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Décisions

CA Colmar, ch. 2 a, 29 août 2024, n° 22/01814

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 22/01814

29 août 2024

MINUTE N° 301/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 29 août 2024

La greffière,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 AOUT 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01814 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H2TH

Décision déférée à la cour : 11 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTE :

La S.C.I. GULER, prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1]

représentée par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour

INTIMÉS :

Madame [L] [F] épouse [B] et

Monsieur [G] [B]

demeurant tous deux [Adresse 3]

représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mesdames Myriam DENORT et Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillères, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseillère

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 11 avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Régine VELLAINE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [G] [B] et Mme [L] [F], épouse [B], qui étaient propriétaires d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 4] (67), ont signé avec la SCI Guler, le 25 février 2020, un « compromis de vente » relatif à ce bien, stipulant notamment une condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt par l'acquéreur.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 juin 2020, les époux [B]-[F] ont mis en demeure la SCI Guler de justifier de la réalisation ou de la défaillance de la condition suspensive.

Par acte signifié le 22 août 2021, ils ont fait assigner la SCI Guler devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la clause pénale stipulée dans la promesse synallagmatique de vente, représentant 10 % du prix de vente, qui s'élevait lui-même à 350 000 euros.

Par un jugement du 11 janvier 2022, le tribunal a condamné la SCI Guler à leur payer la somme de 35 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2021, ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, rappelant que ce jugement était exécutoire par provision.

Le tribunal a rappelé les termes de la clause pénale insérée dans le compromis de vente signé entre les parties selon lequel, notamment, l'acquéreur déclarait avoir l'intention de recourir à un ou plusieurs prêts d'un montant maximal de 325 000 euros, d'une durée maximale de remboursement de 15 ans, au taux fixe maximal de 1,50 % l'an, hors assurance.

L'obtention ou la non obtention du prêt devait être notifiée par l'acquéreur au vendeur. À défaut, le vendeur avait la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition. De plus, l'acquéreur s'engageait, en cas de non obtention du financement demandé, à justifier de deux refus de prêt répondant aux caractéristiques ci-dessus.

Le tribunal a retenu que, si l'offre de prêt devait être transmise aux époux [B]-[F] le 25 mai 2020 au plus tard, selon la promesse synallagmatique de vente, ce délai avait été reporté de 74 jours à compter du 23 juin 2020 par l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, de sorte qu'il était arrivé à échéance le 5 septembre 2020.

Toutefois, le 17 juin 2020, la SCI Guler avait adressé au conseil des époux [B]-[F] deux attestations de refus de prêt, l'une, du 8 juin 2020, émanant de la Banque Populaire pour un prêt de 375 000 euros, et l'autre, du 17 juin 2020, émanant du Crédit Agricole pour un prêt de 372 410 euros.

Le 3 septembre 2020, le conseil de la SCI Guler avait adressé au conseil des époux [B]-[F] de nouvelles attestations de refus de prêt, l'une, du 4 juillet 2020, émanant du Crédit Agricole et l'autre, du 1er septembre 2020, émanant de la Banque Populaire, toutes les deux pour un prêt de 325 000 euros.

Cependant, le tribunal a considéré qu'aucune des attestations produites n'était conforme aux caractéristiques stipulées dans le compromis de vente, les deux premières concernant un prêt d'un montant supérieur et les deux dernières ne mentionnant ni la durée, ni le taux du prêt envisagé. Par ailleurs, la SCI Guler ne démontrait pas que le prêt stipulé dans le compromis excédait ses capacités financières, ne produisant aucune information sur sa situation financière.

Dès lors, le premier juge a retenu que la SCI Guler n'avait pas rempli ses obligations contractuelles et qu'elle avait empêché la réalisation de la condition suspensive qui devait dès lors être réputée accomplie.

Enfin, il a débouté la SCI Guler de sa demande de réduction de la clause pénale, au motif que celle-ci ne produisait aucune pièce, notamment concernant sa situation financière, pouvant justifier du caractère excessif de cette clause.

La SCI Guler a interjeté appel de ce jugement le 4 mai 2022.

Par ordonnance du 18 janvier 2023, le magistrat de la cour chargée de la mise en état a rejeté la requête des intimés aux fins de radiation de l'affaire du rôle des affaires en cours.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 mars 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 15 novembre 2022, la SCI Guler sollicite de la cour qu'elle la déclare recevable et bien fondée en son appel et, y faisant droit, qu'elle :

A titre principal,

- infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

- dise et juge que la condition suspensive n'a pas été réalisée,

- déboute les époux [B]-[F] de leur demande,

- à titre subsidiaire, en cas de condamnation de la défenderesse, limite les effets de la clause pénale à l'euro symbolique, au titre de l'article 1235-1 du code civil,

- à titre reconventionnel, condamne les époux [B]-[F] à lui rembourser la somme de 10 000 euros,

En tout état de cause,

- condamne les demandeurs, solidairement, à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux frais et dépens.

La SCI Guler soutient à titre principal qu'elle a été grandement impactée par la situation sanitaire et économique, ainsi que par les multiples mesures gouvernementales prises dans le cadre de la crise du Covid 19 en France, l'obtention de prêts ayant été rendue plus compliquée suite au confinement du 17 mars au 11 mai 2020, au regard des incertitudes économiques.

Elle invoque une erreur commise en sollicitant des prêts de 375 000 euros, intégrant la demande de crédit pour les travaux, au lieu des 320 000 euros prévus par le compromis. Elle indique avoir tenté ensuite de réparer cette erreur, mais n'avoir reçu que des refus de prêt de 325 000 euros, en raison des difficultés économiques nées de la crise sanitaire, refus dont elle a justifié conformément au compromis, s'agissant du montant du prêt.

Sur la question du délai, elle se prévaut des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, affirmant qu'il en résulte que les clauses sanctionnant une inexécution d'une obligation dans un délai déterminé sont réputées n'avoir pas produit effet si ce délai a expiré pendant la période du 12 mars au 23 juin 2020, si bien que le délai de justification de prêt, qui expirait le 25 mai 2020, devait être repoussé d'une période identique à compter du 23 juin 2020, soit jusqu'à début octobre 2020.

Dès lors qu'elle a produit deux refus de prêt pour des demandes de crédit conformes au compromis, par une lettre officielle du 3 septembre 2020, elle estime non fondée la demande des époux [B]-[F].

Sur le caractère trop vague des attestations bancaires produites, retenu par le tribunal, l'appelante soutient qu'il n'y a pas de faute de l'emprunteur qui a sollicité un prêt non conforme aux stipulations du contrat, dès lors que la banque lui aurait, de toute façon, refusé le prêt en raison de l'insuffisance de ses capacités financières. Or, même au prix convenu dans le compromis, la banque lui a refusé le crédit.

A titre subsidiaire, si la cour estimait que la clause pénale doit s'appliquer, la SCI Guler sollicite, en application de l'article 1231-5 du code civil, que celle-ci soit ramenée à plus justes proportions, soutenant que les époux [B]-[F] ont fait preuve d'une particulière mauvaise foi, dans le contexte de la crise sanitaire, en ne lui accordant aucun délai conventionnel pour entreprendre des démarches efficaces aux fins d'obtention des prêts, que le notaire en charge de la rédaction du compromis n'a pas intégré, dans le coût du prêt visé par la condition suspensive, le montant des travaux en plus du prix d'acquisition, et la mise en demeure qu'il a adressée pour le compte des époux [B]-[F] démontre que ce compromis a été initié dans l'intérêt propre des vendeurs.

Elle ajoute que les époux [B]-[F] ne justifient d'aucun préjudice particulier alors que, selon ses informations, la parcelle avec la maison aurait été vendue dès 2020 et le terrain début 2021, soit rapidement après le refus de prêt auquel elle s'est heurtée.

Par ailleurs, elle indique n'avoir aucune réserve et aucun patrimoine liquide, si bien que sa condamnation au paiement de 35 000 euros engendrerait des conséquences financières démesurées pour sa pérennité.

A titre reconventionnel, elle indique solliciter le remboursement de la somme de 10 000 euros qu'elle affirme avoir versée en espèces aux époux [B]-[F], à leur demande, pour obtenir la signature du compromis. Elle affirme que, jusqu'au jugement déféré, les époux [B]-[F] ont refusé de lui rembourser cette somme qui devait servir d'acompte.

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 19 octobre 2022, les époux [B]-[F] sollicitent, sur le fondement des articles 1101 et suivants du code civil, que la cour déclare l'appel de la SCI Guler mal fondé et le rejette, qu'elle confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et déboute en conséquence la SCI Guler de toutes ses fins et conclusions et la condamne en outre au paiement d'un montant de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les époux [B]-[F] soutiennent que la SCI Guler n'a pas fait diligence, s'agissant de ses demandes de prêt. Alors qu'il lui appartenait de justifier de la réalisation ou non de la condition suspensive d'obtention d'un crédit au plus tard le 25 mai 2020, elle produit des courriers de refus des banques postérieurs à cette date, celle à laquelle les crédits ont réellement été sollicités étant ignorée. Dès lors, elle ne peut invoquer la simple erreur commise en sollicitant un prêt de 375 000 euros au lieu de la somme de 325 000 euros prévus au compromis de vente pour s'exonérer de sa responsabilité.

Les intimés estiment que le délai prévu au compromis n'a pu être prolongé, contestant que les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mai 2020 soient applicables pour suspendre les effets d'une clause contractuelle de droit privé.

À titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que l'ordonnance du 25 mars 2020 doit s'appliquer, les époux [B]-[F] reprennent les motifs du jugement déféré, faisant valoir que la SCI Guler ne démontre pas avoir sollicité, dans le délai supplémentaire dont elle bénéficiait éventuellement au regard des dispositions de l'ordonnance, d'un prêt conforme aux stipulations du compromis de vente ou de l'incapacité d'obtenir un crédit.

Or, l'assignation ayant été délivrée seulement le 22 août 2021, la SCI Guler disposait d'un délai largement suffisant pour pouvoir obtenir un crédit.

Sur l'absence de préjudice invoqué par l'appelante, les intimés font valoir que la vente du bien a été suspendue pendant plusieurs mois, en raison de la défaillance fautive de cette dernière.

Enfin, ils estiment inopérantes au fond les explications de la SCI Guler sur l'absence de liquidités pour payer la clause pénale, observant qu'elle est propriétaire de plusieurs immeubles.

Par ailleurs, sur le versement de 10 000 euros en espèces du 31 décembre 2019 allégué par l'appelante, les intimés contestent la « preuve » qu'elle verse aux débats, faisant cependant valoir que ce versement avait été fait pour « une réduction sur le prix de vente » et n'a pas été mentionné au compromis. Ils ajoutent que cette situation est sans lien avec le présent contentieux.

* Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la demande des époux [B]-[F] tendant à l'application de la clause pénale

La promesse synallagmatique de vente de l'immeuble signée entre les époux [B]-[F] et la SCI Guler contient une condition suspensive d'obtention de prêt d'un montant maximal de 325 000 euros, remboursable en 15 ans au taux nominal d'intérêt maximal de 1,50 % l'an, hors assurance, souscrit auprès du Crédit Agricole Alsace Vosges ou de tout autre établissement bancaire.

Il y est également stipulé, s'agissant de la réalisation de la condition suspensive, que la réception de l'offre de prêt « aux conditions principales sus-énoncées » devra intervenir au plus tard le 25 mai 2020 et que l'obtention ou la non-obtention du prêt devra être notifiée par l'acquéreur au vendeur.

Il est précisé qu'à défaut de cette notification, « LE VENDEUR aura la faculté de mettre l'ACQUEREUR en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition. »

De plus, après avoir rappelé qu'elle est soumise à l'accomplissement de conditions suspensives, la promesse synallagmatique de vente précise :

« La non réalisation d'une seule de ces conditions, pouvant être invoquée par les deux parties, entraîne la caducité des présentes (...).

Toute condition suspensive est réputée accomplie, lorsque sa réalisation est empêchée par la partie qui y avait intérêt. »

En outre, l'acquéreur s'engage, en cas de non obtention du financement demandé, à justifier de deux refus de prêt répondant aux caractéristiques ci-dessus. En conséquence, il s'engage à déposer simultanément deux demandes de prêt.

Par ailleurs, il est stipulé qu'au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme égale à (') 10 % du prix de la présente vente à titre de dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du code civil.

Il convient de souligner que cette promesse synallagmatique de vente n'a pas prévu de sanction directe au non-respect du délai prévu pour la réception de l'offre de prêt et sa notification au vendeur. L'expiration de ce délai ouvrait en revanche aux vendeurs le droit de mettre l'acquéreur en demeure de justifier de l'obtention de ce prêt sous huitaine, démarche nécessaire pour que puisse être constatée la caducité de la promesse synallagmatique de vente, à défaut de justificatif de l'obtention de ce prêt sous huitaine.

Dans la situation présente, il n'est pas contesté qu'une telle mise en demeure a été adressée en premier lieu par le conseil des vendeurs par lettre recommandée avec avis de réception et courriel du 4 juin 2020, puis par lettre recommandée avec avis de réception du notaire du 8 juin 2020. Si la date de la réception des lettres recommandées n'est pas connue, il résulte d'un courriel de la SCI du 4 juin 2020, en réponse à celui du conseil des époux [B]-[F], qu'elle avait bien reçu sa mise en demeure adressée elle-même par courriel.

Toutefois, s'agissant du délai de justification des offres ou des refus de prêt, le tribunal a rappelé les termes de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 modifié par l'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020, relatif à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire, applicable, selon son article 1er, aux délais et mesures ayant expiré entre le 12 mars et le 23 juin 2020, ce qui était le cas en l'espèce puisque le délai de justification des offres de prêt expirait le 25 mai 2020.

Le calcul du report opéré par le premier juge étant exact, le délai pour justifier de l'offre de prêt a bien été reporté de 74 jours calculés après la fin de la période d'urgence sanitaire, soit jusqu'au 5 septembre 2020. Il en résulte que la totalité des attestations de refus de prêt du Crédit Agricole et de la Banque Populaire transmises par la SCI Guler aux époux [B]-[F] l'ont été dans le délai contractuel prorogé par l'ordonnance du 25 mars 2020, que ce soit celles relatives à des prêts de 372 410 euros et de 375 0000 euros, ou celles relatives à des prêts d'un montant de 325 000 euros, datées respectivement du 4 juillet 2020 et du 1er septembre 2020 et transmises par télécopie au conseil des époux [B]-[F] le 3 septembre 2020.

Ces dernières attestations du Crédit Agricole et de la Banque Populaire ne mentionnent que le montant du prêt demandé, qui correspond à celui mentionné dans la promesse synallagmatique de vente du 25 février 2020, contrairement aux attestations précédentes. Mais elles ne mentionnent aucune des autres caractéristiques du prêt sollicité, que ce soit la durée ou le taux d'intérêt. Il en résulte que la SCI Guler ne justifie pas avoir demandé, auprès de ces deux organismes bancaires, un prêt correspondant aux caractéristiques convenues dans la promesse synallagmatique de vente, s'agissant de la durée et du taux d'intérêt de ce prêt, contrairement aux engagements qu'elle avait pris à ce titre.

Dès lors, il doit être considéré que la réalisation de la condition suspensive relative aux offres de prêt a été empêchée par l'acquéreur, partie qui y avait intérêt, et que cette condition suspensive est en conséquence réputée accomplie. Il en résulte qu'il est redevable de l'indemnité stipulée en application de l'article 1231-5 du code civil par la promesse synallagmatique de vente, représentant 10 % du prix de vente.

Sur la demande de réduction de la pénalité de l'appelante, l'article 1231-5 du code civil permet notamment au juge de la modérer si elle est manifestement excessive, ce caractère manifestement excessif s'appréciant à la date de sa décision et au regard du préjudice effectivement subi par la partie au profit de laquelle elle a été stipulée.

A ce titre, les époux [B]-[F] faisant valoir que, du fait de la carence fautive de la SCI Guler, la vente de leur bien s'est trouvée suspendue pendant plusieurs mois, l'appelante soutient qu'« aux dernières informations, la parcelle avec la maison aurait été vendue dès 2020 à Mme [T] [S] et la parcelle du terrain à Mme [V] [J] début 2021 ». Cependant, elle n'en justifie nullement, ce qui ne permet pas de démontrer le caractère excessif de la clause pénale convenue, étant souligné au surplus qu'elle a en réalité bénéficié des délais conventionnels augmentés par l'ordonnance du 25 mars 2020 pour justifier des refus de prêt.

C'est pourquoi il ne peut être fait droit à sa demande de réduction de la somme due au titre de la clause pénale et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 35 000 euros.

II ' Sur la demande reconventionnelle de la SCI Guler en remboursement de la somme de 10 000 euros

A l'appui de sa demande en remboursement de la somme de 10 000 euros, l'appelante produit copie d'un écrit signé par les parties qui lui est adressé, par lequel les époux [G] [B] « certifient par la présente avoir reçu 10 000 euros en espèces le 31-12-2019 ».

Les intimés s'étonnent de la production de ce document à hauteur de cour dans les termes qui suivent « Il est à tout le moins singulier que cette « preuve » apparaisse en cours de procédure d'appel, et n'ait jamais été évoquée par la SCI Guler en première instance, comme étant contesté par les époux [B] car cela avait été fait pur (sic) une réduction sur le prix de vente ».

Il peut être souligné que les termes des contestations des intimés, qui ne dénient pas formellement leur signature apposée au bas de ce document et l'effectivité du versement effectué par la SCI Guler, sont pour le moins confus.

S'ils affirment que ce versement de 10 000 euros en espèces a été effectué pour obtenir une réduction du prix de vente, et non à titre d'acompte, comme le fait valoir la SCI Guler, il ne peut être admis, comme ils le soutiennent, que cette situation serait sans lien avec le présent contentieux.

En effet, il en résulte, en tout état de cause que, quelle que soit sa nature, cette somme a été versée par la SCI Guler pour obtenir le consentement des époux [B]-[F] à lui céder leur bien et en contrepartie de la vente de celui-ci.

Dès lors, dans la mesure où la vente ne s'est pas réalisée et en l'absence de toute convention selon laquelle, en pareil cas, cette somme resterait due aux vendeurs, elle doit donc être restituée à l'appelante, son versement se trouvant dépourvu de cause.

En conséquence, la demande reconventionnelle de la SCI Guler en remboursement de cette somme doit être accueillie.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, étant rappelé que la SCI Guler n'avait pas présenté sa demande reconventionnelle en première instance, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

Ce jugement est confirmé quant à la condamnation de l'appelante et, si sa demande reconventionnelle est accueillie, elle ne l'avait pas présentée en première instance. Il en résulte donc que les dépens de l'appel seront mis à sa charge à hauteur de deux tiers et d'un tiers à la charge des intimés. Dans la mesure où son appel est rejeté, la SCI Guler réglera la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux époux [B]-[F], au titre des frais non compris dans les dépens engagés par ces derniers en appel, et sa demande présentée sur le même fondement et au même titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 11 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Ajoutant au dit jugement,

CONDAMNE M. [G] [B] et Mme [L] [F], épouse [B], à régler à la SCI Guler la somme de 10 000,00 euros (dix mille euros),

CONDAMNE la SCI Guler à régler les deux tiers et M. [G] [B] et Mme [L] [F], épouse [B] à régler un tiers des dépens d'appel,

CONDAMNE la SCI Guler à payer à M. [G] [B] et Mme [L] [F], épouse [B], la somme de 1 500,00 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés par ces derniers en appel,

REJETTE la demande présentée par la SCI Guler sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel.

La greffière, La présidente de chambre,