Cass. 2e civ., 8 décembre 2022, n° 21-14.145
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. PIREYRE
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 26 juin 2020), par jugement réputé contradictoire du 5 septembre 2018, sur assignation délivrée par le procureur de la république, un tribunal de grande instance a annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité française de M. [C] et dit qu'il n'est pas de nationalité française.
2. M. [C] a relevé appel de ce jugement.
Moyens
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
Motivation
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Moyens
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [C] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de nullité de l'assignation et d'annuler l'enregistrement n°00235/16 intervenu le 6 janvier 2016, de la déclaration de nationalité française auprès de la préfecture, souscrite le 23 avril 2015, et de dire qu'il n'est pas de nationalité française, alors « que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'en se bornant à énoncer que « à ce jour, aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'y a son domicile. À l'adresse indiquée dans l'acte, l'intéressé n'y demeure plus. La boîte à lettres est pleine de courrier et le voisinage m'indique que l'intéressé a quitté les lieux. Ne figure pas sur les Pages Blanches de l'annuaire électronique sur internet » et que ces diligences devaient être jugées suffisantes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [C] n'avait pas un lieu de travail connu, la cour d'appel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu les articles 654, 655 et 659, aliéna 1er, du code de procédure civile :
5. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsqu'il n'a pu s'assurer de la réalité du domicile du destinataire de l'acte et que celui-ci est absent, l'huissier de justice est tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail.
6. Il résulte du troisième que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
7. Pour rejeter la demande d'annulation de l'assignation, l'arrêt retient que l'huissier de justice a pu constater qu'aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'a son domicile à l'adresse indiquée dans l'acte, que l'intéressé n'y demeure plus, que la boîte à lettres est pleine de courrier, que le voisinage lui indique que l'intéressé a quitté les lieux et qu'il ne figure pas sur les pages blanches de l'annuaire électronique sur internet.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le destinataire de l'acte avait un lieu de travail connu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Moyens
Et sur le deuxième moyen, pris en sa septième branche
Enoncé du moyen
9. M. [C] fait le même grief à l'arrêt, alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; qu'en se bornant à affirmer que M. [C] n'a pu concevoir aucun grief sur la remise de l'assignation suivant cette forme puisque l'acte mentionnait qu'une copie avait été envoyée au destinataire à cette adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ainsi qu'un avis par lettre simple, cette dernière formalité étant requise dans l'hypothèse d'un dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier en cas d'impossibilité de remise à domicile, conformément aux dispositions des articles 655, alinéa 5, et 656, alinéa 1er , du code de procédure civile, sans rechercher si M. [C], qui ne s'était pas défendu en première instance, avait effectivement reçu ces documents de sorte qu'il aurait été en mesure de connaître la procédure engagée par le ministère public à son encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14, 114 et 659 du code de procédure civile. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu les articles 114 et 659, alinéa 2 et 3, du code de procédure civile :
10. L'insuffisance de mention des diligences de l'huissier de justice constitue un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification que sur la démonstration par celui qui l'invoque d'un grief.
11. Selon l'article 659, alinéa 2 et 3, du code de procédure civile, le jour de la signification ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification. Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
12. Pour rejeter la demande de nullité de l'assignation, l'arrêt retient que M. [C] n'a pu concevoir aucun grief sur la remise de l'assignation suivant cette forme puisque l'acte mentionne qu'une copie a été envoyée au destinataire à cette adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ainsi qu'un avis par lettre simple, cette dernière formalité étant requise dans l'hypothèse d'un dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier de justice en cas d'impossibilité de remise à domicile, conformément aux dispositions des articles 655, alinéa 5, et 656, alinéa 1er, du code de procédure civile.
13. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le dépôt de l'avis de passage et l'envoi de la lettre simple avaient été réceptionnés par leur destinataire, la cour d'appel, qui ne pouvait ainsi en déduire que M. [C], qui n'avait pas comparu devant le tribunal de grande instance, avait été avisé de la signification effectuée en application des alinéas 2 et 3 de l'article 659 du code de procédure civile et, partant, l'absence de grief, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.