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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 28 août 2024, n° 22/02558

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 22/02558

28 août 2024

N° RG 22/02558 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JERQ

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 28 AOUT 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/03556

Tribunal judiciaire de Rouen du 27 juin 2022

APPELANTE :

Madame [W] [N] épouse [Y]

née le 10 juin 1968 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentée et assistée par Me Clémence ROUSSELET, avocat au barreau de Rouen

INTIMEE :

Madame [B] [Z]

née le 4 mars 1968 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée et assstée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL HMP AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

INTERVENANT VOLONTAIRE :

BANQUE CIC NORD OUEST

RCS de Lille 455 502 096

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Philippe FOURDRIN de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 17 avril 2024 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 17 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 3 juillet 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 28 août 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 août 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

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Par acte notarié du 23 octobre 2009, reçu par Me [X], notaire, Mme [W] [N] épouse [Y] a acquis auprès de Mme [B] [Z] une maison d'habitation située [Adresse 5] à [Localité 8], cadastrée section ZC n°[Cadastre 2] moyennant le prix de 165 000 euros.

'

En novembre 2016, Mme [Y] a appris, de façon fortuite, que son terrain et sa maison se trouvaient dans le périmètre de sécurité de plusieurs cavités souterraines situées sur des parcelles à proximité immédiate de la sienne. La Direction départementale des territoires et de la mer de la Seine-Maritime a confirmé ces informations.

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Par acte d'huissier du 3 septembre 2018, Mme [Y] a fait assigner Mme [Z] devant le tribunal de grande instance de Rouen en 'résolution' de la vente en invoquant d'une part la réticence dolosive de la venderesse et d'autre part la garantie des vices cachés.'

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Par jugement du 14 juin 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a ordonné la réouverture des débats afin que les parties produisent le plan local d'urbanisme complet et daté applicable à la commune d'[Localité 8] et qu'elles s'expliquent sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre de la Sa Banque Cic Nord-Ouest et Me [X].

'

Par jugement contradictoire du 27 juin 2022, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- déclaré Mme [Y] recevable en ses demandes,

- débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [Y] à payer à Mme [Z] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Y] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

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Par déclaration d'appel reçue le 28 juillet 2022, Mme [Y] a formé appel du jugement.

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Par arrêt contradictoire avant dire droit du 15 novembre 2023, notre cour a :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 28 juin 2023 et la réouverture des débats pour l'affaire être à nouveau plaidée à l'audience du 17 avril 2024 à 14 heures,'

- invité les parties à conclure sur la saisine de la cour, au titre de la nullité du contrat de vente au visa de l'article 1116 du code civil, au regard des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile pour le 14 février 2024,

- dit que sauf difficulté, l'ordonnance de clôture sera prononcée le 20 mars 2024 à 10 heures,

- réservé les dépens.''

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EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

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Par dernières conclusions notifiées le 12 mars 2024,'Mme [W] [Y] demande à la cour, au visa des articles 1130, 1137, 1184 et 1641 et suivants du code civil, L. 312-12 du code de la consommation, 696, 699, 700, 910-4 et 909 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [Y],

en conséquence,

- infirmer les dispositions du jugement entrepris en ce qu'il a :

. débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes (demande de nullité de la vente fondée sur la réticence dolosive, demande en résolution de vente fondée sur le vice caché et demande de réduction du prix, ainsi que la demande en réparation de son préjudice moral),

. condamné Mme [Y] à payer à Mme [Z] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné Mme [Y] aux dépens,

statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable la demande de Mme [Z] tendant à voir prononcer l'irrecevabilité de sa demande en nullité de la vente pour dol comme tardive,

- prononcer l'annulation de la vente de l'immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 8], cadastré section ZC n°[Cadastre 2], pour une contenance de 10a et 19ca intervenue le 23 octobre 2009 entre elles et à défaut,

- prononcer la résolution/l'anéantissement rétroactif de la vente de l'immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 8], cadastré section ZC n°[Cadastre 2], pour une contenance de 10a et 19ca intervenue le 23 octobre 2009 entre elles,

en conséquence,

condamner Mme [Z] à lui payer les sommes de :

. 165 000 euros en remboursement du prix d'acquisition,

. 19 560,17 euros au titre des frais notariés,

. 7 000 euros au titre de la commission de l'agence immobilière qui était à la charge de l'acquéreur,

. 15 217,58 euros à parfaire, au titre des intérêts du prêt accession sociale à taux fixe de 4,15 % à hauteur de 67 625 euros,

. 2 510,40 euros, à parfaire, au titre des assurances attachées aux prêts,

. 3 969,86 euros au titre des travaux effectués par Mme [Y] sur le bien immobilier litigieux,

- condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,

à titre subsidiaire,

- réduire le prix de vente de l'immeuble de la somme de 51 000 euros, ainsi que les frais résultant directement ou indirectement de cette vente,

en conséquence,

- condamner Mme [Z] à lui restituer la somme de 51 000 euros en restitution du prix de vente, outre les frais équivalent à cette réduction de prix, assortie des intérêts légaux à compter de la notification de la présente assignation,

- condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,

sur l'intervention volontaire de la Banque Cic Nord-Ouest, dans l'éventualité du prononcé de la résolution de la vente de l'immeuble,

- prononcer la résolution des contrats de prêt accordés par la Banque Cic Nord-Ouest à Mme [Y],

- condamner la Banque Cic Nord-Ouest à supporter le montant du principal, des intérêts, frais accessoires et cotisations d'assurances,

en tout état de cause,

- débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter la Banque Cic Nord-Ouest de toutes demandes dirigées à son encontre,

- condamner Mme [Z] ou tous succombant à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et

2 000 euros en cause d'appel,

- condamner Mme [Z] ou tous succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel.

À la suite de l'arrêt avant dire droit du 15 novembre 2023, elle indique qu'aux termes de ses écritures sa demande de résolution comprend nécessairement la demande d'annulation fondée sur l'existence d'un dol, comme conduisant à l'anéantissement de l'acte, de sorte que la saisine de la cour ne semble pas poser de difficulté.

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Alors que Mme [Z] soutient que la demande de nullité de la vente pour dol serait irrecevable, elle prétend que cette demande ne saurait prospérer en raison de sa tardiveté en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, et précise que l'intimée n'a pas formé d'appel incident sur ce point conformément à l'article 909 dans le délai de trois mois à compter de la notification de ses conclusions, ce qui devrait emporter l'irrecevabilité de sa demande.

Au titre de la nullité du contrat de vente du 23 octobre 2009, et se référant à l'article 1116, devenu 1137 du code civil, elle agit sur le fondement du dol.

Pour soutenir que cette action ne serait prescrite qu'en novembre 2021, elle rappelle que conformément à l'article 1144 du code civil, le délai de l'action en nullité ne court, en cas d'erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts'soit en l'espèce, en novembre 2016 lors de la découverte de l'existence des cavités et ce alors que l'assignation a été délivrée le 3 septembre 2018 ; qu'il convient d'appliquer le délai d'action de droit commun de cinq ans de l'article 2224 en la matière.

Elle soutient contrairement aux motifs retenus par le tribunal que Mme [Z] a dissimulé une information en sa possession alors que le rapport du Centre d'Études Techniques de l'Équipement Normandie Centre du 13 février 2002 envisageait déjà l'existence d'une marnière'; que Mme [Z] a été signataire d'une pétition initiée par Mme [R] le 11 février 2002 faisant état de l'apparition d'un trou d'un mètre de diamètre et d'environ deux mètres de profondeur le 5 février dernier'; qu'ainsi, Mme [Z] ne pouvait ignorer que l'immeuble litigieux était frappé d'un indice de cavité et s'est gardée de lui indiquer, de sorte que cette man'uvre constitue un dol, sans lequel elle n'aurait pas acheté l'immeuble.

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Subsidiairement, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, pour solliciter la résolution de la vente sur le fondement de la garanties des vices cachés, elle explique que le bien litigieux est situé à l'intérieur du périmètre de sécurité de 60 mètres autour d'une cavité souterraine sur la parcelle voisine'; qu'il est donc affecté d'un vice caché pour l'acquéreur, vice antérieur à la vente, puisque Mme [Z] s'est abstenue de porter à sa connaissance les incidents de 2001, 2002 et 2008, manifestant l'existence de marnières sur le terrain voisin et la forte présomption de cavités sur la parcelle vendue.

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Elle ajoute que le risque encouru par l'acquéreur est indéniable'; que le fait pour celui-ci de découvrir que le bien est impacté par un périmètre d'inconstructibilité consécutif à la présence de marnières est suffisamment grave en lui-même pour remettre en cause les caractéristiques d'un bien vendu que tout acheteur prend nécessairement en considération.

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Elle demande une indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 5 000 euros, subi du fait de la déloyauté dont elle a fait preuve, des tracas causés par cette découverte impromptue qui l'a placée dans un état d'angoisse important, et du fait que le vice découvert impact fortement la valeur du bien.

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A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne faisait pas droit à la demande de résolution présentée par l'appelante, elle sollicite la diminution du prix d'acquisition du bien litigieux et la restitution d'une partie de celui-ci. Elle expose que sans levée de suspicion, la valeur du bien est aujourd'hui minorée de 30 % de sa valeur, de sorte que la diminution serait de l'ordre de 51 000 euros. Elle formule également, à titre infiniment subsidiaire une demande d'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 3 000 euros.

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Sur les demandes formulées par la Banque Cic Nord-Ouest au titre de son intervention volontaire, elle affirme que dès lors que la résolution de la vente est prononcée, elle n'est plus propriétaire du bien objet des garanties et que partant, les demandes formées par l'établissement bancaire ne peuvent prospérer puisque la décision emportera nullité des contrats de prêts à tout le moins leur résolution. Il conviendrait alors de condamner la Banque Cic Nord-Ouest à supporter le montant des intérêts, frais accessoires et cotisations d'assurances.

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Par dernières conclusions notifiées le 13 février 2024,'Mme [B] [Z] demande à la cour au visa des articles 1116 et 1641 du code civil, et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Mme [Y] à l'encontre du jugement susvisé,

- juger irrecevable la demande de nullité de la vente pour dol,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- débouter Mme [Y] de sa demande tendant à la résolution de la vente immobilière, ou à la diminution du prix,

- condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner Mme [Y] en tous les dépens de 1ère instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Poirot-Bourdain, avocat.

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À titre liminaire, elle explique que nullité et résolution sont deux notions distinctes qui ne sauraient être confondues'; que dans la mesure où dans ses conclusions d'appelante Mme [Y] a sollicité dans son dispositif la résolution de la vente de l'immeuble, alors qu'elle développe au titre des moyens de droit, la nullité du contrat de vente pour dol, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est saisie que d'une demande de résolution de la vente de l'immeuble fondée sur la garantie des vices cachés. La demande d'annulation ajoutée dans les dernières conclusions notifiées le 12 mars 2024 est tardive et donc irrecevable au regard des articles 910-4 et 908 à 910 du code de procédure civile.

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Elle expose qu'aucun élément allégué par Mme [Y] ne permet de déterminer avec certitude l'existence d'une marnière en sous-sol de sa propriété puisque dans le document informatif sur les risques naturels et technologiques de la commune d'[Localité 8], il existe un plan de prévention des risques naturels sur la commune, mais uniquement concernant les risques d'inondation de débordement de rivières, de ruissellement, de remontées, et non de risque d'effondrement dû à une marnière.

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Elle ajoute que le site gouvernemental recensant les cavités, marnières ou excavations présentes en sous-sol français, précise que la commune ne se situe pas en zone à risque puisque l'ensemble des marnières présentes dans son sous-sol ont été comblées par les services de la commune. La pétition, rédigée par une voisine, qui sollicitait des informations quant à la nature du sous-sol, auprès de la mairie, ne peut constituer une reconnaissance de l'existence de marnières sous son habitation. En outre elle n'a pas été informée de l'existence de marnières dans son sous-sol et n'a donc pas pu ni volontairement ni par réticence, commettre de dol, dans le cadre de la vente de sa maison.'

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Elle indique que si les cavités souterraines existaient antérieurement à la vente conclue le 23 octobre 2009, elle n'en avait pas réellement connaissance'; que certes, des effondrements se sont produits à proximité de son habitation en 2001, 2002 et 2008, sans qu'elle ne soit informée de la présence effective de carrières souterraines en sous-sol de son habitation, permettant dès lors de démontrer qu'elle n'avait aucune connaissance certaine de l'existence de marnières sous son pavillon, et n'a pas volontairement omis de transmettre cette information à Mme [Y].

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Elle considère par ailleurs que l'existence de cavités souterraines sous l'habitation ne rend pas le pavillon impropre à sa destination puisque Mme [Y] jouit de l'utilisation totale de sa propriété sans qu'aucune dégradation imputable au sous-sol ne vienne en entacher l'usage.

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Par dernières conclusions d'intervention volontaire notifiées le 17 mai 2023,'la Banque Cic Nord-Ouest'demande à la cour de :'

- juger la Banque Cic Nord-Ouest recevable en la forme en son intervention principale et volontaire par application des articles 63 et 68 du code de procédure civile,

- juger recevable la Banque Cic Nord-Ouest comme n'ayant été ni partie ni représentée en première instance par application de l'article 554 du code de procédure civile,'

- juger bien fondée la Banque Cic Nord-Ouest comme ayant un intérêt à'faire juger qu'elle bénéficie de droits consécutifs à l'éventuelle résolution de la'vente immobilière intervenue entre Mme [Y] et Mme [Z],

- juger que cette question se rattache incontestablement à l'objet des demandes dont se trouve saisie la cour dans la présente procédure,

statuant sur le fond de la demande,

- juger que la Banque Cic Nord-Ouest s'en rapporte à justice sur la demande de résolution de l'acte de vente en l'état futur d'achèvement dressé par Me [G] [X], notaire à [Localité 7] (76) le 23 octobre 2009,

- débouter les parties de toute demande dirigée contre la Banque Cic Nord-Ouest,

pour le cas où l'acte de vente serait résolu,

- juger que sont résolus les contrats de prêts n°00020126305 et 00020126306 contractés auprès de la Banque Cic Nord-Ouest par Mme [Y],

- condamner Mme [Y] à payer à la Banque Cic Nord-Ouest la somme de

80 000 euros au titre de la restitution des sommes versées dans le cadre des contrats de prêts résolus, avec compensation au profit de Mme [Y], avec les sommes acquittées par celle-ci au titre des échéances en capital et intérêts,

- juger que la Banque Cic Nord-Ouest pourra conserver le bénéfice des sûretés réelles et personnelles stipulées dans les contrats de prêts jusqu'à l'entière restitution des sommes restant dues,

- condamner Mme [Z] à payer à la Banque Cic Nord-Ouest la somme de 29 966,92 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner solidairement la ou les parties succombantes à payer à la Banque Cic Nord-Ouest la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

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Elle considère avoir intérêt à demander à la cour d'admettre ses demandes telles que dirigées à l'encontre de Mme [Z] dans la mesure où pour le cas où les demandes de Mme [Y] seraient reçues favorablement par la cour, Mme [Z] serait susceptible d'être condamnée à l'indemniser à la suite du préjudice subi par celle-ci en conséquence de la résolution de la vente et du contrat de prêt subséquent après avoir condamné Mme [Y] à restituer les sommes prêtées, à savoir 80 000 euros.

En effet, si la juridiction estime que les manquements contractuels de Mme [Z] sont établis et prononce la résolution du contrat de vente, entraînant ainsi la résolution du contrat de prêt, les fautes délictuelles de la venderesse seront démontrées à l'égard de la banque'; que compte tenu des restitutions sollicitées, elle se trouverait privée de la rémunération des sommes prêtées depuis l'octroi du prêt et jusqu'à son remboursement, de sorte que pouvant prétendre à la réparation intégrale de son préjudice, Mme [Z] devrait l'indemniser des pertes subies.

Sur le maintien des garanties, arguant notamment des dispositions de l'article 2393 du code civil, elle soutient qu'elle bénéficie de garanties inscrites sur le bien immobilier'; que ces garanties sont attachées à l'immeuble et qu'elles doivent être maintenues jusqu'à ce que les prêts aient été intégralement remboursés par Mme [Y]. Elle estime en conséquence qu'elle pourra conserver le bénéfice des sûretés stipulées dans le contrat de prêt jusqu'à l'entière restitution des sommes restant dues.

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Il est renvoyé aux écritures des parties susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits et de leurs moyens et prétentions.

La clôture de l'instruction est intervenue le 20 mars 2024.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation du contrat de vente immobilière

En application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Par arrêt du 15 novembre 2023, notre cour a relevé la difficulté quant à l'absence de concordance entre':

- les prétentions de l'appelante exposée dans le dispositif de ses conclusions soit le prononcé de'la résolution de la vente de l'immeuble',

- les termes de la discussion visant à titre principal ''LA NULLITE DU CONTRAT DE VENTE': L'EXISTENCE D'UN DOL.'.

La cour a rappelé qu'annulation et résolution du contrat constituaient des chefs de demande distincts et a donc rouvert les débats pour recevoir les explications des parties.

Pour régulariser ses prétentions, Mme [Y] a ajouté dans ses dernières conclusions n°5 notifiées le 12 mars 2024 une demande tendant à voir la cour''prononcer l'annulation de la vente de l'immeuble'.

Cependant, Mme [Y] a procédé à la notification de ses conclusions d'appelantes n°1 à 4, respectivement les 25 octobre 2022, 13 avril 2023, 12 juin 2023 et 1er février 2024 sans viser une prétention relative à l'annulation de la vente.

Les prétentions ont été fixées par les premières conclusions notifiées le 25 octobre 2022 de sorte que la cour n'est saisie que de la demande de résolution de la vente.

De façon fondée, Mme [Z] invoque la fin de non-recevoir au titre de la tardiveté de la prétention.

En effet, l'article 910-4 du code de procédure civile précise qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles'905-2'et'908'à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

L'article 908 du code de procédure civile pose le principe selon lequel à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

A défaut d'avoir formulé une demande d'annulation de la vente immobilière dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, la prétention présentée dans les conclusions n°5 du 12 mars 2024 est irrecevable.

Mme [Y] ne peut soutenir utilement qu'il s'agit d'une fin de non-recevoir constituant une demande nouvelle en''l'absence d'appel incident' de la part de Mme [Y] alors que d'une part, la cour a le pouvoir de soulever d'office les moyens de droit susvisés et que d'autre part, la cour n'étant pas saisie avant le 12 mars 2024, il ne peut être fait reproche à l'intimée d'avoir rétorqué aux dernières conclusions modifiées de l'appelante.

En conséquence, la prétention discutée formulée tardivement étant irrecevable, la cour n'est saisie que d'une demande de résolution de la vente.

Sur la demande de résolution de la vente immobilière

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1643 suivant précise qu'il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Mme [Z] se prévaut de la clause élusive de garantie.

L'acte de vente du 23 octobre 2009 précise en effet en page 14 que la venderesse ne garantit pas les vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments à l'exception des défauts de la chose vendue dont le vendeur a connaissance.

Mme [Y] doit donc démontrer à la fois l'existence d'un vice caché soit l'existence d'un défaut de la chose vendue antérieur à la vente, non apparent et présentant un caractère de gravité certain au point de rendre le bien impropre à sa destination et la connaissance qu'en avait la venderesse.

Le plan local d'urbanisme de la commune d'[Localité 8] versé aux débats de décembre 2013 établit l'existence d'''un périmètre de risque lié aux cavités''; la circonférence coupe pour partie la parcelle [Cadastre 2] appartenant à Mme [Y], n°[Adresse 5]. Ce risque présente un caractère de gravité certain au point de compromettre les intentions d'un acquéreur.

Pour établir la connaissance qu'en avait Mme [Z] lors de la vente, Mme [Y] produit':

- un dossier portant devis et facture, correspondances des années 1997 et 1998 démontrant que la commune d'[Localité 8] a fait réaliser des travaux de comblement de marnières';

- deux fiches éditées le 21 février 2017 du site Géorisques faisant mention de cavités faisant suite à une correspondance administrative du 13 février 2002 démontrant l'existence de deux effondrements sur la propriété de Mme [R] (n° 13 La cour pointue) en 2001'et 2002 ;

- une lettre du 11 février 2002 adressée au maire de la commune de la part de Mme [R] faisant état de l'évacuation de sa maison et une demande de certificat confirmant que la commune est intervenue pour combler les deux 'trous''signée par une douzaine de personnes dont Mme [Z]';

- une attestation de M. [I] visant ces effondrements au domicile de Mme [R] et un troisième à proximité qui a été comblé par la mairie';

- une attestation de M. [T] domicilié également [Adresse 9] à [Localité 8] précisant qu'il a acquis son immeuble en 2007 sans avoir connaissance de l'existence de telles cavités';

- une attestation de Mme [R] qui déclare précisément que''Suite aux difficultés rencontrées pour vendre ma maison, j'ai contacté les propriétaires des maisons concernées afin de créer une association pour lever le périmètre, c'est dans ce contexte que j'ai contacté Mme [Y] [W] en novembre 2016 pour informer que sa propriété se trouvait dans ce périmètre'.

Le périmètre de sécurité en raison de cavités, seul document permettant de déterminer l'impact des cavités sur la commune, n'a été établi que dans le rapport du géomètre-expert en décembre 2013 et n'a été donc été porté à la connaissance des tiers au plus tôt qu'en 2014 soit plus de quatre ans après la vente de la propriété de Mme [Z]. Mme [R] expose dans son attestation en avoir même eu connaissance plus tardivement au cours de l'année 2016 selon le contact pris alors avec ses voisins.

Avant la vente, les seules pièces susvisées portent sur deux effondrements, de faible ampleur au regard des photographies produites tant en leur périmètre qu'en leur épaisseur, traités par la commune, sur la propriété de Mme [R] dont a eu connaissance Mme [Z] en 2002. Toutefois, rien ne démontre que les résidents de La cour pointue avait connaissance d'un risque grave puisque M. [T] lui-même déclare qu'il a acquis son bien encore plus proche de celui de Mme [R], en 2007, s'en savoir que le risque existait. Seul un témoin évoque l'existence d'un troisième effondrement sans autre précision permettant d'exploiter le fait à l'égard de Mme [Z].

La seule pièce qui permet d'affirmer que Mme [Z] avait une connaissance est la lettre sur laquelle elle a porté sa signature par laquelle Mme [R] réclame un certificat de la mairie confirmant que les effondrements sur son bien ont été comblés.

Ces éléments sont manifestement insuffisants pour caractériser la connaissance de vices cachés de la part de Mme [Z] lors de la vente.

En conséquence, la demande de ce chef de Mme [Y] et ses demandes subséquentes seront rejetées, le jugement confirmé de ce chef.

Les demandes de la banque liées à l'hypothèse de résolution de la vente sont en conséquence sans objet.

Sur les frais de procédure

Mme [Y] succombe à l'instance et en supportera les dépens dont distraction au profit de la Selarl Poirot-Bourdain.

Elle sera condamnée à payer au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 euros à Mme [Z] et la somme de 2 000 euros à la Banque Cic Nord-Ouest.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande de Mme [W] [Y] tendant à voir la cour annuler la vente immobilière litigieuse, la cour n'en étant dès lors pas régulièrement saisie,

Et dans les limites de l'appel formé,

Confirme le jugement le jugement entrepris,

Condamne Mme [W] [Y] à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 euros à Mme [B] [Z] et la somme de 2 000 euros à la Banque Cic Nord-Ouest,

Condamne Mme [W] [Y] aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Poirot-Bourdain.

Le greffier, La présidente de chambre,