Cass. 3e civ., 14 septembre 2023, n° 22-18.504
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Abgrall
Avocat :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Cabinet François Pinet, SCP Poulet-Odent
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 mai 2022), par acte authentique du 11 mars 2015 reçu par M. [F], notaire, Mme [W] (la venderesse) a vendu à M. et Mme [E] (les acquéreurs) les lots n° 203, 305, 308, 316 et 317 dont elle était propriétaire dans un immeuble en copropriété.
2. Un acte modificatif de l'état descriptif de division a été établi le même jour, suivi d'un acte rectificatif du 3 juin 2015 créant un lot n° 314 issu des parties communes, consistant en une terrasse, réuni avec des lots privatifs appartenant à la venderesse pour constituer un lot provisoire n° 315, subdivisé ensuite en deux lots, n° 316 comportant le droit d'édifier une pièce au rez-de-chaussée et une terrasse au premier étage, et n° 317 correspondant à une terrasse privative.
3. A la suite de l'apparition de désordres, les acquéreurs ont assigné la venderesse, le notaire et le syndicat des copropriétaires, pour obtenir la résolution de la vente, le remboursement du prix et l'annulation des actes modificatif et rectificatif du règlement de copropriété ainsi que diverses indemnités sur le fondement du dol, de la fraude, de la vente de la chose d'autrui et de la responsabilité professionnelle du notaire.
4. L'annulation des actes modificatif et rectificatif de l'état descriptif de division de l'immeuble a été prononcée par jugement irrévocable du 27 mai 2020.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes en annulation de la vente et en paiement de dommages-intérêts, alors :
« 1° / que la vente de la chose d'autrui est nulle et peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ; qu'en relevant, pour rejeter la demande en nullité de la vente du 11 mars 2015 et les demandes subséquentes de dommages et intérêts formées par les époux [E], que si Mme [W] n'était pas propriétaire du lot 314 au jour de la vente, cette situation avait été régularisée par l'acte du 3 juin 2015, régulièrement publié, cependant que cet acte avait été définitivement annulé, la cour d'appel a violé l'article 1599 du code civil ;
2°/ que la vente de la chose d'autrui est nulle et peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ; qu'en relevant, pour rejeter la demande en nullité de la vente du 11 mars 2015 et les demandes subséquentes de dommages et intérêts formées par les époux [E], que personne ne s'opposait aux droits des époux [E] sur le lot 314, que les travaux réalisés par Mme [W] sur ce lot avaient été unanimement approuvés par les copropriétaires et que c'était au contraire les époux [E] qui remettaient en cause leur droit sur lesdits lots, cependant qu'en l'absence d'une décision ou d'un acte valide régularisant les droits de propriété des époux [E] sur le lot 314, ces derniers ne restaient pas définitivement à l'abri d'une action en revendication, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants à exclure la nullité de la vente et a violé l'article 1599 du code civil ;
3°/ que la vente de la chose d'autrui est nulle et peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ; qu'en relevant, pour rejeter la demande en nullité de la vente du 11 mars 2015 et les demandes subséquentes de dommages et intérêts formées par les époux [E], que Mme [W] pouvait se prévaloir d'une possession de bonne foi depuis 2009, cependant que Mme [W] ne pouvait acquérir par usucapion la propriété du lot 314 qu'au bout de trente ans de possession, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant à exclure la nullité de la vente et a violé les articles 1599 et 2272 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a constaté que la venderesse avait fait réaliser, entre 2008 et 2009, des travaux d'extension et de réhabilitation de divers lots dont elle était propriétaire dans une petite copropriété familiale en annexant des parties communes afin de les intégrer à son logement.
7. Elle a relevé que, lors de sa réunion du 11 janvier 2015, l'assemblée générale des copropriétaires avait, à l'unanimité, approuvé les travaux de construction réalisés par la venderesse sur l'assise de la copropriété, et que l'état descriptif de division modifié et son rectificatif étaient conformes à ces dispositions adoptées par les copropriétaires.
8. Appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle en a déduit, d'une part, que toutes les parties étaient d'accord, antérieurement à la vente à M. et Mme [E], pour transférer la propriété du lot n° 314, des parties communes, à la venderesse puis à ses acquéreurs et, d'autre part, que Mme [W], et ensuite ces derniers, qui pouvaient en outre se prévaloir d'un juste titre, justifiaient d'une possession de bonne foi depuis au moins 2009.
9. Dès lors qu'il résultait de ces constatations et énonciations l'exclusion de tout risque d'éviction pour les acquéreurs, nonobstant l'annulation des actes modificatif et rectificatif de l'état descriptif de division de l'immeuble dont ils étaient seuls à l'origine, la cour d'appel en a exactement déduit que les conditions d'une annulation de la vente de la chose d'autrui n'étaient pas réunies.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [E] et les condamne in solidum à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-trois.