
Selon la cour de cassation, : « l'action de in rem verso ne doit être admise que dans les cas où le patrimoine d'une personne se trouvant, sans cause légitime, enrichi au détriment de celui d'une autre personne, celle-ci ne jouirait, pour obtenir ce qui lui est dû, d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit, et elle ne peut être intentée en vue d'échapper aux règles par lesquelles la loi a expressément défini les effets d'un contrat déterminé » (Civ., 2 mars 1915, Bull. Chambre civile n 28). Cette action, d'origine prétorienne a été codifiée par l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016.
L'article 1303 du code civil dispose que 'en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement'.
Pour que l'action soit recevable, des conditions cumulatives dont la preuve de l'existence incombe à l'appauvri doivent être réunies :
- l'enrichissement du défendeur à l'action, qui peut résulter soit d'une augmentation de l'actif soit d'une diminution du passif ou d'une dépense évitée ;
- l'appauvrissement du demandeur à l'action, qui peut consister soit en une perte quelconque, soit en un manque à gagner ;
- un rapport de causalité entre l'enrichissement et l'appauvrissement, qui peut être direct ou indirect ;
- l'absence de cause justifiant l'enrichissement du défendeur. Cette condition implique que l'action ne peut prospérer si l'enrichissement trouve sa justification soit dans une cause objective (la loi, un acte, un contrat ou un jugement), soit dans une cause subjective (intention libérale de l'appauvri ou intérêt personnel de celui-ci, s'analysant comme une contrepartie à son appauvrissement, voire une obligation naturelle) ;
- l'absence de toute autre action, l'action de in rem verso étant une action subsidiaire, de sorte qu'elle ne peut être utilisée pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter par suite d'un obstacle de droit (notamment, 1 Civ., 23 juin 2010, pourvoi 09-13.812) mais aussi un obstacle de fait qui rend vaine l'action principale, tel que l'insolvabilité du co-contractant, débiteur direct. Dans un tel cas, il n'y a pas d'empêchement à l'action de in rem verso dirigée contre un autre débiteur solvable, indirectement enrichi par l'opération.
En l'espèce, M. [K] [P] ne remplit pas la condition liée à l'absence de toute autre action. En effet, M. [K] [P] se voit débouter de son action directe en qualité de sous-traitant dès lors qu'il ne démontre pas remplir toutes les conditions de cette action, outre le fait qu'il n'a pas justifié que les travaux supplémentaires qu'il a allégués lui ont été directement commandés par les maîtres de l'ouvrage en dehors des marchés de travaux à un prix forfaitaire conclus avec l'entreprise principale.
En outre, la preuve de l'enrichissement des consorts [C] n'est pas rapportée,
- au regard du paiement par M. Mme [C] de la somme de 39 846,16 euros TTC sur le marché n°1 et de la somme de 7 327,34 euros ttc sur le marché 2 ter, de l'absence de preuve de l'acceptation des travaux supplémentaires, du surcoût lié à l'inachèvement des travaux, M. Mme [C] ayant été conduits à rechercher d'autres entreprises d'où un surcoût d'un montant de 7 661,66 euros ht qu'il y a lieu de déduire, en ce compris le devis Savoie Pierre dont les travaux sont nécessaires pour réparer les dégradations commises par M. [K] [P] en cours de chantier (rapport d'expertise page 12 sur les marches d'escalier en pierre portant des éclats).
- du manque de fiabilité de la facturation de M. [K] [P], laquelle n'est pas rigoureuse, étant précisé que sa déclaration de créance à l'encontre de M. [U] [M] a porté sur un total de 28 703,08 euros TTC mais qu'il sollicite des consorts [C] à titre principal la somme de 35 555,59 euros TTC après leur avoir réclamé la somme de 28 703, 08 euros (LRAR du 23 octobre 2010).
En conséquence, M. [K] [P] sera débouté de sa demande fondée sur l'enrichissement sans cause.
Il sera également débouté de sa demande de faire injonction à M. Mme [C] de rapporter la preuve du paiement des marchés de travaux à M. [U] [M].
Le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de M. Mme [C] présentées à titre infiniment subsidiaire contre M. [K] [P] au titre des travaux de reprise et du recours en garantie contre la société Remind Architecte, ni sur les demandes de cette dernière tendant à lui voir donner acte et à dire et juger, d'autant que M. [K] [P] n'a formé aucune prétention à son encontre.
V - Sur les mesures accessoires
Succombant, M. [K] [P] sera condamné aux dépens d'appel, distraits au profit de Me Murat et de la selarl MLB Avocatselurl Bolonjeon, société d'avocats, sur leur affirmation de droits. L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale des consorts [C] pris indivisément la somme de 2 500 euros au titre de l'indemnité procédurale et la somme de 1 500 euros à la société Remind Architecte.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à préciser que M. [K] [P] est débouté de ses prétentions sur le fondement de l'enrichissement sans cause et non irrecevable en ses prétentions sur ce fondement,
Y ajoutant,
Déboute M. [K] [P] de sa demande de faire injonction à M. Mme [C] de rapporter la preuve du paiement des marchés de travaux à M. [U] [M]
Condamne M. [K] [P] aux dépens d'appel, distraits au profit de Me Murat et de la selarl MLB Avocatselurl Bolonjeon, société d'avocats, sur leur affirmation de droits,
Condamne M. [K] [P] à payer à Mesdames [F], [J] et [B] [C] prises indivisément une indemnité procédurale de 2 500 euros et à la société Remind Architecte une indemnité procédurale de 1 500 euros en appel,
Déboute M. [K] [P] de sa demande d'indemnité procédurale.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 30 juillet 2024
à
Me Alix JOURD'HUY
Me Philippe MURAT
la SELARL MLB BALME
Copie exécutoire délivrée le 30 juillet 2024
à
Me Philippe MURAT
la SELARL MLB BALME