CA Lyon, 3e ch. a, 21 décembre 2023, n° 20/03979
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
LOCAM (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gonzalez
Conseillers :
Mme JULLIEN, Mme LE GALL
Avocats :
SELARL LEXI, Me GATTI, Me VERT
Le 26 janvier 2016, M. [X] [Z], exerçant sous l'enseigne Meg Presse, a conclu avec la SAS Location Automobiles Matériels (Locam) un contrat de location portant sur un copieur fourni par la SAS Omniburo, moyennant le règlement de soixante-trois loyers mensuels de 556 euros HT. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé le 16 février 2016.
Par courrier recommandé délivré le 14 avril 2018, la société Locam a mis en demeure M. [Z] de régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l'exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.
Par acte du 22 mai 2018, la société Locam a assigné M. [Z] devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne afin d'obtenir notamment la somme principale de 31.725,76 euros.
Par jugement contradictoire du 7 juillet 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
- dit recevables et bien fondées les demandes de M. [Z],
- dit que les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation sont applicables aux contrats objets du litige,
- constaté que les contrats litigieux ont été conclus entre professionnels,
- dit que les contrats litigieux ont été conclus hors établissement,
- dit que les contrats litigieux n'entrent pas dans le champ d'activité principale de M. [Z],
- dit que M. [Z] remplit la condition visée à l'article L. 221-3 du code de la consommation relative à l'emploi d'un nombre de salariés égal ou inférieur à cinq,
- prononcé la nullité du contrat liant M. [Z] à la société Locam,
- débouté la société Locam de toutes ses demandes,
- condamné la société Locam à rembourser la somme de 15.345,60 euros TTC à M. [Z] au titre des loyers indûment perçus,
- condamné la société Locam à verser à M. [Z] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens sont à la charge de la société Locam,
- débouté M. [Z] du surplus de ses demandes à l'encontre de la société Locam,
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire du jugement.
La société Locam a interjeté appel par acte du 23 juillet 2020.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 mars 2021 fondées sur les articles 1134 et suivants, 1149 anciens et 1172 du code civil, les articles L. 121-1 16-1 4° ancien désormais L. 221-2° 4° du code de la consommation, les articles 311-2, 511-3 et 511-21 du code monétaire et financier et l'article L. 110-3 du code de commerce, la société Locam demande à la cour de :
- dire bien fondé son appel,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le contrat de location, l'a débouté de ses demandes, l'a condamné à restituer les loyers encaissés ainsi qu'au règlement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- condamner M. [Z] à lui régler la somme principale de 31.725,76 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2018,
- débouter M. [Z] de toutes ses demandes,
- le condamner à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [Z] en tous les dépens d'instance et d'appel.
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Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 janvier 2021 fondées sur les articles L. 221-3, L. 221-5, L. 242-1 et L. 221-9 du code de la consommation et l'article 1152 alinéa 2 du code civil, M. [Z] demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- juger que la société Locam ne rapporte pas la preuve du respect des obligations prévues par le code de la consommation,
en conséquence,
- prononcer la nullité du contrat de location longue durée qu'il a régularisé avec la société Locam,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes de condamnations formulées à son encontre,
- condamner la société Locam à répéter à son profit le montant des loyers prélevés par le bailleur, échus depuis le début d'exécution du contrat de location jusqu'à la date de la dernière échéance payée (échéance du 10 décembre 2017 incluse), soit la somme 12.788 euros HT, soit 15.345,60 euros TTC,
subsidiairement,
- juger les conditions générales inopposables à son égard,
- juger que la société Locam ne rapporte pas la démonstration de la quotité de son préjudice,
en conséquence,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes de condamnations formulées à son encontre,
- juger que l'article 12 des conditions générales de la location s'analyse en une clause pénale,
- juger le montant global de ladite clause pénale comme étant manifestement excessif,
en conséquence,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes de condamnations formulées à son encontre,
plus subsidiairement,
- juger que son montant devra être réduit dans une large mesure,
- débouter la société Locam du surplus de ses demandes,
à titre infiniment subsidiaire,
- juger que le préjudice de la société Locam, s'agissant des chefs de demande suivants s'établit ainsi qu'il suit :
36 loyers à échoir : 36 loyers x 556 euros = 20.016,00 euros
clause pénale y afférent : 2.001,16 euros
4 loyers : 4 x 667,20 euros (TTC) = 2.668,80 euros
clause pénale y afférent : 10% x 4 x 556 euros = 222,40 euros
- débouter la société Locam du surplus de ses demandes,
y ajoutant,
- condamner la société Locam, au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2021, les débats étant fixés au 25 octobre 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualification du contrat de location financière et l'application du code de la consommation
La société Locam fait valoir que :
- elle est une société de financement agréée par l'ACPR ; c'est au titre des opérations connexes aux opérations de banque, dont la location simple, qu'elle a conclu le contrat litigieux avec M. [Z], or, les dispositions du code de la consommation dont celui-ci se prévaut excluent du champ de ce code les contrats portant sur les services financiers ; cette exclusion résulte également de la directive du 25 octobre 2011 ; il est jugé que son activité purement locative relève du droit spécial tel que résultant du code monétaire et financier ;
- considérer son activité de location financière comme étant une activité non bancaire serait contraire au traitement qui en est fait sur les plans fiscal, comptable et prudentiel ;
- en vertu de l'article L. 212-2 du code de la consommation, ses contrats de location échappent donc au champ d'application de ses dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement.
M. [Z] fait valoir que :
- l'article L. 221-3 du code de la consommation prévoit que les dispositions de ce code sont applicables aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq, ce qui est le cas en l'espèce ;
- il remplit les trois conditions posées par ce texte, en ce qu'il n'employait pas plus de cinq salariés au jour du contrat, lequel a bien été conclu 'hors établissement', pour la location d'un photocopieur sans lien avec son activité principale de commerce de détail de journaux et papeterie en magasin spécialisé.
- le contrat devait donc respecter les dispositions de l'article L. 221-9 du code de la consommation, relatives à l'obligation d'information précontractuelle et au droit de rétractation, à peine de nullité conformément à l'article L. 242-1 du même code ; faute pour la société Locam de rapporter la preuve d'avoir respecté ces obligations, le contrat est nul, avec pour conséquence la restitution des loyers versés ;
- si les services financiers sont effectivement exclus du champ d'application du code de la consommation, le contrat de location n'est pas un contrat portant sur un service financier, en ce qu'il ne constitue ni une opération de banque, ni une opération de crédit ; les dispositions du code monétaire et financier invoquées par la société Locam sont sans lien avec la nature du contrat de location financière ;
- l'exclusion des services financiers prévue à l'article L. 221-2, 4°, du code de la consommation, qui doit être d'interprétation stricte, ne vise pas les services connexes ;
- la qualité de société de financement de la société Locam est indifférente à la qualification du contrat en cause, lequel constitue un contrat de louage ; la location simple n'est pas soumise à la réglementation bancaire.
Sur ce,
Selon l'article L. 221-2, 4°, du code de la consommation, sont exclus du champ d'application du présent chapitre les contrats portant sur les services financiers.
C'est par de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a écarté le moyen de la société Locam tiré de l'exclusion des services financiers du champ d'application des dispositions du code de la consommation invoquées par M. [Z].
Y ajoutant, il convient d'observer que, si le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois, à l'article 2, 12), qu'il faut entendre par «service financier», tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
Or, aux termes du contrat de location en cause, la société Locam acquiert le bien auprès du fournisseur et se trouve donc en être propriétaire ; à l'issue du contrat, le locataire dispose pour seule option de restituer le bien au bailleur ou de renouveler la location. Aucune option ne lui permet d'acquérir le bien ou de s'en voir transférer la propriété à l'issue du contrat.
Il en résulte que le contrat de location ne constitue aucunement une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation, mais une simple location de matériel.
Le fait que l'article L. 311-2, 6°, du code monétaire et financier permette à des établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, ne signifie pas pour autant que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas lorsqu'un tel contrat est conclu dans ces conditions.
En effet, l'article L. 311-2 se borne à définir, de façon exhaustive, les 'opérations connexes' que les établissements de crédit sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire. Il ne s'en déduit pas que l'établissement de crédit peut s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation.
De même, les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage bancaire ou financier ne permettent pas de soustraire le contrat de location aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l'article L. 341-2, 7°, du code monétaire et financier exclut expressément des règles du démarchage bancaire et financier, les contrats de financement de location aux personnes physiques ou morales.
Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement peuvent donc être invoquées par M. [Z] et le jugement sera confirmé à ce titre.
L'article L. 221-3 dispose que 'les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq'.
La société Locam ne conteste pas que ces conditions sont remplies en l'espèce et, en tout état de cause, M. [Z] justifie que le contrat a été conclu dans ses propres locaux professionnels, qu'il employait moins de cinq salariés et qu'il a une activité de commerce de détail de journaux et papeterie, de sorte que la location du photocopieur n'entrait pas dans le champ de son activité principale.
Comme l'a donc exactement retenu le tribunal, par des motifs que la cour adopte, les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-8 et suivants du code de la consommation s'appliquent et l'absence des informations relatives au droit de rétractation entraîne la nullité du contrat conclu avec la société Locam le 26 janvier 2016. Le jugement sera donc confirmé à ce titre. La condamnation de la société Locam au remboursement des loyers versés par M. [Z], conséquence de l'annulation prononcée, est également confirmée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Locam succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel. En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à M. [Z] la somme de 1.500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société LOCAM - Location Automobiles Matériels aux dépens d'appel ;
Condamne la société LOCAM - Location Automobiles Matériels à payer à M. [Z] la somme de mille cinq-cents euros (1.500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.