Décisions
CA Metz, 5e ch., 29 juillet 2024, n° 23/00069
METZ
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/00069 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F4IO
S.A.R.L. LORGEC
C/
S.A.S. ACREOS, S.A.S. AFCE FORMATION
Ordonnance Au fond, origine Juge de la mise en état de METZ, décision attaquée en date du 12 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 20/00646
Minute n° 24/00249
COUR D'APPEL DE METZ
5ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 29 JUILLET 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. LORGEC Représentée par son gérant
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
INTIMÉES :
S.A.S. ACREOS Représentée par son représentant légal.
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
S.A.S. AFCE FORMATION Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 21 Décembre 2023 tenue par M. Pierre CASTELLI, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 21 mars 2024 ; Qu'à cette date le délibéré a été prorogé au 30 mai 2024 ; Qu'à cette date le délibéré a été prorogé au 18 juillet 2024 ; Qu'à cette date le délibéré a été prorogé au 29 Juillet 2024.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : M. CASTELLI, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame GRILLON,conseillère
Monsieur KOEHL, conseiller
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. CASTELLI, président de Chambre et par Mme Sonia DE SOUSA, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant lettres de mission du 8 juillet 2016, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ont confié à la société LORGEC une mission de présentation des comptes annuels et d'établissement des déclarations fiscales y afférentes.
Par assignation du 13 octobre 2020, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ont assigné la société LORGEC devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz pour obtenir le paiement de dommages-intérêts en invoquant des manquements de cette dernière à sa mission.
En cours d'instance, la société LORGEC a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Metz pour voir constater la forclusion de l'action introduite à son encontre par les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION.
Par ordonnance du 12 juillet 2022, le juge de la mise en état a:
- déclaré les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION recevables en leurs demandes,
- réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que le sort des dépens de l'incident suivra celui du fond,
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état silencieuse.
La société LORGEC a relevé appel le 9 janvier 2023 de cette ordonnance en indiquant que son appel tendait à l'infirmation de celle-ci en ce qu'elle avait déclaré les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION recevables en leurs demandes, réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que le sort des dépens de l'incident suivra celui du fond et renvoyé l'affaire à une audience mise en état silencieuse.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives du 16 octobre 2023 transmises par voie électronique le même jour aux sociétés ACREOS et AFCE FORMATION, la société LORGEC demande à la cour de :
- dire l'appel de la société LORGEC recevalable et bien fondé,
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que les actions introduites par les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION à l'encontre de la société LORGEC sont forcloses,
En tout état de cause,
- débouter les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION à payer à la société LORGEC une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles devant le premier juge et de 2000 € pour les frais irrépétibles devant la cour,
- condamner solidairement les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION aux entiers frais et dépens de l'instance
En réplique, dans leurs dernières conclusions récapitulatives du 8 août 2023 transmises le même jour à la société LORGEC, valant appel incident, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION demandent à la cour de:
- rejeter l'appel de la société LORGEC,
- accueillir le seul appel incident des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION,
- infirmer l'ordonnance du 12 juillet 2022 en ce qu'elle a réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que le sort des dépens suivra celui du fond,
- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 juillet 2022 en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION par adoption de motifs, subsidiairement, par adjonction de motifs et très subsidiairement par substitution de motifs,
En tout état de cause, par voie d'infirmation de l'ordonnance,
- condamner la société LORGEC aux entiers frais et dépens de l'instance en incident,
- condamner la société LORGEC à payer à chacune des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION une somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,
Y ajoutant,
- condamner la société LORGEC aux dépens de la procédure d'appel de l'incident,
- condamner la société LORGEC à payer à chacune des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION une somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Pour un exposé plus complet des prétentions respectives des sociétés ACREOS, AFCE FORMATION, LORGEC ainsi que de leurs moyens, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l'occurrence, l'article 8 des lettres de mission du 8 juillet 2016 conclues entre la société LORGEC et les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION stipule que toute demande de dommages-intérêts ne pourra être produite que pendant une période de prescription légale et qu'elle devra être introduite dans les 3 mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre.
Il est constant que toute clause qui fixe un terme au droit d'agir institue un délai de forclusion.
L'article 8 susvisé des lettres de mission a donc consacré un délai conventionnel de forclusion suivant lequel toute demande de dommages-intérêts doit être présentée en justice dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre.
Aux termes de l'article 2220 du code civil, les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le titre XX du code civil relatif à la prescription extinctive. Au cas d'espèce, ainsi, l'article 2254 du code civil, qui dispose que la prescription ne peut être réduite à moins d'un an, ne peut être utilement invoqué par les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION pour contester la validité du délai de 3 mois de l'article 8 des lettres de mission puisque ce délai est un délai de forclusion et non de prescription.
Dans un arrêt du 30 mars 2016 (n° de pourvoi 14-24.874), la Cour de cassation a considéré qu'un délai de trois mois, tel que stipulé à l'article 8 des lettres de mission du 8 juillet 2016, ne méconnaissait pas le droit à un procès équitable visé par l'article 6 & 1 de la convention européenne des droits de l'homme, l'intéressé selon la Cour de cassation disposant d'un délai suffisamment raisonnable pour saisir le juge après qu'il ait eu connaissance du sinistre.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ne peuvent donc se prévaloir de la violation de l'article 6 & 1 de la convention européenne des droits de l'homme.
Contrairement à ce que soutiennent également les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION, la société LORGEC n'était pas pas tenue à une obligation particulière d'information sur les conséquences qui pouvaient résulter du non-respect du délai de trois mois de l'article 8 des lettres de mission, cette obligation d'information étant suffisamment remplie par la remise aux sociétés ACREOS et AFCE FORMATION des conditions générales de la mission confiée à la société LORGEC qui comprenaient cet article 8 et par l'emploi de l'expression comportant une injonction figurant à l'article 8 ainsi rédigée: ' Elle (la demande) devra être introduite...'.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION considèrent en outre que le délai conventionnel de forclusion constitue une clause manifestement abusive de telle sorte que cette clause devrait être réputée non écrite.
Elles invoquent à cette fin l'article 1171 du code civil qui dispose que, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
Cet article n'est toutefois applicable qu'aux contrats conclus après le premier octobre 2016, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque les lettres de mission sont datées du 8 juillet 2016. L'article 1171 ne peut donc être opposé à la société LORGEC.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION se prévalent également de l'article L 442-1 du code de commerce ( anciennement article L 442-6), dont il résulte qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Compte tenu de sa rédaction, cet article ne permet toutefois que de mettre en jeu la responsabilité de l'auteur des agissements répréhensibles et les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ne peuvent donc en demander l'application au juge de la mise en état qui n'a été saisi par la société LORGEC que pour statuer sur la fin de non-recevoir découlant de l'article 8 des lettres de mission du 8 juillet 2016.
Enfin, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION font valoir que la clause de l'article 8 des lettres de mission, instaurant un délai de forclusion de trois mois, ne pourrait pas être mise en 'uvre à leur égard car la faute, dont ils reprochent à la société LORGEC d'être l'auteur, n'aurait pas été commise dans l'exécution de la mission qui lui a été dévolue.
A cet égard, il apparaît à la lecture des annexes aux lettres de mission comportant répartition des travaux que cette assertion est inexacte. En effet, aux termes de ces annexes, la société LORGEC a été chargée de l'établissement de la déclaration annuelle relative à la contribution économique territoriale, laquelle comprend la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ( CVAE). Or, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ont attrait en justice la société LORGEC, parce qu'ils lui font fait grief d'avoir tardé à leur adresser un projet de lettre pour obtenir,à la suite d'une décision rendue le 19 mai 2017 par le conseil constitutionnel, le remboursement d'un trop-perçu par l'administration fiscale au titre de la CVAE pour l'année 2015, de sorte que leur réclamation à ce titre a été rejetée, le délai pour la former étant expiré.
Ce dernier moyen, dont les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION se prévalent, ne peut donc aboutir.
Au total et pour que leurs demandes de dommages-intérêts puissent prospérer, conformément à l'article 8 des lettres de mission du 8 juillet 2016, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION devaient agir en justice à l'encontre de la société LORGEC, à peine de forclusion, dans un délai maximum de trois mois à compter de la date à laquelle elles ont eu connaissance du sinistre.
Cette date peut être fixée au 22 janvier 2019 qui est la date à laquelle l'administration fiscale a informé les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION du rejet de leurs recours gracieux.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION devaient donc assigner en justice la société LORGEC avant le 22 avril 2019. L'assignation délivrée par les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION à la société LORGEC lui ayant été remise le 13 octobre 2020, leurs demandes doivent être déclarées irrecevables.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 juillet 2022 en ce qu'elle a déclaré les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION recevables en leurs demandes et statuant à nouveau de déclarer les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION irrecevables en leurs demandes, comme étant forcloses.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions de l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 juillet 2022 sont également infirmées.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION, qui succombent, sont condamnées aux dépens de première instance et d'appel et à verser, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société LORGEC la somme totale de 1200 € pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et la somme totale de 1200 € pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION, parties perdantes au procès, sont déboutées de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition publique au greffe et par arrêt contradictoire
INFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz du 12 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DECLARE les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION irrecevables en leurs demandes, comme étant forcloses,
CONDAMNE les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION aux dépens et à verser à la société LORGEC la somme totale de 1200 € par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance,
Y ajoutant,
CONDAMNE les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION aux dépens d'appel et à verser à la société LORGEC la somme totale de 1200 € par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel.
Le greffier Le président de chambre
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/00069 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F4IO
S.A.R.L. LORGEC
C/
S.A.S. ACREOS, S.A.S. AFCE FORMATION
Ordonnance Au fond, origine Juge de la mise en état de METZ, décision attaquée en date du 12 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 20/00646
Minute n° 24/00249
COUR D'APPEL DE METZ
5ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 29 JUILLET 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. LORGEC Représentée par son gérant
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
INTIMÉES :
S.A.S. ACREOS Représentée par son représentant légal.
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
S.A.S. AFCE FORMATION Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 21 Décembre 2023 tenue par M. Pierre CASTELLI, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 21 mars 2024 ; Qu'à cette date le délibéré a été prorogé au 30 mai 2024 ; Qu'à cette date le délibéré a été prorogé au 18 juillet 2024 ; Qu'à cette date le délibéré a été prorogé au 29 Juillet 2024.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : M. CASTELLI, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame GRILLON,conseillère
Monsieur KOEHL, conseiller
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. CASTELLI, président de Chambre et par Mme Sonia DE SOUSA, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant lettres de mission du 8 juillet 2016, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ont confié à la société LORGEC une mission de présentation des comptes annuels et d'établissement des déclarations fiscales y afférentes.
Par assignation du 13 octobre 2020, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ont assigné la société LORGEC devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz pour obtenir le paiement de dommages-intérêts en invoquant des manquements de cette dernière à sa mission.
En cours d'instance, la société LORGEC a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Metz pour voir constater la forclusion de l'action introduite à son encontre par les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION.
Par ordonnance du 12 juillet 2022, le juge de la mise en état a:
- déclaré les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION recevables en leurs demandes,
- réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que le sort des dépens de l'incident suivra celui du fond,
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état silencieuse.
La société LORGEC a relevé appel le 9 janvier 2023 de cette ordonnance en indiquant que son appel tendait à l'infirmation de celle-ci en ce qu'elle avait déclaré les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION recevables en leurs demandes, réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que le sort des dépens de l'incident suivra celui du fond et renvoyé l'affaire à une audience mise en état silencieuse.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives du 16 octobre 2023 transmises par voie électronique le même jour aux sociétés ACREOS et AFCE FORMATION, la société LORGEC demande à la cour de :
- dire l'appel de la société LORGEC recevalable et bien fondé,
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que les actions introduites par les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION à l'encontre de la société LORGEC sont forcloses,
En tout état de cause,
- débouter les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION à payer à la société LORGEC une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles devant le premier juge et de 2000 € pour les frais irrépétibles devant la cour,
- condamner solidairement les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION aux entiers frais et dépens de l'instance
En réplique, dans leurs dernières conclusions récapitulatives du 8 août 2023 transmises le même jour à la société LORGEC, valant appel incident, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION demandent à la cour de:
- rejeter l'appel de la société LORGEC,
- accueillir le seul appel incident des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION,
- infirmer l'ordonnance du 12 juillet 2022 en ce qu'elle a réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que le sort des dépens suivra celui du fond,
- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 juillet 2022 en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION par adoption de motifs, subsidiairement, par adjonction de motifs et très subsidiairement par substitution de motifs,
En tout état de cause, par voie d'infirmation de l'ordonnance,
- condamner la société LORGEC aux entiers frais et dépens de l'instance en incident,
- condamner la société LORGEC à payer à chacune des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION une somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,
Y ajoutant,
- condamner la société LORGEC aux dépens de la procédure d'appel de l'incident,
- condamner la société LORGEC à payer à chacune des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION une somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Pour un exposé plus complet des prétentions respectives des sociétés ACREOS, AFCE FORMATION, LORGEC ainsi que de leurs moyens, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action des sociétés ACREOS et AFCE FORMATION
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l'occurrence, l'article 8 des lettres de mission du 8 juillet 2016 conclues entre la société LORGEC et les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION stipule que toute demande de dommages-intérêts ne pourra être produite que pendant une période de prescription légale et qu'elle devra être introduite dans les 3 mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre.
Il est constant que toute clause qui fixe un terme au droit d'agir institue un délai de forclusion.
L'article 8 susvisé des lettres de mission a donc consacré un délai conventionnel de forclusion suivant lequel toute demande de dommages-intérêts doit être présentée en justice dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre.
Aux termes de l'article 2220 du code civil, les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le titre XX du code civil relatif à la prescription extinctive. Au cas d'espèce, ainsi, l'article 2254 du code civil, qui dispose que la prescription ne peut être réduite à moins d'un an, ne peut être utilement invoqué par les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION pour contester la validité du délai de 3 mois de l'article 8 des lettres de mission puisque ce délai est un délai de forclusion et non de prescription.
Dans un arrêt du 30 mars 2016 (n° de pourvoi 14-24.874), la Cour de cassation a considéré qu'un délai de trois mois, tel que stipulé à l'article 8 des lettres de mission du 8 juillet 2016, ne méconnaissait pas le droit à un procès équitable visé par l'article 6 & 1 de la convention européenne des droits de l'homme, l'intéressé selon la Cour de cassation disposant d'un délai suffisamment raisonnable pour saisir le juge après qu'il ait eu connaissance du sinistre.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ne peuvent donc se prévaloir de la violation de l'article 6 & 1 de la convention européenne des droits de l'homme.
Contrairement à ce que soutiennent également les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION, la société LORGEC n'était pas pas tenue à une obligation particulière d'information sur les conséquences qui pouvaient résulter du non-respect du délai de trois mois de l'article 8 des lettres de mission, cette obligation d'information étant suffisamment remplie par la remise aux sociétés ACREOS et AFCE FORMATION des conditions générales de la mission confiée à la société LORGEC qui comprenaient cet article 8 et par l'emploi de l'expression comportant une injonction figurant à l'article 8 ainsi rédigée: ' Elle (la demande) devra être introduite...'.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION considèrent en outre que le délai conventionnel de forclusion constitue une clause manifestement abusive de telle sorte que cette clause devrait être réputée non écrite.
Elles invoquent à cette fin l'article 1171 du code civil qui dispose que, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
Cet article n'est toutefois applicable qu'aux contrats conclus après le premier octobre 2016, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque les lettres de mission sont datées du 8 juillet 2016. L'article 1171 ne peut donc être opposé à la société LORGEC.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION se prévalent également de l'article L 442-1 du code de commerce ( anciennement article L 442-6), dont il résulte qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Compte tenu de sa rédaction, cet article ne permet toutefois que de mettre en jeu la responsabilité de l'auteur des agissements répréhensibles et les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ne peuvent donc en demander l'application au juge de la mise en état qui n'a été saisi par la société LORGEC que pour statuer sur la fin de non-recevoir découlant de l'article 8 des lettres de mission du 8 juillet 2016.
Enfin, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION font valoir que la clause de l'article 8 des lettres de mission, instaurant un délai de forclusion de trois mois, ne pourrait pas être mise en 'uvre à leur égard car la faute, dont ils reprochent à la société LORGEC d'être l'auteur, n'aurait pas été commise dans l'exécution de la mission qui lui a été dévolue.
A cet égard, il apparaît à la lecture des annexes aux lettres de mission comportant répartition des travaux que cette assertion est inexacte. En effet, aux termes de ces annexes, la société LORGEC a été chargée de l'établissement de la déclaration annuelle relative à la contribution économique territoriale, laquelle comprend la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ( CVAE). Or, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION ont attrait en justice la société LORGEC, parce qu'ils lui font fait grief d'avoir tardé à leur adresser un projet de lettre pour obtenir,à la suite d'une décision rendue le 19 mai 2017 par le conseil constitutionnel, le remboursement d'un trop-perçu par l'administration fiscale au titre de la CVAE pour l'année 2015, de sorte que leur réclamation à ce titre a été rejetée, le délai pour la former étant expiré.
Ce dernier moyen, dont les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION se prévalent, ne peut donc aboutir.
Au total et pour que leurs demandes de dommages-intérêts puissent prospérer, conformément à l'article 8 des lettres de mission du 8 juillet 2016, les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION devaient agir en justice à l'encontre de la société LORGEC, à peine de forclusion, dans un délai maximum de trois mois à compter de la date à laquelle elles ont eu connaissance du sinistre.
Cette date peut être fixée au 22 janvier 2019 qui est la date à laquelle l'administration fiscale a informé les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION du rejet de leurs recours gracieux.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION devaient donc assigner en justice la société LORGEC avant le 22 avril 2019. L'assignation délivrée par les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION à la société LORGEC lui ayant été remise le 13 octobre 2020, leurs demandes doivent être déclarées irrecevables.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 juillet 2022 en ce qu'elle a déclaré les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION recevables en leurs demandes et statuant à nouveau de déclarer les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION irrecevables en leurs demandes, comme étant forcloses.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions de l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 juillet 2022 sont également infirmées.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION, qui succombent, sont condamnées aux dépens de première instance et d'appel et à verser, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société LORGEC la somme totale de 1200 € pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et la somme totale de 1200 € pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel.
Les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION, parties perdantes au procès, sont déboutées de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition publique au greffe et par arrêt contradictoire
INFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz du 12 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DECLARE les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION irrecevables en leurs demandes, comme étant forcloses,
CONDAMNE les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION aux dépens et à verser à la société LORGEC la somme totale de 1200 € par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance,
Y ajoutant,
CONDAMNE les sociétés ACREOS et AFCE FORMATION aux dépens d'appel et à verser à la société LORGEC la somme totale de 1200 € par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel.
Le greffier Le président de chambre