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Décisions

TA Lyon, 3e ch., 18 juillet 2024, n° 2309899

LYON

PARTIES

Demandeur :

Centre hospitalier Privas Ardèche

Défendeur :

Tarkett France (Sté), Tarkett (Sté), Tarkett AB (Sté), Tarkett Holding GmbH (Sté), Forbo Sarlino (Sté), Forbo Participations (Sté), Forbo Holding Ltd (Sté), Gerflor (Sté), Midfloor (Sté), Topfloor (Sté), Syndicat français des enducteurs calandreurs

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidente :

Mme MIchel

Rapporteure :

Mme Lacroix

Rapporteur public :

M. Bertolo

Avocats :

Me Pouillaude, Me Subremon, Me Reingewirtz, Me Kajdas, Me Seng, Me Sikorav, Me Blayney, Me Ferla

TA Lyon n° 2309899

17 juillet 2024

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2022 au greffe du tribunal administratif de Paris transmise par une ordonnance de renvoi du 27 octobre 2023 au tribunal administratif de Lyon et un mémoire enregistré le 7 mai 2024, le centre hospitalier Privas Ardèche, représenté par Mes Pouillaude, Subremon et Evin, demande :

1º) l'annulation du marché public portant sur le lot nº 12 " sols souples " des travaux de restructuration et d'extension de la résidence Rivoly à la Voulte-sur-Rhône conclu le 2 mars 2009 avec l'entreprise Jean Berthier et compagnie et de condamner in solidum les sociétés Tarkett France, Tarkett, Tarkett AB, Tarkett Holding GmbH, Forbo Sarlino, Forbo Participations, Forbo Holding Ltd, Gerflor, Midfloor et Topfloor et le Syndicat français des enducteurs calandreurs (SFEC) à lui rembourser la somme de 1 167 305,42 euros TTC, assortie des intérêts légaux à compter de la signature de l'acte d'engagement du marché, correspondant au coût total des travaux de ce lot ;

2º) à titre subsidiaire, la condamnation in solidum des sociétés Tarkett France, Tarkett, Tarkett AB, Tarkett Holding GmbH, Forbo Sarlino, Forbo Participations, Forbo Holding Ltd, Gerflor, Midfloor et Topfloor et du SFEC à lui verser la somme de 351 358,93 euros au titre du surcoût du marché et une somme correspondant à 20 % du montant du marché en réparation de la perte de chance d'acquérir des produits de meilleure qualité environnementale, assorties des intérêts légaux à compter de la signature de l'acte d'engagement du marché, ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et la prescription, en cas de besoin, d'une expertise avant-dire droit ;

3º) de solliciter l'avis de l'Autorité de la concurrence en application de l'article R. 775-3 du code de justice administrativepour l'évaluation de ses préjudices ;

4º) de mettre à la charge in solidum des sociétés Tarkett France, Tarkett, Tarkett AB, Tarkett Holding GmbH, Forbo Sarlino, Forbo Participations, Forbo Holding Ltd, Gerflor, Midfloor et Topfloor et du SFEC la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige, en particulier le tribunal administratif de Paris ;

- il y a lieu d'ordonner la communication de la notification des griefs et de la liste des pièces adressées par l'Autorité de la concurrence pour fixer l'étendue de ses préjudices;

- l'Autorité de la concurrence a sanctionné les défendeurs en raison de pratiques anticoncurrentielles sur le marché français de la fabrication et de la commercialisation des revêtements de sols résilients ;

- à titre principal, l'existence de pratiques anticoncurrentielles illicites est présumée établie de manière irréfragable dès lors que la décision de l'Autorité de la concurrence est devenue définitive ;

- il a conclu le marché portant sur le lot nº 12 " Sols souples " ayant pour objet la pose de revêtements de sols souples pendant la période de l'entente sanctionnée par l'Autorité de la concurrence ; l'absence de répercussion des surcoûts est présumée établie ;

- il est fondé à demander l'annulation de ce marché en application de l'article L. 420-3 du code de commerce et dès lors que son consentement a été vicié par dol ;

- il a droit à la restitution de la somme versée en règlement du coût du marché et à être indemnisé de la perte de chance d'acquérir des produits de meilleure qualité environnementale compte tenu de l'entente sanctionnée ;

- à titre subsidiaire, il doit être indemnisé, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, du surcoût payé en raison des pratiques anticoncurrentielles sanctionnées évalué à 30,1 % du montant TTC du marché et du préjudice subi du fait de l'absence de concurrence sur les normes environnementales ainsi que de son préjudice moral ;

- il est fondé à demander la condamnation in solidum des défendeurs ;

- il est fondé à demander l'avis de l'Autorité de la concurrence sur l'évaluation du préjudice financier dont il est demandé réparation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 janvier et 31 mai 2024, les sociétés Tarkett France, Tarkett AB, Tarkett Holding GmbH et Tarkett, représentées par Me Wachsmann, concluent au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, au renvoi de la question de la compétence de la juridiction administrative au Tribunal des conflits et à la transmission à la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle et, en tout état de cause, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Privas Ardèche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- les conclusions présentées à fin d'annulation du marché conclu avec l'entreprise Jean Berthier et compagnie sont mal dirigées ;

- les conclusions présentées à fin d'indemnisation sont portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; en cas de difficulté sérieuse, il convient de saisir le Tribunal des conflits de la question ;

- les conclusions aux fins de saisine de l'Autorité de la concurrence et d'expertise avant-dire droit doivent être rejetées ;

- les dispositions des articles L. 481-1, L. 481-2, L. 481-3, L. 481-4, L. 481-5 et L. 481-7 du code de commerce ne sont pas applicables ;

- les préjudices subis et le lien de causalité avec les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées ne sont pas établis ;

- la procédure instituée à l'article R. 775-3 du code de justice administrative est contraire aux principes généraux des droits de la défense consacrés aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; il y a lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne de cette question et de surseoir à statuer sur la requête jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 janvier et 31 mai 2024, les sociétés Forbo Sarlino, Forbo Participations et Forbo Holding Ltd, représentées par Me Vogel, concluent au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, au renvoi de la question de la compétence de la juridiction administrative au Tribunal des conflits et, en tout état de cause, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Privas Ardèche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- la requête est portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; en cas de difficulté sérieuse, il convient de saisir le Tribunal des conflits de la question ;

- l'action indemnitaire engagée par le centre hospitalier dirigée contre la société Forbo Holding est prescrite en application de l'article 2224 du code civil ;

- les conclusions à fin d'annulation du marché conclu avec l'entreprise Jean Berthier et compagnie sont irrecevables dès lors qu'elles ne sont pas les titulaires du marché ;

- les conclusions aux fins de saisine de l'Autorité de la concurrence et d'expertise avant-dire droit doivent être rejetées ;

- les dispositions du code de commerce issues de l'ordonnance du 9 mars 2017 ne sont pas applicables ;

- les préjudices subis et le lien de causalité avec les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées ne sont pas établis.

Par des mémoires enregistrés les 29 janvier et 31 mai 2024, la société Gerflor, représentée par Me Seng, conclut au rejet la requête ou, à titre subsidiaire, au renvoi de la question de la compétence de la juridiction administrative au Tribunal des conflits et, en tout état de cause, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Privas Ardèche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; en cas de difficulté sérieuse, il convient de saisir le Tribunal des conflits de la question ;

- les conclusions présentées à fin d'annulation du marché conclu avec l'entreprise Jean Berthier et compagnie et de restitution de la somme versée en règlement du coût de ce marché sont mal dirigées ;

- la somme demandée en remboursement du coût du règlement du marché inclut des dépenses qui ont été utiles au centre hospitalier ;

- les dispositions du code de commerce issues de l'ordonnance du 9 mars 2017 ne sont pas applicables ;

- la faute commise, les préjudices dont le centre hospitalier demande réparation et le lien de causalité entre cette faute et ces préjudices ne sont pas établis ;

- les conclusions aux fins de saisine de l'Autorité de la concurrence et d'expertise avant-dire droit doivent être rejetées ;

- il y a lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de la question de la conformité de l'article R.775-3 du code de justice administrative avec le principe du contradictoire tel que consacré par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires enregistrés les 7 février et 31 mai 2024, la société Hestiafloor 2, appelée en la cause en lieu et place des sociétés radiées Midfloor et Topfloor, représentée par Me Seng, conclut à sa mise hors de cause, au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Privas Ardèche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- l'action indemnitaire engagée par le centre hospitalier dirigée contre elle est prescrite en application de l'article 2224 du code civil ;

- elle n'a commis aucune faute personnelle ;

- l'action indemnitaire n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2024, le syndicat professionnel Kaléi, représenté par Me Ferla, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Privas Ardèche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il fait valoir que :

- la requête est portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

- les conclusions présentées à fin d'annulation du marché conclu avec l'entreprise Jean Berthier et compagnie et de restitution de la somme versée en règlement du coût de ce marché sont mal dirigées dès lors qu'il n'a pas contracté directement avec le centre hospitalier et qu'il ne peut être considéré comme l'un des participants à l'entente ;

- les dispositions du code de commerce issues de l'ordonnance du 9 mars 2017 ne sont pas applicables ;

- le centre hospitalier n'apporte aucune démonstration de la faute qu'il aurait commise ;

- les préjudices dont le centre hospitalier demande réparation ne sont pas établis ;

- les conclusions aux fins de saisine de l'Autorité de la concurrence et d'expertise avant-dire droit doivent être rejetées.

Un mémoire enregistré le 5 juin 2024 présenté pour le centre hospitalier Privas Ardèche n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 6 juin 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Un mémoire enregistré le 6 juin 2024 présenté pour la société Gerflor n'a pas été communiqué.

Un mémoire enregistré le 7 juin 2024 présenté pour les sociétés Forbo Sarlino, Forbo Participations et Forbo Holding Ltd n'a pas été communiqué.

Un mémoire enregistré le 11 juin 2024 présenté pour le syndicat professionnel Kaléi n'a pas été communiqué.

Vu :

- la décision nº 17-D-20 du 18 octobre 2017 de l'Autorité de la concurrence ;

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 ;

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- la loi nº 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

- la loi nº 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- l'ordonnance nº 2017-303 du 9 mars 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lacroix,

- les conclusions de M. Bertolo, rapporteur public,

- et les observations de Mes Pouillaude, Subremon, Reingewirtz, représentant le centre hospitalier Privas Ardèche, de Me Kajdas, représentant les sociétés Forbo Holding, Forbo Participations et Forbo Sarlino, de Me Seng, représentant les sociétés Gerflor et Hestiafloor 2, de Mes Sikorav et Blayney représentant les sociétés Tarkett AB, Tarkett, Tarkett France, Tarkett Holding Gmbh, et de Me Ferla, représentant le syndicat professionnel Kaléi ;

Des notes en délibéré, présentées pour le centre hospitalier Privas Ardèche et le syndicat professionnel Kaléi, ont été enregistrées respectivement le 13 et le 20 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 18 octobre 2017, l'Autorité de la concurrence a sanctionné, pour pratiques anticoncurrentielles ayant pris la forme d'une entente illicite dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des produits de revêtements de sol, la société Tarkett France, en tant qu'auteur et solidairement avec les sociétés Tarkett, Tarkett AB et Tarkett Holding GmbH, en leur qualité de sociétés mères, la société Forbo Sarlino, en tant qu'auteur et solidairement avec les sociétés Forbo Participations et Forbo Holding LTD, en leur qualité de sociétés mères, la société Gerflor SAS, en tant qu'auteur et solidairement avec les sociétés Midfloor SAS et Topfloor SAS, en leur qualité de sociétés mères, et le syndicat français des enducteurs calandreurs (SFEC). Dans le cadre de la restructuration et de l'extension de la résidence Rivoly à la Voulte-sur-Rhône, le centre hospitalier des Vals d'Ardèche devenu centre hospitalier Privas Ardèche a, par un acte d'engagement du 2 mars 2009, confié à l'entreprise Jean Berthier et compagnie la réalisation du lot nº 12 correspondant aux travaux de pose des revêtements de sols souples fabriqués et fournis au moins en partie par la société Gerflor. Estimant avoir subi des préjudices résultant de ces pratiques anticoncurrentielles à l'occasion de ces travaux, le centre hospitalier demande l'annulation du marché conclu avec l'entreprise Jean Berthier et compagnie et de condamner in solidum les sociétés sanctionnées et le SFEC à lui rembourser le coût de ce marché ou, à titre subsidiaire, la condamnation des mêmes à l'indemniser du surcoût du marché, de la perte de chance d'acquérir des produits de meilleure qualité environnementale et de son préjudice moral.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction :

2. D'une part, le marché conclu entre le centre hospitalier des Vals d'Ardèche et l'entreprise Jean Berthier et compagnie portant sur le lot nº 12 du marché de travaux de restructuration et d'extension de la " résidence Rivoly " à la Voulte-sur-Rhône, passé en application du code des marchés publics, est un contrat administratif en application de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier. Par suite, le recours introduit par le centre hospitalier Privas Ardèche contestant sa validité ressortit à la compétence de la juridiction administrative.

3. D'autre part, le présent litige a également pour objet l'engagement de la responsabilité de personnes auteurs de pratiques anticoncurrentielles dont le centre hospitalier Privas Ardèche est susceptible d'avoir été victime à l'occasion de la passation d'un marché public. Ce litige ressortit à la compétence de la juridiction administrative.

4. Par suite les exceptions d'incompétence opposées en défense ne peuvent être accueillies, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l'action introduite par le centre hospitalier Privas Ardèche relève ou non de la juridiction administrative.

5. Enfin, en application de l'article R. 312-11 du code de justice administrative, qui dispose qu'en matière précontractuelle, contractuelle et quasi contractuelle le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu prévu pour l'exécution du contrat, le tribunal compétent pour connaître du présent litige est le tribunal administratif de Lyon.

Sur les conclusions en contestation de validité du contrat :

6. Aux termes de l'article L. 420-3 du code de commerce : " Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles L. 420-1(). ". Aux termes de l'article L. 420-1 de ce code : " Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : / 1º Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; / 2º Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; / 3º Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; / 4º Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement. ".

7. Si par la décision du 18 octobre 2017, l'Autorité de la concurrence a sanctionné les sociétés Tarkett France, Tarkett, Tarkett AB et Tarkett Holding GmbH, Forbo Sarlino, Forbo Participations et Forbo Holding LTD, Gerflor SAS, Midfloor SAS et Topfloor SAS et le SFEC pour pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles 101 du traité sur le fondement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce, le contrat conclu entre le centre hospitalier des Vals d'Ardèche, devenu centre hospitalier Privas Ardèche, et l'entreprise Jean Berthier et compagnie ne se rapporte pas à de telles pratiques au sens de ces dispositions. Si, lorsqu'une personne publique est victime, de la part de son cocontractant, de pratiques anticoncurrentielles constitutives d'un dol ayant vicié son consentement, elle peut saisir le juge administratif, alternativement ou cumulativement, d'une part, de conclusions tendant à ce que celui-ci prononce l'annulation du marché litigieux et tire les conséquences financières de sa disparition rétroactive, et, d'autre part, de conclusions tendant à la condamnation du cocontractant, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle, à réparer les préjudices subis en raison de son comportement fautif, il n'est pas établi ni même allégué en l'espèce que l'entreprise Jean Berthier et compagnie aurait obtenu le consentement du centre hospitalier par des manœuvres, mensonges ou dissimulation d'une information dont elle savait le caractère déterminant pour lui.

8. Par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à demander l'annulation du marché conclu le 2 mars 2009 avec cette entreprise ainsi que la restitution des sommes versées en exécution de ce contrat.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Lorsqu'une personne publique est victime, à l'occasion de la passation d'un marché public, de pratiques anticoncurrentielles, il lui est loisible de mettre en cause la responsabilité quasi-délictuelle non seulement de l'entreprise avec laquelle elle a contracté, mais aussi des entreprises dont l'implication dans de telles pratiques a affecté la procédure de passation de ce marché, et de demander au juge administratif leur condamnation solidaire.

En ce qui concerne l'exception de prescription :

10. Aux termes de l'article L. 481-1 du code de commerce, issue de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles : " Toute personne physique ou morale formant une entreprise () est responsable du dommage qu'elle a causé du fait de la commission d'une pratique anticoncurrentielle (). ". Aux termes de l'article L. 482-1 du même code dans la même rédaction : " L'action en dommages et intérêts fondée sur l'article L. 481-1 se prescrit à l'expiration d'un délai de cinq ans. Ce délai commence à courir du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître de façon cumulative : / 1º Les actes ou faits imputés à l'une des personnes physiques ou morales mentionnées à l'article L. 481-1 et le fait qu'ils constituent une pratique anticoncurrentielle ; / 2º Le fait que cette pratique lui cause un dommage ; / 3º L'identité de l'un des auteurs de cette pratique. / (). ". Aux termes de l'article 12 de cette ordonnance : " I. Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le lendemain de sa publication. / Toutefois, les dispositions, d'une part, des articles L. 462-3, L. 483-1 à L. 483-4, L. 483-6, L. 483-7 et L. 483-9, du code de commerce ainsi que des quatre premiers alinéas des articles L. 483-5 et L. 483-8 de ce même code et, d'autre part, de l'article L. 775-2 du code de justice administrative, issues de la présente ordonnance sont applicables aux instances introduites devant les juridictions administratives et judiciaires à compter du 26 décembre 2014. / II. Les dispositions de la présente ordonnance qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. ".

11. Il résulte des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles qui a transposé la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l'Union européenne, lues à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 juin 2022, Volvo AB et DAF Trucks NV c. RM (C-267/20), que les dispositions de l'article L. 482-1 du code de commerce créées par cette ordonnance instituant une nouvelle règle de prescription s'appliquent aux actions indemnitaires introduites à compter de leur entrée en vigueur, y compris lorsqu'elles portent sur des pratiques anticoncurrentielles qui ont pris fin avant leur entrée en vigueur, dans la mesure où ces actions n'étaient pas déjà prescrites en vertu des règles antérieurement applicables.

12. Enfin, aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (). ". Une citation en justice, au fond ou en référé, n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.

13. En premier lieu, la requête introduite le 27 juillet 2022 au greffe du tribunal administratif de Paris par le centre hospitalier Privas Ardèche tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de pratiques anticoncurrentielles, dirigée à l'encontre notamment de la société Forbo Holding, a interrompu le délai de prescription de cinq ans prévu à l'article L. 482-1 du code de commerce à l'encontre de cette société, lequel n'a commencé à courir qu'à compter de la date de la décision de l'Autorité de la concurrence sanctionnant de telles pratiques, soit le 18 octobre 2017, et ce alors même que, ayant son siège social en Suisse, la requête ne lui aurait pas été notifiée dans les formes prescrites par les conventions internationales.

14. En second lieu, cette requête, également dirigée contre les sociétés Midfloor et Topfloor, a interrompu la prescription à l'égard de ces deux sociétés, auxquelles la société Hestiafloor 2 vient aux droits.

15. Par suite l'exception de prescription opposée par les sociétés Forbo Holding et Hestiafloor 2 ne peut être accueillie.

En ce qui concerne les responsabilités :

16. Aux termes de l'article L. 481-2 du code de commerce : " Une pratique anticoncurrentielle mentionnée à l'article L. 481-1 est présumée établie de manière irréfragable à l'égard de la personne physique ou morale désignée au même article dès lors que son existence et son imputation à cette personne ont été constatées par une décision qui ne peut plus faire l'objet d'une voie de recours ordinaire pour la partie relative à ce constat, prononcée par l'Autorité de la concurrence ou par la juridiction de recours. / (). ".

17. Il résulte des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 9 mars 2017, qui a transposé la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014, lues à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 20 avril 2023, Repsol Comercial de Productos Petrolíferos (C-25/21) que les dispositions de l'article L. 481-2 du code de commerce créées par cette ordonnance, instituant une prescription irréfragable de pratique anticoncurrentielle à l'égard de la personne physique ou morale qui a été reconnue responsable de telles pratiques par l'Autorité de la concurrence ou la juridiction de recours par une décision devenue définitive, s'applique aux actions indemnitaires introduites à compter de leur entrée en vigueur, y compris lorsqu'elles portent sur des pratiques anticoncurrentielles qui ont pris fin avant leur entrée en vigueur, dans la mesure où la décision de l'Autorité de la concurrence constatant ces pratiques et leur imputabilité à cette personne est devenue définitive postérieurement au 26 décembre 2016, date d'expiration du délai de transposition de la directive du 26 novembre 2014.

18. Dès lors que par la décision du 18 octobre 2017, l'Autorité de la concurrence a sanctionné les sociétés Tarkett France, Tarkett, Tarkett AB et Tarkett Holding GmbH, Forbo Sarlino, Forbo Participations et Forbo Holding LTD, Gerflor SAS, Midfloor SAS et Topfloor SAS et le SFEC pour pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles 101 du traité sur le fondement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce, le centre hospitalier Privas Ardèche est fondé à soutenir que ces sociétés et syndicat sont présumés de manière irréfragable avoir commis des pratiques anticoncurrentielles en application de l'article L. 481-2 du code de commerce. Par suite, le centre hospitalier Privas Ardèche est fondé à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de ces sociétés et syndicat du fait de ces pratiques.

19. La circonstance que la société Hestiafloor 2 ne soit pas visée par les conclusions indemnitaires est sans incidence sur la responsabilité des sociétés Midfloor et Topfloor, aux droits desquelles est venue la société Hestiafloor 2, qui a absorbé la société Topfloor, qui elle-même avait absorbé la société Midfloor.

En ce qui concerne l'existence de préjudices et le lien de causalité :

20. En vertu de l'article L. 481-3 du code de commerce, le préjudice subi par le demandeur du fait de la pratique anticoncurrentielle mentionnée à l'article L. 481-1 comprend notamment la perte résultant du surcoût correspondant à la différence entre le prix du bien ou du service qu'il a effectivement payé et celui qui l'aurait été en l'absence de commission de l'infraction, sous réserve de la répercussion totale ou partielle de ce surcoût qu'il a éventuellement opérée sur son contractant direct ultérieur, la perte de chance et le préjudice moral. Selon les articles L. 481-4 et L. 481-5 de ce code, l'acheteur indirect est réputé n'avoir pas répercuté le surcoût sur ses contractants directs, sauf preuve contraire apportée par l'auteur de la pratique anticoncurrentielle, et est réputé avoir subi, sauf preuve contraire apportée par le défendeur, la répercussion d'un surcoût lorsque, ayant acheté des biens ou utilisé des services concernés par la pratique anticoncurrentielle, le défendeur a commis une pratique anticoncurrentielle mentionnée à l'article L. 481-1 qui a entraîné un surcoût pour son contractant direct. Enfin, en vertu de l'article L. 481-7 de ce même code, le préjudice est présumé en cas d'entente entre concurrents jusqu'à preuve du contraire.

21. Il résulte des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 9 mars 2017, qui a transposé la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014, lues à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 juin 2022, Volvo AB et DAF Trucks NV c. RM (C-267/20), que les dispositions des articles L. 481-3, L. 481-4, L. 481-5 et L. 481-7 du code de commerce doivent être interprétées en ce sens qu'elles constituent des dispositions substantielles, au sens de l'article 22, paragraphe 1, de cette directive, et que ne relève pas de leur champ d'application temporel un recours en dommages et intérêts qui, bien qu'introduit après l'entrée en vigueur des dispositions transposant tardivement ladite directive dans le droit national, porte sur une infraction au droit de la concurrence qui a pris fin avant la date d'expiration du délai de transposition de celle-ci.

22. Il résulte de l'instruction, notamment de la décision du 18 octobre 2017 de l'Autorité de la concurrence, que les infractions au droit de la concurrence en cause ont cessé avant le 26 décembre 2016, date d'expiration du délai de transposition de la directive du 26 novembre 2014, de sorte que le centre hospitalier Privas Ardèche ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 481-3, L. 481-4, L. 481-5 et L. 481-7 du code de commerce. Il lui revient dès lors d'établir les préjudices que lui auraient causés les pratiques anticoncurrentielles en cause.

S'agissant du surcoût :

23. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de la décision de l'Autorité de la concurrence du 18 octobre 2017, que les sociétés Forbo, Gerflor et Tarkett ont, au cours de la période allant du 8 octobre 2001 au 22 septembre 2011, participé à plusieurs accords et pratiques concertées consistant à fixer en commun des prix minimums et leur évolution, à fixer en commun des hausses de prix générales et leurs modalités d'application, à échanger des données individualisées, récentes et détaillées portant sur les ventes en volume et sur les prix moyens de vente par produit. Ces pratiques, qui ont concerné l'ensemble du territoire français et porté sur l'ensemble des produits et accessoires de revêtements de sols résilients en polychlorure de vinyle (PVC) ou en linoléum, ont pu permettre aux sociétés concernées représentant, suivant les différents canaux de distribution, entre 65 et 85 % du marché en cause, d'appliquer une politique tarifaire différente de celles qu'elles auraient adoptée dans le cadre du fonctionnement concurrentiel du marché et ont ainsi porté atteinte à la fixation des prix par le libre jeu du marché. Il ressort par ailleurs de la décision de l'Autorité de la concurrence que les sociétés Forbo, Gerflor et Tarkett ont échangé, entre 1990 et 2013, des informations stratégiques relevant du secret des affaires et relatives à leurs prévisions commerciales, grâce au concours actif du syndicat professionnel qui, sciemment, a adapté les modalités d'échanges afin de les rendre plus difficilement détectables, ce qui a permis de les pérenniser. Ces pratiques ont permis aux sociétés concernées de disposer d'une parfaite connaissance de leurs concurrents et de mieux anticiper les comportements des acteurs du marché, et ainsi d'adapter en temps utile leur stratégie et politique commerciale, faussant de ce fait le jeu de la concurrence. Il en résulte que les pratiques sanctionnées, relatives pour certaines à la fixation même des prix de vente, ont eu pour effet d'augmenter le prix des produits et accessoires de revêtements de sols résilients en PVC ou en linoléum sur le marché français.

24. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction, d'une part, que les hausses de prix concertées entre les sociétés sanctionnées pouvaient être des prix " fourni/posé " communiqués aux prescripteurs, d'autre part, que l'entreprise Jean Berthier et compagnie a posé, dans le cadre de la restructuration et l'extension de la " résidence Rivoly " à la Voulte-sur-Rhône, des revêtements de sols au cours des périodes pendant lesquelles les pratiques anticoncurrentielles ont été mises en œuvre, acquis, au moins pour partie, auprès de la société Gerflor. Les avis de situation versés à l'instance font état de prix unitaires de revêtements de sols, sans distinguer entre le coût des matières premières et le coût de la pose, rendant certain une répercussion, au moins partielle, des hausses du prix d'achat des revêtements de sols sur le prix facturé au centre hospitalier. Si les défendeurs font valoir que cette répercussion du surcoût en amont n'est pas établie, elles n'apportent aucun élément sérieux au soutien de leur allégation.

25. En dernier lieu, le centre hospitalier Privas Ardèche, qui est le consommateur final des produits acquis et utilisés dans le cadre du marché public en cause, ne pouvait répercuter les surcoûts qu'il a supportés, contrairement à ce que soutiennent les sociétés en défense.

26. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Privas Ardèche est fondé à soutenir qu'il a subi un préjudice lié à la perte résultant du surcoût correspondant à la différence entre le prix pour la fourniture des revêtements de sols qu'il a effectivement payé et celui qui l'aurait été en l'absence de commission des infractions en cause.

S'agissant de la perte de chance d'acquérir des produits plus performants :

27. Il résulte de l'instruction, en particulier de la décision de l'Autorité de la concurrence du 18 octobre 2017, que les sociétés Forbo, Gerflor et Tarkett, ainsi que le SFEC, devenu le syndicat professionnel Kaléi, ont, au cours de la période allant de 2002 à 2011, mis en œuvre une entente visant à limiter la concurrence sur les aspects environnementaux attachés à la fabrication et à la commercialisation des produits. Cet accord entre les fabricants adhérents au syndicat, qui représentent l'essentiel des acteurs du secteur, avait pour finalité de prévenir toute concurrence fondée sur les performances environnementales de leurs produits respectifs et a pu, selon l'Autorité, dissuader les entreprises d'améliorer les performances techniques de leurs produits et d'investir dans les processus innovants visant à améliorer les performances environnementales, en particulier au regard de l'émission de composés organiques volatils, alors que la valeur respective des produits sur ce point constitue, dans le secteur concerné, un des critères essentiels du choix des acheteurs.

28. Si cet accord a pu freiner les fabricants à innover afin d'accroître la qualité environnementale des produits, en se bornant à soutenir avoir acquis indirectement de tels produits pendant la période d'effet de cette entente, le centre hospitalier Privas Ardèche ne justifie pas avoir subi un préjudice personnel tenant à la privation de la qualité environnementale des produits du fait de l'entente. Il en résulte qu'il n'est pas fondé à être indemnisé de ce chef de préjudice.

S'agissant du préjudice moral :

29. Le centre hospitalier Privas Ardèche n'établit pas avoir subi un préjudice d'image et de notoriété portant atteinte à sa réputation. Par suite, il n'est pas fondé à demander à être indemnisé de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :

30. Le centre hospitalier Privas Ardèche, estime, sur la base d'une étude du 8 juillet 2022 menée par la société de conseil OCA Economics, avoir subi un préjudice économique au titre du surcoût s'élevant à 30,1 % du montant du marché conclu le 2 mars 2009 avec l'entreprise Jean Berthier et compagnie. Cette étude, non contradictoire, est sérieusement contestée par les défendeurs, notamment s'agissant de la méthodologie et des données utilisées. Par suite, l'état du dossier ne permet pas au tribunal de déterminer le préjudice subi par le centre hospitalier Privas Ardèche.

31. Dans ces conditions, y a lieu, avant-dire droit, d'ordonner une expertise. La désignation et la mission de l'expert sont fixées comme précisé à l'article 2 du présent jugement.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions du centre hospitalier Privas Ardèche en contestation de la validité du marché passé le 2 mars 2009 avec l'entreprise Jean Berthier et compagnie ainsi que celles tendant au remboursement du coût de ce marché sont rejetées.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier Privas Ardèche, procédé par un expert, désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon, à une expertise avec pour mission de :

1º Se faire communiquer tous documents, contractuels ou non, utiles à l'accomplissement de sa mission et, notamment, tous les documents relatifs au marché portant sur le lot nº 12 de l'opération de restructuration et d'extension de la résidence Rivoly et aux contrats conclus entre l'entreprise Jean Berthier et compagnie et les fabricants de revêtements de sols ou d'autres intermédiaires ou sous-traitants ;

2º Déterminer le prix des revêtements de sols, pose déduite, effectivement payé par le centre hospitalier des Vals d'Ardèche, dans le cadre de ce marché, en distinguant la nature et l'origine des produits ;

3º Déterminer le prix de ces produits qui aurait prévalu en l'absence des ententes illicites exposées au point 23 du présent jugement et sanctionnées par l'Autorité de la concurrence dans sa décision du 18 octobre 2017 sur la base d'une analyse contrefactuelle décrite dans le guide pratique accompagnant la communication de la Commission européenne nº 2013/C 167/07 du 13 juin 2013 ;

4º Déterminer la part du surcoût répercutée sur le centre hospitalier des Vals d'Ardèche à partir d'une méthodologie éprouvée au regard notamment des documentations officielles accessibles en la matière, notamment de la communication de la Commission européenne nº 2019/C 267/07 du 9 août 2019 ;

5º Etablir en conséquence le préjudice économique (excédent de facturation et/ou perte de chance d'obtenir des prix plus favorables), subi par le centre hospitalier des Vals d'Ardèche résultant des ententes illicites mentionnées au point 23 du présent jugement et sanctionnées par l'Autorité de la concurrence dans sa décision nº 17-D-20 du 18 octobre 2017 ;

6º Exposer et justifier la ou les méthodes d'évaluation du préjudice susceptibles d'être mises en œuvre, au regard des principes fixés dans le guide pratique visé au 3º ;

7º se rendre dans les locaux du centre hospitalier Privas Ardèche, en tant que de besoin, après avoir convoqué les parties et l'entreprise Jean Berthier et compagnie, dans les conditions définies par l'article R. 621-7 du code justice administrative, et de faire toutes constatations utiles ;

8º procéder à toute audition utile ;

9º d'une manière générale, entendre tous sachants et donner au tribunal toutes informations ou appréciation utiles de nature à lui permettre de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer le préjudice subi ;

10º concilier, s'il l'estime possible, les parties à l'issue des opérations d'expertise.

Article 3 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre le centre hospitalier Privas Ardèche et les sociétés Tarkett France, Tarkett, Tarkett AB, Tarkett Holding GmbH, Forbo Sarlino, Forbo Participations, Forbo Holding Ltd, Gerflor et Hestiafloor 2 et le syndicat professionnel Kaléi.

Article 4 : L'expert accomplira la mission définie à l'article 1er dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef du tribunal. L'expert déposera son rapport au greffe sous forme électronique par le biais de la plateforme d'échanges dans le délai fixé par la présidente du tribunal dans sa décision le désignant.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent jugement sera notifié au centre hospitalier Privas Ardèche, aux sociétés Tarkett France, Tarkett, Tarkett AB, Tarkett Holding GmbH, Forbo Sarlino, Forbo Participations, Forbo Holding Ltd, Gerflor et Hestiafloor 2 et au syndicat professionnel Kaléi.