Cass. 3e civ., 15 février 2024, n° 22-17.019
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
M. Boyer
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Le Prado - Gilbert, SCP Boucard-Maman, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 18-18.312, 18-18.152), M. et Mme [E], M. [L] et Mme [Y] et Mme [T] ont conclu avec M. et Mme [V], vendeurs, par l'intermédiaire de la société JCM, agence immobilière, trois contrats préliminaires de réservation en vue d'une vente en l'état futur d'achèvement d'une maison dans un groupe d'habitations dont les maîtres d'ouvrage ont confié la réalisation à la société Plateforme constructions IDF, chargée du lot terrassement-gros oeuvre-tous corps d'état.
2. Les actes authentiques de vente, qui portent mention d'une déclaration d'achèvement des travaux au 6 octobre 2011, ont été dressés en la forme de ventes de locaux neufs, respectivement, les 16 novembre, 28 novembre et 9 décembre 2011, par la société civile professionnelle [B] [J] et Sophie Emmanuelle Billaudel (la SCP Billaudel), notaire.
3. Se plaignant d'inachèvements et de désordres, les acquéreurs et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 7] (le syndicat des copropriétaires) ont, après expertise, assigné les vendeurs, la société Plateforme constructions IDF et la SCP [J] en réparation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [V] font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec la société Plateforme constructions IDF, à payer certaines sommes, après déduction des provisions déjà allouées, aux acquéreurs et au syndicat des copropriétaires, alors « que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en décidant qu'il conviendrait de condamner M. et Mme [V] en qualité de vendeurs d'un immeuble qu'ils ont fait construire, sur le fondement de la garantie légale des constructeurs prévue par l'article 1792 du code civil, quand l'application de la garantie décennale n'était pas invoquée par les acquéreurs et le syndicat des copropriétaires, et sans inviter au préalable les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
6. Pour condamner M. et Mme [V] à payer certaines sommes aux acquéreurs et au syndicat des copropriétaires, l'arrêt retient que leur responsabilité est engagée, en qualité de vendeurs d'un immeuble qu'ils ont fait construire, sur le fondement de la garantie légale des constructeurs prévue à l'article 1792 du code civil.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait du jugement et des écritures échangées par les parties, que seule la responsabilité contractuelle de M. et Mme [V] avait été débattue, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de la responsabilité décennale du vendeur d'immeuble après achèvement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
9. La cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa première branche, s'étend, par voie de conséquence, à la cassation du chef de dispositif qui dit que M. et Mme [V] seront tenus, in solidum avec la SCP [J] et la société Plateforme construction IDF au paiement de sommes aux acquéreurs et au syndicat des copropriétaires.
10. En revanche, elle ne s'étend pas, faute d'indivisibilité ou de lien de dépendance nécessaire avec les dispositions de l'arrêt cassées, aux chefs de dispositif qui ont, d'une part, condamné la société Plateforme constructions IDF, à payer, après déduction des provisions déjà allouées, les sommes de 160 305,70 euros à M. [L] et Mme [Y], 148 042,69 euros à Mme [T], 115 992,11 euros à M. et Mme [E], et, d'autre part, dit que la SCP [J] sera tenue, in solidum avec M. et Mme [V] et la société Plateforme constructions IDF, au paiement des condamnations prononcées dans la limite des sommes suivantes : 61 652,85 euros à M. [L] et Mme [Y], 58 021,34 euros à Mme [I], 46 46,05 euros à M. et Mme [E] et 132 810,91 euros au syndicat des copropriétaires.
Mise hors de cause
11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société JCM, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme [V], in solidum avec la société Plateforme constructions IDF, à payer, après déduction des provisions déjà allouées, les sommes de 160 305,70 euros à M. [L] et Mme [Y], 148 042,69 euros à Mme [T], 115 992,11 euros à M. et Mme [E], et en ce qu'il dit que M. et Mme [V] seront tenus, in solidum avec la société civile professionnelle [B] [J] et [F] [N] [J] et la société Plateforme constructions IDF aux paiement à M. [L] et Mme [Y] de la somme de 61 652,85 euros, à Mme [I] de la somme de 58 021,34 euros, à M. et Mme [E] de la somme de 46 46,05 euros et au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 7] la somme de 132 810,91 euros ;
Met hors de cause la société JCM ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.