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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 30 juillet 2024, n° 23/00901

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 23/00901

30 juillet 2024

AFFAIRE : N° RG 23/00901 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HGBF

ARRÊT N°

ORIGINE : Décision du Président du TJ de LISIEUX du 30 Mars 2023

RG n° 22/00230

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 JUILLET 2024

APPELANTS :

Monsieur [V] [S]

né le [Date naissance 4] 1947

[Adresse 5]

[Localité 1]

Madame [Y] [O]

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 10]

[Adresse 7]

[Localité 6]

représentés et assistés de Me Aline LEMAIRE, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

La S.A.S. CAMPING [8],

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 381 .046.820

Lieudit [Adresse 9]

[Localité 3]

représentée par Me Frédéric MORIN, avocat au barreau de LISIEUX, assistée de Me Cyril REPAIN, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

DÉBATS : A l'audience publique du 18 avril 2024, sans opposition du ou des avocats, Mme DELAUBIER, Conseillère, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 30 Juillet 2024, par prorogation du délibéré initialement fixé au 2 juillet 2024, et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société par actions simplifiée Camping [8] exploite un terrain de camping '[8]' situé sur la commune de [Localité 11].

Cet établissement accueille des clients de passage et des propriétaires d'hébergement qui louent un emplacement à l'année et s'y installent.

M. [V] [S] et Mme [Y] [O] sont propriétaires depuis plusieurs années d'une résidence mobile de loisirs (mobile-home) stationnée à l'emplacement C082 du camping.

Le 6 mai 2021, ils ont régularisé un contrat avec la société Camping [8], alors représentée par M. et Mme [R], lequel visait une location d'emplacement pour une durée déterminée d'une année commençant à courir le 1er avril précédent.

Le 24 janvier 2022, la société Camping [8] a transmis à M. [S] et Mme [O] une nouvelle offre de contrat pour leur permettre de se maintenir dans les lieux à compter du 1er avril 2022.

M. [S] et Mme [O] ont refusé de signer le nouveau contrat au motif que l'ancien propriétaire leur avait indiqué que l'échéance était prévue au 31 octobre 2022 et qu'ils étaient en désaccord avec certaines stipulations du contrat proposé ce, malgré deux courriers réitératifs adressés par la société Camping [8] les 15 mars et 7 juillet 2022.

Face à cette situation et au maintien de M. [S] et de Mme [O] dans les lieux, la société Camping [8] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Lisieux pour voir principalement ordonner la libération de l'emplacement et fixer le montant de l'indemnité d'occupation jusqu'au départ de leurs occupants sans droit ni titre.

Par ordonnance du 30 mars 2023 à laquelle il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lisieux a :

- constaté que M. [S] et Mme [O] sont occupants sans droit ni titre de l'emplacement n°C082 du terrain de camping exploité par la société Camping [8] sous la dénomination « camping [8] » et ce depuis le 1er avril 2022;

- ordonné l'expulsion de M. [S] et de Mme [O] ;

- ordonné la libération de l'emplacement occupé par M. [S] et Mme [O] dans un délai de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

- débouté la société Camping [8] de sa demande de déplacer, après inventaire, le mobilhome, les meubles et matériels de M. [S] et Mme [O] aux frais et risques de celui-ci dans l'enceinte du camping, au besoin avec le recours de la force publique ;

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [S] et Mme [O] à compter du 1er avril 2022 et jusqu'à la date de libération effective et complète des lieux, aux tarifs affichés à l'entrée et à l'accueil du terrain de camping [8] (22 euros par jour du 1er avril au 1er juillet 2022, 29 euros par jour du 2 juillet 2022 au 28 août 2022, 22 euros du 29 août au 2 octobre 2022) ;

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [S] et Mme [O] au-delà du 2 octobre 2022 à la somme de 7,28 euros par jour ;

- condamné M. [S] et Mme [O] à régler ces indemnités d'occupation ;

- débouté les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement M. [S] et Mme [O] aux dépens.

Par déclaration du 14 avril 2023, M. [S] et Mme [O] ont formé appel de cette ordonnance.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 10 août 2023, M. [S] et Mme [O] demandent à la cour, au visa des articles 378 et suivants, 834 et suivants du code de procédure civile, L. 121-11 du code de la consommation, de :

- annuler l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Lisieux le 30 mars 2023 ;

En tout état de cause,

- réformer la décision dont appel sauf en ce qu'elle a débouté la société [8] de sa demande de déplacement de leur mobilhome et de celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- constater que l'ensemble des demandes de la société Camping [8] sont devenues sans objet et ainsi débouter la société Camping [8] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- constater qu'en l'absence de motif légitime justifiant un refus de renouvellement du contrat de location, le contrat de location de l'emplacement n°C082 permettant le stationnement de leur mobilhome sur le camping [8] s'est renouvelé aux conditions prévues pour le contrat 2023 et en conséquence rejeter les demandes de la société Camping [8] tendant à voir ordonner leur expulsion, ces derniers n'étant pas occupants sans droit ni titre ;

Subsidiairement,

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par le tribunal judiciaire de Lisieux initiée par L'Association des propriétaires des résidences mobiles de loisirs du Camping [8] et M. [S] à l'encontre de la société Camping [8] enrôlé sous le numéro RG

23/00208 ;

- dans l'attente les autoriser et en tout état de cause autoriser M. [S] à se maintenir sur l'emplacement n°C082 du terrain de camping exploité par la société Camping [8] sous la dénomination 'camping [8]';

Infiniment subsidiairement,

- se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes de la société Camping [8] et en tout état de cause les rejeter purement et simplement ;

Très infiniment subsidiairement,

- leur accorder un délai de 6 mois pour quitter les lieux ;

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation sur la base du contrat de loisirs 2022 déduction faite des sommes déjà versées par eux;

En tout état de cause,

- confirmer la décision dont appel pour le surplus ;

- débouter la société Camping [8] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;

- condamner la société Camping [8] à leur verser la somme de1000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Camping [8] à leur verser la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 12 juillet 2023, la société Camping [8] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 30 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Lisieux ;

- débouter M. [S] et Mme [O] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [S] et Mme [O] au versement de la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers frais et dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 20 mars 2024.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la nullité de l'ordonnance :

M. [S] et Mme [O] soulèvent la nullité de l'ordonnance entreprise au motif que le juge des référés a rendu sa décision sans répondre notamment à leur demande de sursis à statuer, invoquant un défaut de motivation et une omission de statuer.

La société Camping [8] réplique qu'en relevant le défaut de consentement des parties à un nouveau contrat et constaté la qualité d'occupants sans droit ni titre de M. [S] et Mme [O], ce qui constituait un trouble manifestement illicite, le premier juge 'ne pouvait qu'écarter la demande de sursis à statuer qui n'avait plus lieu d'être'.

Sur ce,

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, 'le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.'

En l'espèce, il résulte des conclusions notifiées par M. [S] et Mme [O] le 8 février 2023, veille de l'audience tenue par le juge des référés, et de l'exposé par celui-ci des demandes et moyens développés par chaque partie, que les appelants avaient sollicité à titre subsidiaire le sursis à statuer 'dans l'attente de la décision qui sera rendue par le tribunal judiciaire de Lisieux initiée par l'Association des propriétaires des résidences du camping [8] et M. [S] à l'encontre de la Sas Camping [8]'.

Dans le dispositif de l'ordonnance, le juge des référés n'a pas rejeté expressément la demande de sursis à statuer mais il doit être considéré qu'en ordonnant l'expulsion de M. [S] et Mme [O] après avoir constaté leur qualité d'occupants sans droit ni titre, il a implicitement et nécessairement rejeté la dite demande.

Dans les motifs de la décision, le même juge n'a pas fait état de cette demande ni des arguments formulés à son soutien par leurs auteurs.

Cependant, en application de l'article 378 du code de procédure civile, le juge apprécie discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice sans être tenu de motiver sur ce point sa décision.

En conséquence, il n'apparaît pas que ce défaut de réponse aux conclusions soit constitutif d'un défaut de motif de nature à justifier que soit prononcée la nullité de l'ordonnance.

Enfin, M. [S] et Mme [O] ne sauraient utilement invoquer le défaut de motivation et de réponse aux moyens tirés de l'existence d'une contestation sérieuse ou de l'absence d'urgence, alors que la demande engagée par la société Camping [8] était fondée sur l'article 835 du code de procédure civile dont les dispositions rappelées dans la motivation de l'ordonnance en comportaient la réponse. De la même manière, l'absence d'échange de consentements et donc de tout contrat formé à compter du 1er avril 2022 tel que constaté par le juge des référés ne permettait pas d'examiner le renouvellement d'un contrat non existant.

Par suite, ce défaut de réponse aux conclusions n'est pas davantage constitutif d'un défaut de motif de nature à justifier que soit prononcée la nullité de l'ordonnance.

La demande présentée par M. [S] et Mme [O] de ce chef sera en conséquence rejetée.

- Sur le trouble manifestement illicite :

Le juge des référés a considéré que les relations contractuelles entre les parties avaient été rompues le 1er avril 2022 dans la mesure où M. [S] et Mme [O] n'avaient signé le nouveau contrat qu'en janvier 2023 ce, en rayant la mention 'approuvé-bon pour accord', et que la société Camping [8] n'avait plus l'intention de signer le dit contrat ni de formaliser de nouvelles relations contractuelles avec les intéressés au titre de l'année 2023, ce dont il résultait qu'à défaut de consentement, ces derniers étaient désormais sans droit ni titre, situation constitutive d'un trouble manifestement illicite.

M. [S] et Mme [O], après avoir exposé le contexte ayant donné lieu à plusieurs instances engagées par la société Camping [8] à l'encontre de certains résidents, et au départ de beaucoup d'autres, comme les tentatives de résolution amiables auxquelles l'intimée s'est toujours opposée, critiquent l'ordonnance en ce que le juge des référés a fait droit à la demande d'expulsion fondée sur l'absence de régularisation du nouveau contrat alors que celui-ci avait été signé le 18 janvier 2023 par M. [S] et qu'il devait en déduire, en présence d'une offre acceptée par les parties manifestant leur volonté de s'engager, que la demande était devenue sans objet et par conséquent la rejeter.

Ils précisent que l'absence de signature de Mme [O] qui n'occupe plus l'emplacement litigieux comme la rature de la mention 'approuvé-bon pour accord' ou encore le défaut de retour du bordereau de remise annexé à la notice d'information précontractuelle, ne remettent pas en cause la validité du contrat à l'égard de M. [S] occupant de l'emplacement.

Ils ajoutent que la société Camping [8] ne saurait se prévaloir du délai fixé au 1er avril 2022 pour le retour de l'offre alors qu'un délai supplémentaire leur avait été accordé dans la lettre de mise en demeure adressée par son conseil, et qu'en outre l'intimée ne leur a jamais signifié sa volonté de rompre leurs relations contractuelles alors qu'ils ont toujours continué de payer les sommes dues au camping.

Subsidiairement, ils demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal judiciaire de Lisieux saisi pour voir déclarer abusives et non écrites certaines clauses de ce contrat. Ils précisent à cet égard avoir refusé toute régularisation dans la mesure où d'une part, le précédent contrat conclu en 2021 devait s'appliquer jusqu'au 31 octobre 2022 et d'autre part, le contrat proposé par la société Camping [8], après son changement de dirigeants, comportait d'importantes modifications et de nouvelles clauses susceptibles d'être qualifiés d'abusives.

Ils estiment qu'à tout le moins, en présence d'une contestation sérieuse, la cour devra se déclarer incompétente.

A titre confirmatif, la société Camping [8] estime que c'est à juste titre qu'au regard du retard fautif de la transmission de l'offre signée, forcée par la procédure initiée, le juge des référés a considéré qu'en l'absence d'échange de consentements, M. [S] et Mme [O] devaient être considérés comme occupants sans droit ni titre.

Elle rappelle que son offre portant sur la période du 1er avril 2022 au 31 décembre 2022 devait être retournée au plus tard dans les 8 jours de l'envoi de sa mise en demeure du 7 juillet 2022, et qu'à défaut d'avoir été acceptée dans ce délai, celle-ci était devenue caduque en application des articles 1116 et 1117 du code civil.

Elle considère que la signature tardive de l'offre par M. [S] uniquement, lequel s'est réservé le droit de rayer la formule 'approuvé-bon pour accord' et ce, le 18 janvier 2023, alors que la période de location objet du contrat était déjà expirée tout comme le délai accordé pour son acceptation, ne pouvait en conséquence produire un quelconque effet.

L'intimée s'oppose à la demande de sursis à statuer reposant sur un projet d'assignation signifié postérieurement à l'audience du juge des référés au surplus par des requérants irrecevables à agir, M. [S], pour soulever le caractère abusif de clauses d'un contrat qu'il n'a pas conclu, et l'Association des propriétaires de résidences mobiles du camping [8], pour être dépourvue d'agrément ministériel ou préfectoral lui permettant de se prévaloir de la qualité d'association de protection des consommateurs. Elle ajoute que l'acceptation de l'offre du nouveau contrat par M. [S] et Mme [O] dans les délais accordés n'aurait nullement privé ces derniers d'une éventuelle action aux fins de voir déclarer abusives les clauses critiquées.

Sur ce,

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite ici visé s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Il sera rappelé qu'en application de l'article 544 du code civil, le droit de propriété revêtant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant aux propriétaires d'obtenir en référé l'expulsion des occupants.

En l'espèce, une contrat intitulé 'contrat de location à l'année d'un emplacement destiné à l'installation d'une résidence mobile de loisirs ou caravane de loisirs' a été signé par les parties le 6 mai 2021, lequel stipule en son article 2 que 'la location est consentie et acceptée pour une durée déterminée d'une année commençant à courir le 1er avril à 9h (...)', soit donc du 1er avril 2021 au 31 mars 2022. Cette période comprend celle correspondant à l'ouverture du camping entre le 1er avril au 31 octobre 'pendant laquelle le locataire pourra accéder et disposer librement de ses installations' et la période dite de 'garage mort pendant laquelle le gestionnaire entretient le camping et ses installations'.

Le contrat ne stipule pas de renouvellement pas tacite reconduction, précisant qu'il 'prend fin au terme précisé, sans qu'il soit nécessaire de donner congé'. Il prévoit uniquement les modalités à respecter si le gestionnaire dispose d'un motif légitime pour ne pas renouveler le contrat ou si le locataire entend quitter les lieux au terme du contrat.

Il précise juste en son article 2.5 que 'au moment de la proposition de renouvellement de la location d'emplacement, le gestionnaire pourra modifier les clauses du nouveau contrat' sans fixer toutefois une liste exhaustive des motifs pouvant l'y conduire.

Il ressort des pièces communiquées par les parties qu'une offre de nouveau contrat a été faite par la société Camping [8] par lettre recommandée avec accusé de réception reçue par M. [S] et Mme [O] le 27 janvier 2022, laquelle stipulait que la location sera consentie pour une durée déterminée de neuf mois courant du 1er avril au 31 décembre 2022. Les appelants reconnaissent avoir été également destinataires de la notice d'information précontractuelle.

A la suite du courrier du 19 février 2022 adressé par M. [S] et Mme [O] pour contester certaines conditions du contrat, différentes de celles stipulées au contrat précédent, s'agissant en particulier de la durée du séjour prenant fin le 30 septembre et non le 31 octobre, du montant de la'redevance', du sort réservé aux propriétaires d'un mobile home de 20 ans d'ancienneté, la société Camping [8] a répondu aux appelants par un courrier explicatif du 15 mars 2022, les invitant, in fine, à lui 'retourner le nouveau contrat rempli et signé au plus tard le 1er avril 2022" en précisant qu'à défaut, ils deviendraient 'occupants sans droit ni titre'.

Après une tentative de médiation n'ayant pas abouti et la tenue d'une réunion 'd'échange et d'explication suite aux réticences liées à la nouvelle formule 'contrat loisir' 2022" du 14 avril 2022, la société Camping [8] a adressé à M. [S] et Mme [O] une nouvelle lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 juillet 2022, précisant que la période d'accès pour la saison 2022 sera allongée au 31 octobre 2022, que les tarifs ne seront pas augmentés en 2022, et l'âge limite des résidences mobiles de loisirs porté à 25 ans au lieu de 20 ans, mettant ensuite en demeure les appelants de régulariser leur situation auprès d'elle 'en lui faisant parvenir, sous huitaine, l'offre de contrat' dont ils étaient rendus destinataires, rappelant les conséquences résultant de l'absence de toute régularisation.

Il est constant que M. [S] et Mme [O] n'ont pas signé le nouveau contrat ainsi modifié et portant toujours sur une durée de 9 mois à compter du 1er avril 2022 jusqu'au 31 décembre 2022, dans les huit jours de cette lettre réceptionnée le 8 juillet 2022 et qu'ils ont fait parvenir en retour le dit document signé par M. [S] uniquement le 18 janvier 2023 avec la mention 'bon pour accord' raturée.

Le juge des référés, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1113 du code civil prévoyant que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager, a exactement analysé les faits de l'espèce en constatant l'absence d'échange de consentement entre les parties, l'offre du nouveau contrat modifié faite par la société Camping [8] étant incontestablement devenue caduque en l'absence d'acceptation intervenue dans le délai imparti de huit jours laissé à M. [S] et Mme [O] avisés par mise en demeure des conséquences en résultant.

Les termes du dernier courrier adressé par la société Camping [8] caractérisent à l'évidence l'absence de toute volonté de sa part de contracter avec M. [S] et Mme [O] au-delà du délai de huit jours accordé ce, compte tenu de leurs échanges précédents comme des concessions qu'elle venait de consentir.

Il en résulte que la signature apposée par M. [S] six mois plus tard sur une proposition de contrat devenue caduque en application de l'article 1117 du code civil, alors que de surcroît la période de location de neuf mois objet de cette proposition était expirée, ne pouvait, dans ces conditions, emporter formation du contrat en l'absence de rencontre des volontés des parties.

Par suite, il ne saurait être fait droit à la demande formée par M. [S] et Mme [O] et tendant à voir constater que leur contrat de location s'est renouvelé aux conditions prévues pour le contrat 2023, alors que l'exemplaire signé portait sur la seule période 2022 et qu' en tout état de cause, il ne manifeste pas l'échange de consentement des parties.

Le contrat à durée déterminée signé le 6 mai 2021 étant venu à échéance à la date du 1er avril 2022, la cour constate qu'en l'absence de nouveau contrat formé par la suite entre les parties, M. [S] et Mme [O] sont occupants sans droit ni titre de l'emplacement C082 du camping [8] depuis le 1er avril 2022.

La saisine par M. [S] du juge du fond aux fins de voir reconnaître la présence de clauses abusives dans l'offre de contrat modifié proposée par la société Camping [8] et devenue caduque ne saurait justifier, en l'absence de tout contrat formé entre les parties postérieurement au 1er avril 2022, que le sursis à statuer soit ordonné dans le cadre de la présente instance, étant rappelé que l'action engagée par l'intimée repose sur l'article 835 du code de procédure civile précité applicable 'même en présence d'une contestation sérieuse'.

Par suite, les demandes formées par M. [S] et Mme [O] aux fins de voir ordonner le sursis à statuer et, dans l'attente, d'être autorisés à se maintenir sur l'emplacement n°C082 seront rejetées, tout comme la demande présentée à titre infiniment subsidiaire pour voir déclarer le juge des référés incompétent en présence d'une contestation sérieuse.

L' occupation d'un emplacement de stationnement d'un camping sans droit ni titre, en ce qu'elle constitue une violation du droit de propriété, révèle un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser, avec toutes conséquences de droit, ce que le premier juge a parfaitement tranché en accueillant la demande de libération des lieux et d'expulsion présentée par la société Camping [8], seule mesure destinée à faire cesser le trouble manifestement illicite causé par cette occupation, étant relevé que l'urgence n'avait pas à être caractérisée en application de l'article 835 du code de procédure civile précité.

L'ordonnance sera aussi confirmée en ce qu'elle a accordé un délai de trois mois pour quitter les lieux compte tenu du délai nécessaire pour déplacer le mobile home sauf à préciser que le délai aura pour point de départ la signification de l'arrêt.

Par ailleurs, il sera relevé que la société Camping [8] n'a pas formé appel incident de l'ordonnance, de sorte que la cour n'est pas saisie des dispositions l'ayant déboutée de sa demande d'autorisation pour le déplacement du mobilhome.

En revanche, M. [S] et Mme [O], occupants sans droit ni titre, sont débiteurs d'une indemnité d'occupation jusqu'à libération des lieux, laquelle doit être calculée, à défaut de stipulation particulière prévue en ce cas au contrat du 6 mai 2021, en fonction des tarifs du camping en vigueur tels que précisés par le juge des référés dans son ordonnance, sans qu'il y ait lieu pour les occupants sans droit ni titre à bénéficier de conditions tarifaires plus avantageuses.

Enfin, M. [S] et Mme [O], sollicitent une somme de 1000 euros en soutenant qu'ils sont privés de l'accès à leur emplacement depuis la décision rendue. La solution apportée au présent litige oblige la cour à rejeter cette demande.

- Sur les frais accessoires :

L'ordonnance doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas davantage en cause d'appel de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

M. [S] et Mme [O], parties qui succombent, seront condamnés aux entiers dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande formée par M.[V] [S] et Mme [Y] [O] en nullité de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lisieux le 30 mars 2023 ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

Rejette les autres demandes formées par M.[V] [S] et Mme [Y] [O] ;

Rejette les demandes présentées par chaque partie sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [V] [S] et Mme [Y] [O] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON