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Décisions

CA Bordeaux, ch. des référés, 1 août 2024, n° 24/00106

BORDEAUX

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Groupe Bumin (SAS), Financière Biruni (SC)

Défendeur :

Boca Investissements (SAS), Bocalo (SAS), Foncière Gabo (SC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lebreton

Avocats :

Me Fribourg, Me Olhagaray

CA Bordeaux n° 24/00106

31 juillet 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance en date du 11 juin 2024 le juge de référé du tribunal de commerce de Bordeaux a notamment :

rejeté les exceptions de procédure soulevées par la SC Financiére Biruni,

débouté les sociétés Boca Investissements, Bocalo et Fonciere Gabo de leurs demandes dirigées contre la SAS Groupe Bumin et la SC Financiére Biruni,

renvoyé les sociétés Boca Investissements, Bocalo et Fonciere Gabo à mieux se pourvoir pour ce qui concerne les actes des SCI Boca la mouline et Boca Biruni,

ordonné à la SAS Groupe Bumin de remettre les actes de cession qui lui ont été transmis dûment signés et régularisés pour les SCI Boca chance, Boca Pluton, Boca Saint-Sever, Boca la Gardette, Boca Albina one, Boca Albina two, Boca Vidor et Boca Cappella sous un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et ceci sous astreinte de 2000 € par jour de retard passé ce délai de un mois passé duquel il sera à nouveau,

débouté les demanderesses de la demande au titre de la résistance abusive,

condamné la SAS Groupe Bumin à payer aux sociétés Boca investissements, Bocalo et la Fonciere Gabo une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SAS Groupe Bumin et la SC Financiére Biruni ont fait appel de cette décision par déclaration du 18 juin 2024.

Par actes de commissaire de justice en date du 27 juin 2024 elles ont fait assigner la SAS Boca Investissements, la SAS Bocalo et la société Fonciere Gabo en référé devant la juridiction du premier président au fins de voir prononcer la suspension d'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Bordeaux le 11 juin 2024 et de voir condamner les sociétés assignées aux dépens et à leur payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. (enregistrés sous le n° de RG 24-106 et 24-117).

Elles font valoir qu'il existe des moyens sérieux de réformation de la décision, en ce que le litige qui oppose les parties a trait à des sociétés civiles et à l'application des dispositions des articles 1145 et suivants du code de civil, notamment l'article 1869, et il est relatif au droit de retrait, en conséquence le tribunal de commerce n'avait pas compétence matérielle pour arbitrer les demandes formées par la SAS Boca Investissements et la SAS Bocalo ; en ce qu'il existe une contestation sérieuse relative à la demande de retrait elle-même qui ne pouvait inclure le retrait de sociétés commerciales ; en ce que l'expert a commis une erreur grossière en pratiquant un abattement de 20 % ce qui générait la nécessité de prendre une décision sur la fixation du prix des parts sociales qui ne pouvait être prise par le juge des référés.

Elles précisent que les conséquences manifestement excessives entraînées par l'exécution de la décision résident dans le caractère irréversible du transfert de propriété.

A l'audience elles ont retiré leur premier moyen relatif à l'incompétence du tribunal de commerce.

Par conclusions déposées le 17 juillet 2024 et soutenues à l'audience la SAS Boca Investissements, la SAS Bocalo et la société Fonciere Gabo sollicitent de la juridiction du premier président qu'elle rejette la demande en suspension de l'exécution provisoire et qu'elle condamne le groupe Bumin aux dépens et à leur payer la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles font valoir qu'il n'existe aucun moyen sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance de référé, en ce que le tribunal de commerce a retenu de bon droit sa compétence matérielle au motif de l'imbrication des parts détenues dans les dix sociétés immobilières entre les parties pour la réalisation d'opérations immobilières par nature commerciales, le partenariat entre les sociétés ayant d'ailleurs un objet commercial et en ce que devant la cour d'appel de Bordeaux saisie du fond de l'affaire en tant que juridiction d'appel du tribunal de commerce comme du tribunal judiciaire, si bien que l'exception d'incompétence matérielle est inopérante ; en ce qu'il n'existe pas de contestation sérieuse sur l'impossibilité pour un associé de renoncer à la cession de ses parts suite à son retrait et à la force obligatoire du rapport d'expertise qui rend la cession définitive ; en ce qu'il n'existe pas de contestation sérieuse sur la force obligatoire de l'évaluation de l'expert qui n'a pas commis d'erreur grossière, la décote pouvant trouver à s'appliquer en l'espèce.

Elles ajoutent qu'il n'existe pas de conséquences manifestement excessives à l'exécution alors que la concrétisation de la cession des titres devient urgente en raison de l'arrêt de l'ensemble des programmes des structures.

L'affaire a été mise en délibéré au 1er août 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs. Il suppose la perspective d'un préjudice irréparable et d'une situation irréversible dépassant les risques normaux inhérents à toute exécution provisoire, et lorsqu'il s'agit notamment d'une condamnation non pécuniaire, ce risque doit s'apprécier au regard de la possibilité d'un anéantissement rétroactif de l'exécution en cas de réformation ou d'annulation du jugement.

Le moyen sérieux de réformation étant entendu comme un moyen qui, compte tenu de son caractère pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d'appel avec des chances suffisamment raisonnables de succès.

En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats, notamment les courriers de la SAS Groupe Bumin adressés le 29 décembre 2022 au représentant légal des diverses sociétés litigieuses, la lettre de mission du 27 juillet 2023 confiée conjointement par la SAS Groupe Bumin et la SAS Boca Investissements à M. [M] et des rapports de cet expert et de son sapiteur, qu'en considérant au vu des courriers et du périmètre de la lettre de mission, qui comprend les 10 sociétés constituées entre les partenaires d'affaires, que la SAS Groupe Bumin avait entendu se retirer de toutes les sociétés, civiles comme commerciales, dans lesquelles elle s'était associée avec la SAS Boca Investissements, même si cette volonté n'a pas la même traduction concrète selon que la société est civile ou commerciale, et que les partenaires avaient convenus de s'en remettre à l'évaluation d'un expert en application de l'article 1843-4 du code civil, expressément visé par la lettre de mission, le premier juge n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Il n'en a pas fait davantage, en considérant que l'expert n'avait pas commis d'erreur grossière en appliquant un abattement en raison du caractère minoritaire des parts valorisables et en raison de l'absence de liquidités de titres concernés, couramment pratiqué dans ces cas, y compris pour le rachat des parts d'un retrayant, d'autant que la méthode d'évaluation qu'il a appliquée est explicitée, étayée par la citation de la jurisprudence et a été débattue contradictoirement durant les opérations d'expertise.

Par ailleurs en déduisant de ces circonstances et considérations qu'il n'existait pas de contestation sérieuse pour en conclure que les actes de cession de parts devaient être signés aux valeurs déterminées par l'expert, le premier juge a tiré les conséquences de son analyse des pièces sans commettre, là encore d'erreur manifeste dans l'application de la règle de droit et dans l'appréciation des circonstances de la cause.

Enfin dans l'instance en référé devant le premier juge, qui doit en liquider les dépens, la SAS Groupe Bumin et la SC Financiere Biruni n'ayant pas obtenu gain de cause, les dépens et le frais irrépétibles ont été mis à leur charge, ceci étant la stricte application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, ce qui ne peut être critiqué sur le principe.

Par conséquent, la SAS Groupe Bumin et la SC Financiere Biruni ne démontrant pas l'existence d'une moyen sérieux de réformation ou d'annulation de la décision dont appel, il convient de rejeter leur demande sans qu'il soit nécessaire d'analyser les conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution de cette décision puisque, dès lors que l'une des deux conditions prévues pour prétendre à l'arrêt de l'exécution provisoire n'est pas remplie, il n'y a pas lieu d'examiner la seconde compte tenu de leur caractère cumulatif.

La SAS Groupe Bumin et la SC Financiere Biruni, parties succombantes dans la présente instance, au sens des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, seront condamnées aux entiers dépens.

Il apparaît conforme à l'équité de les condamner à payer à la SAS Boca Investissements et la SAS Bocalo la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elles seront déboutées de leur demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Déboute la SAS Groupe Bumin et la SC Financiere Biruni de leur demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire résultant de l'ordonnance en date du 11 juin 2024 rendue par le juge de référé du tribunal de commerce de Bordeaux et de leur demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SAS Groupe Bumin et la SC Financiere Biruni à payer à la SAS Boca Investissements et la SAS Bocalo la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Groupe Bumin et la SC Financiere Biruni aux entiers dépens de la présente instance.