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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 13 août 2024, n° 19/01658

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux

Défendeur :

Époux (U), Axa France Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

Mme Willm, M. Maurel

Avocats :

Me Maurin, Me Guy, Me Ben Daoud, Me Charlemagne

TGI Belfort, du 13 juin 2019, n° 18/0065…

13 juin 2019

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Par acte notarié du 8 mars 2017, M. [C] [U] et son épouse, née [P] [G], ont vendu à M. [E]-[B] [W] et son épouse, née [S] [A], un immeuble sis à [Localité 8] (90), au prix de 360 000 euros.

Par exploit du 11 juillet 2018, faisant valoir que l'immeuble était affecté de vices cachés, et qu'ils avaient été victimes d'un dol, les acquéreurs ont fait assigner les vendeurs devant le tribunal de grande instance de Belfort en paiement de la somme de 80 000 euros au titre de la réduction du prix, de celle de 10 000 euros en indemnisation de leur trouble de jouissance, ainsi que de celle de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Les vendeurs ont sollicité le rejet des demandes formées à leur encontre, contestant certains des désordres invoqués, et considérant que les autres étaient apparents ou n'étaient apparus que postérieurement à la vente.

Par jugement du 13 juin 2019, le tribunal a :

- débouté M. [E]-[B] [W] et Mme [S] [A] de leurs entières prétentions principales et accessoires formées à l'encontre de M. [C] [U] et de Mme [P] [G] épouse [U] ;

- condamné M. [E]-[B] [W] et Mme [S] [A] à payer à M. [C] [U] et de Mme [P] [G] épouse [U] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E]-[B] [W] et Mme [S] [A] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que les désordres reprochés étaient, soit insuffisamment prouvés (chauffage), soit constitutifs de vices apparents (volets, interrupteurs), soit constitutifs de vices insuffisamment graves au sens des articles 1641 et suivants du code civil (dysfonctionnements électriques portant sur des installations accessoires, décollement de crépi d'une superficie limitée, absence d'annotation ou indication au tableau électrique) ;

- qu'à supposer que les désordres invoqués soient avérés et plus consistants que ce dont rendaient

compte les éléments actuels du dossier, il existait une clause contractuelle d'exclusion de garantie des vices cachés ; que rien au dossier n'établissait que les époux [U] soient des professionnels de l'immobilier ; que les demandeurs articulaient principalement leur argumentation selon laquelle les vendeurs connaissaient les vices sur l'allégation qu'ils avaient habité les lieux ; que pourtant les défendeurs répondaient que les acheteurs étaient parfaitement informés de la situation au moment de la vente ; que, de plus, les profanes en matière immobilière pouvaient, par habitude, vivre à côté de certains vices affectant leur habitat, qu'ils soient cachés ou qu'ils soient même visibles, sans qu'il y ait lieu d'y trouver malice au moment de la vente immobilière, dès lors que, comme en l'occurrence, ces prétendus désordres ne les avaient pas empêchés d'habiter pendant des années ; que, pour décrier le comportement des vendeurs, les demandeurs produisaient encore deux attestations non conformes aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile, évoquant le fait que M. [U] aurait fait des retouches de peinture sur la façade peu avant la vente ; que ce comportement, naturel pour quelqu'un se souciant de l'esthétique et de la couleur de la chose qu'il va céder, ne suffisait pas à démontrer qu'existaient alors les risques évidents de décollement de crépi que déploraient les acheteurs ; que l'élément psychologique permettant de déroger à la clause d'exclusion de recours était ainsi insuffisamment établi ;

- que, de même, en l'absence remarquée d'éléments révélant que le consentement des acheteurs ait été vicié à l'époque du contrat, au moyen de manoeuvres, de mensonges ou d'une dissimulation intentionnelle, le moyen tiré du dol ne pouvait prospérer ; qu'enfin, le dol invoqué en tant que délit civil se heurtait au principe du non cumul de responsabilités, délictuelle et contractuelle, puisque la faute ici reprochée, qui aurait consisté pour le vendeur à commettre un dol propre à vicier le consentement de l'acheteur et à lui causer préjudice, était par essence contractuelle.

Les époux [W] ont relevé appel de cette décision le 2 août 2019.

Par ordonnance d'incident du 27 octobre 2020, le conseiller de la mise en état, saisi par les époux [W], a mis en oeuvre une expertise judiciaire dont il a confié l'exécution à M. [X] [Z].

Par exploit du 18 mai 2021, les époux [U] ont fait assigner en garantie la SA AXA France IARD, en sa qualité d'assureur de la société ayant réalisé les travaux d'étanchéité sur l'immeuble vendu.

Par ordonnance d'incident du 23 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré l'expertise judiciaire commune et opposable à la société AXA France IARD.

Par conclusions récapitulatives n°2 après expertise transmises le 14 décembre 2023, les appelants demandent à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

Jugeant de nouveau,

- d'homologuer le rapport de M. [Z] ;

Vu l'article 1792-1 du code civil,

- de déclarer que les époux [U] sont constructeurs et doivent dès lors les garanties légales et jurisprudentielles ;

A titre principal

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

- de condamner in solidum M. et Mme [U] et AXA à payer aux époux [W] la somme de 24 750 euros TTC au titre des désordres sur l'étanchéité des couvertures ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] et AXA à payer aux époux [W] la somme de 22 000 euros TTC au titre des désordres sur l'étanchéité des couvertures (sic) ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] à payer aux époux [W] une somme de 6 600 euros au regard de la dangerosité du fait de l'absence de garde-corps ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] à payer aux époux [W] une somme de 8 250 euros au titre des désordres affectant l'électricité et VMC ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] et AXA à payer aux époux [W] une somme de 8 500 euros au titre du préjudice de jouissance et de la nécessité d'un maître d'oeuvre ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] et AXA à payer aux époux [W] une somme de 2 000 euros pour le coût d'une assurance dommages ouvrage ;

A titre subsidiaire

Vu les articles 1792-4-3 du code civil,

- de condamner in solidum M. et Mme [U] et AXA à payer aux époux [W] la somme de 24 750 euros TTC au titre des désordres sur l'étanchéité des couvertures ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] et AXA à payer aux époux [W] la somme de 22 000 euros TTC au titre des désordres sur l'étanchéité des couvertures (sic) ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] à payer aux époux [W] une somme de 6 600 euros au regard de la dangerosité du fait de l'absence de garde-corps ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] à payer aux époux [W] une somme de 8 250 euros au titre des désordres affectant l'électricité et VMC ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] et AXA à payer aux époux [W] une somme de 8 500 euros au titre du préjudice de jouissance et de la nécessité d'un maître d'oeuvre ;

- de condamner in solidum M. et Mme [U] et AXA à payer aux époux [W] une somme de 2 000 euros pour le coût d'une assurance dommages ouvrage ;

En tout état de cause

- de condamner in solidum M. et Mme [U] et AXA à payer aux époux [W] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700, comprenant frais d'huissier (constats), frais d'expertise [J] et frais d'avocat ;

- ainsi que les entiers dépens dont expertise [Z] qui seront recouvrés par la SELARL Maurin Associés pour ceux de première instance pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 5 octobre 2023, les époux [U] demandent à la cour :

Vu les dispositions de l'article 1792 du code civil,

Vu l'article 566 du code de procédure civile,

A titre principal

- de dire et juger irrecevables les demandes formées par M. et Mme [W]-[A] pour la première fois devant la cour d'appel, et notamment, celles formées au titre des barrières de sécurité, ou au titre d'un prétendu préjudice de l'absence de souscription de l'assurance dommages-ouvrage ;

- de débouter en conséquence M. et Mme [W]-[A] de l'ensemble de leurs demandes ;

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- de condamner M. et Mme [W]-[A] à payer à M. et Mme [U] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire

- de dire et juger que M. et Mme [U] sont fondés à opposer à M. et Mme [W]-[A] la clause élusive de garantie contenue dans l'acte de vente, pour les désordres ne présentant pas un caractère décennal ;

- de dire et juger que les désordres affectant le crépi n'atteignent pas l'ouvrage dans sa destination et ne le compromettent pas dans sa destination ;

- de débouter en conséquence M. et Mme [W]-[A] de leurs demandes formées au titre des crépis et du reparamétrage de l'installation électrique ;

En toute hypothèse

- de condamner la société AXA France IARD à relever et garantir M. et Mme [U] de toute condamnation prononcée à leur encontre, du fait de travaux réalisés par la société Dela Etanchéité, en principal, frais et accessoire ;

- de juger que la garantie de la société AXA France IARD portera également sur les travaux de réfection des crépis qui sont la conséquence du défaut d'étanchéité des couvertures ;

- de juger que M. et Mme [W] ne démontrent pas que le défaut de paramétrage préexistait à la vente ;

- de débouter en conséquence M. et Mme [W] de leur demande formée au titre du mauvais paramétrage de l'installation ;

- de dire et juger l'action des époux [W]-[A] portant sur l'absence de barrière de sécurité prescrite ;

- de condamner la société AXA France IARD à payer à M. et Mme [U] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les dépens de première instance et d'expertise et d'appel.

Par conclusions transmises le 23 janvier 2024, la société AXA France IARD demande à la cour :

A titre principal,

- de prononcer la nullité de l'assignation en date du 18 mai 2021 délivrée par les époux [U] et de tous les actes subséquents, dont les conclusions signifiées par les époux [U] le 23 octobre 2023 et les conclusions signifiées par les époux [W] le 20 novembre 2023 à la société AXA France IARD ;

A titre subsidiaire,

- de juger que les désordres affectant les couvertines et les enduits ne sont pas de nature décennale ;

En conséquence,

- de rejeter les demandes des époux [W] fondées sur la garantie décennale ;

A titre infiniment subsidiaire,

Dans l'hypothèse où la responsabilité de la société Della Etanchéité est retenue au titre des dommages intermédiaires,

- de prononcer un partage de responsabilité selon la répartition de l'expert à savoir :

* au titre de l'étanchéité des couvertines : 60% pour la société Della Etanchéité et 40% pour les époux [U] ;

* au titre des désordres sur l'enduit : 50% pour la société Della Etanchéité et 50% pour les époux [U] ;

En tout état de cause,

- de rejeter les demandes des époux [W] au titre du préjudice de jouissance, de l'assurance dommages ouvrage et frais de maîtrise d''uvre formulées à l'égard de la compagnie AXA France IARD ;

- de réduire à de plus justes proportions l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de rejeter la demande de garantie formée par les époux [U] à l'encontre de la compagnie AXA France IARD ;

- de condamner in solidum les époux [U] à garantir ta compagnie AXA France IARD de toutes les condamnations en principal, intérêts et frais qui pourraient être mises à la charge de son assurée au-delà de la part qui lui sera délaissée par la cour.

La clôture de la procédure a été prononcée le 23 avril 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

A titre liminaire, il sera constaté que subsiste dans les dernières conclusions de la société AXA France IARD une demande tendant à la nullité de l'assignation du 18 mai 2021, qui est cependant sans objet dès lors qu'il a été statué sur cet incident par ordonnance rendue le 10 avril 2024 par le conseiller de la mise en état.

Sur l'irrecevabilité tirée du caractère nouveau des demandes

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code énonce que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Les époux [U] soulèvent l'irrecevabilité des demandes formées par les époux [W] sur le fondement de la responsabilité légale du constructeur au motif qu'elles diffèrent de celles soumises au premier juge, qui consistaient en une action estimatoire et en une action en indemnisation d'un dol.

Les appelants s'opposent à l'irrecevabilité soulevée, en faisant valoir que seul le fondement de leurs demandes avait été modifié.

Il sera rappelé que, bien que fondées sur la garantie des vices cachés et sur le dol, les demandes formulées en première instance ne tendaient pas à l'annulation de la vente, mais en l'indemnisation du préjudice subi du fait des désordres dont les époux [W] soutenaient qu'ils affectaient l'immeuble vendu.

Les demandes formées en appel sur le fondement de la garantie légale des constructeurs tendent également à l'indemnisation du préjudice subi par les acquéreurs du fait des désordres allégués.

En dépit d'un fondement juridique différent, ces demandes tendent donc aux mêmes fins, de sorte que le moyen d'irrecevabilité sera écarté.

Sur la demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire

Il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, dès lors qu'un rapport d'expertise judiciaire, qui a pour seul objet d'éclairer le juge sur les aspects techniques du litige, n'a pas vocation à se voir conférer une quelconque force exécutoire.

Sur le fond

1° sur le principe de la responsabilité encourue par les époux [U]

L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

L'article 1792-1 2°du même code énonce qu'est réputé constructeur de l'ouvrage toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

Les époux [W], faisant valoir qu'ils avaient acquis des époux [U] un immeuble que ceux-ci avaient fait construire il y a moins de 10 ans, fondent désormais leurs demandes à titre principal sur la garantie décennale, et à titre subsidiaire sur la garantie des dommages intermédiaires, dont ils considèrent qu'elle ne peut être éludée par le biais de la clause contractuelle de non-garantie des vices cachés.

Les époux [U] admettent que leur responsabilité peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale, mais contestent qu'elle puisse l'être sur le fondement des dommages intermédiaires, au motif que ceux-ci tombent sous le coup de la clause contractuelle de non-garantie des vices cachés, qu'ils estiment applicable dès lors que la responsabilité du fait des dommages intermédiaires n'est pas visée par l'article 1792-5 du code civil.

L'article 1792-5 dispose que toute clause d'un contrat qui a pour objet, soit d'exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d'exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d'en limiter la portée, soit d'écarter ou de limiter la solidarité prévue à l'article 1792-4, est réputée non écrite.

La garantie des dommages intermédiaires est une création prétorienne qui pose le principe d'une responsabilité contractuelle pour faute prouvée du constructeur lorsque les désordres survenus après réception ne remplissent pas les conditions de gravité requises pour la mise en oeuvre de la garantie décennale.

Il est admis que cette responsabilité peut être mise en oeuvre à l'encontre du vendeur lorsque celui-ci est réputé constructeur de l'ouvrage en application de l'article 1792-1 2° précité.

Si certes cette responsabilité ne figure pas au rang de celles listées à l'article 1792-5, il n'en demeure pas moins qu'il ressort de la seule lecture de la clause de non-garantie des vices cachés insérée à l'acte de vente conclu entre les parties que son application est exclue en cas d'action diligentée à l'encontre des époux [U] sur le fondement de la garantie des dommages intermédiaires.

Cette clause prévoit en effet expressément que l'exonération de garantie qu'elle stipule 'ne s'applique pas : si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, ou s'il est réputé ou s'est comporté comme tel '.

Or, par l'effet de l'article 1792-1 2° précité, les époux [U] sont précisément réputés constructeurs, de sorte qu'ils relèvent de l'une des hypothèses dans lesquelles la clause d'exonération de garantie exclut elle-même son application.

2° sur les désordres

* sur les désordres affectant les couvertures

L'expert judiciaire a constaté les désordres suivants :

- sur les trois terrasses, les relevés d'étanchéité périphériques ne sont pas conformes aux normes comme présentant une hauteur insuffisante ;

- un défaut de pente sur les tablettes d'appui des portes-fenêtres des terrasses Est et Nord, et un cintrage des tablettes créant une rétention d'eau ;

- les couvertines présentent plusieurs défauts : pente insuffisante avec rétention d'eau, cintrage dû à un assemblage mécanique par vis posées en surface, superposition des couvertines insuffisante, absence de relevé d'étanchéité quand les couvertines se situent en butée de mur, assemblages d'angles non étanches réalisés au moyen de vis inadaptées.

Il a indiqué que ces désordres entraînaient des infiltrations d'eau à l'intérieur de l'ouvrage et dégradaient les enduits de façade, et qu'il en résultait une impropriété de l'ouvrage à sa destination.

Il a imputé ces désordres à un non-respect des règles de l'art de la part de la société Della Etanchéité, qui avait réalisé les relevés d'étanchéité et posé les couvertines, et a fait état d'une part de responsabilité incombant aux époux [U] qui auraient dû recourir à un professionnel pour coordonner les travaux ou y veiller eux-mêmes, ainsi que, s'agissant des relevés d'étanchéité, de la part du maçon qui aurait dû s'enquérir de la hauteur des relevés d'étanchéité pour réaliser les seuils de porte.

Les constatations techniques de l'expert judiciaire ne sont pas utilement remises en cause par les parties.

S'agissant d'un désordre affectant des éléments destinés à assurer l'étanchéité de l'ouvrage, la responsabilité décennale des vendeurs doit être retenue, de même que celle de l'entreprise ayant effectué les travaux en méconnaissance des règles de l'art.

C'est vainement qu'en sa qualité d'assureur de la société Della Etanchéité, la société AXA France IARD conteste le caractère décennal des dommages au motif qu'aucun désordre visible n'aurait été constaté, alors qu'il ressort sans ambiguïté des constatations du technicien que les non-conformités portent atteinte à la destination de l'ouvrage, que de l'eau s'infiltre à l'intérieur de celui-ci, et qu'au demeurant les enduits de façade sont eux-mêmes dégradés du fait de ces infiltrations.

L'expert judiciaire a évalué le coût des travaux de reprise nécessaires à une somme de 22 500 euros HT, soit 24 750 euros TTC, dont la pertinence n'est critiquée par aucune des parties.

Les époux [U] et la société AXA France IARD, qui ne conteste pas devoir sa garantie au titre de la responsabilité décennale de la société Della Etanchéité, seront donc condamnés in solidum à payer cette somme aux époux [W], étant relevé que le partage de responsabilité évoqué par l'assureur entre son assurée et les époux [U] ne peut être utilement opposé aux époux [W].

* sur les désordres affectant les enduits

L'expert judiciaire a constaté :

- des décollements de la couche de finition et du corps d'enduit au droit des angles et aboutages de couvertines, en surface courante des façades, au droit des appuis de fenêtres et en pieds de façade ;

- un décollement important en surface courante du rez-de-chaussée façade sud, sur le meneau des baies vitrées du séjour, non exposé à la pluie, en raison d'un défaut de préparation et d'application de l'enduit.

Il indique que ces désordres provoquent des infiltrations d'eau et rendent l'ouvrage impropre à sa destination, et précise qu'il s'agit de la conséquence des désordres affectant les couvertures et couvertines, de sorte que leur imputabilité est la même.

Dès lors ainsi que les décollements d'enduit sont la résultante des infiltrations d'eau provoquées par les désordres précédemment évoqués, ils doivent en réalité être analysés, non comme un désordre autonome, mais comme une manifestation dommageable de ces derniers, dont les époux [U] ne contestent pas qu'ils ont été dénoncés au cours du délai d'épreuve. C'est en conséquence vainement qu'ils soutiennent que les désordres affectant les enduits ne pourraient donner lieu à engagement de leur responsabilité comme n'ayant pas été dénoncés dans le délai d'épreuve, expiré en mai 2022, alors au demeurant, et en tout état de cause, qu'il doit être rappelé que les décollements de crépi étaient déjà évoqués dans le cadre de la première instance, soit antérieurement à la date d'expiration du délai d'épreuve tel qu'indiqué par les intimés.

Ces décollements doivent en conséquence donner lieu à indemnisation par les époux [U] sur le fondement de la garantie décennale.

Là-encore, l'évaluation du coût des travaux réparatoires telle que résultant de l'expertise judiciaire n'est pas critiquée.

Les époux [U] et la société AXA France IARD, en sa qualité d'assureur décennal de la société Della Etanchéité, co-responsable du dommage, seront en conséquence condamnés in solidum à payer à ce titre aux époux [W] une somme de 20 000 euros HT, soit 22 000 euros TTC.

* sur l'absence de garde-corps

L'expert judiciaire a constaté l'absence de garde-corps de sécurité en périphérie des toits-terrasses, précisant qu'il en résultait un risque pour la sécurité des personnes.

C'est d'abord de manière vaine que les époux [U] invoquent l'inutilité de tels équipements au motif que les terrasses ne seraient pas accessibles, alors qu'il ressort des photographies étayant le rapport d'expertise que ces terrasses sont desservies par des portes, ce qui démontre de manière incontestable leur caractère accessible aux occupants des lieux.

Toutefois, comme le souligne l'expert, l'absence d'un tel équipement était apparente, et n'a pu échapper à tout maître de l'ouvrage ou acquéreur normalement diligent. Or,elle n'a pas fait l'objet d'une quelconque réserve, que ce soit à la réception des travaux par les époux [U] ou lors de l'acquisition de l'immeuble par les époux [W], de sorte que cette non-conformité n'est pas de nature à entraîner la responsabilité décennale des vendeurs.

Au demeurant, il résulte du dossier que les appelants n'ont fait grief aux vendeurs de l'absence de garde-corps qu'en suite des opérations d'expertise judiciaire, soit courant 2023, ce dont il doit être déduit qu'ils ne l'ont pas dénoncée dans le délai d'épreuve décennale, qui a commencé à courir à compter de la réception de l'ouvrage, dont il n'est pas contesté qu'elle se situe à la date d'achèvement des travaux en mai 2012.

La demande formée de ce chef par les appelants ne pourra dès lors qu'être rejetée.

* sur les désordres affectant l'installation électrique

L'expert judiciaire a constaté :

- des défauts de commande dans l'atelier (défaut fonctionnement commande éclairage), dans le WC (absence de commande du volet roulant, qui doit être actionné depuis le tableau électrique) dans le séjour (dysfonctionnement des commandes), dans la salle à manger, sur la terrasse (absence de commande des éclairages extérieurs) et dans le dressing (absence de commande du volet roulant) ;

- l'éclairage du jardin n'est pas raccordé au tableau électrique, les travaux n'étant pas terminés ;

- le branchement du moteur de la VMC est réalisé de manière non conventionnelle et imprécise, dans un placard, au moyen de dominos emballés dans du ruban adhésif, cette installation étant susceptible de créer des arcs électriques.

L'expert a indiqué que les deux premiers désordres ne compromettaient ni la solidité de l'ouvrage ni sa destination, et ne présentaient pas de risque pour la sécurité des personnes, mais qu'il en allait différemment pour le troisième, qui rendait l'immeuble impropre à sa destination en raison du danger qu'il représentait pour la sécurité des occupants.

Ces considérations techniques ne sont pas remises en cause par les parties, et il en résulte que seul le désordre relatif au branchement anarchique du moteur de VMC est de nature à engager la responsabilité décennale des époux [U].

Les autres désordres électriques relèvent des désordres intermédiaires. Toutefois, pour pouvoir obtenir leur prise en charge par les époux [U], il appartient aux appelants de prouver que ces désordres résultent de la commission d'une faute de leur part. Or, une telle preuve n'est pas rapportée en l'état des éléments du dossier, étant relevé que l'expert judiciaire se borne à cet égard à faire état de la spécificité du système installé, qui fait appel à des boutons poussoirs envoyant via des câbles informatiques des informations vers des modules, qui commandent ensuite l'arrivée du courant électrique vers l'éclairage ou les appareils électriques, et indique que ce système nécessite des réglages et une programmation pour combiner l'éclairage avec les commandes. Il peut en être déduit que le système est fonctionnel, mais qu'il nécessite d'être programmé par les utilisateurs pour répondre à leurs préférences personnelles en matière de commande des appareillages électriques, sans qu'il puisse être caractérisé dans l'état actuel de la programmation la commission d'une quelconque faute par les propriétaires précédents.

En l'absence de faute prouvée, la responsabilité du fait des dommages intermédiaires ne sera pas retenue.

Le rapport d'expertise n'individualise pas, parmi le coût des travaux de reprise de l'installation électrique, évalué globalement à 8 250 euros TTC, le prix de la seule mise en conformité du branchement du moteur de VMC. Les appelants produisent cependant un devis établi le 10 octobre 2019 par M. [O] [H], exerçant sous l'enseigne MasterAudio Light, qui chiffre ce poste de travaux à 109 euros HT, soit 119,90 euros TTC. Il convient toutefois, pour tenir compte de l'ancienneté particulière de ce document et de l'évolution des prix, de mettre en compte à ce titre une somme de 150 euros TTC, que les époux [U] seront condamnés in solidum à payer aux appelants.

3° sur les autres préjudices

* sur le préjudice de jouissance et la nécessité d'un maître d'oeuvre

L'expert judiciaire a indiqué que les désordres qu'il avait été amené à constater n'avaient au jour de l'expertise pas causé de préjudice de jouissance particulier aux époux [W], lesquels ne démontrent pas le contraire.

Le technicien ajoute cependant à juste titre que la réalisation des travaux rendus nécessaires troublera nécessairement la jouissance des occupants, s'agissant en particulier des opérations de réfection des couvertures et des enduits.

La durée de ces travaux est évaluée par l'expert à 4 mois, et le préjudice apprécié à hauteur de 750 euros par mois, sur la base de la moitié du loyer moyen pratiqué pour un bien équivalent. Ces éléments apparaissent en cohérence avec la réalité de la situation, de sorte qu'il y a lieu d'évaluer le trouble de jouissance qui sera souffert par les époux [W] à l'occasion de l'exécution des travaux à la somme de 3 000 euros.

Les travaux de couverture et d'enduit présentent une ampleur certaine, et touchent à des domaines différents, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande formée par les appelants au titre du coût d'une mission de maîtrise d'oeuvre. Celle-ci devra être chiffrée à 10 % du coût des travaux de couverture et d'enduits, soit 4 675 euros.

Les époux [U] et la société AXA France IARD, qui n'oppose à cette demande que l'argument tiré de la prétendue inexistence d'un préjudice de jouissance, seront condamnés in solidum à verser aux époux [W] une somme globale de 7 675 euros.

* sur le coût d'une assurance dommages-ouvrage

Il n'est pas contesté que les époux [U] n'avaient pas souscrit d'assurance dommages-ouvrage dans le cadre de la construction de la maison.

Il est donc justifié de les condamner à payer aux appelants une somme correspondant au coût de souscription d'une telle assurance dans la perspective de la réalisation des travaux de reprise. La somme de 2 000 euros réclamée apparaît cohérente avec les prix moyens pratiqués pour des travaux de la nature de ceux qui sont concernés en l'espèce.

Les époux [U] seront donc condamnés à payer cette somme aux époux [W].

La demande sera cependant rejetée en tant qu'elle est formée à l'encontre de la société AXA France IARD, dont l'assurée ne supporte aucune responsabilité quant à l'absence de souscription par les époux [U] d'une assurance dommages-ouvrage.

4° sur la demande de garantie formée par les époux [U] à l'encontre de la société AXA France IARD

Il est constant que les travaux de couverture et d'enduits de façade ont été réalisés par la société Della Etanchéité, assurée auprès de la société AXA France IARD.

Si l'expert fait certes grief aux maîtres de l'ouvrage, les époux [U], de n'avoir pas assuré la coordination des travaux, en l'absence de désignation d'un maître d'oeuvre professionnel, il doit cependant être relevé qu'il n'est pas précisé par M. [Z] en quoi les désordres, qui sont en définitive la résultante du non-respect par le professionnel des règles de l'art, tenant à la mise en oeuvre d'une hauteur insuffisante des relevés d'étanchéité, et de l'emploi de méthodes de pose des couvertines inadaptées, seraient imputables à un problème de coordination des travaux. Au demeurant, l'absence de maître d'oeuvre ne suffit pas à conférer cette qualité au maître de l'ouvrage profane, en présence de professionnels tenus à l'égard de celui-ci d'une obligation de conseil.

La société AXA France IARD est dès lors mal fondée à prétendre opposer aux époux [U] un partage de responsabilité.

Elle sera donc condamnée à garantir intégralement ceux-ci des condamnations prononcées à leur encontre au titre des travaux de couverture et d'enduits.

Sur les autres dispositions

Le jugement sera infirmé s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Les époux [U] et la société AXA France IARD seront condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comporteronnt notamment le coût de l'expertise judiciaire, et qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils seront par ailleurs condamnés in solidum à payer aux époux [W] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Déclare recevables les demandes formées par M. [E]-[B] [W] et son épouse, née [S] [A] ;

Rejette la demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Belfort ;

Statuant à nouveau, et ajoutant :

Condamne in solidum M. [C] [U] et son épouse, née [P] [G], ainsi que la SA AXA France IARD, à payer à M. [E]-[B] [W] et son épouse, née [S] [A], les sommes de :

* 24 750 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise des désordres affectant la couverture ;

* 22 000 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise des désordres affectant les enduits de façade ;

* 7 675 euros en réparation du préjudice de jouissance et du coût d'une mission de maîtrise d'oeuvre ;

Condamne in solidum M. [C] [U] et son épouse, née [P] [G], à payer à M. [E]-[B] [W] et son épouse, née [S] [A], les sommes de :

* 150 euros au titre du coût des travaux de branchement du moteur de la VMC ;

* 2 000 euros au titre du coût de la souscription d'une assurance dommages-ouvrage ;

Rejette le surplus des demandes formées par M. [E]-[B] [W] et son épouse, née [S] [A] ;

Condamne la SA AXA France IARD à garantir M. [C] [U] et son épouse, née [P] [G], des condamnations prononcées à leur encontre au titre de la remise en état de la couverture et des enduits de façade ;

Condamne in solidum M. [C] [U] et son épouse, née [P] [G], ainsi que la SA AXA France IARD aux entiers dépens de première instance et et d'appel, qui comporteront notamment le coût de l'expertise judiciaire, et qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [C] [U] et son épouse, née [P] [G], ainsi que la SA AXA France IARD à payer à M. [E]-[B] [W] et son épouse, née [S] [A], la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.