Cass. 2e civ., 27 juin 2024, n° 22-19.753
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martinel
Avocats :
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 juin 2022), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-20.616), la Société provençale d'isolation échafaudages (la société) s'est vue notifier par l'URSSAF des Bouches-du-Rhône (l'URSSAF) une lettre d'observations du 27 septembre 2012 portant sur la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2009, visant la communication du procès-verbal établi le 19 août 2009 par la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Bouches-du-Rhône, suivie de plusieurs mises en demeure en paiement de rappels de cotisations.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
3. Après avis donné aux parties et en application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :
« 1°/ que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé ; que la cour d'appel a retenu, pour rejeter son recours, que les salariés polonais de la société devaient être considérés dans une situation de subordination juridique à son égard, de sorte que « l'existence d'une relation de travail entre ces salariés polonais et la société étant établie, l'assujettissement ainsi opéré est justifié en son principe, le travail dissimulé par dissimulation de salarié étant établi, la société s'étant soustraite intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès de l'URSSAF » ; qu'elle a en conséquence confirmé le redressement infligé par lettre d'observations du 27 septembre 2012 retenant que « ces constatations satisfont aux conditions d'assujettissement au régime général de sécurité sociale, telles que définies à l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale et par la jurisprudence en la matière. Les personnes détachées au sein de la société par la société ECAFRI doivent être assujetties au régime général de sécurité sociale, pour leur activité, et leurs rémunération soumise aux cotisations de sécurité sociale, CSG et RDS, Assedic et AGS, sur les base légales des articles L. 241-2 et L. 136-2 du code de la sécurité sociale et des articles L. 5422-9 et L. 3252-18 du code du travail » ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant la société aux salariés polonais de la société Ecafri et sur l'obligation d'affiliation subséquente de ces derniers en France au régime général de sécurité sociale, et de paiement des cotisations afférentes, point qui ne pouvait être tranché sans la mise en cause de ces derniers salariés, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du Code de procédure civile ;
2°/ qu'en retenant par motifs propres et adoptés que le litige portait sur « l'application des dispositions des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale en matière d'assujettissement au régime général de sécurité sociale français, ou au régime de protection sociale de l'Etat d'origine » et en statuant ainsi sur l'obligation d'affiliation subséquente en France au régime général de sécurité sociale en qualité de salariés des travailleurs polonais de la société Ecafri, sans avoir appelé ces derniers en la cause, la cour d'appel a violé l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. L'URSSAF conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit, partant irrecevable, la société n'ayant jamais fait valoir devant la cour d'appel l'absence de mise en cause des salariés de la société Ecafri dans la procédure, alors qu'est en débat depuis l'introduction de l'instance leur affiliation au régime général de la sécurité sociale en qualité de salariés de la société.
6. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas de l'arrêt attaqué, est de pur droit. Il est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 14 du code de procédure civile et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige :
7. Il résulte du premier de ces textes que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.
8. Selon le second, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.
9. Pour dire bien-fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient que l'existence d'une relation de travail entre les salariés polonais de la société Ecafri et la société et le travail dissimulé par dissimulation de salarié étant établis, la société s'étant soustraite intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales dus à ce titre auprès de l'URSSAF, l'assujettissement opéré est justifié en son principe.
10. En statuant ainsi, sans qu'aient été appelés en la cause les salariés de la société Ecafri, la cour d'appel, qui était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à la société, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte-d'Azur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et la condamne à payer à la Société provençale d'isolation échafaudages la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.