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Décisions

Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 23-10.042

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Avocats :

Me Galy, SCP Leduc et Vigand, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Aix en Provence, du 2 nov. 2022

2 novembre 2022

1. Il est donné acte à la société civile immobilière Belmat du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [E] [U].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 novembre 2022), le 1er mai 1985, la société civile immobilière Belmat (la bailleresse) a donné en location à la société Pâtes Lanza (la locataire) des locaux à usage commercial.

3. Le 16 janvier 2016, la locataire a donné congé pour le 30 juin 2016.

4. Le 25 novembre 2016, la bailleresse a assigné la locataire en paiement des frais de remise en état des locaux loués.

5. La locataire a reconventionnellement sollicité le remboursement de ses frais de déménagement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La bailleresse fait grief à l'arrêt de limiter la somme due par la locataire au titre des travaux de remise en état des lieux, alors « que le preneur est tenu de prendre en charge le coût des réparations et remise en état liées à la vétusté lorsque le défaut d'entretien a accéléré ou aggravé la vétusté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de bail du 16 octobre 1987 stipulait que le preneur tiendra les lieux en parfait état de réparations et d'entretien et que toutes les réparations qu'elle qu'en soit la cause, y compris celles définies par les articles 1754 et 606 du code civil, seront à la charge du preneur ; qu'en retenant qu'il convenait de retenir l'avis de l'expert proposant de mettre à la charge de la bailleresse l'ensemble des travaux liés au mauvais entretien des lieux et à la vétusté normale eu égard au temps d'occupation des lieux, et notamment le mauvais état des peintures au sol, la robinetterie usée, les menuiseries non entretenues et les peintures des façades en mauvais état, quand le preneur était tenu de supporter le coût des réparations liées à la vétusté pour la part résultant d'un défaut d'entretien, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 1720 du code civil et l'article 1134 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

8. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de la locataire au titre des travaux de remise en état des lieux, l'arrêt retient qu'il convient de se fonder sur l'avis de l'expert ayant proposé de mettre à la charge de la bailleresse l'ensemble des travaux dus au mauvais entretien des lieux et à leur vétusté normale, cette dernière liée à quasiment trois décennies d'occupation, ne pouvant être intégralement mises à la charge du preneur malgré les stipulations contractuelles.

9. En statuant ainsi, après avoir constaté que le bail stipulait que la locataire tiendrait les lieux loués en parfait état de réparation et d'entretien et aurait à sa charge toutes les réparations, quelle qu'en soit la cause, y compris celles définies par les articles 1754 et 606 du code civil, ce dont il résultait que le locataire était tenu de supporter le coût des réparations liées à la vétusté pour la part résultant d'un défaut d'entretien, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La bailleresse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la locataire une certaine somme au titre des frais de déménagement, alors « que les juges sont tenus de préciser le fondement juridique de leur décision ; qu'en retenant, pour condamner la société SCI Belmat à payer à la société Pâtes Lanza la somme de 23 546 euros au titre des frais de déménagement, que celle-ci avait été contrainte de quitter les lieux et de démonter les installations qui avaient dû y être installées afin d'exercer son activité commerciale, sans préciser le fondement juridique de cette condamnation, la cour d'appel n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a violé l'article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 12 du code de procédure civile :

11. Il résulte de ce texte que le juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, doit préciser le fondement juridique de sa décision.

12. Pour condamner la bailleresse à payer une certaine somme au titre des frais de déménagement de la locataire, l'arrêt énonce que celle-ci a été contrainte de quitter les lieux et de démonter les installations qui avaient dû y être installées afin d'exercer son activité commerciale.

13. En statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Pâtes Lanza à payer à la société civile immobilière Belmat la somme de 30 998,74 euros au titre des travaux de remise en état des lieux et condamne la société civile immobilière Belmat à payer à la société Pâtes Lanza la somme de 23 546 euros au titre des frais de déménagement, l'arrêt rendu le 2 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Pâtes Lanza aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pâtes Lanza et la condamne à payer à la société civile immobilière Belmat la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.