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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 25 juillet 2024, n° 23/02441

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 23/02441

25 juillet 2024

4ème Chambre

ARRÊT N° 170

N° RG 23/02441

N° Portalis DBVL-V-B7H-TWGX

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Avril 2024, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, magistrat rapporteur, entendue en son rapport, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe, date indiquée à l'issue des débats : 27 Juin 2024, prorogée au 25 Juillet 2024

****

APPELANTS :

Monsieur [L] [A] [H] [G]

né le 07 Mars 1984 à [Localité 5]

[Adresse 1]

Représenté par Me Diane RENARD de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Madame [C] [M] [S]

née le 17 Août 1984 à [Localité 4]

[Adresse 3]

Représentée par Me Diane RENARD de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTIMÉE :

S.A.R.L. CARGO ARCHITECTURE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 2]

Représentée par Me Philippe GUILLOTIN de la SELARL GUILLOTIN, LE BASTARD ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Charlotte GARNIER de la SELARL GUILLOTIN, LE BASTARD ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Exposé du litige :

M. [L] [G] et Mme [C] [S] épouse [G] ont acquis par acte authentique de vente du 15 janvier 2018, de la SCI du Vingt Quatre, une maison d'habitation sise à [Adresse 6], laquelle avait fait l'objet de travaux de rénovation moins de dix ans auparavant.

Dans la perspective de cette acquisition, ils ont régularisé le 6 septembre 2017 un contrat de maîtrise d''uvre complète avec M [P] [E], architecte, parent de Mme [G], relatif à la rénovation de l'immeuble. En sa partie 1, conditions particulières, ce contrat faisait mention d'une enveloppe financière de 130000€ TTC. La partie 2, annexe financière faisait état d'un montant de travaux estimés à 100 000€ HT et d'une rémunération de l'architecte de 12%, soit 12000€ HT. Le contrat comportait une annexe prévoyant un groupement de maîtres d''uvre incluant M. [E] chargé de la conception et M. [K], également architecte, ami des maîtres d'ouvrage, chargé de l'exécution. Cette annexe était signée des maîtres d'ouvrage et pour le groupement de maîtrise d''uvre par la société Cargo Architecture représentée par M. [K]. Elle prévoyait une répartition suivante des honoraires :

- les missions ESQ, APS, APD et PCG : 90 % pour M. [E] et 10 % pour la société Cargo Architecture ;

- les missions DCE, AO, ACT, VISA, DET, AOR et DOE : 90 % pour la société Cargo Architecture et 10 % pour M. [E].

Sur les conseils de M. [K], M et Mme [G] ont fait réaliser un nouveau diagnostic parasitaire avec sondages en mars 2018, qui a mis en évidence la présence de champignons lignivores dans plusieurs parties de l'immeuble.

Les 19 et 20 avril 2018, les deux architectes ont présenté chacun une facture de 3000€TTC, que M [G] et Mme [S] ont réglée. M. [E] n'est par la suite plus intervenu dans le dossier.

M. [G] et Mme [S] ont sollicité en référé la désignation d'un expert au contradictoire de la SCI venderesse, des constructeurs ayant rénové l'immeuble et de leurs assureurs. M [F] a été désigné par ordonnance du 15 novembre 2018.

Dans le cadre des opérations d'expertise, la société Cargo Architecture a été sollicitée par M. [G] et Mme [S] pour les assister et a présenté deux factures de 432€ TTC qui ont été réglées.

La société Cargo Architecture a présenté à la signature de M. [G] et Mme [S] le 11 mars 2020 une convention d'honoraires relative à la rénovation de la maison suite au sinistre, basée sur un budget prévisionnel de travaux de 219000€ HT et des honoraires de 10%.

Le 6 mai suivant, la société Cargo Architecture a sollicité à nouveau la signature de la convention et présenté sa note d'honoraires. M. [G] et Mme [S] ont opposé un refus à cette demande de paiement au motif que cette convention était nécessaire comme justificatif pour demander la prise en charge des frais de travaux de reprise dans le cadre de l'expertise mais qu'ils ne poursuivraient pas le projet de construction au regard de leur situation personnelle, connue de l'architecte.

La société Cargo Architecture a sollicité de l'expert le retrait des pièces fournies dans le cadre de l'expertise (plans, CCTP, DCE).

Le conseil de l'ordre des architectes a été saisi sans aboutir à une conciliation.

Par acte d'huissier du 19 mars 2021, la société Cargo Architecture a fait assigner M. [G] et Mme [S] devant le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc en paiement de ses honoraires.

Par un jugement en date du 20 février 2023, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :

- fixé le solde des honoraires de maîtrise d''uvre de la société Cargo Architecture à la somme de 11 116,80 euros TTC dont TVA à 20 % ;

- condamné in solidum Mme [S] et M. [G] à payer à la société Cargo Architecture la somme de 11 116,80 euros TTC dont TVA à 20 % au titre du solde de ses honoraires ;

- débouté Mme [S] et M. [G] de leurs demandes de préjudices ;

- débouté la société Cargo Architecture de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné in solidum Mme [S] et M.[G] à payer à la société Cargo Architecture la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum Mme [S] et M.[G] aux dépens ;

- rejeté la demande relative à la distraction des dépens.

Mme [S] et M. [G] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 avril 2023.

Dans leurs dernières conclusions en date du 15 mars 2024, Mme [S] et M. [G] au visa des articles 1101 et suivants, 1112-1 et suivants, 1231-1 et suivants du code civil, et L111-1 et suivants du code de la consommation, demandent à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- fixé le solde des honoraires de maîtrise d''uvre de la société Cargo Architecture à la somme de 11 116,80 euros TTC dont TVA à 20 %;

- condamné in solidum me [S] et M. [G] à payer à la société Cargo Architecture la somme de 11 116,80 euros TTC dont TVA à 20 % au titre du solde de ses honoraires ;

- débouté Mme [S] et M. [G] de leurs demandes de préjudices;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné in solidum Mme [S] et M. [G] à payer à la société Cargo Architecture la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum Mme [S] et M. [G] aux dépens ;

- rejeté la demande relative à la distraction des dépens ;

- débouter la société Cargo Architecture de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement,

- réduire dans de très larges proportions les réclamations de la société Cargo Architecture à l'égard de Mme [S] et M. [G] et les fixer au maximum à la somme de 4 374 euros TTC ;

En toutes hypothèses,

- condamner la société Cargo Architecture à leur régler une somme de 21 321,68 euros de dommages-intérêts ;

- condamner la société Cargo Architecture à leur régler une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Cargo Architecture aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par la société Kovalex.

Mme [S] et M. [G] font valoir que la convention de septembre 2017 a été révoquée d'un commun accord suite à la découverte des parasites des bois et de la nécessité d'agir en justice pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices ; qu'à partir du moment où M. [E] s'est retiré ce qui a été reconnu par l'intimée dans ses conclusions de première instance, le contrat ne pouvait se poursuivre faute de cocontractant, la société Cargo Architecture n'étant que le co-traitant de M. [E]. Ils en déduisent que le tribunal ne pouvait considérer que le contrat de 2017 s'était poursuivi au bénéfice de la société Cargo Architecture.

Ils contestent avoir demandé à cette société la réalisation d'une mission de rénovation de leur immeuble après découverte de l'infestation parasitaire et soutiennent qu'afin de préserver leurs intérêts lors des opérations d'expertise, ils ont demandé à la société représentée par M. [K] de les assister en tant que conseiller technique, mission d'assistance qui ne se limitait pas à sa seule présence aux deux réunions d'expertise, mais comportait le chiffrage des travaux sur la base des devis que l'expert demandait aux parties de produire. Ils ajoutent qu'en regard des habitudes des experts privés, ils attendaient une facturation à l'heure et que le contrat de maîtrise d''uvre demandé devait permettre d'évaluer ces frais, sans être retourné signé, puisque les travaux ne devaient pas être effectués compte tenu de leur situation personnelle connue de M. [K].

Ils soutiennent qu'il ne peut y avoir d'acception tacite du contrat de mars 2020, postérieur à la réalisation effective des prestations concernées.

Les appelants estiment que le montant demandé de 16 321,68€ TTC, objet d'un appel incident de l'architecte n'est pas justifié et ne correspond pas à sa facture du 22 juin 2020 ; que la contrepartie de la mission d'assistance ne peut pas être un pourcentage du prix des travaux qui ne seront jamais exécutés et doit respecter les dispositions légales et déontologiques, ce qui n'est pas le cas.

Sur ce point, ils objectent que les articles 11 et 46 du code de déontologie des architectes imposent de conclure une convention écrite préalable, portant une indication claire de la rémunération communiquée au client ; que la société Cargo Architecture n'a respecté aucune de ces obligations.

Ils ajoutent que le prix de la prestation est une information déterminante du consentement au sens de l'article 1112-1 du code civil, comme des articles L 111-1 à L 114-1 du code de la consommation. Sans méconnaître que le contrat de louage d'ouvrage est consensuel, ils observent qu'en l'absence d'écrit, le prix n'est pas déterminé ni déterminable et doit être fixé par le juge en fonction des usages et prix habituellement pratiqués, à savoir soit une convention de forfait, soit une base horaire, modalités qui ont été suggérées à l'intimée. Ils ajoutent que le montant sollicité est exorbitant, représentant plus de 16 jours de travail de 8 heures par rapport au coût horaire de l'assistance aux réunions et entraînent une double facturation de la conception, qui au demeurant est surévaluée par rapport à la mission d'exécution contrairement au contrat de 2017 autant d'éléments qui justifient le rejet de la demande.

Ils estiment que les manquements déontologiques et contractuels, ainsi que la déloyauté de la société leur ont occasionné un préjudice constitué outre le montant demandé, par l'atteinte à l'honneur et à l'image des maîtres d'ouvrage lors des opérations d'expertise suite à la sommation faite à l'expert de retirer les pièces qu'ils avaient diffusées de l'expertise.

Subsidiairement, ils demandent une réduction des honoraires, que soient déduites les prestations réglées dans le cadre du contrat de 2017 et de limiter les honoraires à 4374€ TTC.

Dans ses dernières conclusions en date du 20 mars 2024, la société Cargo Architecture demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 20 février 2023 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M.[G] et Mme [S] de leur demande de dommages et intérêts et les a condamnés à payer à la société Cargo Architecture la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Statuant à nouveau et y additant,

- débouter M.[G] et Mme [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- arrêter les comptes entre les parties à la somme de 13 601,40 euros HT, soit 16 321,68 euros TTC (TVA à 20 %) au titre des honoraires impayés de la société Cargo Architecture ;

- condamner in solidum M.[G] et Mme [S] à payer à la société Cargo Architecture la somme de 13 601,40 euros HT, soit 16 321,68 euros TTC (TVA à 20 %) au titre de ses honoraires impayés ;

- condamner in solidum M.[G] et Mme [S] à payer à la société Cargo Architecture la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- condamner in solidum M.[G] et Mme [S] à payer à la société Cargo Architecture la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.

La société Cargo Architecture estime que les appelants entretiennent une confusion entre les honoraires facturés au titre de la mission d'assistance aux opérations d'expertise et ceux en lien avec la mission d'architecte.

Elle soutient que les appelants ne peuvent discuter l'avoir chargée d'une mission d'architecte suite à la découverte du champignon lignivore. Elle rappelle que ce contrat est consensuel et que la règle déontologique de rédaction d'un écrit est sanctionnée sur le plan disciplinaire par l'ordre et ne peut être opposée pour refuser de payer des honoraires.

La société intimée fait observer qu'elle démontre la réalité de la relation contractuelle par le versement d'un acompte de 3000€ HT qu'elle a déduit, des diverses demandes présentées par Mme [S] dont témoignent les échanges en 2019 et 2020 soit la rédaction des plans, du CCTP, la réalisation du DCE et l'analyse des offres.

Elle conteste que puissent lui être opposées les dispositions de l'article 1112-1 du code civil relative à la négociation du contrat, puisque cet article exclut un devoir d'information sur la valeur de la prestation et que les appelants n'ont pas été privés d'une information déterminante puisque la convention indiquait le montant des honoraires et le coût des travaux, ni les articles L 111-5 du code de la consommation. Elle estime que les maîtres d'ouvrage ont accepté le montant des honoraires en continuant à la solliciter pour réaliser les prestations confiées, ce d'autant que ces données ont été reprises et communiquées dans le cadre de l'expertise judiciaire et donneront lieu à une demande de condamnations des constructeurs.

Elle estime que l'analyse du tribunal qui a retenu l'existence d'un contrat initial entre les parties, une modification par la découverte du sinistre et l'augmentation nécessaire du coût des travaux indiquée dès août 2018 aux maîtres d'ouvrage doit être confirmée.

S'agissant du montant des honoraires, elle conteste l'application par le tribunal de la répartition initiale des honoraires estimant que même si les appelants n'ont pas signé le contrat, ils en ont accepté le contenu et l'ont utilisé dans le cadre de l'expertise. La société intimée rappelle que doit être opérée une distinction entre la phase de conception réalisée avant la découverte du sinistre et la phase d'exécution, objet de ce nouveau contrat, qui a été accomplie jusqu'à l'appel d'offres et 80% de la phase d'assistance à la passation des marchés. Elle fait observer que les factures de tiers relatives à des missions d'assistance aux opérations d'expertise produites aux débats sont sans portée, le contenu de ces frais étant sans lien avec une mission d'architecte et que l'attestation rédigée par Mme [S] elle-même n'a aucune valeur probante quant à l'attente de sa part d'une proposition de taux horaire.

L'intimée estime que le refus de paiement est abusif et justifie l'octroi de dommages et intérêts. En revanche, elle s'oppose à la demande indemnitaire des appelants en l'absence de faute de sa part à l'occasion de la conclusion du contrat et d'atteinte à leur honneur ou à leur image , contestant également avoir retardé les opérations d'expertise.

L'instruction a été clôturée le 21 mars 2024.

Motifs :

Sur la demande en paiement des honoraires de la société Cargo Architecture :

La convention de maîtrise d''uvre conclue le 6 septembre 2017 relative à la réhabilitation de l'immeuble en cours d'acquisition, produite aux débats par les appelants, identifie comme architecte M. [E]. Toutefois, elle comporte en annexe une convention de groupement de maîtrise d''uvre composé de M. [E] et de M [K]. Ce document, régulièrement signé de Mme [S] et de M. [G] et de la société Cargo Architecture dont le gérant est M. [K] pour le compte du groupement précise que M. [E] est chargé de la conception et M. [K] de l'exécution du projet. Cette répartition est reprise s'agissant des honoraires.

Cette convention démontre l'existence d'un lien contractuel entre les maîtres d'ouvrage et M. [K] agissant comme gérant de la société Cargo Architecture dès le début du projet. Les appelants ne peuvent donc soutenir que la fin de l'intervention de M. [E] les privait de cocontractant.

Le projet de rénovation tel que contractualisé en septembre 2017 estimait le coût des travaux à 100 000€ HT et prévoyaient des honoraires de 12% de ce montant, soit 12000€ HT.

A l'issue des conclusions du diagnostic parasitaire complet réalisé par la société FEI sur les conseils de la société Cargo Architecture en mars 2018, faisant état du constat de nombreuses dégradations dues à des champignons lignivores agents de la pourriture cubique, il est apparu que le projet ne pourrait pas être réalisé comme prévu et que des travaux structurels et de traitement importants seraient nécessaires. La société Cargo Architecture a clairement informé les maîtres de l'ouvrage de cette situation dans un mail du 3 août 2018 très détaillé énonçant les dégradations constatées dans les différentes parties de l'immeuble et leur annonçant l'impossibilité de respecter le budget de 150 000€ prévu. Elle envisageait alors des travaux de reprise complémentaires de 108 000€ HT. La société a précisé qu'elle se tenait à leur disposition pour définir la suite à donner au projet au vu de ces éléments.

Si les maîtres d'ouvrage ne justifient pas avoir alors informé les membres du groupement de maîtrise d''uvre de l'abandon du projet de rénovation envisagé en juillet 2017, il est indiscutable que son exécution devenait impossible, le programme de travaux devant inclure la réparation des dégradations découvertes, ce qu'a indiqué la société Cargo Architecture, elle-même en page 13 de ses écritures.

Il est établi que Mme [S] et M. [G] ont dès le 6 septembre 2018 engagé une procédure de référé expertise contre les vendeurs, le diagnostiqueur et les entreprises ayant réalisé les travaux dans les dix ans avant la vente, dans la perspective d'une action en indemnisation de leurs préjudices incluant le surcoût de travaux et de maîtrise d''uvre.

Dans ce cadre, ils ont sollicité le 8 mars 2019 la société intimée pour les assister suite aux premières conclusions de l'expert, missions qui ont donné lieu à deux déplacements aux réunions d'expertise le 28 mars et le 7 novembre 2019 et à la facturation d'honoraires de 864€TTC, sur une base de 120€ HT l'heure, normalement réglés.

Les échanges de mails entre les parties à compter du 19 décembre 2019 (pièces 8,9,12,13,14 de l'intimée) démontrent que les maîtres de l'ouvrage ont sollicité de la société Cargo la réalisation des plans relatifs aux travaux de réfection à prévoir, du CCTP, la consultation des entreprises pour la rénovation de la maison, une analyse des offres et la communication des devis, afin de les transmettre à l'expert.

La nature et le contenu des documents demandés à la société Cargo Architecture démontrent que Mme [S] et M. [G] l'ont chargée d'une véritable mission de maîtrise d''uvre de la rénovation de la maison, couvrant les phases de conception et s'agissant de l'exécution, la consultation des entreprises et l'analyse des offres. Ces prestations correspondaient de fait à celles prévues dans le contrat d'origine, adaptées à la demande des maîtres de l'ouvrage pour prendre en compte les travaux nécessaires exigés par l'état réel de l'immeuble, comme l'a relevé le tribunal. La circonstance que les missions aient été destinées à alimenter leur dossier pendant le déroulement de l'expertise est sur ce point sans conséquence.

La société Cargo Architecture justifie avoir réalisé ces prestations complètes et détaillées qu'elle verse aux débats et qui dépassent un rôle de conseil technique à l'occasion d'une expertise.

Est par suite caractérisé un contrat entre les parties portant sur ces différentes mission de maîtrise d''uvre de la rénovation de la maison.

Ce contrat n'a pas été matérialisé par un écrit avant l'envoi par la société Cargo Architecture de la convention litigieuse le 11 mars 2020. Toutefois, le contrat de maîtrise d''uvre, contrat de louage d'ouvrage, est un contrat consensuel dont la validité n'est pas soumise à un écrit. La règle déontologique imposant à l'architecte d'établir une convention préalablement à son intervention, invoquée par les appelants relève du domaine disciplinaire de la compétence de l'ordre des architectes et ne remet pas en cause cette nature consensuelle.

De la même façon, les appelants ne peuvent invoquer les dispositions de l'article 1112-1 du code civil relatif aux informations communiquées lors de la formation du contrat dès lors que celles-ci ne portent pas sur la valeur de la prestation, ni celles des articles L 111-1 à 3 du code de la consommation ne sollicitant pas la nullité de la prestation.

La société Cargo Architecture a adressé aux maîtres d'ouvrage le 11 mars 2020 la convention de maîtrise d''uvre pour la rénovation suite au sinistre de la maison sans que ceux-ci ne formulent immédiatement la moindre contestation sur l'existence d'un contrat, continuant en avril 2020 à solliciter via leur conseil le DCE (plans et CCTP), l'analyse des offres, le chiffrage intégrant le coût lié aux désordres et le coût prévu initialement, afin de les transmettre à l'expert. Les appelants ont de fait contesté la convention le 11 juin 2020 uniquement un mois après la relance du maitre d''uvre du 6 mai précédent. Leur mail de cette date indique que cette convention était nécessaire uniquement comme justificatif pour demander la prise en charge des frais de maîtrise d''uvre sur les travaux de reprise et que ne poursuivant pas le projet de rénovation pour des motifs personnels connus de l'intimée, ils ne la signeraient pas. Ils rappelaient avoir déjà versé une somme de 4164€.

Or, ces éléments sont sans influence sur l'existence du contrat entre les parties et il ne résulte d'aucune pièce que, nonobstant la proximité existant à cette époque entre les parties, la société Cargo Architecture ait accepté de réaliser l'ensemble des prestations qui lui étaient demandées à titre gratuit, le contrat d'architecte étant par nature conclu à titre onéreux.

L'expert n'a émis aucune critique sur les travaux de la société Cargo Architecture remis par les intimés et a validé l'évaluation du coût des travaux de reprise qu'elle a proposée, y compris le coût de la maîtrise d''uvre nécessaire du fait de leur importance. De fait, les missions réalisées par l'intimée permettent l'exécution effective des travaux après régularisation des marchés avec les entreprises dont la société Cargo Architecture a analysé les offres. L'abandon du projet par les maîtres d'ouvrage à raison de motifs personnels n'est pas de nature à priver la société d'architecte de la rémunération des prestations qu'elle a accomplies, ce d'autant que ces motifs existaient en décembre 2019, quand Mme [S] et M. [G] ont demandé à la société Cargo Architecture de réaliser les plans, le CCTP et l'analyse des offres, puisque le jugement de divorce produit aux débats fait état d'une séparation des appelants en octobre 2019.

En l'absence de signature de la convention, de contestation des honoraires et alors que les prestations de maîtrise d''uvre ont été exécutées, il appartient au juge d'en fixer la valeur au vu des éléments produits.

Le calcul des honoraires sur la base du coût prévisionnel des travaux de 219000€ HT constitue un mode usuel de fixation. Comme l'a relevé le tribunal, ce montant est conforme au coût que les maîtres d'ouvrage ont communiqué à l'expert, ce qui induit sur la base d'un taux d'honoraires de 10%, également usuel, des honoraires de 21900 € HT.

Il est par ailleurs établi que les dégradations découvertes dans l'immeuble ont nécessité de refaire la phase d'étude et de projet de conception générale, qu'a été monté le dossier de consultation des entreprises et qu'il a été procédé à l'analyse des offres des entreprises Toutefois, ces missions qui représentaient 53% (et non 55% comme l'indiquent par erreur les appelants, qui y incluent 2% pour le permis de construire) des honoraires dans la répartition prévue dans le contrat de septembre 2017 en représentent 72% dans le contrat de mars 2020, sans que cette augmentation ne soit justifiée techniquement par la société Cargo Architecture. Cette dernière évoque de plus l'exécution de la mission d'assistance aux marchés de travaux à 80% ce qui n'est justifié par aucune pièce dès lors que les appelants ont renoncé à la poursuite de la rénovation.

En conséquence, les honoraires de la société seront fixés à 11607€ HT (21900X53%). La société Cargo Architecture demande que soit ajouté à cette somme un montant de 1140€ HT au titre de la mission initiale, sans établir à quelle prestation effective correspond cette somme, étant observé que les courriers relatifs à la première demande d'honoraires présentée aux maîtres d'ouvrage faisaient état d'un acompte (pièce 10). Cet acompte de 3000€ HT doit être déduit des honoraires dus au titre de la seconde mission. Il n'y a pas lieu de déduire la somme de 6000€ HT le surplus représentant l'acompte versé à M. [E].

Le solde HT à la charge de Mme [S] et M. [G] représente en conséquence la somme de 8 607€HT soit 10 328,40€ TTC, qu'ils supporteront in solidum. Le jugement est réformé en ce sens.

Sur la demande de résistance abusive de la société Cargo Architecture :

Comme l'a indiqué le tribunal, le fait pour les maîtres d'ouvrage de ne pas voir répondu favorablement à la réclamation de la société d'architecte ne suffit pas à caractériser la résistance abusive alléguée d'autant que les honoraires revendiqués ont été réduits. La demande indemnitaire a donc été à juste titre rejetée par le premier juge.

Sur la demande indemnitaire de Mme [S] et M. [G] :

Mme [S] et M. [G] sollicitent une somme de 21 321,68€ à titre de dommages et intérêts représentant à hauteur de 16 321,68€ TTC la rémunération sollicitée par la société Cargo Architecture et de 5000€ l'atteinte à l'honneur et à l'image subie lors des opérations d'expertise, ainsi que le retard de dépôt du rapport d'expertise en raison de la demande de la société de retirer de la procédure d'expertise les travaux qu'elle avait effectués.

Concernant le premier montant, il a été vu que la demande d'honoraires de la société Cargo Architecture après réduction du montant sollicité était justifiée, de sorte que les appelants ne subissent aucun préjudice à ce titre, les manquements allégués n'étant pas justifiés.

Le maître d''uvre, le 16 septembre 2020, en regard du refus des appelants de lui régler toute somme au titre de la mission de maîtrise d''uvre effectuée pendant les opérations d'expertise a demandé à l'expert avec copie aux autres parties, de retirer de son expertise les pièces diffusées par les maîtres de l'ouvrage. Cette demande a conduit l'expert à interroger le 21 septembre suivant le juge du contrôle des expertises sur la conduite à tenir, lequel après demande de communication des pièces a indiqué qu'elles pouvaient être utilisées pour opérer son chiffrage, s'agissant d'un litige civil.

Si l'initiative de la société Cargo Architecture a généré une certaine perturbation des opérations d'expertise, le litige avec les maîtres d'ouvrage étant étranger à cette mesure d'instruction, elle ne caractérise par une atteinte à l'honneur ou à l'image de Mme [S] et de M. [G]. Ces derniers qui ne fournissement aucun élément sur les suites de l'expertise ne démontrent pas que le retard de dépôt du rapport leur a occasionné un quelconque préjudice. En conséquence, leur demande ne peut être accueillie.

Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

Mme [S] et M. [G] seront condamnés in solidum à verser à la société Cargo Architecture une indemnité de 3000€ au titre de ses frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel sans qu'il soit fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement sauf sur le montant des honoraires dus à la société Cargo Architecture,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne in solidum Mme [S] et M. [G] à verser à la société Cargo Architecture la somme de 10 328,40€ TTC au titre de ses honoraires,

Condamne in solidum Mme [S] et M. [G] à verser à la société Cargo Architecture la somme 3000€ au tire de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne in solidum Mme [S] et M. [G] aux dépens d'appel sans application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Po / Le Président empêché,

N. MALARDEL