Décisions
CA Rouen, 1re ch. civ., 28 août 2024, n° 23/02047
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 23/02047 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMOI
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 28 AOUT 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/02471
Président du tribunal judiciaire d'Evreux du 4 avril 2023
APPELANTS :
Monsieur [J] [D]
né le 18 avril 1973 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparant en personne, représenté et assisté par Me Sophie GUIHENEUF, avocat au barreau de Rouen
Madame [K] [V] épouse [D]
née le 23 février 1975 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Sophie GUIHENEUF, avocat au barreau de Rouen
INTIMES :
Monsieur [B] [S]
né le 2 mai 1947 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté et assisté par Me Jean-Jérôme TOUZE de la SELARL AVOCATS NORMANDS, avocat au barreau de l'Eure
Madame [O] [F] épouse [S]
née le 2 juillet 1950 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Jean-Jérôme TOUZE de la SELARL AVOCATS NORMANDS, avocat au barreau de l'Eure
S.A.R.L. AGENCE LA CHAUMIERE
RCS d'Evreux 309 825 289
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL POIROT-BOURDAIN AVOCAT, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Charles-Henri de Gaudemont, avocat au barreau du Val d'Oise
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 22 mai 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 22 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 août 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 août 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte authentique du 28 octobre 2016, M. [B] [S] et Mme [O] [F], son épouse, ont vendu à M. [J] [D] et Mme [K] [V], son épouse, une maison d'habitation, située [Adresse 4], [Localité 3], au prix de 260 000 euros.
Par ordonnance du 7 novembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux a fait droit à la demande d'expertise présentée au contradictoire de la Sarl Agence La Chaumière, agence immobilière chargée de la vente, et de M. et de Mme [S], par les acquéreurs se plaignant de désordres structurels affectant leur maison. Il a désigné à cet effet M. [M] [W]. Celui-ci a établi son rapport d'expertise le 16 juin 2021.
Par actes d'huissier de justice du 3 septembre 2021, M. et Mme [D] ont fait assigner leurs vendeurs et la Sarl Agence La Chaumière devant le tribunal judiciaire d'Evreux en réparation de leurs préjudices.
Par ordonnance du 21 mars 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable comme forclose l'action sur le fondement de la garantie des vices cachés engagée par M. et Mme [D] à l'encontre de M. et de Mme [S].
Par jugement du 4 avril 2023, le tribunal a :
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre des 'travaux réparatoires et frais d'étude',
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre des 'frais de relogement et de garde-meubles',
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre du 'trouble dans les conditions d'existence et préjudice moral',
- condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] aux entiers dépens, y compris les dépens relatifs aux procédures de référé et les frais d'expertise, étant précisé qu'ils seront recouvrés par Me Marie-Ange Beveraggi pour l'agence immobilière [Adresse 6] en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à M. [B] [S] et Mme [O] [F] épouse [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à l'agence immobilière [Adresse 6] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- rappelé que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 14 juin 2023, M. et Mme [D] ont formé un appel contre le jugement.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 16 mai 2024, M. et Mme [D] sollicitent de voir en application des articles 1104, 1112-1, 1130, 1231-1, 1240, 1137, 1602, 1178 et suivants du code civil et L.111-1 du code de la consommation :
- infirmer le jugement rendu par le juge du tribunal judiciaire d'Évreux le 4 avril 2023 des chefs de jugement ayant :
. débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre des 'travaux réparatoires et frais d'étude',
. débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre des 'frais de relogement et de garde-meubles',
. débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre 'du trouble dans les conditions d'existence et préjudice moral',
. condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] aux entiers dépens, y compris les dépens relatifs aux procédures de référé et les frais d'expertise, étant précisé qu'ils seront recouvrés par Me Marie-Ange Beveraggi pour l'agence immobilière [Adresse 6] en application de l'article 699 du code de procédure civile,
. débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à M. [B] [S] et Mme [O] [F] épouse [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
statuant à nouveau,
à titre principal :
- condamner M. et Mme [S] pour réticence dolosive à leur égard et manquement à leur obligation d'information,
- condamner l'Agence La Chaumière pour manquement à son obligation d'information et de conseil à leur égard,
à titre subsidiaire :
- condamner M. et Mme [S] sur le fondement des vices cachés à leur égard,
- condamner l'Agence La Chaumière à les indemniser à tout le moins à hauteur de 90 % de leur préjudice au titre d'une perte de chance,
en tout état de cause :
- condamner in solidum M. et Mme [S] et l'agence La Chaumière au paiement des sommes suivantes :
. 102 887,90 euros au titre des travaux réparatoires et frais d'étude,
. 2 078 euros au titre des frais de relogement et de garde-meubles,
. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble dans les conditions d'existence et préjudice moral,
- débouter M. et Mme [S] et l'agence La Chaumière de toutes leurs demandes en ce qu'elles diffèrent des leurs,
- condamner in solidum M. et Mme [S] et l'agence La Chaumière à leur verser une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais engagés dans le cadre de la procédure de référé, de la procédure de première instance, ainsi que la procédure d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel y compris des frais d'expertise.
Ils expliquent avoir effectué deux visites de la maison début juillet 2016, lors desquelles les fissures le long des soubassements de leur maison et dans la continuité sur le pignon n'étaient pas apparentes, que seules l'étaient les fissures sur le crépi et celles de rebouchage des fils électriques qui ne semblaient pas inquiétantes compte tenu de leur faible amplitude ; que c'est au cours de l'été 2018 que sont apparues les fissures au niveau du soubassement et du pignon laissant apparaître la présence d'un mastic qui avait visiblement été ajouté avant pour les combler.
Ils reprochent à M. et Mme [S] de leur avoir sciemment dissimulé les désordres affectant leur maison au moment de la vente et résultant d'un important tassement différentiel afin de les tromper pour qu'ils la leur achètent à bon prix ; que ces désordres correspondent aux fissures du soubassement et du pignon rebouchées et recouvertes d'un enduit quelques mois avant la vente, à la réfection de 34 m² de carrelage dans la maison dix mois avant la vente, à la suppression d'une cheminée, à la réfection d'un mur en placoplâtre derrière la pose du poêle, et à la dissimulation d'un vide par des plinthes dans le salon.
Ils soulignent que le tribunal a majoré la charge de la preuve pesant sur eux, qu'ils n'ont pas à prouver que les vendeurs connaissaient l'existence et la gravité des désordres structurels de leur maison, mais seulement que ces derniers leur ont dissimulé des vices graves dont la connaissance avait un caractère déterminant au moment de la vente.
Ils avancent que le tribunal a également commis des erreurs d'interprétation des faits, que M. et Mme [S] ont modifié tout le soubassement de leur propriété en le meulant pour supprimer le crépi ton pierre qu'ils ont remplacé par un simple ciment afin que les futurs acquéreurs ne puissent pas visualiser les énormes fissures ouvertes ; que le tribunal n'a pas distingué entre les fissures profondes rebouchées non visibles au niveau du pignon et en soubassement et les fissures moins profondes rebouchées visibles sur le crépi de la maison.
Ils ajoutent que M. et Mme [S] ont également procédé au changement de leur carrelage dans le salon quelques semaines avant la mise en vente pour dissimuler le vide sous plinthes et au remplacement de la cheminée par un poêle à bois, que les explications de ces derniers pour justifier ces travaux ne sont pas crédibles, que M. et Mme [S] avaient aussi connaissance de ce désordre structurel.
Ils font valoir que, si tous les désordres graves précités dont les vendeurs connaissaient le caractère structurel avant la vente n'avaient pas été masqués au moment des visites et entre les visites et la vente définitive, ils n'auraient pas acheté la maison sans avoir préalablement sollicité l'avis d'un expert du bâtiment pour en connaître l'ampleur et le coût des travaux de reprise ; que la réticence dolosive des vendeurs est établie ; qu'en tout état de cause, ces derniers ont violé leurs obligations contractuelles d'information et de loyauté.
A titre subsidiaire, ils exposent qu'ils sont fondés à agir sur le fondement des vices cachés même si le juge de la mise en état a déclaré leur action forclose, car il ressort de l'arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation du 21 juillet 2023 que le délai de l'article 1648 alinéa 1er du code civil est un délai de prescription susceptible de suspension ; que les fissures en soubassement et sur le pignon constituent des vices cachés compromettant la solidité de l'immeuble et dont les vendeurs avaient nécessairement connaissance, ce qui exclut l'application de la clause contractuelle de non-garantie au profit de ces derniers.
Ils ne concluent pas sur le moyen subsidiaire des intimés relatif à la nature de leur préjudice que ces derniers estiment correspondre à une perte de chance.
Ils font par ailleurs grief à la Sarl Agence La Chaumière d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information à leur égard, alors que M. [C], gérant de celle-ci et gendre des vendeurs, connaissait parfaitement leur immeuble et était nécessairement au courant des désordres l'affectant ; qu'en tout état de cause, M. [C], professionnel de l'immobilier, ne pouvait ignorer que des travaux avaient été faits à l'intérieur et sur les murs de la maison et aurait dû les informer des fissures de soubassement et de pignon dissimulées et des travaux de dissimulation réalisés dans le salon ; que, de même, il aurait dû leur conseiller avant de s'engager de se rapprocher d'un professionnel pour qu'il leur apporte son expertise concernant les fissures ; que cette faute leur a causé un préjudice en ne leur permettant pas d'acheter en pleine connaissance de cause.
Par dernières conclusions notifiées le 16 mai 2024, M. et Mme [S] demandent de voir :
- confirmer l'intégralité du jugement du 4 avril 2023 du tribunal judiciaire d'Evreux, sauf en ce qui concerne la condamnation de M. et de Mme [D] au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de prodédure civile,
- débouter M. et Mme [D] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner ces derniers au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés durant la procédure en référé, les opérations d'expertise, et la procédure de première instance,
- condamner les mêmes au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code précité et aux entiers dépens en appel,
- subsidiairement, réduire le montant des condamnations sollicitées par M. et Mme [D] à la réparation de la seule perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.
Ils font valoir que les appelants ne prouvent pas les manoeuvres illicites ou les réticences dolosives qu'ils leur reprochent et qui auraient été déterminantes de leur consentement à la vente.
Ils précisent que, retraités et profanes en matière de construction, ils ignoraient que leur maison avait été mal construite quant à ses fondations et qu'elle était ainsi atteinte de façon évolutive dans sa structure, que deux expertises, amiable puis judiciaire, ont été nécessaires pour trouver la cause exacte et l'ampleur consécutive des fissures ; que les rebouchages de celles-ci par M. [S] et par la société [A] et Fils à des endroits totalement différents de la maison ne démontrent pas leur connaissance du caractère tant structurel qu'évolutif des fissures et de leurs conséquences ; que l'expert judiciaire a d'ailleurs indiqué que les parties n'étaient pas en mesure de comprendre l'origine des fissures ; que les fissures rebouchées et non rebouchées étaient visibles par les parties préalablement à la vente, que les rebouchages ne cachaient pas la réalité des fissures comblées ; que les attestations de MM. [H] [A] et [E] sont de complaisance car destinées à éviter à la société [A] et Fils d'être mise en cause ultérieurement par M. et Mme [D] pour avoir rebouché inutilement les fissures sur le pignon de la maison.
Ils ajoutent que les travaux d'embellissement au niveau du carrelage dans le salon et de la cheminée ne traduisent pas une prétendue volonté de dissimulation de leur part, ni ne prouvent leur connaissance de la pathologie structurelle de l'immeuble ; que ces travaux étaient justifiés comme indiqué par leur conseil dans son dire du 6 mai 2021.
Ils en déduisent que le manque de preuve par les appelants de leur connaissance de l'existence d'un désordre structurel, grave, et évolutif affectant la maison, exclut tout dol ou toute réticence d'information à ce sujet.
Ils avancent subsidiairement que les appelants ne peuvent obtenir que la réparation d'une perte de chance de ne pas avoir contracté dans de meilleures conditions.
Par dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2023, la Sarl Agence La Chaumière demande de voir en vertu de l'article 1240 du code civil :
- déclarer notamment que M. et Mme [D] sont irrecevables et non fondés au titre de leur action estimatoire à solliciter sa condamnation in solidum avec les vendeurs à restituer une partie du prix de vente perçu par ces derniers,
- débouter M. et Mme [D] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre,
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris,
subsidiairement et si par impossible,
- faire application de la notion de perte de chance et réduire à de plus justes proportions les réclamations dirigées à son encontre par M. et Mme [D],
- condamner M. et [D] à lui payer une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens dont distraction au profit de Me Edouard Poirot-Bourdain, avocat aux offres de droit et ce, en application de l'article 699 du code précité.
Elle fait valoir que M. et Mme [D] ne rapportent pas la preuve que sa responsabilité civile professionnelle est susceptible d'être engagée ; qu'au contraire, elle n'a commis aucun manquement ou faute à quelque titre que ce soit dans le cadre de ses diligences ; que l'expert judiciaire n'a émis aucun grief à son encontre ; que le désordre structurel étant caché et non vérifiable au jour de la vente, sa responsabilité ne peut pas être engagée ; qu'à l'aune de la notion de perte de chance, les appelants ne justifient pas des préjudices allégués, ni d'un quelconque lien de causalité direct et certain entre ces préjudices et ses diligences.
Elle ajoute que le lien de parenté existant entre son gérant et les vendeurs ne saurait suffire à démontrer qu'elle a pu avoir connaissance des désordres découverts au cours de l'été 2018, sur lesquels elle ne disposait pas d'information et ne pouvait fournir un quelconque conseil aux acquéreurs ; qu'elle n'a pas davantage eu connaissance des travaux effectués par la société [A] et Fils, que la nature structurelle des désordres a été établie à l'issue des opérations d'expertise judiciaire, et qu'elle n'est pas un professionnel du bâtiment ou de la construction.
Elle précise ensuite qu'elle ne peut être tenue responsable au titre d'un vice caché dont les vendeurs auraient eu connaissance et n'en auraient pas fait état, qu'en tout état de cause, la preuve de sa connaissance du vice caché n'est pas rapportée.
Elle répond enfin que la demande de restitution d'une partie du prix de vente à hauteur du montant des travaux nécessaires pour réparer les désordres matériels invoqués ne constitue pas un préjudice indemnisable à son encontre et ne pourrait prospérer qu'à l'encontre des vendeurs ; que les appelants ne justifient pas d'un préjudice moral, ni d'un trouble dans leurs conditions d'existence ; qu'en tout état de cause un tel trouble ne pourrait être envisagé que pour la période de réalisation des travaux de reprise de six semaines, ni arrêté au montant exorbitant réclamé.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 mai 2024.
MOTIFS
Sur la mise en cause de M. et Mme [S]
Selon l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
L'article 1130 du même code précise que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1137 du même code énonce que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Aux termes de l'article 1112-1 du même code, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
L'article 1602 alinéa 1er du même code indique que le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige.
Il appartient au demandeur d'établir que l'élément, objet du dol de son cocontractant, a été déterminant dans son consentement à l'acte.
En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté à l'intérieur de la maison d'habitation :
- dans le séjour, à l'angle du pignon et de la façade arrière, un vide sous plinthes avec des fissures du carrelage,
- un défaut d'alignement des deux vantaux d'une porte-fenêtre générant le blocage de celle-ci,
- côté façade arrière, des fissures en cueillie de plafond,
- le quasi-blocage d'une porte,
- à l'étage, une fissure affectant une cloison intérieure.
Il a relevé à l'extérieur en façade arrière :
- une fissure au droit du linteau d'une porte-fenêtre avec des traces de rebouchage d'une fissuration antérieure,
- une fissuration analogue au droit de la seconde porte-fenêtre avec des traces d'un rebouchage antérieur,
- une fissuration longitudinale en soubassement affectant une zone qui a été antérieurement recouverte d'un enduit et qui se retourne en pignon.
Il a constaté à l'extérieur, côté pignon nord, d'anciennes fissures rebouchées.
Il a conclu que tous ces éléments étaient caractéristiques d'un tassement différentiel de la construction. Il a précisé que les conclusions du sapiteur la société Ginger Cebtp établissaient que ce fait ne trouvait pas son origine dans la nature des sols d'assise des fondations dont les caractéristiques géomécaniques étaient qualifiées d'élevées à très élevées, excluant d'ailleurs une incidence d'argiles gonflantes. Selon le sapiteur, les aléas de retrait/gonflement des sols sur ce site étaient faibles et il s'agissait de désordres d'ordre structurel, donc intrinsèques à la construction.
L'expert judiciaire a ajouté que la solidité et la destination de la construction étaient compromises par les désordres l'affectant qui étaient imputables aux constructeurs d'origine de la maison.
Il a estimé que les réparations des fissures étaient visibles lors des visites préalables à la vente sans toutefois que les acquéreurs, non professionnels de la construction, soient en mesure d'en comprendre l'origine, que les désordres étaient nécessairement connus des vendeurs, constructeurs de l'immeuble en 1982, et que ces derniers avaient indiqué avoir réalisé les divers rebouchages et traitements d'anciennes fissures, ce qui était confirmé par le dire de leur conseil du 6 mai 2021.
Il ressort du cliché photographique de juillet 2016 pris par les appelants lors d'une visite préalable de la maison et non contesté par les intimés, qu'étaient visibles, en haut de la façade arrière au-dessus et/ou à proximité des trois portes-fenêtres, des traces d'enduit utilisé pour reboucher des fissures sur le crépi. Ce fait n'est pas discuté par les parties.
En revanche, si l'enduit ciment existant tout le long du soubassement en façade arrière et au pignon nord-ouest de la maison est également visible, rien ne permettait d'en déduire au jour de la vente qu'il recouvrait une fissure profonde telle qu'elle apparaît sur les clichés plus récents versés aux débats par les appelants. L'existence de cet enduit pouvait aussi s'expliquer par des raisons techniques de construction, esthétiques, et/ou d'entretien.
Au jour de la vente, les acquéreurs n'ont donc pas été complètement informés sur l'état antérieur de la maison.
En outre, M. et Mme [S] confirment qu'ils connaissaient l'existence de ces fissures litigieuses au moment de la vente. Ils expliquent qu'ils les ont faits reboucher par la société [A] et Fils en janvier 2016 au cours des travaux ayant trait à la cheminée et au carrelage suivant devis du 14 novembre 2015 et facture du 15 janvier 2016.
S'ils démontrent, au moyen des attestations de MM. [I] et [X], que les travaux de colmatage des fissures ont été réalisés avant janvier 2016, ils ne prouvent pas que c'est la société [A] et Fils qui y a procédé. Son devis et sa facture précités ne visent pas ces travaux. De plus, dans son attestation conforme à l'article 202 du code de procédure civile, M. [H] [A] ne dit pas qu'il a accompli de tels travaux, mais au contraire, il explique que ceux-ci n'étaient pas dans ses compétences, qu'il a fait déplacer M. [E], directeur de Big Mat Bezu, qui a lui-même constaté un désordre trop important et a orienté M. [S] vers une solution Sika.
Ces explications sur l'importance des désordres sont confirmées par M. [E]. Celui-ci atteste, dans un écrit conforme à l'article 202 du code précité, qu'il est venu sur place à la demande de l'entreprise [A] pour un avis sur une fissuration de pignon. Il indique avoir constaté, en présence de l'entreprise [A] et de M. [S], des fissurations qu'il a estimées d'ordre structurel sur le pignon et sur le soubassement. Il ajoute qu'il les a informés que ce type de fissuration dépassait ses compétences en conseil, mais qu'une simple reprise d'enduit ne suffirait pas sur le long terme, qu'il fallait surveiller la fissuration, et plutôt se diriger vers une solution structurelle type Sika Carbodure ou vers une entreprise spécialisée dans la reprise ou l'étude structurelle.
M. et Mme [S] soulignent que cette attestation tardive porte sur une visite ayant eu lieu 4 à 6 mois après la fin des travaux de la société [A] et Fils en janvier 2016 et que M. [E] n'a pas proposé de réparations avec un produit Sika. Ils ajoutent qu'ils ne reconnaissent pas la personne de M. [E] sur son document d'identité.
Néanmoins, ils ne nient pas la réalité de cette entrevue avec le représentant de la société [A] et Fils, ni le contenu de son attestation. En outre, M. [X], ami de M. et de Mme [S], qui atteste qu'au cours de la deuxième quinzaine de janvier 2016 il a constaté notamment que le pignon côté château d'eau laissait apparaître des traces de réparation en haut de ce pignon, au niveau du dessous de toit, et au niveau du soubassement, n'a pas été témoin de la réalisation de ces travaux par la société [A] et Fils. Enfin, l'état du soubassement à cette date-là n'était pas forcément celui existant lors des visites effectuées six mois après par M. et Mme [D] en juillet 2016.
Le contrat de vente prévoyait, à la page 16, que : 'Le VENDEUR déclare :
'' qu'aucune construction ou rénovation n'a été effectuée sur cet immeuble dans les dix dernières années ou depuis son acquisition si elle est plus récente,
'' qu'aucun élément constitutif d'ouvrage ou équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil n'a été réalisé sur cet immeuble dans ce délai.'.
L'objet et l'intérêt de cet élément d'information qu'était l'existence de fissures, du fait de leur étendue, de leur emplacement au niveau du soubassement de la maison, et de leur caractère structurel selon deux professionnels qui avaient refusé d'intervenir sur celles-ci et dont un les en avaient informés avant la vente, commandaient sa communication par les vendeurs à leurs acquéreurs profanes au jour de la vente. Cette information était de nature à déterminer leur consentement à ne pas en faire l'achat, et/ou au minimum, à le faire mais à un prix inférieur à celui demandé au vu du montant des travaux de reprise.
Par leur silence gardé sur un élément essentiel de la vente, M. et Mme [S] ont fait preuve de réticence dolosive et ont manqué à leur devoir général de loyauté envers leurs cocontractants.
Par ailleurs, M. et Mme [D] n'ont pas été renseignés par les vendeurs sur la réalisation, six mois avant, de travaux d'enlèvement de la cheminée dans le séjour et de réfection de 34 m² de carrelage, réalisés par la société [A] et Fils en janvier 2016.
Toutefois, le grief qui leur est opposé selon lequel ils ont également dissimulé le vide sous plinthe dans le séjour et les fissures du carrelage en y faisant installer un nouveau carrelage n'est pas fondé. M. et Mme [D] n'apportent aucun élément objectif et technique prouvant l'existence de la connaissance de ce désordre par les vendeurs et d'un tel artifice et contredisant l'explication plausible donnée par M. et Mme [S] sur les raisons des travaux confiés à la société [A] et Fils. Ils ont ainsi indiqué, aux termes du dire de leur avocat du 6 mai 2021, que l'enlèvement de la cheminée avait été décidé parce que M. [S] avait reçu des liquidités à la suite d'un héritage lui permettant d'engager des travaux, qu'il bénéficiait d'un avantage fiscal pour la pose d'un poêle neuf, que cela permettait un gain de place et donnait donc plus de valeur à la maison qui bénéficiait d'un chauffage d'appoint neuf et plus moderne qu'une vieille cheminée qui n'était plus dans l'esthétique actuelle, et que cela réduisait la corvée de bois. Ils ont aussi expliqué que le remplacement du carrelage s'imposait du fait de l'enlèvement de la cheminée et qu'un carrelage neuf donnait également plus de valeur à la maison destinée à être vendue.
L'attestation de Mme [P], voisine, qui explique qu'elle a été contactée fin 2018 par M. [S] pour avoir des renseignements sur sa procédure de catastophe naturelle concernant sa maison affectée de nombreuses fissures et qui évoque sa situation personnelle, n'apporte pas d'élément probant sur la connaissance d'un tel désordre par les vendeurs avant et au moment de la vente de leur maison.
De même, il ne peut être déduit aucune preuve d'une déformation du carrelage du salon avant la vente, comme alléguée par les appelants, au vu du seul cliché photographique du salon avant la réalisation des travaux en janvier 2016 produit par les vendeurs, sur lequel n'apparaît pas d'élément suspect.
Ayant manqué à leur obligation d'information à leurs cocontractants de l'existence de ces travaux en violation des dispositions contractuelles précitées, M. et Mme [S] engagent leur responsabilité.
En définitive, ils seront condamnés solidairement à indemniser M. et Mme [D] de leurs préjudices pour les montants qui seront arrêtés dans les développements ci-dessous.
Sur la mise en cause de la Sarl Agence La Chaumière
L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'agent immobilier, tenu à l'égard de l'acquéreur d'une obligation d'information et de conseil relative à l'immeuble vendu par son entremise, engage sa responsabilité envers celui-ci si, ayant des raisons de soupçonner l'existence d'un risque, il ne procède à aucune vérification complémentaire ou si, en présence de désordres indécelables pour des personnes non averties mais visibles pour lui, il omet de l'en informer ou encore s'il n'attire pas l'attention de celui-ci sur des désordres apparents et ne l'incite pas à visiter les lieux en présence d'un professionnel du bâtiment. En revanche, il n'a pas à se substituer à un tel professionnel et à s'assurer de l'absence de vice de construction lorsque les désordres sont inapparents au moment de la vente.
En l'espèce, M. et Mme [D] ne produisent aucune pièce justifiant d'une faute de la Sarl Agence La Chaumière par l'entremise de laquelle la vente a été conclue. Ils ne prouvent pas que les vendeurs l'ont prévenue de l'existence et du caractère structurel des fissures en soubassement en façade arrière et sur le pignon nord-ouest de la maison mise en vente, ni de leur rebouchage, ni encore de l'existence du vide sous plinthes et de fissures du carrelage dans le salon, ni de l'objet des travaux qui y ont été réalisés six mois avant la vente.
Le lien de famille existant entre les vendeurs et leur gendre, gérant de la Sarl Agence La Chaumière, ne suffit pas à faire cette preuve.
De même, la qualité de professionnel de l'immobilier de cette agence immobilière, dès lors que les désordres structurels n'étaient pas apparents et qu'aucun élément pouvant lui laisser penser que la maison dont la vente lui avait été confiée était affectée de vices cachés de nature décennale, ne lui imposait de faire procéder à des investigations techniques et/ou de conseiller aux candidats acquéreurs d'y faire procéder.
Les conditions de la responsabilité extracontractuelle de la Sarl Agence La Chaumière ne sont pas remplies. M. et Mme [D] seront déboutés de leur réclamation formée à son encontre. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.
Sur le montant des réparations
Le demandeur ayant fait le choix de ne pas solliciter l'annulation du contrat à la suite du dol dont il a été victime, son préjudice réparable correspond uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ou de ne pas avoir contracté.
La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Elle ne peut donc être égale qu'à une fraction du préjudice subi par les appelants.
En l'espèce, il existe de fortes chances qu'informés des fissures structurelles affectant l'immeuble qu'ils s'apprêtaient à acheter, M. et Mme [D] n'auraient pas conclu la vente au prix de 260 000 euros et qu'ils auraient pris attache avec un expert pour requérir un avis technique comme ils l'ont d'ailleurs fait en septembre 2018 en mandatant la Sas Lamy Expertise après la découverte de ces fissures . Sont également pris en compte les aléas inhérents à toute vente tenant aux pourparlers entre les vendeurs et candidats acquéreurs et à la réalisation ou non de conditions suspensives.
L'indemnisation de M. et de Mme [D] sera donc calculée à hauteur de 90 % de leurs dommages.
L'expert judiciaire a chiffré à 99 887,90 euros TTC le montant total des travaux de reprise des désordres sur la base des devis Idla du 30 novembre 2020 de 44 100 euros pour les injections de résine en sous-oeuvre et Techno Pro du 30 avril 2021 de 47 287,90 euros pour les reprises intérieures, outre son évaluation des postes complémentaires (divers et aléas pouvant concerner les travaux Techno Pro de
2 000 euros et maîtrise d'oeuvre d'exécution de 6 500 euros).
M. et Mme [D] sollicitent la somme totale de 102 887,90 euros sans expliquer la différence de 3 000 euros avec le chiffrage précité, ni critiquer la nature et l'évaluation des travaux explicitées par l'expert judiciaire, qui ne sont pas davantage contestées par les intimés.
M. et Mme [S] seront en conséquence condamnés solidairement à payer à M. et Mme [D] la somme de 89 899,11 euros (99 887,90 euros × 90 %) à ce titre. La décision du tribunal ayant rejeté leur réclamation sera infirmée.
L'expert judiciaire a indiqué que, pendant les travaux d'injection afférents aux seuls murs intérieurs estimés à deux jours, il faudrait prévoir un déplacement et une protection du mobilier du séjour de façon à libérer les abords des murs porteurs. Il a aussi précisé que, durant les travaux visés au devis Techno Pro estimés à six semaines, ce déplacement et cette protection, voire une mise en garde-meubles du mobilier, et un hébergement en gîte des occupants seraient nécessaires. Au vu des justificatifs des frais afférents produits par M. et Mme [D], l'expert judiciaire a proposé une indemnisation totale de 2 078 euros TTC dont les appelants sollicitent l'octroi.
A défaut de critique sur ces frais, M. et Mme [S] seront condamnés solidairement à indemniser à ce titre les appelants à hauteur de la somme de
1 870,20 euros (2 078 euros × 90 %). La décision du tribunal ayant rejeté leur réclamation sera infirmée.
Enfin, M. et Mme [D] invoquent un trouble dans les conditions d'existence et un préjudice moral.
Certes, ils ne spécifient pas ces dommages dans leurs écritures et ne produisent aucune pièce au soutien de cette réclamation.
Toutefois, il ressort des pièces versées aux débats qu'ils ont inévitablement ressenti des craintes fondées à l'issue de l'apparition évolutive des fissures affectant leur immeuble d'habitation un peu moins de deux ans après son achat et de la découverte de leur caractère structurel créant un risque pour la solidité de leur lieu de vie et leur intégrité physique. Dans son rapport d'expertise du 25 septembre 2018, la Sas Lamy Expertise leur conseillait de prendre en urgence les mesures conservatoires nécessaires eu égard aux risques encourus par les occupants de cette maison.
Ils ont également eu à subir le défaut de loyauté de leurs cocontractants lors de la conclusion de la vente.
En conséquence, une somme de 1 800 euros leur sera accordée uniquement en réparation de leur préjudice moral (2 000 euros × 90 %). La décision du tribunal ayant rejeté cette réclamation sera infirmée. Par contre, sera confirmée la disposition les déboutant de leur demande présentée au titre d'un trouble dans les conditions d'existence.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais de procédure, à l'exception de celle ayant trait à la condamnation de M. et de Mme [D] au profit de la Sarl Agence La Chaumière sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Parties perdantes, M. et Mme [S] seront condamnés solidairement aux dépens de première instance et d'appel, incluant les frais de l'expertise judiciaire, et avec bénéfice de distraction au profit de l'avocat de la Sarl Agence La Chaumière.
Il est équitable de les condamner également solidairement au paiement aux appelants de la somme de 8 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que ces derniers ont exposés.
Ayant inutilement interjeté appel contre la Sarl Agence La Chaumière, M. et Mme [D] seront condamnés à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de ses frais de procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe :
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre du 'trouble dans les conditions d'existence',
- condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à l'agence immobilière [Adresse 6] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leurs demandes dirigées contre l'agence immobilière [Adresse 6],
Confirme le jugement de ces chefs,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne solidairement M. [B] [S] et Mme [O] [F], son épouse, à payer à M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] les sommes suivantes :
- 89 899,11 euros au titre des travaux réparatoires et des frais d'étude,
- 1 870,20 euros au titre des frais de relogement et de garde-meubles,
- 1 800 euros en réparation de leur préjudice moral,
- 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à la Sarl Agence La Chaumière la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne solidairement M. [B] [S] et Mme [O] [F], son épouse, aux dépens de première instance et d'appel, incluant les frais de l'expertise judiciaire, et avec bénéfice de distraction au profit de Me Edouard Poirot-Bourdain, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 28 AOUT 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/02471
Président du tribunal judiciaire d'Evreux du 4 avril 2023
APPELANTS :
Monsieur [J] [D]
né le 18 avril 1973 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparant en personne, représenté et assisté par Me Sophie GUIHENEUF, avocat au barreau de Rouen
Madame [K] [V] épouse [D]
née le 23 février 1975 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Sophie GUIHENEUF, avocat au barreau de Rouen
INTIMES :
Monsieur [B] [S]
né le 2 mai 1947 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté et assisté par Me Jean-Jérôme TOUZE de la SELARL AVOCATS NORMANDS, avocat au barreau de l'Eure
Madame [O] [F] épouse [S]
née le 2 juillet 1950 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Jean-Jérôme TOUZE de la SELARL AVOCATS NORMANDS, avocat au barreau de l'Eure
S.A.R.L. AGENCE LA CHAUMIERE
RCS d'Evreux 309 825 289
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL POIROT-BOURDAIN AVOCAT, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Charles-Henri de Gaudemont, avocat au barreau du Val d'Oise
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 22 mai 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 22 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 août 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 août 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte authentique du 28 octobre 2016, M. [B] [S] et Mme [O] [F], son épouse, ont vendu à M. [J] [D] et Mme [K] [V], son épouse, une maison d'habitation, située [Adresse 4], [Localité 3], au prix de 260 000 euros.
Par ordonnance du 7 novembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux a fait droit à la demande d'expertise présentée au contradictoire de la Sarl Agence La Chaumière, agence immobilière chargée de la vente, et de M. et de Mme [S], par les acquéreurs se plaignant de désordres structurels affectant leur maison. Il a désigné à cet effet M. [M] [W]. Celui-ci a établi son rapport d'expertise le 16 juin 2021.
Par actes d'huissier de justice du 3 septembre 2021, M. et Mme [D] ont fait assigner leurs vendeurs et la Sarl Agence La Chaumière devant le tribunal judiciaire d'Evreux en réparation de leurs préjudices.
Par ordonnance du 21 mars 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable comme forclose l'action sur le fondement de la garantie des vices cachés engagée par M. et Mme [D] à l'encontre de M. et de Mme [S].
Par jugement du 4 avril 2023, le tribunal a :
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre des 'travaux réparatoires et frais d'étude',
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre des 'frais de relogement et de garde-meubles',
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre du 'trouble dans les conditions d'existence et préjudice moral',
- condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] aux entiers dépens, y compris les dépens relatifs aux procédures de référé et les frais d'expertise, étant précisé qu'ils seront recouvrés par Me Marie-Ange Beveraggi pour l'agence immobilière [Adresse 6] en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à M. [B] [S] et Mme [O] [F] épouse [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à l'agence immobilière [Adresse 6] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- rappelé que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 14 juin 2023, M. et Mme [D] ont formé un appel contre le jugement.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 16 mai 2024, M. et Mme [D] sollicitent de voir en application des articles 1104, 1112-1, 1130, 1231-1, 1240, 1137, 1602, 1178 et suivants du code civil et L.111-1 du code de la consommation :
- infirmer le jugement rendu par le juge du tribunal judiciaire d'Évreux le 4 avril 2023 des chefs de jugement ayant :
. débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre des 'travaux réparatoires et frais d'étude',
. débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre des 'frais de relogement et de garde-meubles',
. débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre 'du trouble dans les conditions d'existence et préjudice moral',
. condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] aux entiers dépens, y compris les dépens relatifs aux procédures de référé et les frais d'expertise, étant précisé qu'ils seront recouvrés par Me Marie-Ange Beveraggi pour l'agence immobilière [Adresse 6] en application de l'article 699 du code de procédure civile,
. débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à M. [B] [S] et Mme [O] [F] épouse [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
statuant à nouveau,
à titre principal :
- condamner M. et Mme [S] pour réticence dolosive à leur égard et manquement à leur obligation d'information,
- condamner l'Agence La Chaumière pour manquement à son obligation d'information et de conseil à leur égard,
à titre subsidiaire :
- condamner M. et Mme [S] sur le fondement des vices cachés à leur égard,
- condamner l'Agence La Chaumière à les indemniser à tout le moins à hauteur de 90 % de leur préjudice au titre d'une perte de chance,
en tout état de cause :
- condamner in solidum M. et Mme [S] et l'agence La Chaumière au paiement des sommes suivantes :
. 102 887,90 euros au titre des travaux réparatoires et frais d'étude,
. 2 078 euros au titre des frais de relogement et de garde-meubles,
. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble dans les conditions d'existence et préjudice moral,
- débouter M. et Mme [S] et l'agence La Chaumière de toutes leurs demandes en ce qu'elles diffèrent des leurs,
- condamner in solidum M. et Mme [S] et l'agence La Chaumière à leur verser une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais engagés dans le cadre de la procédure de référé, de la procédure de première instance, ainsi que la procédure d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel y compris des frais d'expertise.
Ils expliquent avoir effectué deux visites de la maison début juillet 2016, lors desquelles les fissures le long des soubassements de leur maison et dans la continuité sur le pignon n'étaient pas apparentes, que seules l'étaient les fissures sur le crépi et celles de rebouchage des fils électriques qui ne semblaient pas inquiétantes compte tenu de leur faible amplitude ; que c'est au cours de l'été 2018 que sont apparues les fissures au niveau du soubassement et du pignon laissant apparaître la présence d'un mastic qui avait visiblement été ajouté avant pour les combler.
Ils reprochent à M. et Mme [S] de leur avoir sciemment dissimulé les désordres affectant leur maison au moment de la vente et résultant d'un important tassement différentiel afin de les tromper pour qu'ils la leur achètent à bon prix ; que ces désordres correspondent aux fissures du soubassement et du pignon rebouchées et recouvertes d'un enduit quelques mois avant la vente, à la réfection de 34 m² de carrelage dans la maison dix mois avant la vente, à la suppression d'une cheminée, à la réfection d'un mur en placoplâtre derrière la pose du poêle, et à la dissimulation d'un vide par des plinthes dans le salon.
Ils soulignent que le tribunal a majoré la charge de la preuve pesant sur eux, qu'ils n'ont pas à prouver que les vendeurs connaissaient l'existence et la gravité des désordres structurels de leur maison, mais seulement que ces derniers leur ont dissimulé des vices graves dont la connaissance avait un caractère déterminant au moment de la vente.
Ils avancent que le tribunal a également commis des erreurs d'interprétation des faits, que M. et Mme [S] ont modifié tout le soubassement de leur propriété en le meulant pour supprimer le crépi ton pierre qu'ils ont remplacé par un simple ciment afin que les futurs acquéreurs ne puissent pas visualiser les énormes fissures ouvertes ; que le tribunal n'a pas distingué entre les fissures profondes rebouchées non visibles au niveau du pignon et en soubassement et les fissures moins profondes rebouchées visibles sur le crépi de la maison.
Ils ajoutent que M. et Mme [S] ont également procédé au changement de leur carrelage dans le salon quelques semaines avant la mise en vente pour dissimuler le vide sous plinthes et au remplacement de la cheminée par un poêle à bois, que les explications de ces derniers pour justifier ces travaux ne sont pas crédibles, que M. et Mme [S] avaient aussi connaissance de ce désordre structurel.
Ils font valoir que, si tous les désordres graves précités dont les vendeurs connaissaient le caractère structurel avant la vente n'avaient pas été masqués au moment des visites et entre les visites et la vente définitive, ils n'auraient pas acheté la maison sans avoir préalablement sollicité l'avis d'un expert du bâtiment pour en connaître l'ampleur et le coût des travaux de reprise ; que la réticence dolosive des vendeurs est établie ; qu'en tout état de cause, ces derniers ont violé leurs obligations contractuelles d'information et de loyauté.
A titre subsidiaire, ils exposent qu'ils sont fondés à agir sur le fondement des vices cachés même si le juge de la mise en état a déclaré leur action forclose, car il ressort de l'arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation du 21 juillet 2023 que le délai de l'article 1648 alinéa 1er du code civil est un délai de prescription susceptible de suspension ; que les fissures en soubassement et sur le pignon constituent des vices cachés compromettant la solidité de l'immeuble et dont les vendeurs avaient nécessairement connaissance, ce qui exclut l'application de la clause contractuelle de non-garantie au profit de ces derniers.
Ils ne concluent pas sur le moyen subsidiaire des intimés relatif à la nature de leur préjudice que ces derniers estiment correspondre à une perte de chance.
Ils font par ailleurs grief à la Sarl Agence La Chaumière d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information à leur égard, alors que M. [C], gérant de celle-ci et gendre des vendeurs, connaissait parfaitement leur immeuble et était nécessairement au courant des désordres l'affectant ; qu'en tout état de cause, M. [C], professionnel de l'immobilier, ne pouvait ignorer que des travaux avaient été faits à l'intérieur et sur les murs de la maison et aurait dû les informer des fissures de soubassement et de pignon dissimulées et des travaux de dissimulation réalisés dans le salon ; que, de même, il aurait dû leur conseiller avant de s'engager de se rapprocher d'un professionnel pour qu'il leur apporte son expertise concernant les fissures ; que cette faute leur a causé un préjudice en ne leur permettant pas d'acheter en pleine connaissance de cause.
Par dernières conclusions notifiées le 16 mai 2024, M. et Mme [S] demandent de voir :
- confirmer l'intégralité du jugement du 4 avril 2023 du tribunal judiciaire d'Evreux, sauf en ce qui concerne la condamnation de M. et de Mme [D] au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de prodédure civile,
- débouter M. et Mme [D] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner ces derniers au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés durant la procédure en référé, les opérations d'expertise, et la procédure de première instance,
- condamner les mêmes au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code précité et aux entiers dépens en appel,
- subsidiairement, réduire le montant des condamnations sollicitées par M. et Mme [D] à la réparation de la seule perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.
Ils font valoir que les appelants ne prouvent pas les manoeuvres illicites ou les réticences dolosives qu'ils leur reprochent et qui auraient été déterminantes de leur consentement à la vente.
Ils précisent que, retraités et profanes en matière de construction, ils ignoraient que leur maison avait été mal construite quant à ses fondations et qu'elle était ainsi atteinte de façon évolutive dans sa structure, que deux expertises, amiable puis judiciaire, ont été nécessaires pour trouver la cause exacte et l'ampleur consécutive des fissures ; que les rebouchages de celles-ci par M. [S] et par la société [A] et Fils à des endroits totalement différents de la maison ne démontrent pas leur connaissance du caractère tant structurel qu'évolutif des fissures et de leurs conséquences ; que l'expert judiciaire a d'ailleurs indiqué que les parties n'étaient pas en mesure de comprendre l'origine des fissures ; que les fissures rebouchées et non rebouchées étaient visibles par les parties préalablement à la vente, que les rebouchages ne cachaient pas la réalité des fissures comblées ; que les attestations de MM. [H] [A] et [E] sont de complaisance car destinées à éviter à la société [A] et Fils d'être mise en cause ultérieurement par M. et Mme [D] pour avoir rebouché inutilement les fissures sur le pignon de la maison.
Ils ajoutent que les travaux d'embellissement au niveau du carrelage dans le salon et de la cheminée ne traduisent pas une prétendue volonté de dissimulation de leur part, ni ne prouvent leur connaissance de la pathologie structurelle de l'immeuble ; que ces travaux étaient justifiés comme indiqué par leur conseil dans son dire du 6 mai 2021.
Ils en déduisent que le manque de preuve par les appelants de leur connaissance de l'existence d'un désordre structurel, grave, et évolutif affectant la maison, exclut tout dol ou toute réticence d'information à ce sujet.
Ils avancent subsidiairement que les appelants ne peuvent obtenir que la réparation d'une perte de chance de ne pas avoir contracté dans de meilleures conditions.
Par dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2023, la Sarl Agence La Chaumière demande de voir en vertu de l'article 1240 du code civil :
- déclarer notamment que M. et Mme [D] sont irrecevables et non fondés au titre de leur action estimatoire à solliciter sa condamnation in solidum avec les vendeurs à restituer une partie du prix de vente perçu par ces derniers,
- débouter M. et Mme [D] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre,
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris,
subsidiairement et si par impossible,
- faire application de la notion de perte de chance et réduire à de plus justes proportions les réclamations dirigées à son encontre par M. et Mme [D],
- condamner M. et [D] à lui payer une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens dont distraction au profit de Me Edouard Poirot-Bourdain, avocat aux offres de droit et ce, en application de l'article 699 du code précité.
Elle fait valoir que M. et Mme [D] ne rapportent pas la preuve que sa responsabilité civile professionnelle est susceptible d'être engagée ; qu'au contraire, elle n'a commis aucun manquement ou faute à quelque titre que ce soit dans le cadre de ses diligences ; que l'expert judiciaire n'a émis aucun grief à son encontre ; que le désordre structurel étant caché et non vérifiable au jour de la vente, sa responsabilité ne peut pas être engagée ; qu'à l'aune de la notion de perte de chance, les appelants ne justifient pas des préjudices allégués, ni d'un quelconque lien de causalité direct et certain entre ces préjudices et ses diligences.
Elle ajoute que le lien de parenté existant entre son gérant et les vendeurs ne saurait suffire à démontrer qu'elle a pu avoir connaissance des désordres découverts au cours de l'été 2018, sur lesquels elle ne disposait pas d'information et ne pouvait fournir un quelconque conseil aux acquéreurs ; qu'elle n'a pas davantage eu connaissance des travaux effectués par la société [A] et Fils, que la nature structurelle des désordres a été établie à l'issue des opérations d'expertise judiciaire, et qu'elle n'est pas un professionnel du bâtiment ou de la construction.
Elle précise ensuite qu'elle ne peut être tenue responsable au titre d'un vice caché dont les vendeurs auraient eu connaissance et n'en auraient pas fait état, qu'en tout état de cause, la preuve de sa connaissance du vice caché n'est pas rapportée.
Elle répond enfin que la demande de restitution d'une partie du prix de vente à hauteur du montant des travaux nécessaires pour réparer les désordres matériels invoqués ne constitue pas un préjudice indemnisable à son encontre et ne pourrait prospérer qu'à l'encontre des vendeurs ; que les appelants ne justifient pas d'un préjudice moral, ni d'un trouble dans leurs conditions d'existence ; qu'en tout état de cause un tel trouble ne pourrait être envisagé que pour la période de réalisation des travaux de reprise de six semaines, ni arrêté au montant exorbitant réclamé.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 mai 2024.
MOTIFS
Sur la mise en cause de M. et Mme [S]
Selon l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
L'article 1130 du même code précise que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1137 du même code énonce que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Aux termes de l'article 1112-1 du même code, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
L'article 1602 alinéa 1er du même code indique que le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige.
Il appartient au demandeur d'établir que l'élément, objet du dol de son cocontractant, a été déterminant dans son consentement à l'acte.
En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté à l'intérieur de la maison d'habitation :
- dans le séjour, à l'angle du pignon et de la façade arrière, un vide sous plinthes avec des fissures du carrelage,
- un défaut d'alignement des deux vantaux d'une porte-fenêtre générant le blocage de celle-ci,
- côté façade arrière, des fissures en cueillie de plafond,
- le quasi-blocage d'une porte,
- à l'étage, une fissure affectant une cloison intérieure.
Il a relevé à l'extérieur en façade arrière :
- une fissure au droit du linteau d'une porte-fenêtre avec des traces de rebouchage d'une fissuration antérieure,
- une fissuration analogue au droit de la seconde porte-fenêtre avec des traces d'un rebouchage antérieur,
- une fissuration longitudinale en soubassement affectant une zone qui a été antérieurement recouverte d'un enduit et qui se retourne en pignon.
Il a constaté à l'extérieur, côté pignon nord, d'anciennes fissures rebouchées.
Il a conclu que tous ces éléments étaient caractéristiques d'un tassement différentiel de la construction. Il a précisé que les conclusions du sapiteur la société Ginger Cebtp établissaient que ce fait ne trouvait pas son origine dans la nature des sols d'assise des fondations dont les caractéristiques géomécaniques étaient qualifiées d'élevées à très élevées, excluant d'ailleurs une incidence d'argiles gonflantes. Selon le sapiteur, les aléas de retrait/gonflement des sols sur ce site étaient faibles et il s'agissait de désordres d'ordre structurel, donc intrinsèques à la construction.
L'expert judiciaire a ajouté que la solidité et la destination de la construction étaient compromises par les désordres l'affectant qui étaient imputables aux constructeurs d'origine de la maison.
Il a estimé que les réparations des fissures étaient visibles lors des visites préalables à la vente sans toutefois que les acquéreurs, non professionnels de la construction, soient en mesure d'en comprendre l'origine, que les désordres étaient nécessairement connus des vendeurs, constructeurs de l'immeuble en 1982, et que ces derniers avaient indiqué avoir réalisé les divers rebouchages et traitements d'anciennes fissures, ce qui était confirmé par le dire de leur conseil du 6 mai 2021.
Il ressort du cliché photographique de juillet 2016 pris par les appelants lors d'une visite préalable de la maison et non contesté par les intimés, qu'étaient visibles, en haut de la façade arrière au-dessus et/ou à proximité des trois portes-fenêtres, des traces d'enduit utilisé pour reboucher des fissures sur le crépi. Ce fait n'est pas discuté par les parties.
En revanche, si l'enduit ciment existant tout le long du soubassement en façade arrière et au pignon nord-ouest de la maison est également visible, rien ne permettait d'en déduire au jour de la vente qu'il recouvrait une fissure profonde telle qu'elle apparaît sur les clichés plus récents versés aux débats par les appelants. L'existence de cet enduit pouvait aussi s'expliquer par des raisons techniques de construction, esthétiques, et/ou d'entretien.
Au jour de la vente, les acquéreurs n'ont donc pas été complètement informés sur l'état antérieur de la maison.
En outre, M. et Mme [S] confirment qu'ils connaissaient l'existence de ces fissures litigieuses au moment de la vente. Ils expliquent qu'ils les ont faits reboucher par la société [A] et Fils en janvier 2016 au cours des travaux ayant trait à la cheminée et au carrelage suivant devis du 14 novembre 2015 et facture du 15 janvier 2016.
S'ils démontrent, au moyen des attestations de MM. [I] et [X], que les travaux de colmatage des fissures ont été réalisés avant janvier 2016, ils ne prouvent pas que c'est la société [A] et Fils qui y a procédé. Son devis et sa facture précités ne visent pas ces travaux. De plus, dans son attestation conforme à l'article 202 du code de procédure civile, M. [H] [A] ne dit pas qu'il a accompli de tels travaux, mais au contraire, il explique que ceux-ci n'étaient pas dans ses compétences, qu'il a fait déplacer M. [E], directeur de Big Mat Bezu, qui a lui-même constaté un désordre trop important et a orienté M. [S] vers une solution Sika.
Ces explications sur l'importance des désordres sont confirmées par M. [E]. Celui-ci atteste, dans un écrit conforme à l'article 202 du code précité, qu'il est venu sur place à la demande de l'entreprise [A] pour un avis sur une fissuration de pignon. Il indique avoir constaté, en présence de l'entreprise [A] et de M. [S], des fissurations qu'il a estimées d'ordre structurel sur le pignon et sur le soubassement. Il ajoute qu'il les a informés que ce type de fissuration dépassait ses compétences en conseil, mais qu'une simple reprise d'enduit ne suffirait pas sur le long terme, qu'il fallait surveiller la fissuration, et plutôt se diriger vers une solution structurelle type Sika Carbodure ou vers une entreprise spécialisée dans la reprise ou l'étude structurelle.
M. et Mme [S] soulignent que cette attestation tardive porte sur une visite ayant eu lieu 4 à 6 mois après la fin des travaux de la société [A] et Fils en janvier 2016 et que M. [E] n'a pas proposé de réparations avec un produit Sika. Ils ajoutent qu'ils ne reconnaissent pas la personne de M. [E] sur son document d'identité.
Néanmoins, ils ne nient pas la réalité de cette entrevue avec le représentant de la société [A] et Fils, ni le contenu de son attestation. En outre, M. [X], ami de M. et de Mme [S], qui atteste qu'au cours de la deuxième quinzaine de janvier 2016 il a constaté notamment que le pignon côté château d'eau laissait apparaître des traces de réparation en haut de ce pignon, au niveau du dessous de toit, et au niveau du soubassement, n'a pas été témoin de la réalisation de ces travaux par la société [A] et Fils. Enfin, l'état du soubassement à cette date-là n'était pas forcément celui existant lors des visites effectuées six mois après par M. et Mme [D] en juillet 2016.
Le contrat de vente prévoyait, à la page 16, que : 'Le VENDEUR déclare :
'' qu'aucune construction ou rénovation n'a été effectuée sur cet immeuble dans les dix dernières années ou depuis son acquisition si elle est plus récente,
'' qu'aucun élément constitutif d'ouvrage ou équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil n'a été réalisé sur cet immeuble dans ce délai.'.
L'objet et l'intérêt de cet élément d'information qu'était l'existence de fissures, du fait de leur étendue, de leur emplacement au niveau du soubassement de la maison, et de leur caractère structurel selon deux professionnels qui avaient refusé d'intervenir sur celles-ci et dont un les en avaient informés avant la vente, commandaient sa communication par les vendeurs à leurs acquéreurs profanes au jour de la vente. Cette information était de nature à déterminer leur consentement à ne pas en faire l'achat, et/ou au minimum, à le faire mais à un prix inférieur à celui demandé au vu du montant des travaux de reprise.
Par leur silence gardé sur un élément essentiel de la vente, M. et Mme [S] ont fait preuve de réticence dolosive et ont manqué à leur devoir général de loyauté envers leurs cocontractants.
Par ailleurs, M. et Mme [D] n'ont pas été renseignés par les vendeurs sur la réalisation, six mois avant, de travaux d'enlèvement de la cheminée dans le séjour et de réfection de 34 m² de carrelage, réalisés par la société [A] et Fils en janvier 2016.
Toutefois, le grief qui leur est opposé selon lequel ils ont également dissimulé le vide sous plinthe dans le séjour et les fissures du carrelage en y faisant installer un nouveau carrelage n'est pas fondé. M. et Mme [D] n'apportent aucun élément objectif et technique prouvant l'existence de la connaissance de ce désordre par les vendeurs et d'un tel artifice et contredisant l'explication plausible donnée par M. et Mme [S] sur les raisons des travaux confiés à la société [A] et Fils. Ils ont ainsi indiqué, aux termes du dire de leur avocat du 6 mai 2021, que l'enlèvement de la cheminée avait été décidé parce que M. [S] avait reçu des liquidités à la suite d'un héritage lui permettant d'engager des travaux, qu'il bénéficiait d'un avantage fiscal pour la pose d'un poêle neuf, que cela permettait un gain de place et donnait donc plus de valeur à la maison qui bénéficiait d'un chauffage d'appoint neuf et plus moderne qu'une vieille cheminée qui n'était plus dans l'esthétique actuelle, et que cela réduisait la corvée de bois. Ils ont aussi expliqué que le remplacement du carrelage s'imposait du fait de l'enlèvement de la cheminée et qu'un carrelage neuf donnait également plus de valeur à la maison destinée à être vendue.
L'attestation de Mme [P], voisine, qui explique qu'elle a été contactée fin 2018 par M. [S] pour avoir des renseignements sur sa procédure de catastophe naturelle concernant sa maison affectée de nombreuses fissures et qui évoque sa situation personnelle, n'apporte pas d'élément probant sur la connaissance d'un tel désordre par les vendeurs avant et au moment de la vente de leur maison.
De même, il ne peut être déduit aucune preuve d'une déformation du carrelage du salon avant la vente, comme alléguée par les appelants, au vu du seul cliché photographique du salon avant la réalisation des travaux en janvier 2016 produit par les vendeurs, sur lequel n'apparaît pas d'élément suspect.
Ayant manqué à leur obligation d'information à leurs cocontractants de l'existence de ces travaux en violation des dispositions contractuelles précitées, M. et Mme [S] engagent leur responsabilité.
En définitive, ils seront condamnés solidairement à indemniser M. et Mme [D] de leurs préjudices pour les montants qui seront arrêtés dans les développements ci-dessous.
Sur la mise en cause de la Sarl Agence La Chaumière
L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'agent immobilier, tenu à l'égard de l'acquéreur d'une obligation d'information et de conseil relative à l'immeuble vendu par son entremise, engage sa responsabilité envers celui-ci si, ayant des raisons de soupçonner l'existence d'un risque, il ne procède à aucune vérification complémentaire ou si, en présence de désordres indécelables pour des personnes non averties mais visibles pour lui, il omet de l'en informer ou encore s'il n'attire pas l'attention de celui-ci sur des désordres apparents et ne l'incite pas à visiter les lieux en présence d'un professionnel du bâtiment. En revanche, il n'a pas à se substituer à un tel professionnel et à s'assurer de l'absence de vice de construction lorsque les désordres sont inapparents au moment de la vente.
En l'espèce, M. et Mme [D] ne produisent aucune pièce justifiant d'une faute de la Sarl Agence La Chaumière par l'entremise de laquelle la vente a été conclue. Ils ne prouvent pas que les vendeurs l'ont prévenue de l'existence et du caractère structurel des fissures en soubassement en façade arrière et sur le pignon nord-ouest de la maison mise en vente, ni de leur rebouchage, ni encore de l'existence du vide sous plinthes et de fissures du carrelage dans le salon, ni de l'objet des travaux qui y ont été réalisés six mois avant la vente.
Le lien de famille existant entre les vendeurs et leur gendre, gérant de la Sarl Agence La Chaumière, ne suffit pas à faire cette preuve.
De même, la qualité de professionnel de l'immobilier de cette agence immobilière, dès lors que les désordres structurels n'étaient pas apparents et qu'aucun élément pouvant lui laisser penser que la maison dont la vente lui avait été confiée était affectée de vices cachés de nature décennale, ne lui imposait de faire procéder à des investigations techniques et/ou de conseiller aux candidats acquéreurs d'y faire procéder.
Les conditions de la responsabilité extracontractuelle de la Sarl Agence La Chaumière ne sont pas remplies. M. et Mme [D] seront déboutés de leur réclamation formée à son encontre. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.
Sur le montant des réparations
Le demandeur ayant fait le choix de ne pas solliciter l'annulation du contrat à la suite du dol dont il a été victime, son préjudice réparable correspond uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ou de ne pas avoir contracté.
La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Elle ne peut donc être égale qu'à une fraction du préjudice subi par les appelants.
En l'espèce, il existe de fortes chances qu'informés des fissures structurelles affectant l'immeuble qu'ils s'apprêtaient à acheter, M. et Mme [D] n'auraient pas conclu la vente au prix de 260 000 euros et qu'ils auraient pris attache avec un expert pour requérir un avis technique comme ils l'ont d'ailleurs fait en septembre 2018 en mandatant la Sas Lamy Expertise après la découverte de ces fissures . Sont également pris en compte les aléas inhérents à toute vente tenant aux pourparlers entre les vendeurs et candidats acquéreurs et à la réalisation ou non de conditions suspensives.
L'indemnisation de M. et de Mme [D] sera donc calculée à hauteur de 90 % de leurs dommages.
L'expert judiciaire a chiffré à 99 887,90 euros TTC le montant total des travaux de reprise des désordres sur la base des devis Idla du 30 novembre 2020 de 44 100 euros pour les injections de résine en sous-oeuvre et Techno Pro du 30 avril 2021 de 47 287,90 euros pour les reprises intérieures, outre son évaluation des postes complémentaires (divers et aléas pouvant concerner les travaux Techno Pro de
2 000 euros et maîtrise d'oeuvre d'exécution de 6 500 euros).
M. et Mme [D] sollicitent la somme totale de 102 887,90 euros sans expliquer la différence de 3 000 euros avec le chiffrage précité, ni critiquer la nature et l'évaluation des travaux explicitées par l'expert judiciaire, qui ne sont pas davantage contestées par les intimés.
M. et Mme [S] seront en conséquence condamnés solidairement à payer à M. et Mme [D] la somme de 89 899,11 euros (99 887,90 euros × 90 %) à ce titre. La décision du tribunal ayant rejeté leur réclamation sera infirmée.
L'expert judiciaire a indiqué que, pendant les travaux d'injection afférents aux seuls murs intérieurs estimés à deux jours, il faudrait prévoir un déplacement et une protection du mobilier du séjour de façon à libérer les abords des murs porteurs. Il a aussi précisé que, durant les travaux visés au devis Techno Pro estimés à six semaines, ce déplacement et cette protection, voire une mise en garde-meubles du mobilier, et un hébergement en gîte des occupants seraient nécessaires. Au vu des justificatifs des frais afférents produits par M. et Mme [D], l'expert judiciaire a proposé une indemnisation totale de 2 078 euros TTC dont les appelants sollicitent l'octroi.
A défaut de critique sur ces frais, M. et Mme [S] seront condamnés solidairement à indemniser à ce titre les appelants à hauteur de la somme de
1 870,20 euros (2 078 euros × 90 %). La décision du tribunal ayant rejeté leur réclamation sera infirmée.
Enfin, M. et Mme [D] invoquent un trouble dans les conditions d'existence et un préjudice moral.
Certes, ils ne spécifient pas ces dommages dans leurs écritures et ne produisent aucune pièce au soutien de cette réclamation.
Toutefois, il ressort des pièces versées aux débats qu'ils ont inévitablement ressenti des craintes fondées à l'issue de l'apparition évolutive des fissures affectant leur immeuble d'habitation un peu moins de deux ans après son achat et de la découverte de leur caractère structurel créant un risque pour la solidité de leur lieu de vie et leur intégrité physique. Dans son rapport d'expertise du 25 septembre 2018, la Sas Lamy Expertise leur conseillait de prendre en urgence les mesures conservatoires nécessaires eu égard aux risques encourus par les occupants de cette maison.
Ils ont également eu à subir le défaut de loyauté de leurs cocontractants lors de la conclusion de la vente.
En conséquence, une somme de 1 800 euros leur sera accordée uniquement en réparation de leur préjudice moral (2 000 euros × 90 %). La décision du tribunal ayant rejeté cette réclamation sera infirmée. Par contre, sera confirmée la disposition les déboutant de leur demande présentée au titre d'un trouble dans les conditions d'existence.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais de procédure, à l'exception de celle ayant trait à la condamnation de M. et de Mme [D] au profit de la Sarl Agence La Chaumière sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Parties perdantes, M. et Mme [S] seront condamnés solidairement aux dépens de première instance et d'appel, incluant les frais de l'expertise judiciaire, et avec bénéfice de distraction au profit de l'avocat de la Sarl Agence La Chaumière.
Il est équitable de les condamner également solidairement au paiement aux appelants de la somme de 8 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que ces derniers ont exposés.
Ayant inutilement interjeté appel contre la Sarl Agence La Chaumière, M. et Mme [D] seront condamnés à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de ses frais de procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe :
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leur demande d'indemnisation au titre du 'trouble dans les conditions d'existence',
- condamné M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à l'agence immobilière [Adresse 6] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] de leurs demandes dirigées contre l'agence immobilière [Adresse 6],
Confirme le jugement de ces chefs,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne solidairement M. [B] [S] et Mme [O] [F], son épouse, à payer à M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] les sommes suivantes :
- 89 899,11 euros au titre des travaux réparatoires et des frais d'étude,
- 1 870,20 euros au titre des frais de relogement et de garde-meubles,
- 1 800 euros en réparation de leur préjudice moral,
- 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [J] [D] et Mme [K] [V] épouse [D] à payer à la Sarl Agence La Chaumière la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne solidairement M. [B] [S] et Mme [O] [F], son épouse, aux dépens de première instance et d'appel, incluant les frais de l'expertise judiciaire, et avec bénéfice de distraction au profit de Me Edouard Poirot-Bourdain, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,