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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 28 août 2024, n° 23/04019

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 23/04019

28 août 2024

N° RG 23/04019 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JQUL

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 28 AOUT 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/00715

Tribunal judiciaire de Rouen du 14 novembre 2023

APPELANTE :

SAS ISO KAL FRANCE

RCS de Pontoise 841 197 502

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

INTIME :

Monsieur [O] [Y]

né le 21 février 1952

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté et assisté par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Marion MARECHAL, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 mai 2024 sans opposition des avocats devant Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 13 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 août 2024.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 août 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par bon de commande du 24 novembre 2020, M. [O] [Y] a confié à la Sas Iso Kal France la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur et d'un chauffe-eau thermodynamique, sur un immeuble à usage d'habitation situé à [Localité 4] (76), [Adresse 1], au prix de 10'099 euros.

Des désordres ont été constatés. Des opérations d'expertise amiable ont permis d'aboutir à un accord. Toutefois, les désordres ont persisté. Une nouvelle expertise amiable a été réalisée, sans qu'aucun accord ne soit trouvé.

Par acte du 23 septembre 2023, M. [Y] a fait assigner la société Iso Kal France devant le président du tribunal judiciaire de Rouen, statuant en référé, aux fins de voir'ordonner une expertise au visa de l'article 145 du code de procédure civile.

Suivant ordonnance réputée contradictoire du 14 novembre 2023, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise en désignant à cet effet M. [K].

Par déclaration reçue au greffe le 5 décembre 2023, la société Iso Kal France a interjeté appel de cette décision.

Par décision du président de chambre en date du 15 janvier 2024, l'affaire a été fixée suivant les modalités des articles 905 et suivants du code de procédure civile, à l'audience du 13 mai 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 7 mai 2024, la Sas Iso Kal France demande à la cour, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait droit à la demande d'expertise judiciaire,

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,

statuant à nouveau,

- constater l'absence de motif légitime à la demande d'expertise sollicitée par M. [Y] compte tenu du protocole d'accord transactionnel signé entre les parties en date du 13 septembre 2021,

- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Invoquant l'application des articles 122 du code de procédure civile, 1103, 2044 et 2052 du code civil, la société Iso Kal France soutient qu'il existe une contestation sérieuse empêchant qu'il soit fait droit à la demande d'expertise judiciaire de

M. [Y], puisque cette prétention méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée au protocole transactionnel conclu le 13 septembre 2021 entre les parties et le fait que cet accord a mis un terme à l'entier litige entre les parties résultant de l'installation de la pompe à chaleur.

Par dernières conclusions notifiées le 4 mars 2024, M. [Y] demande à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

- débouter, en conséquence, la société Iso Kal France de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Iso Kal France à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'intimé fait valoir que ni l'urgence, ni l'absence de contestation sérieuse visées par l'article 834 du code de procédure civile ne sont des conditions exigées par l'article 145 du code de procédure civile. Seule l'existence d'un motif légitime doit être appréciée. En outre, il rappelle qu'il n'a jamais dissimulé l'existence du protocole transactionnnel intervenu entre les parties et qu'il a donc été pris en considération par le premier juge pour prendre sa décision. Il demande de valider le raisonnement du premier juge qui a considéré que cette transaction était indifférente en ce que de nouveaux désordres sont apparus postérieurement, à savoir un surdimensionnement très important de la pompe à chaleur, un ballon thermodynamique à remplacer au vu de l'absence de dispositif de ventilation et du non-respect des côtes d'implantation, l'installation électrique qui alimente la pompe à chaleur et le ballon thermodynamique est dangereuse et non conforme aux règles de l'art. Ces points n'ont aucunement été pris en compte dans la transaction intervenue le 13 septembre 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2024.

MOTIFS

Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Un motif légitime existe dès lors que l'action éventuelle au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, qu'elle est légalement admissible et qu'ainsi la mesure sollicitée est utile dans le cadre de la démonstration des faits qu'il s'agit de prouver.

Il suffit que le litige soit possible : pour faire droit à la demande d'expertise, l'action ne doit pas être compromise notamment par l'existence d'une fin de non-recevoir mettant fin au droit d'agir, et ce de façon si évidente que son constat n'exige pas une appréciation du juge de fond sur les conditions de sa mise en oeuvre.

En l'espèce, la société Iso Kal France conteste le bien fondé de la mesure d'expertise ordonnée par le premier juge au motif que le protocole d'accord transactionnel aurait mis fin à l'entier litige opposant les parties de sorte qu'aucune nouvelle action ne serait possible.

L'intimé répond que les désordres dont il se plaint et qui justifient la mesure d'expertise judiciaire sont différents et étrangers à la transaction, précisant qu'ils sont survenus postérieurement.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel la chose jugée.

L'article 2044 du code civil dispose que la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

L'article 2052 du même code précise que la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

En l'espèce, certes, suivant protocole transactionnel du 13 septembre 2021, la société Iso Kal France s'est engagée à :

- rembourser la somme de 56 euros qui a été réglée pour le dysfonctionnement du compteur (puissance insuffisante),

- rembourser la somme de 300 euros forfaitairement représentant la surconsommation d'électricité imputable au défaut de fluide frigorigène qui a été réglé depuis.

Toutefois, il ressort des pièces et demandes de M. [Y] et plus particulièrement des opérations d'expertise amiable menées au printemps 2023 en présence de l'expert mandaté par l'assureur de la société Iso Kal France , que l'intimé se plaint désormais de la présence de mauvaises odeurs dans le local où se trouve installé le chauffe-eau thermodynamique, de la présence d'une eau chaude produite par le ballon qui produit de l'eau légèrement trouble, de la présence de dysfonctionnements qui affectent la pompe à chaleur et qui engendrent également une sur-consommation.

Ces éléments sont distincts de l'objet de la transaction qui portait uniquement sur le dysfonctionnement du compteur et le défaut de fluide frigorigène.

Dès lors, cet accord entre les parties n'est pas un élément pertinent permettant de contester le motif légitime sur lequel repose la demande de M. [Y], qui rapporte, par ailleurs, la preuve de l'existence de désordres affectant la pompe à chaleur fournie et posée par la société Iso Kal France, ce qui est suffisant pour considérer que sa demande est bien fondée.

En conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise.

Sur les dommages et intérêts

La Sas Iso Kal France réclame la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts en raison des 'tracasseries' causées par la procédure.

Elle échoue en son appel et ne démontre dès lors pas une faute de l'intimé justifiant l'octroi de dommages et intérêts. Sa demande est rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions de première instance relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

La Sas Iso Kal France succombant en son appel, elle sera condamnée aux dépens de la présente instance.

L'équité et la nature du litige commandent qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [Y] à concurrence de la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la Sas Iso Kal France à payer à M. [O] [Y] la somme de

3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sas Iso Kal France de sa demane indemnitaire,

Condamne la Sas Iso Kal France aux entiers dépens de la présente instance d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,