CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 31 juillet 2024, n° 24/00239
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Deux Choses Lune (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lagemi
Conseillers :
Mme Le Cotty, M. Birolleau
Avocats :
Me Kong Thong, Me Kramer, Me Martin
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Par acte du 20 septembre 2016, Mme [T] née [X] et M. [X] ont donné à bail à la société Deux Choses Lune des locaux commerciaux (lots 57 et 127), situés [Adresse 1] à [Localité 3], moyennant un loyer annuel en principal de 36.222,84 euros, hors charges et hors taxes, payable mensuellement et d'avance, le 1er jour du mois, afin d'y exercer une activité de photographe, production et édition de photographies.
Le 11 février 2020, les bailleurs ont fait délivrer au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 13.336,05 euros, puis, l'ont assigné devant le juge des référés en constatation de la résiliation de plein droit du bail.
Par ordonnance du 30 novembre 2020, le juge des référés a constaté l'accord des parties, des délais de paiement étant octroyés à la société Deux Choses Lune.
Le 25 novembre 2022, les bailleurs ont fait délivrer au preneur un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 15.847,37 euros représentant un arriéré de loyers et charges arrêté au 14 novembre 2022.
Puis, le 4 mai 2023, ils ont fait délivrer un troisième commandement visant la clause résolutoire pour obtenir le paiement de la somme de 11.450,23 euros arrêtée au 2 mai 2023.
Par acte du 21 juin 2023, Mme [T] et M. [X] ont assigné la société Deux Choses Lune devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins, notamment, de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion de la défenderesse et condamnation de celle-ci au paiement, par provision, de l'arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation.
Par ordonnance du 6 décembre 2023, le premier juge a :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail liant les parties à la date du 4 juin 2023 ;
ordonné l'expulsion de la société Deux Choses Lune et de tous occupants de son chef des locaux donnés à bail situés [Adresse 1] à [Localité 3], avec, le cas échéant, le concours d'un serrurier et de la force publique ;
rappelé que le sort des meubles et objets mobiliers se trouvant sur place est régi par les dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision ;
condamné la société Deux Choses Lune à payer à Mme [T] née [X] et à M. [X] une indemnité d'occupation mensuelle, à titre provisionnel, égale au montant du loyer contractuel, augmenté des charges, jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés, et ce, à compter du 1er décembre 2023 ;
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Deux Choses Lune aux dépens comprenant le coût du commandement de payer délivré le 4 mai 2023 ;
dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande.
Par déclaration du 13 décembre 2023, la société Deux Choses Lune a interjeté appel de cette décision en critiquant ses dispositions relatives au constat de l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences, au rejet de la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 mai 2024, la société Deux Choses Lune demande à la cour de :
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail liant les parties à la date du 4 juin 2023 ;
ordonné son expulsion et celle de tous occupants de son chef des locaux donnés à bail situés [Adresse 1] à [Localité 3], avec, le cas échéant, le concours d'un serrurier et de la force publique ;
prononcé sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle, à titre provisionnel, égale au montant du loyer contractuel, augmenté des charges, jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés, et ce, à compter du 1er décembre 2023 ;
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
prononcé sa condamnation aux dépens comprenant le coût du commandement de payer délivré le 4 mai 2023 ;
Statuant à nouveau,
constater qu'elle est à jour du paiement des loyers et charges ;
constater que Mme [T] née [X] et M. [X] ne respectent pas leurs obligations contractuelles résultant du protocole d'accord et du contrat de bail commercial du 20 septembre 2016 et, notamment, l'unification du bail (facturation unifiée des appels de loyers et charges) et la réalisation de travaux d'urgence et de mise aux normes depuis le 15 juillet 2017 ;
constater que Mme [T] née [X] et M. [X] disposent en qualité de bailleur et au titre du contrat de bail commercial du 20 septembre 2016, d'un dépôt de garantie égal à six mois de loyer principal ;
En conséquence,
A titre principal :
constater, compte tenu de la mauvaise foi de Mme [T] née [X] et de M. [X], que le commandement de payer signifié le 4 mai 2023 est abusif et que la clause résolutoire stipulée aux termes du bail commercial en date du 20 septembre 2016 n'est pas acquise ;
constater l'existence d'une contestation sérieuse ;
dire et juger qu'il n'y a pas lieu à référé ;
A titre subsidiaire :
lui octroyer un délai rétroactif de six mois au titre du règlement provisionnel des arriérés de loyers et charges à compter du mois de mai 2023 ;
ordonner de façon consécutive la suspension des effets de la clause résolutoire pendant un délai de six mois ;
En tout état de cause :
ordonner la facturation unifiée des appels de loyers et charges à venir conformément au bail commercial du 20 septembre 2016 sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
ordonner, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, l'exécution des travaux indispensables à la jouissance paisible des locaux loués prévus au bail commercial du 20 septembre 2016, à savoir :
la réparation d'une fenêtre ouvrant en façade de la verrière,
la réparation du paxalu de la verrière,
la réparation de la gouttière arrière de la verrière,
la modification de la gouttière centrale avant de la verrière, débouchant sur la partie en zinc, pour éviter les débordements à l'arrivée de la gouttière latérale,
la mise en place d'un portier sur la rue au niveau de la porte cochère pour l'appel des personnes à mobilité réduite ;
déclarer non écrite la clause selon laquelle le dépôt de garantie est non productif d'intérêts figurant au deuxième paragraphe de l'article 10 des stipulations générales du bail commercial du 20 septembre 2016, conformément aux articles L.145-15 et L.145-40 du code de commerce ;
dire et juger que Mme [T] née [X] et M. [X] sont redevables à son profit d'intérêts au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes du dépôt de garantie excédents deux mois de loyer conformément à l'article L.145-40 du code de commerce ;
condamner Mme [T] née [X] et M. [X] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [T] née [X] et M. [X] aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 21 mai 2024, Mme [T] née [X] et M. [X] demandent à la cour de :
déclarer l'appelante irrecevable en ses demandes nouvelles en cause d'appel ;
confirmer l'ordonnance dont appel ;
débouter l'appelante de toutes ses demandes ;
condamner la société Deux Choses Lune à leur payer la somme de 5.000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Deux Choses Lune aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 29 mai 2024.
A l'issue de l'audience des plaidoiries fixée au 30 mai 2024, il a été demandé aux bailleurs de produire un décompte actualisé afin de justifier la situation locative.
Par message électronique contradictoire en date du 5 juin 2024, les intimés ont produit les décomptes actualisés. Par message électronique contradictoire en date du 6 juin 2024, la société appelante a produit les justificatifs des paiements des loyers exigibles au 1er juin 2024.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur les conditions d'acquisition de la clause résolutoire
Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement et qu'il n'est pas opposé de contestation sérieuse susceptible d'y faire obstacle.
Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Faute d'avoir payé ou contesté les causes du commandement de payer dans le délai imparti, prévu au bail, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer. L'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.
Enfin, sauf impossibilité d'exercer son droit de jouissance qui s'analyse comme une impossibilité totale d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination, le locataire ne peut opposer l'exception d'inexécution au bailleur qui n'exécute pas correctement ses obligations.
Au cas présent, les bailleurs ont fait délivrer, le 4 mai 2023, à la société Deux Choses Lune un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour la somme en principal de 11.450,23 euros se répartissant entre eux à hauteur de 6.923,88 euros pour Mme [T] et de 4.526,35 euros pour M. [X], dont nul ne conteste qu'elle n'a pas été réglée dans le mois de cet acte, de sorte que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 4 juin 2023 ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.
Pour contester l'acquisition de la clause résolutoire et justifier le non-paiement des loyers, la société Deux Choses Lune indique que les retards de paiement, qui s'expliquent par des difficultés économiques liées à la procédure collective dont elle a fait l'objet en 2015 mais aussi par la crise sanitaire, n'excèdent jamais plus d'un mois et précise être à jour de ses loyers depuis juillet 2023.
Elle soutient que la constatation de la résiliation du bail se heurte à des contestations sérieuses tenant à la mauvaise foi des bailleurs et au défaut d'objet du commandement de payer.
Elle fait ainsi valoir qu'au mépris des dispositions du bail et du protocole d'accord du 20 septembre 2016, les bailleurs, qui s'étaient engagés à effectuer des travaux, à leurs frais, pour mettre les locaux loués en conformité avec les exigences d'un établissement recevant du public, ne les ont pas fait entreprendre, alors que la période de fermeture administrative aurait permis leur réalisation et qu'ils l'ont empêché d'exploiter pleinement les locaux, dégradés par des infiltrations. Elle considère que ces désordres persistants sont à l'origine d'une perte de clientèle puisque certaines productions ont refusé d'organiser des séances de photographie et ont un retentissement évident sur sa situation économique.
Mais, s'il n'est pas contesté que les bailleurs s'étaient engagés à réaliser des travaux, pour une durée de 12 à 13 semaines, à compter du 15 juillet 2017, il n'apparaît pas, à la lecture des pièces produites, qu'une inertie fautive pourrait leur être reprochée.
Il est en effet établi que dès janvier 2017, les bailleurs ont pris attache avec un architecte et la société locataire, que celle-ci a tardé à fournir les plans d'aménagement souhaités, qu'une réunion a eu lieu le 4 juillet 2017 en présence des parties sur la mise en oeuvre des travaux, que la société locataire indiquait par mail du 19 septembre 2017 être dans l'incapacité de laisser les locaux pour la fin de ce mois sans pouvoir donner de dates de disponibilité de ceux-ci, avant de rappeler aux bailleurs, par lettre du 29 mai 2020, puis, par lettre recommandée du 7 janvier 2021, être toujours dans l'attente de la réalisation des travaux.
Par lettre du 20 janvier suivant, il lui a été répondu qu'il n'y avait aucune opposition des bailleurs à l'exécution de ces travaux mais qu'ils attendaient les plans définitifs que la locataire souhaitait retenir ainsi que la période de travaux qu'elle voudrait communiquer pour réduire la gêne causée à son activité, étant relevé qu'en avril 2017, M. [T] a validé un devis de travaux qui n'a pu être mis en oeuvre.
La cour observe encore que des plans ont été adressés à la société Deux Choses Lune le 23 février 2021, que la version finale du descriptif des travaux lui a été adressée le 23 mai 2022 et qu'il lui a été demandé à cette date de le valider et d'indiquer ses disponibilités pour permettre leur exécution ; que par lettre recommandée du 27 juillet 2022, les bailleurs ont réitéré ces demandes, encore répétées par lettre recommandée du 25 octobre 2023 auxquelles il n'a pas été donné suite, la société Deux Choses Lune ayant indiqué, par lettre du 10 novembre 2023, ne pouvoir donner une suite favorable en raison de l'impossibilité de cesser temporairement son activité.
Il ressort de ces éléments, que la société Deux choses Lune n'a pas été totalement privée de la jouissance des locaux loués de sorte que l'inexécution des travaux ne saurait, de surcroît, dans les circonstances précédemment décrites, caractériser un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance et constituer une contestation sérieuse.
Au surplus, la société appelante ne démontre pas avoir subi une perte d'exploitation et de clientèle du fait des infiltrations, aucune pièce de nature à justifier un préjudice commercial n'étant versée aux débats, étant relevé que les bailleurs produisent une facture en date du 13 octobre 2021 démontrant que des travaux de réfection des solins et de remplacement d'un carreau fissuré de la verrière ont été réalisés.
Enfin, il est sans pertinence pour la société Deux Choses Lune d'invoquer la révocation de son ancien dirigeant lors de l'assemblée générale du 27 novembre 2017, dès lors que celui-ci était habilité à la représenter lors de la réunion du 4 juillet et lors de l'envoi du mail du 19 septembre 2017.
La société Deux Choses Lune indique en outre que les bailleurs compliquent volontairement le calcul des montants dus, puisque contrairement aux termes du bail, elle reçoit deux factures par mois pour chacun des lots loués.
Le bail porte sur deux lots dépendant de l'immeuble en copropriété situé [Adresse 1]), appartenant respectivement à chacun des intimés. Dans le bail, le loyer a été fixé globalement pour les deux lots et les parties ont expressément prévu, dans le protocole d'accord signé le 20 septembre 2016, de conclure un bail unifié portant sur les deux lots d'un montant en principal de 3.018,57 euros majoré des charges et taxes.
Il est exact qu'il est facturé mensuellement un loyer réparti entre les deux lots et pour chacun des bailleurs et qu'il est réglé à chacun d'eux la part lui revenant.
Mais, si ces modalités sont contraires à la lettre du bail, elles ne sauraient compliquer le calcul des sommes dues et caractériser la mauvaise foi des bailleurs dès lors que la société Deux Choses Lune, qui justifie de paiements effectués selon ces modalités, ne se méprend pas sur les montants dus.
La société Deux Choses Lune soutient encore que le commandement de payer serait abusif dès lors que celui-ci a été délivré peu après l'échéance du mois de mai afin de permettre aux bailleurs de se prévaloir d'un retard de deux mois alors que celui-ci n'était que d'un mois. Elle ajoute que les bailleurs bénéficient d'un dépôt de garantie de six mois, permettant de garantir un retard de loyer d'un mois et trois jours et que le commandement de payer était sans objet et ce d'autant qu'elle est jour du paiement de l'ensemble de ses loyers depuis le mois de juillet 2023.
Cependant, l'examen des décomptes joints au commandement de payer du 4 mai 2023 démontre, ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, que l'arriéré locatif ne porte pas exclusivement sur deux échéances successives demeurées impayées.
En tout état de cause, en application du bail, la société Deux Choses Lune est tenue de régler d'avance et le 1er jour du mois son loyer, obligation non respectée à la lecture des décomptes susvisés.
L'existence d'un dépôt de garantie, même conséquent, ne peut permettre au preneur de s'affranchir de son obligation de paiement.
Dans ces conditions, il n'est pas démontré que les bailleurs ont fait preuve de mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire alors qu'il est établi que la société Deux Choses Lune était, lors de la délivrance du commandement de payer, défaillante dans l'exécution de son obligation de paiement.
Les contestations formées par l'appelante pour s'opposer aux effets du commandement de payer sont donc dépourvues de tout caractère sérieux.
Sur la demande de délais de paiement
Selon l'article 1343-5, alinéa 1, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.
Il ressort des décomptes arrêtés au 9 février 2024, produits par les bailleurs, que les causes du commandement de payer ont été réglées le 20 juillet 2023, la situation de la société appelante étant, à cette date, créditrice d'une somme de 125,16 euros.
Il apparaît que par la suite les loyers ont été acquittés, les décomptes versés aux débats en cours de délibéré démontrant qu'à la date du 3 juin 2024, la société Deux Choses Lune était totalement à jour de ses loyers et charges.
Saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, la cour doit examiner la situation au jour où elle statue et peut accorder des délais de paiement rétroactifs et constater, le cas échéant, leur respect par le locataire.
Il résulte des éléments qui précèdent que le paiement de la dette locative est intervenu au plus tard le 20 juillet 2023.
Il convient donc d'accorder à la société Deux Choses Lune un délai de paiement rétroactif jusqu'au 31 juillet 2023 et de constater que celui-ci ayant été respecté, la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué.
Ainsi, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de la société Deux Choses Lune et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation.
Sur les autres demandes de la société Deux Choses Lune
En cause d'appel, la société Deux Choses Lune forment de nouvelles demandes portant sur l'établissement par les bailleurs d'une seule facture mensuelle du loyer et charges au titre des deux lots loués, l'exécution des travaux prévus par le bail et le protocole d'accord du 20 septembre 2016, la validité de la clause du contrat relative au dépôt de garantie, qu'elle estime devoir être considérée non écrite en application des articles L. 145-15 et L.145-40 du code de commerce et, par voie de conséquence, l'application d'intérêts sur les sommes détenues au titre du dépôt de garantie conformément au dernier des textes susvisés.
Les intimés soulèvent l'irrecevabilité de ces demandes en application de l'article 564 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 564, 566 et 567 du code de procédure civile, qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; elles ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; enfin, les demandes reconventionnelles sont recevables en cause d'appel.
La demande relative à la facturation unifiée des appels de loyers et charges apparaît être la conséquence des prétentions originaires et sera donc déclarée recevable.
En revanche, les autres demandes, sans lien avec le litige initial, et ne pouvant constituer l'accessoire, la conséquence ou le complément des premières demandes, sont nouvelles en appel et, à ce titre, irrecevables.
Au regard des termes du bail et du protocole d'accord précédemment rappelés, il y a lieu d'ordonner aux bailleurs d'adresser mensuellement à la société appelante une facturation unifiée des appels de loyers et charges, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.
L'appel ayant été formé dans l'intérêt de la société Deux Choses Lune, à l'origine débitrice de loyers, celle-ci supportera les dépens d'appel.
En revanche, aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
Constate que les conditions de l'acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 4 juin 2023 ;
Accorde à la société Deux Choses Lune un délai expirant le 31 juillet 2023 pour s'acquitter des causes du commandement de payer délivré le 4 mai 2023 et suspend les effets de la clause résolutoire pendant ce délai ;
Constate que la société Deux Choses Lune s'est intégralement acquittée de sa dette dans ce délai ;
Dit en conséquence que la clause résolutoire est réputée n'avoir pas joué et rejette la demande d'expulsion et la demande en paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle formées par Mme [T] née [X] et M. [X] ;
Constate que la société Deux Choses Lune était à jour des loyers et charges au 3 juin 2024, terme de juin inclus ;
Déclare recevable la demande de la société Deux Choses Lune portant sur la facturation unifiée des appels de loyers et charges ;
Ordonne en conséquence à Mme [T] née [X] et M. [X] d'adresser mensuellement à la société Deux Choses Lune une facturation unifiée des appels de loyers et charges ;
Dit n'y avoir lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte ;
Déclare irrecevables les demandes de la société Deux Choses Lune portant sur l'exécution des travaux, la validité de la clause du bail relative au dépôt de garantie et l'application d'intérêts sur les sommes détenues au titre de ce dépôt de garantie ;
Condamne la société Deux Choses Lune aux dépens d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.