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Décisions

Cass. crim., 23 janvier 2018, n° 16-86.726

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Durin-Karsenty

Avocat général :

M. Desportes

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Odent et Poulet

Toulouse, du 13 oct. 2016

13 octobre 2016

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 184, 551, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité de la citation et de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ;

"aux motifs que sur l'exception de nullité, M. X... invoque la non-concordance entre la citation qui lui a été délivrée le 23 avril 2014 pour comparaître devant le tribunal correctionnel à l'audience du 24 septembre 2014 et se prévaut d'un précédent jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 26 mars 2014, qui dans la même affaire et pour les mêmes motifs a annulé la citation délivrée le 23 octobre 2013 pour l'audience du 3 décembre 2013 ; que M. X... a indiqué son incompréhension de deux jugements contradictoires du tribunal correctionnel de Toulouse ; qu'aux termes de l'article 388 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence (
), soit enfin par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction ; que dans ce cas, la citation délivrée n'a pour objet que d'indiquer à la personne poursuivie la date, l'heure et le lieu du jugement ; que dès lors, il est indifférent que le visa des textes voire l'ajout de plusieurs d'entre eux mais aussi l'étendue de la saisine et la qualification juridique des faits mentionnés dans la citation à comparaître ne correspondent pas aux termes exacts de l'ordonnance de renvoi ; que s'il est regrettable que le tribunal correctionnel n'ait pas appliqué cette règle dans sa décision du 26 mars 2014 et que ce jugement est devenu définitif faute d'appel, ce précédent ne saurait emporter une modification du principe légal ; qu'à juste titre, le tribunal correctionnel a donc rejeté la demande d'annulation de la citation délivrée le 23 avril 2014, dont les mentions relatives à l'information du prévenu sur l'audience (date, lieu, heure) n'ont pas été source de critiques ; que si le dispositif des conclusions de M. X... ne vise que la nullité de la citation, il invoque également dans ses motifs un moyen relatif à la nullité de l'ordonnance de renvoi en ce que le visa des textes est incomplet pour le premier délit énoncé et sans lien avec la prévention pour le second ; qu'il est particulièrement fâcheux que cette deuxième ordonnance de renvoi – après application de l'article 385 du code de procédure pénale et une nouvelle saisine du juge d'instruction par le ministère public – révèle un manque de rigueur certain ; qu'en effet, pour ce qui concerne le premier délit de recours au service de travailleurs dissimulés, le juge d'instruction a commis une inversion entre les deux codifications et mentionnés comme relevant de l'ancien code du travail ceux des textes qui résultaient du nouveau code du travail et vice versa ; que les articles L. 8221-1 et L. 8224-1 du code du travail ont été mentionnés et correspondent au principe général de l'interdiction du travail dissimulé et à sa répression, alors que dans l'énoncé des autres textes correspondant à l'ancienne codification, a été omis à côté des articles L. 324-9 à L. 324-11, l'article de répression l'article L. 362-3 ; que pour ce qui concerne le deuxième délit, aucun des deux textes mentionnés, à savoir l'article L. 824-1, L. 7243-1 du code du travail ne concerne le délit de prêt illicite de main d'oeuvre, mais il est fait référence à l'ancien article L. 125-1 qui définit le délit de marchandage ; que néanmoins, M. X... ne peut pas sérieusement soutenir qu'il n'est pas informé de ce qui lui est reproché, dès lors que la définition développée des deux infractions est correcte et surtout qu'il a été mis en examen pour ces deux délits le 12 janvier 2006, avec l'énoncé des textes applicables à l'époque, à savoir : L. 362-3 et suivants (répression des infractions relatives au travail dissimulé), L. 324-9 à L. 324-11 (définition des délits de travail dissimulé et de recours au travail dissimulé), L. 152-3 (répression des délits des articles L. 125-1 à L. 125-3) et L. 125-3 (définition du délit illicite de prêt de main d'oeuvre) et que le renvoi devant le tribunal correctionnel correspond à la mise en examen initiale ; que M. X... a donc été en mesure de s'expliquer sur les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique et connaître les pénalités encourues ; que le seul changement de codification est sans conséquence sur les droits de la défense, sauf à appliquer les pénalités les plus favorables à M. X... (à savoir le code du travail ancien pour le délit de recours aux services d'un travailleur dissimulé) et l'insuffisance textuelle de l'ordonnance de renvoi n'est pas de nature à avoir causé grief au prévenu ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité soulevées, quoique sur un fondement juridique autre que celui retenu par le tribunal correctionnel pour ce qui concerne l'irrégularité de l'ordonnance de renvoi ;

"alors que tout accusé a le droit d'être informé de manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que la citation doit énoncer le fait poursuivi et viser le texte de la loi qui le réprime ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel opère une inversion entre l'ancienne et la nouvelle codification du recours aux travailleurs dissimulés et omet de viser le texte répressif, et vise des textes étrangers au délit de prêt illicite de main d'oeuvre, voire des textes inexistants ; qu'en rejetant les exceptions de nullité de la citation à comparaître et de l'ordonnance de renvoi aux motifs inopérants que le renvoi devant le tribunal correctionnel correspond à la mise en examen initiale, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et de la citation devant la cour d'appel, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que, d'une part, lorsque le tribunal correctionnel est saisi par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, la citation devant la cour d'appel n'est pas soumise aux prescriptions de l'article 551, alinéa 2, du code de procédure pénale, d'autre part, même si elle était affectée d'erreurs matérielles, ladite ordonnance développait la qualification juridique des faits imputés de sorte que le prévenu était précisément informé des poursuites, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-3, L. 324-9 et R. 324-4 anciens du code du travail, 591, 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'opération illicite de prêt de main d'oeuvre et de recours aux services de travailleurs dissimulés et l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à 30 000 euros d'amende ;

"aux motifs qu'au fond, sur l'action publique, en l'absence de motivation du jugement sur les raisons qui l'ont conduit à relaxer M. Ahmed G... des délits de prêt illicite de main d'oeuvre et d'exécution d'un travail dissimulé, aucune conséquence juridique ne peut en être tirée par M. X..., a fortiori lorsque la prévention qui le concerne ne vise pas M. Ahmed G... ; que, sur le prêt illicite de main d'oeuvre, que l'article L. 125-3 du code du travail interdisait toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre, sauf cadre du travail temporaire, et l'article L. 8241-1 du code du travail énonce deux autres exceptions – qui ne concernent pas la présente situation – mais ajoute une disposition relative au portage salarial qui ne concerne pas le présent dossier ; que M. X... soutient qu'il a conclu avec la SARL Samatrac gérée par M. Mohamed Z..., la SARL Somisit gérée par M. Mustapha A..., la SARL Macotrad gérée par M. H... B... , et la SARL Signalisation Midi Pyrénées gérée par M. Abdallah G... , un contrat de sous-traitance ou un contrat de prestations de services, qui dans le cas particulier constituerait une forme particulière de sous-traitance ; qu'en fait, la relation contractuelle entre la SAS Sogecer et les SARL en cause, a été des plus ambiguës ; que parmi les documents saisis lors des perquisitions de l'entreprise Sogecer aucun contrat écrit n'a été trouvé, soit de sous-traitance – et ce bien que MM. Z..., A... et G... aient assuré en avoir signé – soit de prestations de service, hormis une pièce intitulée « aménagement des contrats de sous-traitance professionnels » relative à un engagement de n'employer que du personnel déclaré et à ne pas sous-traiter les travaux confiés sans autorisation ; qu'ainsi la nature de la tâche confiée, les conditions de règlement du prix, les délais d'exécution ou de paiement, tels qu'ils auraient été fixés conventionnellement restent pour tous les chantiers exécutés inconnus ; qu'il est constant que les gérants des sociétés Samatrac, Somisit, Macotrad et Signalisation Midi Pyrénées précitées ont démarché directement la société Sogecer et ont été reçus par M. X... avant que ne se mettent en place les relations litigieuses, ainsi qu'il le fait pour tout nouveau co-contractant, et que ces quatre sociétés étaient des entreprises générales du bâtiment ne disposant d'aucune spécificité particulière, au contraire, l'absence de spécialité a été revendiquée par M. X... comme critère de choix pour leur affectation à certains chantiers ; que ce sont des entreprises qui ont peu de matériel, voire un matériel réduit au minimum (pelles, pioches, truelles), et même aucun matériel pour la SARL Macotrad, bien qu'elles soient des entreprises générales du bâtiment, mais les gérants concernés ont pour la plupart précisé que les travaux confiés ne demandaient pas un matériel important ou particulier ; que, quant aux fournitures, il n'est pas contesté que la Sogecer fournit le plus souvent les matériaux ; que bien que des anomalies aient été relevées dans la facturation en ce qu'il n'y a aucun numéro d'ordre mentionné et que peu de bons de commande préalables aux travaux aient été établis (seuls des bons de régularisation ont été trouvés lors de la perquisition), que la facturation et le paiement sont regroupés mensuellement et non à l'issue de l'exécution du chantier, la facturation reflète un paiement à la tâche ; que dès lors, deux critères significatifs de la fausse sous-traitance, le lien de subordination et la détermination du prix, sont à examiner :
- M. Abdallah G... , gérant de la société Signalisation Midi Pyrénées a revendiqué l'organisation et la surveillance des chantiers, ainsi que la fixation du prix demandé à Sogecer pour leur réalisation ; qu'en l'absence d'autres éléments, il n'est pas établi que Sogecer et Signalisation Midi Pyrénées soient dans une relation de fausse soustraitance ;
- M. Z..., gérant de la société Samatrac, a affirmé qu'il surveillait lui-même le travail sur les chantiers, mais pour ce qui concerne les prix, il a successivement dit que Sogecer fixait le montant des chantiers et le chef de chantier évaluait le nombre d'ouvriers nécessaires, pour ensuite en confrontation indiquer qu'il proposait un prix et la Sogecer l'acceptait ou non ; qu'un doute demeure sur le manque d'autonomie de cette société par rapport à Sogecer et une relation de fausse sous-traitance n'est pas suffisamment démontrée ;
- M. A..., gérant de la SARL Somisit a affirmé que le conducteur de travaux de Sogecer était là le matin pour indiquer le travail à faire, et qu'ensuite le chef de chantier restait sur place et organisait le travail, pour ensuite en confrontation se montrer plus imprécis, évoquant un seul contrôle des chefs de chantier quand ils passaient ; que, quant aux prix, ils étaient fixés par discussion entre lui et M. X..., après que lui-même ait effectué le métrage et donné son tarif, mais M. A... a précisé que les relations contractuelles avaient cessé parce que M. X... avait voulu imposer des prix inférieurs à ceux qu'il pratiquait, de sorte qu'une fausse sous-traitance n'est pas caractérisée ;
- M. B..., gérant de la SARL Macotrad a détaillé les conditions dans lesquelles il avait travaillé pour Sogecer, sous les ordres de M. Mohamed C..., qui était le vrai patron des ouvriers ; qu'il a indiqué que la direction des travaux était effectuée par quelqu'un de Sogecer et a même affirmé que l'entreprise travaillait dans un rapport d'un salarié Sogecer pour trois de Macotrad, ce que M. X... a formellement contesté, sauf pour l'un de ses chefs de chantier ou conducteurs de travaux à contrôler la bonne exécution des travaux en tant que donneur d'ordre ; que lors de la confrontation, M. B... s'est montré très imprécis ; que, quant à la détermination du prix, M. B... n'est jamais intervenu directement, percevant en liquide une rémunération par M. Mohamed C... ; qu'indépendamment de la proportion en personnel rapportée par M. B..., force est de rappeler que M. Mohamed C... (père) a été condamné de façon définitive pour complicité de prêt illicite de main d'oeuvre en raison du rôle intermédiaire qu'il a joué, dans le cas d'espèce, dans les rapports entre la SARL Macotrad et la Sogecer, qu'en outre, M. B... est un ancien salarié intérimaire employé par un artisan (Mustapha D...)
pour des chantiers pour Sogecer et que son parcours personnel d'ancien ouvrier agricole et de manoeuvre ne l'avait pas préparé à l'autonomie qui doit caractériser une société sous-traitante ; que ces circonstances jointes au fait que la SARL Macotrad ne disposait d'aucun matériel, qui était fourni par la Sogecer qui approvisionnait également en matériaux, sont déterminantes d'une relation de fausse sous-traitance entre les deux sociétés ; que dès lors qu'il a été recouru par la SAS Sogecer aux services de la SARL Macotrad pour lui confier en moins de six mois près de 448 500 euros de travaux, le prêt illicite de main d'oeuvre a eu pour finalité de contourner les dispositions légales ou réglementaires relatives à l'embauche de nouveaux salariés ou de salariés intérimaires évinçant ainsi un coût supplémentaire lié aux charges sociales et salariales dont a bénéficié la SAS ; qu'ainsi, si la relaxe sera prononcée au bénéfice de M. X... pour le prêt illicite de main d'oeuvre pour les ouvriers des sociétés Samatrac, Somisit et Signalisation Midi Pyrénées, il sera condamné pour ce délit relatif à la société Macotrad ; qu'en effet, et ainsi que l'a rappelé le tribunal correctionnel, la responsabilité éventuelle d'une personne morale n'est pas exclusive de la responsabilité personnelle de ses dirigeants ; que dans le cas présent, il est constant que M. X..., président de la SAS, avait un rôle actif dans la gestion de l'entreprise et qu'en matière de sous-traitance, il effectuait le choix des sous-traitants – vrais ou faux – après les avoir reçus personnellement et en établissait la liste à laquelle il était recouru ensuite dans le cadre de la réalisation de marchés ; que dès lors, en inscrivant sur cette liste la SARL Macotrad qui ne répondait à aucun des critères de la sous-traitance, M. X... a commis une faute personnelle, qui engage sa responsabilité pénale au titre du prêt illicite de main-d'oeuvre, peu important qu'il n'en ait pas retiré un bénéfice personnel ; que, sur le délit de recours aux services de travailleurs dissimulés, six autres prévenus concernés par la présente affaire, MM. Mohamed Z..., Ali Z..., G... , E... Mohamed (fils), A... et B... ont été condamnés du chef d'exercice d'un travail dissimulé ; qu'ils ont agi pour M. Mohamed Z... et son frère Ali chargé de la facturation sous couvert de la société Samatrac, MM. B... et M. C... Mohamed (fils) gérants successifs sous couvert de Macotrad, et M. Abdallah G... , sous couvert de la SARL Signalisation Midi Pyrénées ; que M. X... conteste le délit au motif qu'il n'est pas démontré qu'il ait su la situation irrégulière des personnes énoncées dont les sociétés nouvellement créées étaient inscrites au registre du commerce, et qu'il avait recueilli les documents exigés par la loi et les règlements en vigueur à l'époque dans le cadre de contrats de sous-traitance ou de prestations de service ;qu'en l'espèce, il résulte de l'article R. 324-4 du code du travail dans sa rédaction applicable aux faits reprochés entre le 1er janvier 2003 et le 10 janvier 2006, qu'il était tenu de recueillir une inscription au registre du commerce et des sociétés, comme elles avaient moins d'un an d'existence un récépissé de déclaration au centre de formalité des entreprises (mais l'inscription au registre du commerce vaut déclaration au centre de formalité), ainsi qu'une attestation sur l'honneur que les sociétés employaient des salariés régulièrement au regard du code du travail ; que compte tenu de la courte durée de vie de chacune de ces sociétés allant de 11 à 13 mois d'existence dès lors que la SARL Samatrac gérée par M. Z... Mohamed a été créée le 21 juillet 2003 avec une fin d'activité enregistrée le 30 juin 2004, et que la société SARL Macotrad gérée par M. B... créée le 2 mai 2002 avec une fin d'activité le 31 mai 2003, il n'y a pas d'anomalie à ce que les documents trouvés lors de la perquisition aient été limités à une attestation sur l'honneur ; qu'en revanche, il n'est justifié d'aucune démarche à l'égard de la SARL Signalisation Midi Pyrénées, ce qui constitue une négligence coupable ; qu'en ce qui concerne la SARL Somisit gérée par M. A..., créée le 1er mars 2002 avec une fin d'activité enregistrée le 31 mars 2003, la seule facture saisie pour 2003 s'élève à 13 156 euros et ce seul chantier qui entre dans le champ de la prévention retenue contre M. X... est insuffisant à caractériser le délit ; qu'en revanche, M. X... a confié aux trois autres gérants de sociétés des travaux générant un chiffre d'affaires très important soit :
- pour Samatrac : 640 558 euros entre le 21 juillet 2003 et la fin de l'année 2003 soit six mois et 747 721 euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2004, mais en réalité avec une fin d'activité au 30 juin 2004 soit sur six mois ;
- pour Macotrad : 448 490 euros entre le 1er janvier 2003 et le 31 mai 2003 ; pour signalisation Midi-Pyrénées 116 059 euros entre le 17 novembre et le 31 décembre 2004 et 457 182 euros entre le 1er mai 2005 et le 31 décembre 2005 ; que M. X..., qui est un professionnel averti des BTP, qui a reçu personnellement les gérants de ces sociétés pour évaluer leurs capacités à exécuter les travaux qu'il entendait leur confier, tant en ce qui concerne les moyens matériels qu'humains dont ils disposaient, avait connaissance par le chiffre d'affaires de l'activité confiée à ces sociétés et sa participation aux réunions de chantier, de ce que cette activité représentait en volume de travail et en nombre de salariés pour l'exécuter ; que dès lors, il avait conscience tant de la disproportion entre la jeunesse de ces sociétés récemment créées et sans surface financière par rapport à la masse salariale induite par ces travaux ainsi que des charges sociales qu'une telle masse salariale représentait, que d'un développement auquel les gérants ne pouvaient faire face dans un laps de temps aussi court qu'une année, sauf à recourir au travail clandestin qui élude tout ou partie des déclarations fiscales et sociales ; que de plus, en proposant aux personnes et sociétés citées des chantiers à exécuter dans les 48 heures, M. X... ne pouvait pas ignorer qu'elles ne disposaient pas du personnel suffisant sans recourir à des conditions d'emploi illégitimes, lui-même admettant qu'il était difficile d'embaucher du personnel, raison pour laquelle il préférait recourir à la sous-traitance qu'à des travailleurs intérimaires ; que M. X... a ainsi commis une faute personnelle ; que, sur la peine, les circonstances des faits et la nature des infractions source d'un préjudice économique certain justifie, compte tenu de l'absence d'antécédents judiciaires de M. X..., le prononcé d'une peine d'avertissement de six mois d'emprisonnement avec sursis et d'une amende de 30 000 euros ; que, sur l'action civile, les dommages-intérêts alloués à l'URSSAF ne sont pas autrement critiqués qu'à travers la relaxe plaidée ; que la partie civile demande la confirmation du jugement qui a condamné M. X... au paiement de 5 000 euros de dommages-intérêts, lesquels sont justifiés au regard des éléments de la procédure ;

"1°) alors qu'une entreprise peut sous-traiter une prestation de service dès lors que le contrat n'emporte pas transfert du lien de subordination des salariés du sous-traitant ; qu'un contrat de sous-traitance peut être limité à une prestation de pose, le sous-traitant pouvant alors fournir seulement son travail ; qu'en l'espèce, en retenant que l'opération de sous-traitance de pose s'analysait en un prêt de main-d'oeuvre illicite aux motifs inopérants que son parcours professionnel n'avait pas préparé le sous-traitant à l'autonomie, que le matériel et les matériaux étaient fournis par l'entreprise cocontractante, et que le prêt illicite avait permis à cette dernière d'éviter un coût supplémentaire lié aux charges sociales et salariales que lui aurait occasionné l'embauche de nouveaux salariés ou de salariés intérimaires, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le transfert du lien de subordination des salariés du sous-traitant, a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que le délit de travail dissimulé est un délit intentionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a reproché au prévenu, d'une part, de ne pas avoir pu ignorer, au regard de la masse salariale induite par l'ampleur des travaux, que les sous-traitants avaient recours à des travailleurs clandestins, d'autre part, de n'avoir justifié d'aucune démarche à l'égard d'un de ses sous-traitants, « ce qui constitue une négligence coupable » ; qu'en prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a présumé l'intention du prévenu et a fait du délit susvisé un délit non-intentionnel, a violé les articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 364-2 anciens du code du travail" ;

Sur le moyen de cassation pris, en sa première branche :

Attendu que, pour condamner M. X... du chef de prêt illicite de main-d'oeuvre, l'arrêt expose tout d'abord que la société Sogecer gérée par ce dernier s'est adressée à des entreprises générales de bâtiment ne disposant d'aucune spécificité particulière, ayant peu de matériels, avec pour seul client la société Sogecer, dont l'objet est le génie civil et les équipement routiers, travaillant dans le cadre de marchés publics ; que les juges relèvent que ces sociétés ont été payées par la société Sogecer, sur facturation mensuelle ou à la tâche, par chèques, encaissés sur leur compte personnel ou sur le compte de tiers, ce qui a attiré l'attention de Tracfin à l'origine de l'enquête ; qu'ils retiennent, qu'en ce qui concerne la société Macotrad, son gérant, M. B..., a détaillé les conditions dans lesquelles il a travaillé pour la société Sogecer, la direction des travaux étant assurée par un salarié de Sogecer, l'entreprise travaillant dans un rapport d'un salarié pour Sogecer et trois de la société Macotrad et le paiement étant assuré en liquide ; qu'ils ajoutent que M. B... a été condamné de manière définitive pour complicité du délit de prêt illicite de main-d'oeuvre, dans ses rapports avec la société Sogecer, que son parcours d'ancien ouvrier agricole et de manoeuvre ne le préparait pas à l'autonomie, que sa société ne disposait d'aucun matériel, lequel était fourni par la société Sogecer ; qu'ils en déduisent que M. X... a ainsi eu recours aux services de la société Macotrad pour lui confier en moins de six mois près de 448 500 euros de travaux, ce prêt ayant eu pour finalité de contourner les règles légales ou réglementaires relatives à l'embauche de nouveaux salariés ou de salariés intérimaires ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit précité, la cour d'appel n'encourt pas le grief allégué ;

Sur le moyen de cassation pris, en sa seconde branche :

Attendu que, pour retenir le délit de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, l'arrêt énonce que M. X... a confié à trois sociétés, Samatrac, Macotrad et Signalisation Midi Pyrénées des travaux générant sur moins d'une année des chiffres d'affaires très importants, de 640 558 euros pour la première, 448 490 euros pour la deuxième, et deux montants sur des périodes différentes de 116 039 euros et 457 182 euros pour la troisième ; que les juges exposent que les sociétés Samatrac et Macotrad ayant une courte durée d'existence, allant de onze à treize mois d'existence, il n'y a pas d'anomalie à ce que les documents demandés au titre de l'article R. 324-4 du code du travail se limitent à une attestation sur l'honneur mais qu' il n'est justifié d'aucune démarche à l'égard de la société Signalisation midi Pyrénées, ce qui constitue une négligence coupable ; qu'ils retiennent que M. X..., professionnel averti, a reçu personnellement les gérants de ces sociétés, participait aux réunions de chantiers et avait conscience de la disproportion entre la jeunesse de ces sociétés récemment créées, sans surface financière et la masse salariale induite par les travaux confiés, dans un contexte de développement auquel les gérants ne pouvaient faire face sans recourir au travail dissimulé ; qu'ils ajoutent que M. X..., qui proposait des chantiers à exécuter sous 48 heures, pouvait d'autant moins ignorer que ces sociétés ne disposaient pas du personnel suffisant sans recourir à des conditions d'embauche irrégulières que lui-même admettait qu'il était difficile d'embaucher du personnel ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, la cour d'appel n'encourt pas le grief visé au moyen ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.