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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 31 juillet 2024, n° 23/00899

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

les Accacias (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pellefigues

Conseillers :

Mme Guiroy, Mme Baylaucq

CA Pau n° 23/00899

30 juillet 2024

Par conclusions notifiées par RPVA le 5 juin 2023, la SARL [L] demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et de :

- réformer les dispositions dont appel du jugement,

- débouter la SCI Les accacias de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

A titre reconventionnel :

- la condamner au paiement de la somme de 1.600 € en restitution du dépôt de garantie ;

A titre subsidiaire :

- réduire la créance de loyers à la somme de 17.280 €,

- la condamner au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 12 mars 2024, la SCI Les accacias demande à la cour, au visa des articles 1728 et suivants du code civil et des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL [L] à lui payer la somme de 21.199,27 € au titre des loyers impayés,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 9.044,02 € au titre des frais de remise en état du local,

Statuant à nouveau, condamner la SARL [L] au paiement des sommes de :

- 21.696,02 € au titre des réparations locatives et frais de remise en état du local,

- 163,10 € au titre du constat d'état des lieux de sortie

- 3.600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS :

- Sur les loyers :

La SARL [L], appelante, fait valoir qu'est valable le congé qu'elle a délivré le 25 septembre 2020, par courrier remis en main propre à [F] [N], gérant de la SCI Les accacias, qui l'a contresigné et accepté sans réserve. Elle a ensuite quitté les lieux au 31 mars 2021 et le 29 avril 2021, un état des lieux de sortie contradictoire a été établi.

Elle affirme ainsi qu'un accord implicite est intervenu entre les parties pour mettre un terme au bail au 31 mars 2021 sans réclamation de sa part au regard du manquement du bailleur à ses obligations contractuelles de réaliser des travaux et sans indemnité mise à sa charge, ce qui explique que le bailleur n'a formulé ni réclamation à son encontre ni mise en demeure préalable à la procédure judiciaire.

Elle estime dès lors ne devoir aucune somme au titre des loyers impayés.

La bailleresse fait, à l'inverse, valoir que le congé n'est pas valable pour ne pas avoir été délivré selon les modalités prévues au contrat de bail, ce qu'elle n'a pas accepté.

Elle expose que le courrier que la preneuse qualifie de congé est un courrier l'informant seulement que [J] [L] souhaitait mettre un terme au contrat et qu'il ne comporte aucun accord express ou tacite de sa part quant à ses effets six mois plus tard.

Elle souligne que le contrat les liant prévoyait que la société locataire ne pouvait résilier le bail qu'à l'issue d'une période triennale qui devait intervenir au 30 novembre 2022 et que le préavis ne courrait que 6 mois avant la fin de cette période triennale.

Elle maintient sa demande en payement des loyers restés impayés pour la période du 1er mars 2021 au 1er décembre 2021, le local ayant été reloué à compter de cette date, outre le loyer du mois d'août 2020 dont elle déclare ne pas avoir été la bénéficiaire du payement.

En droit, l'article L145-4 du code de commerce prévoit que : " La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.

Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire".

En l'espèce, le contrat de bail commercial noué entre les parties, auquel ces dispositions sont applicables, précisait, en son article 4 que : "Le contrat est conclu pour une durée de neuf années entières et consécutives commençant à courir à compter du 1er décembre 2013.

A l'expiration de chaque période triennale, le preneur aura la faculté de donner congé et de dénoncer le contrat, à charge d'en aviser le bailleur par acte extrajudiciaire. Le congé devra être délivré au moins six mois avant la date de départ. Le preneur pourra, en respectant un préavis de 6 mois, résilier son bail commercial.".

Le courrier daté du 25 septembre 2020, remis en main propre par la SARL [L] à la SCI Les accacias, est intervenu plus de 6 mois avant la date d'échéance de la période triennale fixée au 1er décembre 2022 et il ne respecte pas les formes légales et conventionnelles.

Il n'a dès lors pas été valablement délivré.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a dit que les loyers dus pour la période du 1er avril au 1er décembre 2021, date d'une nouvelle location, sont dus par la SARL [L] et l'a condamnée à leur payement.

Toutefois, le loyer mensuel étant de 1.600 euros HT par mois, la somme due pour cette période de 8 mois de vacance des locaux doit, par infirmation du premier jugement, être fixée à 12.800 euros HT (8x1.600 euros) soit 15.360 euros TTC, le montant du loyer du mois de mars ayant été effectivement réglé.

Et, la preneuse convient ne pas avoir réglé, par erreur, entre les mains de la bailleresse la somme de 1.999,27 euros qu'elle lui devait pour le mois d'août 2020.

Elle sera dès lors condamnée à lui verser la somme de 17.359,27 euros au titre des loyers dus restés impayés.

- Sur les frais de remise en état du local commercial :

Pour contester la somme de 9.044,02 euros au payement de laquelle elle a été condamnée au titre des frais de remise en état du local commercial, La SARL [L] affirme qu'elle a amélioré et non dégradé les locaux donnés à bail, lesquels étaient fortement dégradés en leur intérieur à la prise à bail tandis que bailleur n'a volontairement jamais entrepris les démarches pour établir un état des lieux d'entrée ni effectué les travaux lui incombant ne respectant pas ainsi ses obligations.

Elle ajoute qu'elle-même a réalisé des travaux ce dont elle justifie par la production de factures d'achat de matériaux. Ils ont permis à la SCI de relouer les locaux avec une augmentation du loyer.

Elle soutient que dans ce contexte, la bailleresse ne démontre ni les dégradations, ni sa responsabilité vis à vis de celles-ci, ni la nécessité de travaux de réparation ni encore qu'elle a fait réaliser les réparations pour lesquelles elle ne produit que des devis.

La SCI Les accacias maintient quant à elle que les locaux n'ont pas été améliorés par la locataire mais dégradés de son fait comme cela a été constaté par procès-verbal d'huissier.

Elle précise que, le bail ayant été conclu en 2013, il n'était pas soumis à l'obligation d'établissement d'un état des lieux d'entrée et qu'en application des dispositions de l'article 1731 du code civil, ils sont présumés avoir été pris en bon état par la locataire qui n'a d'ailleurs pas réclamé la réalisation d'un état des lieux.

Elle demande la condamnation de la SARL à lui payer l'ensemble des frais de remise en état intérieure et extérieure qu'elle chiffre, compte tenu des devis qu'elle a fait réaliser, à la somme de 21.696,02 euros.

Cela posé, il est constant que les parties au bail n'ont pas réalisé d'état des lieux lors de l'entrée de la locataire.

Cependant, le bail noué entre les parties le 9 juillet 2013 dispose en son article 2 : "État des lieux et délivrance des locaux loués" : 2-1 État des lieux : Un état des lieux sera dressé contradictoirement au moment où le bailleur remettra les clefs des locaux loués à la disposition du preneur. [...]

A défaut d'état des lieux établi lors de l'entrée en jouissance, le preneur sera réputé avoir reçu les locaux loués en parfait état".

A l'appui de la contestation des sommes dont le payement lui est réclamé, la société [L] verse aux débats 10 photographies constituant un album numérique qu'elle a dénommé "photos [Localité 3] décembre 2013".

Or, le fichier informatique dont elles a extrait les images indique qu'il a été créé le 17 mars 2022 et aucune précision ne permet, comme le souligne la bailleresse qui désormais conteste leur valeur probatoire, de dater la prise ces vues ni même de les localiser dans le bâtiment.

Parmi elles, trois concernent l'intérieur des locaux donnés à bail et montrent trois dalles de plafond endommagées, un mur en placo nu et une vue d'un tableau électrique.

Cependant, leur contenu ne permet pas d'affirmer que le local, en son intérieur, était "fortement dégradé" lors de l'entrée dans les lieux de la locataire tandis que les factures d'achat et de livraison de matériaux qu'elle produit ne suffisent pas à prouver qu'elle a dû réaliser des travaux autres que ceux autorisés par le bailleur dans le bail ou ceux d'aménagement du local pour les besoins de son activité.

Dès lors, en considération des constatations à laquelle l'huissier de justice a procédé le 29 avril 2021 en présence des parties et au regard des réserves que chacune a pu exprimer sur l'état intérieur des lieux et notamment sur l'état des murs et sols, des climatisateurs, des plaques du faux plafond et de l'installation électrique le jugement sera confirmé en ce qu'il retenu les seuls devis Sefti, Roure, Gabarres, Socotec et l'As du carreau, pour un montant total de 10.644,02 euros.

En effet, le bailleur est en droit de demander la réparation intégrale de son préjudice, y compris sur présentation d'un devis, dès lors que son principe est retenu par le juge et son indemnisation n'est pas soumise à l'exécution des réparations, en l'espèce leur non-réalisation n'étant d'ailleurs pas prouvée et la relocation des lieux n'étant attestée que plusieurs mois plus tard.

S'agissant de l'état extérieur des locaux, le premier juge a rejeté la demande de la bailleresse au titre des travaux effectués sur le bardage extérieur au motif que la locataire, par les photographies qu'elle produit et qui n'étaient pas alors contestées, permettaient de constater des enfoncements déjà présents à la prise à bail.

A hauteur d'appel, la SCI Les accacias produit à nouveau quatre photographies montrant des enfoncements du bardage en plusieurs endroits.

Cependant, faute de pouvoir être datées et d'être étayées par d'autres éléments, elles ne sont pas de nature à écarter les demandes de la SCI.

Or, le 29 avril 2021, l'huissier de justice mandaté pour effectuer l'état des lieux de sortie a relevé la présence, sur l'ensemble de la façade n°1, de quelques impacts visibles en partie basse du bac acier, sur la façade n°2, de plusieurs enfoncements visibles au niveau de l'arrête à droite, d'un gondolement du bardage sur bac acier, d'impacts sur bac acier en partie basse à gauche de l'ouverture et d'une auréole et de trous de fixation à l'emplacement qu'occupait l'enseigne et, sur la troisième façade, de quelques impacts sur le bac acier et le moteur de la climatisation à main droite.

Toutefois, la bailleresse, qui se fonde sur ce seul procès-verbal de constat d'huissier d'état des lieux de sortie établi près de 8 années après la prise à bail des locaux et sur le devis de l'EURL Façon de fer du 12 octobre 2021 pour réclamer la condamnation de la locataire à lui payer la somme de 11.052 euros TTC, ne justifie pas, ainsi que le soulève le preneur, que les travaux objets de ce devis portent sur des dégradations imputables à la locataire ou des réparations locatives compte tenu de leur nature et de la vétusté subie par les lieux pris à bail en 2013.

Par substitution de motifs, la SCI Les accacias sera dès lors déboutée de sa demande en payement au titre de dégradations des extérieurs des locaux donnés à bail.

- Sur la restitution du dépôt de garantie :

La locataire sollicite la restitution de la somme de 1.600 euros qu'elle a versée au titre du dépôt de garantie à la bailleresse qui s'oppose à cette demande au regard du coût de la remise en état des locaux donnés à bail.

Compte tenu des frais de remise en état ci-dessus retenus à sa charge, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la SARL [L], ladite somme devant venir en déduction des somme dont elle est la redevable.

En conséquence et en confirmation du jugement déféré, la SARL [L] sera déboutée de sa demande de ce chef et condamnée à payer à la SCI Les accacias la somme totale de 9.044,02 euros (10.644,02 - 1.600 euros) au titre des frais de remise en état du local commercial.

- Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de la solution du litige, la charge des dépens de première instance telle que décidée par le premier juge sera confirmée, les dépens d'appel étant également mis à la charge de la SARL [L].

Et, au regard des circonstances de la cause et de la position des parties, l'équité justifie de confirmer également le jugement en ce qu'il a attribué à la SCI Les accacias la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens de première instance.

Les mêmes considérations justifient de condamner SARL [L] à lui payer une somme supplémentaire de 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 8 mars 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Dax sauf en qu'il a condamné la SARL [L] à payer à la SCI Les accacias la somme de 21.199,27 euros au titre des loyers,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

- condamne la SARL [L] à payer à la SCI Les accacias la somme de 17.359,27 euros au titre des loyers ;

- condamne la SARL [L] aux dépens d'appel ;

- condamne la SARL [L] à verser à la SCI Les accacias la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.