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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 25 juillet 2024, n° 23/00517

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 23/00517

25 juillet 2024

4ème Chambre

ARRÊT N° 172

N° RG 23/00517

N° Portalis DBVL-V-B7H-TOO6

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Avril 2024, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, magistrat rapporteur, entendue en son rapport, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe, date indiquée à l'issue des débats : 27 Juin 2024, prorogée au 25 Juillet 2024

****

APPELANTE :

S.A.S. DS exerçant sous l'enseigne Agence Régis Dallier,

agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié de droit audit siège.

[Adresse 6] [Localité 4]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Claudine PAILLET de la SELARL AVODOC-PAILLET AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉ :

Monsieur [X] [J]

né le 10 Août 1948 à [Localité 9] (56)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Sandrine LAMIOT-LE VERNE de la SELARL LAMIOT LE VERNE AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

Exposé du litige :

Suite à une visite du 29 juin 2017, M. [X] [J] a, par le biais de la société Immo Conseils agent immobilier, fait une offre d'achat d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 8], appartenant à Mme [U] [L], moyennant un prix de 800 000 euros. Cette offre a été acceptée par Mme [L].

Dès l'été 2017, M. [J] a chargé la société DS, architecte, d'une mission de conception de la rénovation et de l'extension de l'immeuble, qui a été décrite et détaillée dans un contrat signé le 20 février 2018. Il comportait une phase 1 de relevés, une phase 2 d'études préliminaires et une phase 3 de conception du projet et de direction des travaux

Par acte du 13 février 2018 au rapport de Me [T], notaire à [Localité 10], avec la participation de Me [W], notaire à [Localité 11], Mme [L] a consenti à M. [J] une promesse unilatérale de vente de l'immeuble, moyennant le prix de 790 000 euros, pour une durée expirant le 20 septembre 2018 et sous la condition suspensive de l'obtention par le bénéficiaire avant le 29 mai 2018 d'un permis de construire autorisant l'extension de l'immeuble en limite de propriété Nord et Est et la création d'une emprise au sol de 47,73m².

Un récépissé de la demande de permis de construire a été établi le 1er mars 2018.

A la même date, la société Immo Conseils a transféré à M. [J] un mail reçu de Maître [T], lui communiquant un courrier de la direction départementale des territoires et de la mer du 22 février 2018 en réponse à une interrogation qui lui avait été faite par Me [W], notaire de M. [J], quant à l'alignement des parcelles AM [Cadastre 3] et [Cadastre 7] sur lesquelles la construction était édifiée et un plan faisant apparaître que la propriété empiète largement sur le domaine public maritime.

Par actes en date des 3 avril et 4 juin 2018, Mme [L] et M. [J] ont convenu de résilier purement et simplement la promesse de vente souscrite le 13 février 2018.

Les 1er et 7 mars 2018, la société DS a établi puis adressé à M. [J] deux notes d'honoraires en règlement de ses prestations d'un montant respectif de 27 340,80 euros TTC et 17 740,80 euros TTC.

En l'absence de paiement, la société DS a délivré une mise en demeure à M. [J] par lettre recommandée avec avis de réception remise à l'intéressé le 14 avril 2018, puis a saisi le conseil de l'ordre des architectes.

Le permis de construire a été refusé par la commune de [Localité 8] le 6 août 2018.

Par acte d'huissier du 22 mai 2019, la société DS a fait assigner M. [J] devant le tribunal de grande instance de Lorient en paiement de ses honoraires.

Par actes d'huissier des 23 et 24 décembre 2019, M. [J] a fait assigner en intervention forcée la société Immo Conseils, la société Laurent Martin et la SCP Le Port Meunier, notaire.

Les affaires ont été jointes.

Par un arrêt du 13 août 2021, la cour d'appel de Rennes a réformé l'ordonnance rendue le 6 novembre 2020 par le juge de la mise en état allouant la somme de 7 200 euros à la société DS à titre de provision, en raison d'une contestation sérieuse.

Par un jugement en date du 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Lorient a :

- reçu la société DS en ses demandes ;

- l'a jugée bien fondée ;

- condamné M. [J] à payer à la société DS la somme de 45 081,60 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2018 ;

- jugé que la société DS a failli en ses obligations contractuelles d'information et de conseil à l'égard de M. [J] ;

- condamné la société DS à payer à M. [J] la somme de 45 081,60 euros, outre les intérêts légaux à compter du 14 avril 2018 ;

- débouté la société DS de sa demande d'exécution provisoire ;

- condamné la société DS aux dépens de l'instance principale ;

- condamné la société DS à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- sursis à statuer sur le surplus des demandes de M. [J] ;

- invité la société Immo Conseils, la société Laurent Martin et la SCP Le Port Meunier à conclure sur l'intérêt à agir de M. [J] à leur égard en l'état du présent jugement et ce dernier à conclure en réponse ;

- révoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 20 janvier 2023 à 9h00, injonction étant donnée aux conseils des défenderesses susvisées d'avoir conclu pour cette date.

La société DS a interjeté appel de ce jugement par déclaration remise au greffe de la cour d'appel de Rennes le 23 janvier 2023, intimant M. [J].

Dans ses dernières conclusions en date du 18 octobre 2023, la société DS au visa des articles 1103, 1104, 1344-1 du code civil, 367, 766 et 771 du code de procédure civile demande à la cour de :

- déclarer la société DS recevable et bien fondée en son appel ;

- y faisant droit, réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- jugé que la société DS a failli en ses obligations contractuelles d'information et de conseil à l'égard de M. [J] ;

- condamné la société DS à payer à M. [J] la somme de 45 081,60 euros, outre les intérêts légaux à compter du 14 avril 2018;

- condamné la société DS aux dépens de l'instance principale ;

- condamné la société DS à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société DS de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

- juger que la société DS n'a pas manqué à son obligation de conseil et d'information envers M. [J] et n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle envers ce dernier ;

- débouter M. [J] de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 45 081,60 euros, outre intérêts légaux à compter du 14 avril 2018;

- débouter M. [J] de sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

- condamner M. [J] à payer à la société DS une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 4 000 euros, outre aux dépens de première instance ;

- déclarer M. [J] irrecevable et mal fondé en son appel incident et le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- plus particulièrement, déclarer M. [J] irrecevable en sa demande de condamnation au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, comme étant une demande nouvelle au sens des articles 565 et suivants du code de procédure civile et, en tout état de cause, le débouter d'une telle demande

- débouter M. [J] de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;

- confirmer le jugement dont appel en ses dispositions non contraires aux présentes ;

- y ajoutant, condamner M. [J] à payer à la société DS la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- y ajoutant, le condamner aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Lecouls-Bouvet, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société DS fait grief au tribunal d'avoir retenu que sa responsabilité contractuelle était engagée en raison d'un manquement à son obligation d'information et de conseil en estimant que le préjudice en découlant était équivalent au montant des honoraires impayés.

Elle soutient avoir rempli son obligation précontractuelle d'information qui est désormais régie par l'article 1112-1 du code civil, lequel prévoit que cette information est réciproque et repose sur les deux parties au contrat. Elle ajoute que ce même article dispose que celui qui prétend qu'une information lui était due doit prouver que l'autre la lui devait. Elle fait par ailleurs observer que cette obligation de même que son obligation générale de conseil sont des obligations de moyen, ce qui implique la preuve d'une faute.

La société d'architectes fait valoir qu'au titre de la mission de permis de construire, elle a accompli les seules diligences qui lui incombaient, à savoir s'assurer de la conformité du projet aux règles d'urbanisme applicables à l'époque (PLU et pièces complémentaires). Elle relève qu'en 2017 quand elle a examiné la constructibilité, il n'existait pas de plan de prévention des risques littoraux dans les documents d'urbanisme, celui-ci ayant été établi en octobre 2018, comme l'a relevé l'avis de l'ordre des architectes. Elle ajoute qu'elle ne pouvait pas prévenir un empiétement sur le domaine public maritime que la commune elle-même ignorait et qui n'a jamais été envisagé dans les nombreux échanges avec la mairie et la communauté d'agglomération pour mettre au point le permis de construire.

Elle en déduit que la circonstance que le permis de construire n'ait pas été accordé ne justifie pas l'absence de paiement des honoraires et que M. [J] ne peut invoquer l'échec de la vente de la maison à laquelle elle n'était pas partie. L'appelante relève que l'information relative à l'empiètement a été obtenue suite à la demande du notaire de M. [J] et ne lui a pas été communiquée immédiatement par l'intimé auquel il impute depuis le début de la relation contractuelle une volonté de se soustraire à ses obligations, n'ayant réglé aucune des diligences accomplies.

En l'absence de responsabilité de sa part, elle demande le rejet de l'indemnisation sollicitée et estime que ses honoraires doivent être payés, étant conformes au contrat. Elle ajoute que le travail accompli n'était pas inutile et inexploitable. Elle s'oppose également à la réduction demandée à la somme de 7200€.

Elle soulève l'irrecevabilité de l'appel incident de M. [J] relatif aux frais irrépétibles ou en tout état de cause le défaut de fondement de cette demande.

Dans ses dernières conclusions en date du 19 juillet 2023, M. [J] demande à la cour de :

- déclarer M. [J] recevable et bien-fondé dans ses demandes ;

- y faisant droit, confirmer partiellement le jugement rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lorient en ce qu'il a :

- jugé que la société DS a failli en ses obligations contractuelles d'information et de conseil à l'égard de M. [J] ;

- condamné la société DS à payer à M. [J] la somme de 45 081,60 euros, outre les intérêts légaux à compter du 14 avril 2018;

- débouté la société DS de sa demande d'exécution provisoire ;

- condamné la société DS aux dépens de l'instance principale ;

- condamné la société DS à payer à M. [J] un article 700 du code de procédure civile ;

- l'infirmer partiellement en ce qu'il a :

- condamné M. [J] à payer à la société DS la somme de 45 081,60 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2018 ;

- chiffré l'article 700 du code de procédure civile à 2 500 euros ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter la société DS de sa demande de paiement à la somme de 45 081,60 euros outre les intérêts légaux à compter du 14 avril 2018 ;

- juger que la société DS a failli en ses obligations contractuelles d'information et de conseil à l'égard de M. [J] ;

- condamner la société DS à payer à M. [J] la somme de 45 081,60 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2018 ;

- condamner la société DS aux dépens de première instance et d'appel ;

- condamner la société DS à payer à M. [J] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ;

- condamner la société DS à payer à M. [J] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de l'appel ;

- confirmer le jugement du 22 novembre 2022 en ses dispositions non contraires aux présentes ;

A titre subsidiaire,

- limiter la rémunération de la société DS à la somme de 7 200 euros TTC, correspondant à la phase 1 du contrat d'architecte ;

- juger que la société DS a failli en ses obligations contractuelles d'information et de conseil à l'égard de M. [J] ;

- condamner la société DS à payer à M. [J] la somme de 45 081,60 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2018 ;

- condamner la société DS aux dépens de première instance et d'appel ;

- condamner la société DS à payer à M. [J] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ;

- condamner la société DS à payer à M. [J] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de l'appel ;

- confirmer le jugement du 22 novembre 2022 en ses dispositions non contraires aux présentes ;

en tout état de cause, débouter la société DS de toutes ses demandes contraires.

M. [J] estime que contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, il a toujours contesté la facturation des honoraires de l'appelante, ayant critiqué les prestations qu'elle a réalisées par ses courriers comme devant le conseil de l'ordre des architectes.

L'intimé fait observer que l'annexe au contrat rappelait qu'un plan de géomètre serait nécessaire à l'opération, qu'en outre selon les termes du contrat, l'architecte devait reconstituer l'histoire de la maison et vérifier la faisabilité du projet au regard des règles et contraintes publiques ou privées applicables au projet et pour ce faire, collecter les informations nécessaires auprès des organismes concernés par le projet, que seulement en présence d'une phase de diagnostic ne faisant pas apparaître de contraintes rendant le projet irréalisable, il pouvait entamer les études préliminaires. Il impute à faute à la société DS de n'avoir pas vérifié l'ensemble des contraintes pouvant s'appliquer à la maison et notamment celles relatives à la proximité du domaine public maritime.

M. [J] soutient que la cause première de son abandon du projet est l'empiètement découvert sur le domaine public et qu'il est fondé à invoquer l'exception d'inexécution pour s'opposer au paiement.

Il soutient qu'en tout état de cause, la responsabilité de l'architecte est engagée pour avoir manqué à son obligation d'information et de conseil en ne s'inquiétant pas de la faisabilité du projet et relève qu'il ne rapporte la preuve d'aucune investigation permettant d'assurer la conformité du projet aux règles d'urbanisme. Il fait observer qu'à l'instar du notaire, l'architecte était en mesure de contacter la DDTM pour connaître la limite du domaine public, avoir connaissance des dégâts engendrés par le passé par la proximité de la mer, même en l'absence de plan de prévention. Il en déduit que les fautes de l'architecte ont conduit à un travail inutilisable et qu'il est fondé à obtenir une indemnisation du même montant.

L'instruction a été clôturée le 2 avril 2024.

Motifs :

- Sur le paiement des honoraires de l'architecte :

La société DS sollicite le paiement de deux factures émises les 1er et 7 mars 2018 pour un montant total de 45 081,60€TTC représentant ses honoraires jusqu'à la mission de permis de construire. Ces factures sont émises conformément aux dispositions prévues au contrat, ce que M. [J] ne conteste pas.

Pour s'opposer au paiement, il invoque une faute de l'architecte dans l'exécution de la phase de diagnostics techniques et architecturaux et un manquement à son obligation générale d'information et de conseil, ce qui revient à invoquer l'exception d'inexécution telle que prévue à l'article 1219 du code civil.

Les pièces produites démontrent que la société DS avait commencé à travailler sur le projet de rénovation et d'extension de la maison pour laquelle M. [J] avait formulé une offre d'achat environ huit mois avant la signature du contrat de maîtrise d''uvre le 20 février 2018, ce qui ne fait pas débat et ne constitue pas une pratique inhabituelle. En effet, alors que l'offre d'achat du proposant fait état d'une visite de la maison par M. [J] le 29 juin 2017, les échanges de courriels entre les parties démontrent que dès le 23 juillet suivant une esquisse avait été adressée à l'intimé, qu'en septembre, ce dernier demandait à l'architecte diverses informations à inclure dans la promesse de vente, tels un devis estimatif des travaux à engager et la surface du projet avec l'extension. Par ailleurs, dans ce même courriel ( pièce 6 de l'intimé) M. [J] demandait à la société DS la fixation d'une date de réalisation des relevés afin de prévenir la propriétaire, tandis que celui du 20 octobre 2017 faisait état d'un rendez-vous à la mairie de [Localité 8] le 9 novembre suivant. Les pièces graphiques produites par l'appelante révèlent que l'état des lieux, comme l'APD et le PCMI étaient établis en janvier 2018 et l'estimatif prévisionnel des travaux n° 2 réalisé début février 2018.

Il se déduit de cette chronologie que depuis l'été 2017, la société DS était avisée de la situation exposée, en bordure immédiate du littoral de la maison en cours d'acquisition par M. [J], objet du projet de rénovation et d'extension dont elle avait la charge.

Or les conditions générales du contrat de maîtrise d''uvre dans le cadre de la phase 1- relevés et diagnostic- rappellent (article G 3.1.2) que les études de diagnostic ont pour objet de renseigner le maître d'ouvrage sur les contraintes techniques et réglementaires de l'opération, que si ces contraintes rendent le projet irréalisable ou difficilement réalisable, une discussion doit être engagée entre les parties et qu'en l'absence de solution, la mission de l'architecte prend fin. Ces diagnostics évoquent outre une recherche historique l'examen des règles et contraintes, publiques ou privées, applicables au projet (article G 3.1.2.2) par le biais d'une collecte auprès des différents organismes concernés des informations applicables au projet, le maître d'ouvrage devant pour sa part transmettre les informations portées à sa connaissance. Les informations recueillies doivent donner lieu à un rapport de synthèse transmis au maître de l'ouvrage, ce qui pose clairement une obligation d'information de la part de l'architecte au-delà de l'obligation précontractuelle prévue par l'article 1112-1 du code civil.

En application de cette clause du contrat, la société DS ne peut soutenir que les informations devant être récoltées par l'architecte se limitent à la vérification des règles d'urbanisme et du PLU sans prendre en compte les contraintes éventuelles résultant des particularités de la localisation du projet pour évaluer complètement la possibilité de le mener à bien.

En l'espèce, le voisinage immédiat du littoral de l'immeuble concerné par le projet imposait à l'architecte de s'interroger sur l'alignement de la parcelle par rapport au domaine public maritime dont il n'ignore pas qu'il est inaliénable et imprescriptible et à opérer les vérifications nécessaires sur ce point, afin que M. [J] ne se voit pas reprocher ultérieurement une construction irrégulière.

Cette démarche simple réalisée auprès de la DDTM dès le début de son intervention aurait permis d'avoir connaissance de l'empiétement présumé d'une partie importante du terrain et de la maison sur le domaine public, comme de la possibilité également rappelée que la limite du domaine public évolue en fonction du changement des éléments ayant permis de la fixer. La société DS ne rapporte la preuve d'aucune démarche en ce sens et la circonstance que la commune ait également découvert la situation de la maison en 2018 est indifférente, dès lors qu'il n'apparaît pas que cette collectivité a la gestion de cette partie du domaine public.

L'appelante ne démontre pas plus avoir dans le cadre de son obligation générale d'information et de conseil à l'égard de son client, dont il n'est pas établi qu'il dispose de compétences avérées sur le statut juridique et les conditions d'occupation du domaine public, attiré son attention dès le début du projet sur une possible difficulté en lien avec cette proximité et sur la nécessité d'obtenir une information précise permettant d'exclure tout découverte ultérieure d'un empiétement.

De fait, seule la demande du notaire de M. [J] le 15 février 2018 dans la perspective de la vente future de la maison a permis de mettre en évidence la difficulté.

Comme l'a relevé le tribunal, la renonciation amiable de procéder à l'acquisition de la maison n'est pas la conséquence du refus de permis de construire en août 2018 au motif de la dangerosité de l'exposition du site en cas de tempêtes violentes, mais bien l'information obtenue le 1er mars alors que la demande de permis de construire venait d'être déposée de l'empiétement évoqué par la DDTM. La société DS ne peut donc utilement opposer l'absence de plan de prévention des risques littoraux, document élaboré sur la commune uniquement en octobre 2018, pour s'exonérer de tout manquement dans la phase de vérification de la faisabilité du projet.

La faute de la société DS au stade de l'analyse de la faisabilité du projet et son manquement à son obligation de conseil sont caractérisés.

La société appelante impute à M. [J] une volonté de se soustraire à ses obligations depuis le début de la relation contractuelle. Toutefois, il doit être observé qu'ayant commencé à travailler sur le projet à l'été 2017, la société DS ne démontre pas avoir sollicité de M. [J] avant février 2018, la signature d'un contrat et s'être opposée à un refus de sa part, ni avoir présenté de demande d'honoraires avant le mois de mars suivant.

L'analyse insuffisante de l'architecte dans la phase précoce de diagnostic a conduit à la remise en cause de la vente envisagée par M. [J] à laquelle la société DS est certes tiers. Toutefois, elle a surtout conduit ce dernier à laisser poursuivre l'élaboration des phases suivantes de conception d'un projet de construction qu'il n'aurait pas engagée si lui avaient été délivrées une information complète sur la situation de l'immeuble et les difficultés importantes qu'elle générait pour mener la rénovation et l'extension souhaitée.

Dans ces conditions, la gravité de la faute de la société DS lors de la phase de vérification de la faisabilité du projet induisant, comme le rappellent les conditions générales du contrat, la poursuite des phases ultérieures justifie le refus de paiement par l'intimé des honoraires relatifs à des prestations inutilisables et réalisées en pure perte. Il n'y a donc pas lieu de condamner M. [J] au paiement du montant demandé par la société DS pour lui accorder une somme identique à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera réformé sur ce point et la société DS déboutée de sa demande en paiement.

- Sur les demandes annexes :

En première instance, M. [J] demandait une somme de 11509,90€ à titre de dommages et intérêts, somme qui représentait ses frais d'assistance et de conseil, outre 5000€ d'indemnité de frais irrépétibles.

Sa demande indemnitaire a été rejetée au motif qu'elle n'était pas la conséquence directe de la faute de l'architecte, que les factures produites ne portaient pas toutes la référence du dossier et que ces frais pouvaient au mieux être pris en compte au titre des frais irrépétibles.

Devant la cour, prenant acte du rejet de sa demande indemnitaire, M. [J] demande une somme de 10000€ au titre de ses frais irrépétibles de première instance outre 5000€ au titre de ses frais d'appel.

Cette somme ne constitue pas une demande nouvelle irrecevable, comme le soutient la société DS, mais une actualisation de la demande de M. [J] en première instance. Cette indemnisation est arbitrée au regard des diligences et de l'équité et au regard de ces critères l'indemnisation accordée par le tribunal sera confirmée.

La société DS sera condamnée à lui verser une indemnité de 4000€ au titre de ses frais d'appel.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance sont confirmées. La société DS sera condamnée aux dépens d'appel.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement quant aux condamnations réciproques d'un même montant mises à la charge de chacune des parties,

Statuant à nouveau,

Déboute la société DS de sa demande en paiement de la somme de 45081,60€, majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2018,

Déclare recevable la demande de M. [J] de majoration de ses frais de première instance,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société DS à verser à M. [J] une indemnité de 4000€ au titre de ses frais irrépétibles d'appel et à supporter les dépens d'appel.

Le Greffier, Po/ Le Président empêché,

N. MALARDEL