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Décisions

CA Nancy, 1re ch., 26 août 2024, n° 23/01881

NANCY

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Fnbt (SCI)

Défendeur :

Sci Poincarnot (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Buquant

Conseillers :

Mme Hiribarren, Mme Olivier-Vallet

Avocats :

Me Boudet, Me Vasseur, Me Kremser

TJ Val de Briey, du 4 août 2023, n° 19/0…

4 août 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 19 février 2018, la société civile immobilière (SCI) Poincarnot, vendeur, a conclu avec la SCI FNBT, acquéreur, un compromis de vente portant sur trois immeubles à usage locatif, situés à Villerupt (54190) au [Adresse 6] et aux [Adresse 7], pour un prix total de 732000 euros, payables selon les modalités suivantes :

- 6000 euros déjà versés le 11 décembre 2017,

- 6000 euros déjà versés le 31 janvier 2018,

- le solde de 720000 euros payable le jour de la réitération par acte authentique.

Ce compromis précisait que la réitération devait intervenir au plus tard le 15 janvier 2019.

Il prévoyait une condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt par l'acquéreur de 725000 euros au plus tard le 1er décembre 2018.

Ce compromis indiquait que l'immeuble situé [Adresse 8] avait subi un incendie le 29 janvier 2018, lequel avait été déclaré à son assureur par la société venderesse qui, avec l'accord de la société acheteuse, déclarait vouloir subroger celle-ci dans ses droits sur l'assureur.

Le 19 décembre 2018, un nouveau compromis de vente concernant ces trois immeubles a été régularisé entre la SCI Poincarnot et la SCI FNBT. Cet acte repoussait la date de réitération laquelle devait intervenir au plus tard le 1er juillet 2019. L'acquéreur renonçait à la condition suspensive d'obtention d'un crédit et souscrivait la mention manuscrite en ce sens. Les mentions relatives au sinistre et à la subrogation de l'acquéreur dans les droits du propriétaire vis-à-vis de l'assureur étaient reprises. Il était ajouté une clause pénale à la charge de la partie qui refuserait de régulariser l'acte authentique, dont le montant était fixé à 10 % du prix de vente.

Ces deux compromis faisaient suite à un accord du 5 décembre 2017, à la suite duquel, par 'contrat d'indemnité de jouissance' en date du 19 décembre 2018, les deux parties convenaient que :

- la SCI FNBT percevait les loyers pendant la durée de gestion courante qui lui était attribuée et jusqu'au 1er juillet 2019 et supporterait seule les frais de gestion, taxes et abonnements afférents aux immeubles,

- la SCI FNBT verserait en contrepartie une indemnité de jouissance fixée à la somme de 4000 euros mensuels à la SCI Poincarnot depuis le 1er janvier 2018 et jusqu'au 1er juillet 2019, ne s'imputant pas sur le prix d'acquisition.

Par acte du 25 mai 2018, le gérant de la SCI FNBT, qui avait reçu procuration du gérant de la SCI Poincarnot pour régler avec les compagnies d'assurance toute question relative au sinistre du 29 janvier 2018, a accepté l'accord proposé par Axa fixant à 48810 euros le premier règlement au titre de l'immédiat et à 29798 euros le deuxième règlement au titre du différé, à verser après réalisation des travaux.

Bien qu'une mise en demeure d'avoir à comparaître devant le notaire dans un délai de quinze jours a été signifiée à la SCI FNBT le 5 juillet 2019, l'acte authentique n'a pas été réitéré.

Par acte d'huissier délivré le 13 septembre 2019, sommation a été faite à la SCI FNBT de restituer les baux, clefs et cautions perçus concernant les trois immeubles objet du litige.

Par acte d'huissier délivré le 30 août 2019, la SCI Poincarnot a assigné la SCI FNBT aux fins d'obtenir le versement de l'indemnité prévue au titre de la clause pénale, et le paiement de l'indu au titre des travaux devant être réalisés suite à l'incendie.

Par jugement contradictoire du 4 août 2023, le tribunal judiciaire de Val-de-Briey a :

- condamné la SCI FNBT à payer à la SCI Poincarnot la somme de 61200 euros au titre de la clause pénale,

- condamné la SCI FNBT à payer à la SCI Poincarnot la somme de 32369,39 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, au titre du paiement de l'indu,

- débouté la SCI FNBT de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à enjoindre à la SCI Poincarnot de produire l'extrait de compte portant versement des indemnités d'assurance à son profit,

- condamné la SCI FNBT à payer à la SCI Poincarnot une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI FNBT aux dépens de l'instance, qui seront recouvrés par Maître Kremser conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a observé que le compromis de vente signé le 19 décembre 2018 entre la SCI Poincarnot et la SCI FNBT comportait une clause pénale stipulant expressément que « Au cas où l'une quelconque des parties après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, alors elle devra verser à l'autre partie une somme égale à DIX POUR CENT (10%) du prix de vente. ». Il a relevé que la SCI FNBT, qui ne bénéficiait pas d'une condition suspensive, ne pouvait se prévaloir de la non-obtention de prêt, qu'elle n'avait pas déféré à la mise en demeure du 5 juillet 2019 de se présenter devant le notaire - et qu'elle n'avait pas plus restitué les baux, clefs et cautions perçus concernant les immeubles litigieux suite à la sommation du 13 septembre 2019. Il l'a donc condamnée à payer la somme de 61200 euros au regard du prix de vente de 732000 euros, déduction faite des sommes versées à titre d'acompte.

Par suite, sur le fondement de l'article 1302 du code civil, il a estimé que la SCI Poincarnot était fondée à demander la restitution de l'indemnité d'assurance versée à la SCI FNBT, dès lors que les pièces versées aux débats ne rapportaient pas la preuve qu'elle avait réalisé les travaux que l'indemnité devait financer. Pour fixer le montant à 32369,39 euros avec intérêt au taux légal, le tribunal s'est fondé sur le devis établi par la société [K] spécialisée dans les travaux de toiture et intervenue sur place immédiatement, plutôt que sur l'estimation générale de l'expert en assurances, ainsi que la facture concernant les portes de l'immeuble, conformément aux constatations effectuées par huissier le 13 mai 2020.

Enfin, au regard des éléments déjà produits par la SCI Poincarnot, le tribunal a considéré qu'il n'y avait pas lieu de lui enjoindre de produire un extrait de compte établissant la réception du second versement au titre du solde d'autant que les deux versements de l'indemnité d'assurance n'étaient pas contestés.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 25 août 2023, la SCI FNBT a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI FNBT demande à la cour de :

- la recevoir en son appel,

- le dire bien fondé,

En conséquence,

- réformer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement entrepris,

En conséquence,

- débouter la SCI Poincarnot de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SCI Poincarnot aux entiers frais et dépens,

- condamner la SCI Poincarnot à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 8 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Poincarnot demande à la cour de :

- juger irrecevables les conclusions de la S.C.I. FNBT en application de l'article 961 du code de procédure civile et constater par conséquent que l'appel n'est pas soutenu.

- déclarer l'appel interjeté par la SCI FNBT mal fondé,

- confirmer le jugement,

Y ajoutant,

- condamner la SCI FNBT à lui régler les intérêts au taux légal à compter du 30 août 2019 sur les condamnations prononcées par le premier juge, soit la somme de 93569,39 euros (61200 euros et 32369,39 euros),

- condamner la SCI FNBT à lui régler la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la SCI FNBT à lui régler la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI FNBT en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP Barbara Vasseur, Renaud Petit, avocats associés, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 21 mai 2024.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 17 juin 2024 et le délibéré au 26 août 2024.

Le 18 juin 2024, la cour a demandé aux parties de faire leurs observations sur la caducité de l'appel, compte tenu de l'irrecevabilité des conclusions de la société appelante soulevée par la société intimée. Aucune partie n'a fait usage de la faculté accordée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par la SCI FNBT le 14 mars 2024 et par la SCI Poincarnot le 8 avril 2024 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 21 mai 2024 ;

Vu l'autorisation de produire une note en délibéré donnée le 18 juin 2024 ;

Selon l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions des parties doivent contenir en en-tête les indications figurant à l'article 961. Il résulte de ce texte et du renvoi à l'article précédent que doivent être mentionnées, dans le cas d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement, à peine d'irrecevabilité pouvant être régularisée jusqu'au jour de la clôture.

Dans ses premières conclusions d'appelant notifiées le 15 novembre 2023 et dans ses écritures notifiées le 14 mars 2024, la SCI FNBT indiquait que son siège social était situé au [Adresse 3] ([Adresse 10]).

La société intimée a soulevé dans ses conclusions notifiées le 8 avril 2024 l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante au motif que son siège social n'était pas situé à l'adresse indiquée.

Effectivement, la SCI FNBT ne dispose d'aucune domiciliation dans l'immeuble situé au [Adresse 1] à Villerupt, deuxième adresse de l'immeuble situé [Adresse 9] (cf pièce 1 intimé, page 3) objet du compromis de vente qui n'a jamais été réitéré par celle-ci, qui n'en est donc jamais devenue propriétaire.

Au surplus, la SCI Poincarnot fait valoir que le siège social figurant à l'extrait K bis de la société appelante ([Adresse 5]) est une adresse fictive, comme précisé sur l'écrit dressé par commissaire de justice le 29 novembre 2023.

Les deux jeux de conclusions de la société appelante, qui n'indiquent pas l'adresse réelle de son siège social, ne répondant pas à la condition posée à l'article 960 du code de procédure civile et sont en conséquence irrecevables par application de l'article suivant.

L'appelant n'ayant donc pas notifié de conclusions recevables dans le délai fixé à l'article 908 du code de procédure civile, son appel est en conséquence caduc.

Il s'ensuit, par voie de conséquence, que la cour n'est pas valablement saisie de l'appel incident et ne peut statuer que sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le sort des dépens à hauteur d'appel.

Les dépens de l'instance d'appel seront laissés à la charge de la SCI FNBT qui sera également condamnée à payer la somme de 1000 euros à la SCI Poincarnot pour les frais exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par la société appelante les 15 novembre 2023 et 14 mars 2024 ;

Constate en conséquence la caducité de l'appel ;

Condamne la SCI FNBT aux dépens de l'instance d'appel avec faculté pour la SCPVasseur Petit de faire usage des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI FNBT à payer à la SCI Poincarnot la somme de 1000 euros (MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame BUQUANT, Conseillère à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.-