CA Rennes, 3e ch. com., 3 septembre 2024, n° 23/00312
RENNES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Vice-président :
Mme Clément
Conseiller :
Mme Jeorger-Le Gac
Avocats :
Me Barichard, Me Ardouin
FAITS
Mme [G] [H] travaillait comme consultante au sein de l'Ecole Supérieure des [5] ([5]).
Parallèlement à cette activité elle a signé le 1er juillet 2015 un contrat d'agent commercial avec l'EURL [P] IMMOBILIER, agence immobilière située à [Localité 6].
L'article 3 du contrat accordait aux agents de l'agence un secteur de prospection correspondant à la zone de chalandise de l'agence.
Un avenant en date du 23 novembre 2018 a modifié l'honoraire dû au mandataire.
Mme [H] dit avoir constater par la suite que plus aucun mandat ni estimation et appel entrant à l'agence ne lui était adressé alors qu'il avait été convenu que les affaires entrantes devaient être réparties à tour de rôle entre les agents. Elle se considère victime de discrimination et dénonce une baisse subséquente de ses commissions. Elle ajoute que le 18 juin 2019 Mme [P] lui a demandé de restituer les clés de l'agence lui interdisant ainsi de rentrer dans l'agence.
Par LRAR du 24 juillet 2019 Mme [H] a pris acte de la rupture de son mandat considérant que le mandant avait manqué à ses obligations.
La société [P] IMMOBILIER affirme au contraire qu'à la fin de l'année 2017 Mme [H] a augmenté le temps consacré à ses activités de formation entraînant une diminution du temps disponible pour se livrer à son activité de négociatrice en immobilier. Elle ajoute que cette situation a entraîné une baisse d'investissement et des tensions au sein des équipes ce qui explique les modifications issues de l'avenant du 23 novembre 2018. Elle affirme encore qu'elle souhaitait seulement la restitution de ses clés de l'agence temporairement. Elle considère donc que Mme [H] est à l'origine de la rupture des relations contractuelles et que cette dernière ne démontre pas de circonstances qui lui soient imputables.
Mme [H] a fait assigner la société [P] IMMOBILIÈRE devant le tribunal de commerce de Rennes aux fins notamment de :
- Dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de mandat est imputable au mandant compte tenu de ses agissements.
En conséquence :
- Condamner l'EURL [P] au paiement de la somme de 52 000 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat,
- Condamner l'EURL [P] au paiement de la somme de 6 553,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Par jugement du 28 novembre 2022 le tribunal a :
- Dit que Mme [G] [H] a rompu son contrat d'agent commercial sans manquement de la société [P] IMMOBILIER,
- Débouté les parties de toutes leurs demandes,
- Condamné Mme [G] [H] à verser à la société [P] IMMOBILIER la somme de 1.200 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile. - Dit que l'exécution provisoire est de droit,
- Condamné Mme [G] [H] en tous les dépens dont frais de greffe liquidés à 73.23 euros toutes taxes comprises.
Le 13 janvier 2023, Mme [H] a fait appel du jugement
L'ordonnance de clôture est en date du 16 mai 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses écritures notifiées le 22 avril 2024 Mme [H] demande à la cour au visa du code de commerce, civil et de procédure civile, les pièces et la jurisprudence visée, de :
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes du 28 novembre 2022 en ce qu'il a :
. dit que Madame [G] [H] a rompu son contrat d'agent commercial sans manquement de la société [P] IMMOBILIER,
. débouté Mme [G] [H] de toutes ses demandes,
. condamné Mme [G] [H] à verser à la société [P] IMMOBILIER la somme de 1.200 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, . dit que l'exécution provisoire était de droit,
. condamné Mme [G] [H] en tous les dépens dont frais de greffe liquidés à 73.23 euros toutes taxes comprises.
- Juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de mandat est imputable à l'EURL [P] IMMOBILIER compte tenu de ses agissements.
En conséquence :
- Condamner l'EURL [P] IMMOBILIER au paiement de la somme de 52.000 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat,
- Condamner l'EURL [P] IMMOBILIER au paiement de la somme de 6.553,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- Condamner l'EURL [P] IMMOBILIER à verser au titre de l'article 700 du CPC, la somme de 3.500 euros au titre de la première instance,
- Condamner l'EURL [P] IMMOBILIER aux entiers dépens,
- Juger que les condamnations pécuniaires porteront intérêts au taux légal, à compter de la décision à intervenir et ce, avec capitalisation en application des articles 1153, 1153-1 et 1154 du code civil.
En tout état de cause :
- Débouter L'EURL [P] IMMOBILIER de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner l'EURL [P] IMMOBILIER à verser à la Mme [G] [H] la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil ;
- Condamner l'EURL [P] IMMOBILIER aux entiers dépens.
Dans ses écritures notifiées le 9 mai 2024 la société [P] IMMOBILIER demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes du 28 novembre 2022 en ce qu'il a :
. jugé que la rupture du contrat d'agent commercial de Mme [G] [H] doit s'analyser comme constituant une démission,
En conséquence :
. Débouter Mme [G] [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
. Condamner Mme [G] [H] à payer à la SARL [P] IMMOBILIER la somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 de CPC au titre des frais irrépétibles de première instance,
- Condamner Mme [G] [H] aux entiers dépens de première instance,
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes du 28 novembre 2022 en ce qu'il a :
. débouté la SARL [P] IMMOBILIÈRE de sa demande tendant à voir condamner Mme [G] [H] à payer à la SARL [P] IMMOBILIER la somme de 5 746 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
Statuant à nouveau de ce chef,
- Condamner Mme [G] [H] à payer à la SARL [P] IMMOBILIER la somme de 5.746 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
Y additant,
- Condamner Mme [G] [H] à payer à la SARL [P] IMMOBILIER la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 de CPC au titre des frais irrépétibles d'appel,
- Condamner Mme [G] [H] aux entiers dépens d'appel,
- Débouter Mme [G] [H] de toutes demandes plus amples ou contraires.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
DISCUSSION
L'exécution du contrat
L'article 134- 4 du code de commerce prévoit que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.
L'article L 134-12 du code de commerce précise :
En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.
Les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.
L'article L 134-13 ajoute :
La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants:
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
Le courrier de résiliation du 24 juillet 2019 de Mme [H] évoque plusieurs manquements de la société [P] IMMOBILIER :
Le 9 octobre 2018, vous avez supprimé toute notion de secteur individuel de prospection, pourtant prévu au contrat.
A cette même période, vous avez décidé de me mettre à 1'écart et de ne plus me confier de mandats et d'estimation de biens venant de l'activité gestion et location de 1'agence comme de sa clientèle.
Vous avez fait en sorte que plus aucun appel entrant ne soit dirigé vers moi.
Je suis la seule de l'agence à subir ce traitement déloyal.
Les commissions sur ce type de transactions sont pourtant prévues au contrat et ont constitué une part importante de mon chiffre d'affaire (comme les autres agents) depuis mon arrivée en 2015 .
I1 en a résulté pour moi une baisse importante de mon chiffre d'affaire qui repose uniquement sur les mandats que j'apporte à 1'agence depuis mon réseau personnel.
Le 18 décembre 2018, vous m'avez convié à faire un point. Vous m'avez alors indiqué avoir l'intention de mettre fin à notre collaboration.
Lorsque je vous ai demandé pourquoi, vous avez expliqué vouloir reprendre une activité de transaction et positionner également votre fille, conseillère location, sur de segment.
Je vous ai expliqué que je n'avais pas l'intention de quitter l'agence et que je souhaitais continuer à travailler comme avant.
Depuis, je constate que vous et votre fille réalisez des estimations et rentrez des mandats de vente.
Le 27 mai dernier à l'occasion d'une réunion de travail, vous avez réitérez votre souhait de me voir quitter l'agence sans indemnité. Vous avez prétendu avoir parfaitement le droit de me faire subir un traitement différencié que j'estime déloyal.
Le 18 juin dernier vous avez exigé que je vous remette les clés de l'agence et ce de manière définitive. Je suis à nouveau la seule de l'agence à être concernée par cette décision unilatérale.
Je suis par conséquent contrainte de vous solliciter lorsque l'agence est fermée, je précise, aux heures d'ouverture.
En témoigne mes SMS par lesquels je vous demande de bien vouloir m'ouvrir et auxquels vous ne répondez pas.
Concomitamment, je constate que vous ne me dites plus bonjour.
Je comprends de votre attitude à mon égard que vous entendez me forcer au départ en faisant en sorte de ne plus me permettre d'exécuter normalement mon mandat et ce sans en assumer la responsabilité.
Vous me contraignez à une baisse de revenus inacceptable, en 2019, je n'ai pu réaliser qu'une vente et les mois à venir vont être très difficiles.
Aussi, par la présente, je suis contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat d'agent commercial à vos torts exclusifs.
Je vous invite par conséquent à me régler, outre les sommes dues au titre du droit de suite, l'indemnité de préavis (3 mois) et l'indemnité de départ prévue à1'article L 134-12 du Code de commerce égale à deux ans de commissions brutes.
Vos agissements ont réduit mon chiffre d'affaire en 2018, je retiens en conséquence les commissions brutes encaissées les années complètes 2016 et 2017, soit la somme de 43.945 euros au titre de l'indemnité de départ et la somme de 5.493euros au titre du préavis.
Ces manquements tiennent à :
- La suppression de son secteur de prospection ;
- Une discrimination dans l'attribution des mandats et des estimations de biens confiés à l'agence
- La demande de restitution des clés de l'agence.
1) Le secteur de prospection
Le contrat d'agent commercial régularisé le 1er juillet 2015 entre la société [P] IMMOBILIER et Mme [H] prévoit à l'article 3 LIEU D'ACTIVITÉ que le mandataire se verra attribuer un secteur de prospection correspondant à la zone de chalandise de l'agence.
L'article 8 HONORAIRES du contrat de mandat précise en outre :
En cas de vente d'un bien en rémunération de ses services, le mandataire percevra des honoraires dont le taux de base est fixé comme suit en pourcentage HT de la commission d'agence, hors taxe et nette de toute remise, rétrocession, commission, droit éventuellement du à des tiers.
Mandat simple :
27,50 % H.T. pour une rentrée d'un bien par le mandataire par relation, prospection (téléphonique, terrain etc...) ou dépendant de la zone définie sur le plan.
Et/ou 27,50 % H.T. pour une vente par le mandataire.
Mandat exclusif :
35,00 % H.T. pour une rentrée d'un bien par le mandataire par relation, prospection (téléphonique, terrain etc... ) ou dépendant de la zone définie sur le plan.
Et/ou 20,00 % H.T. pour une vente par le mandataire.
Mandat simple ou exclusif avec client de l'agence ou issu du relationnel de Mme [P] ou de l'un des salariés de l'agence :
12.50 % H.T. attribué à l'agence ou le salarié pour la rentrée du bien. 15,00 % H.T. pour la rentrée du bien par le détenteur de la zone attribuée.
Et/ou 27,50 % H.T. pour une vente par le mandataire.
Mme [H] signale que selon la dernière modification intervenue en 2017 à la suite de l'intégration d'un nouvel agent dans l'équipe, elle s'est vue attribuer les secteurs 2 et 4 et la commune de [Localité 7].
Les plans qu'elle communique à ce titre ne sont pas exploitables (pièces 4 et 4.1). Ils sont biffés à la main et ne comportent aucune précision claire sur l'attribution de secteurs précis aux agents.
En tout état de cause et contrairement aux affirmations de Mme [H], il était permis à tous les agents commerciaux de prospecter sur un secteur attribué à un autre agent. Dans ce cas l'agent détenteur de la zone percevait un pourcentage plus important que les autres.
Un avenant en date du 23 novembre 2018 que Mme [H] a régularisé, a modifié l'honoraire dû au mandataire.
ART. 8 Honoraires
En cas de vente d'un bien, en rémunération de ses services, le mandataire percevra des honoraires dont le taux de base est fixé comme suit, en pourcentage H.T. de la commission d'agence hors taxes et nette de toute remise, rétrocession, commission, droit, éventuellement dus a des tiers.
1°/ Bien entré hors relation personnelle ou prospection en mandat simple :
27,50 % H.T. pour le mandataire qui rentre le bien.
E/ou
27,50 % H.T. pour le mandataire qui vend le bien.
2°/ Bien entré hors relation personnelle ou prospection en mandat exclusif ou rentré par relation personnelle ou prospection (téléphonique, terrain etc...) en mandat simple
35,00 % HT pour le mandataire qui rentre le bien.
Et/ou
20,00 % HT pour le mandataire qui vend le bien.
3°/ Bien entré en mandat simple ou exclusif avec client de l'agence ou ISSU du relationnel de Mme [P] ou de l'un des salariés de l'agence
15 00 % H T pour le mandataire qui rentre le bien
23 % H T pour le mandataire qui vend le bien
Les vendeurs déjà clients de l'agence font partie intégrante du relationnel de celle- ci.|
L'avenant ne vise plus de zone géographique de prospection.
Mme [A] dans une attestation produite par Mme [H] indique qu'à la suite de réunions des 5 et 9 octobre 2018 il avait en effet été décidé par Mme [P], que les répartitions provenant des estimations de son portefeuille et de son relationnel propre, ou des appels entrants, seraient attribués uniquement par elle et non plus par rapport aux secteurs.
Ces nouvelles modalités de rémunération ont été acceptées par Mme [H]. Elles ne lui permettent donc pas d'affirmer qu'elle aurait été privée d'un secteur individuel de prospection
2) La discrimination
Mme [H] considère que la répartition des affaires selon un tour de rôle à compter du mois d'octobre 2018 ont été de nature à la défavoriser vis à vis des autres agents.
Pour le démontrer elle signale que ses résultats à partir de 2018 ont chuté par rapport à ses honoraires des années précédentes :
Part des honoraires de Mme [H]
2016 : 32 671,13 euros
2017 : 29 536,95 euros
2018 : 16 435,57 euros
2019 : 7 802,08 euros ( sur 6 mois compte tenu de la résiliation intervenue le 24 juillet 2019)
Les attestations de clients et/ou de partenaires que Mme [H] communique confirment qu'il s'agissait d'une commerciale efficace.
Les honoraires attribués à Mme [H] en 2018 marquent un décrochage.
Mme [A] affirme que Mme [P] dès le mois de novembre 2018 entendait cesser toute collaboration avec Mme [H]. Elle indique aussi que le système de répartitions à tour de rôle aboutissait à l'attribution des estimations en sa faveur et/ ou celle de Mme [W], l'autre agent commercial de l'équipe.
La société [P] IMMOBILIER communique pour sa part plusieurs attestations qui contredisent ces affirmations et mettent l'accent sur l'absence de prospection de Mme [H] à l'origine, selon elle, d'une baisse de ses résultats.
Mme [W] dément tout favoritisme en sa faveur (pièce 9).
Mme [Y] gestionnaire de location dans l'agence confirme les propos de Mme [W]. Il en est de même de Mme [L] (assistante commerciale) qui indique notamment que Mme [H] ne faisait jamais de prospection, ni de pige téléphonique coeur du métier qui permet de rentrer de nouveaux biens à vendre ; la plupart des biens vendus par Mme [H] provenaient du portefeuille de gestion et location.
Mme [C] (chargée de gestion locative) insiste également sur l'absence de prospection de Mme [H] :
...
Concernant l'origine des mandats provenant des portefeuilles location et gestion, Madame [H] bénéficie de notre travail relationnel et auprès des clients de l'agence. La signature du mandat est largement acquise grâce au travail de ses collègues.
...
La modification des modalités d'attributions des affaires n'a été effective qu'à compter du 23 novembre 2018 tout au plus à partir du 9 octobre 2018. La chute des commissions versées à Mme [H] en 2018 ne peut donc provenir d'une répartition inégalitaire mise en oeuvre en toute foin d'année.
Le tableau communiqué par l'agence concernant le montant des honoraires de Mme [H] en 2018 affiche le système de répartition des affaires entre agents.
Entrée Sortie
AG / GL GL 4 928,23 euros
AG/GL BJ 1 000 euros
AG/GL GL 3 375,67 euros
GL GL 7 131,67 euros
Ce tableau montre que Mme [H] a touché les honoraires attachés aux biens qu'elle entrait seule. Elle a également été attributaire des honoraires pour lesquels elle était à l'origine de l'entrée du bien avec l'agence [P].
Les autres agents ont été traités de la même façon. Mme [A] a été rétribuée pour les biens qu'elle entrait et sortait. Tout comme Mme [W]. Les commissions leur étaient versées lorsque elles rentraient le bien avec l'agence.
Le même système a été reproduit en 2019 sauf à remarquer que Mme [W] a été rétribuée s'agissant de deux ventes de bien entrés par Mme [A]. Cette particularité ne concerne pas Mme [H].
Ce système est conforme aux conditions contractuelles : l'agent à l'origine de l'affaire, seul ou via le relationnel de l'agence, touche une commission.
Le montant des honoraires est donc en fonction du travail de prospection de l'agent, dont dépend son relationnel que l'agent commercial doit alimenter.
Sur ce point les échanges entre Mme [H] et les autres salariés et commerciaux de l'agence établissent que Mme [H] était bien informée lorsque ses clients contactaient l'agence. Ils montrent également que ses clients et contacts lui étaient rebasculés (pièces 7 et 8 [P]).
Il n'est donc pas établi qu'elle aurait été mise à l'écart de ses propres prospects.
Mme [H] affirme encore que sur la période courant d'octobre 2018 à juin 2019 Mme [A] a bénéficié de mandats issus de la clientèle de l'agence et notamment des mandats :
.[F]
. [K]/[J]
. [T]
. [O]
Elle ajoute que sur cette période Mme [A] aurait été attributaire des estimations suivantes grâce à Mme [P] :
. [U]/[R]
. [B]
. [S]
. [V]
. [X]
Elle poursuit en signalant que Mme [W] a été destinataire des estimations et mandats issus de la clientèle de l'agence :
. Vente Zenaidi
. Vente Seige
. Seige
. Bailleur
. Cave
. [I]/[M]/[Z]
La société [P] IMMOBILIER communique cependant 5 mandats qui ont été attribués à Mme [H] en 2018.
La différence de répartition entre les agents n'est pas significative.
Les pièces que Mme [H] verse pour établir une différence de régime entre les agents commerciaux sont trop peu précises pour établir une discrimination.
Les attestations versées au débat signalent au surplus que Mme [H] n'était pas toujours disponible pour assurer la gestion des affaires et des clients.
Ces attestations rappellent notamment que Mme [H] était engagée au profit de l'[5] et qu'à ce titre elle lui consacrait de nombreuses heures qu'elle prenait sur ses missions au profit de l'agence.
Mme [H] signale que ses heures de travail au profit de l'[5] n'ont pas augmenté pendant sa collaboration avec l'agence immobilière [P].
Ces heures de formation s'étalent du 1er septembre au 31 août de l'année suivante :
2015-2016 : 222 heures
2016- 2017 : 164 heures
2017-2018 : 188 heures
2018-2019 : 206 heures
2019-2020 : 122 heures
Cette répartition montre cependant que les heures consacrées à l'[5] sur les années 2018 et 2019 sont plus importantes que celles des années 2016-2017 alors que 2019 et 2020 ont été marquées par la crise COVID et les confinements.
Pour le confirmer la société [P] verse une copie des pages de l'agenda de Mme [N] tirée du logiciel IMMOFACILE sur lesquelles apparaît en bleu la mention [5] sur certaines journées. Leur nombre oscille entre 1journée et 3 en 2018 et 2019.
Mme [H] affirme que ces mentions correspondent aux journées pendant lesquelles elle ne dispensait qu'une ou deux heures de cours au sein de l'[5].
Pourtant il lui était possible de bien identifier le temps consacré à ces heures sur l'agenda, en les distinguant de ses autres obligations comme le montre le détail de son emploi du temps durant la semaine du 11 au 15 juin 2018.
En tout état de cause plusieurs attestations signalent que Mme [H] n'hésitait pas à organiser ses interventions à l'[5] pendant ses heures de présence à l'agence et que suite à une remarque de Mme [P] sur ce point à la fin de l'année 2018, Mme [H] venait moins à l'agence (Mme [L], Mme [Y], Mme [W]).
Mme [W] indique ainsi qu'il n'était pas rare que Mme [H] partage ses biens avec Mme [A] en raison des son travail de formatrice qui exigeait du temps.
Ce contexte était de nature à désorganiser la prospection et le suivi de ses affaires par Mme [H], et a participé à la baisse de ses résultats en 2018.
Mme [H] ne démontre donc pas que la baisse des revenus provient d'une répartition inégalitaire des affaires entre les agents .
1) La remise des clés
Le contrat d'agent commercial ne prévoit aucune obligation pour le mandant de laisser des clés à la disposition de ses agents commerciaux pour leur permettre de pénétrer dans l'agence à toute heure. La mission d'un agent immobilier consiste à repérer des biens à vendre ou à acheter et/ou des clients, ce qui suppose que l'agent soit pour la grande majorité de son temps sur le terrain.
La société [P] IMMOBILIER n'était donc pas tenue de permettre à Mme [H] un accès permanent à l'agence.
En outre Mme [Y] indique que Mme [H] a toujours eu accès aux locaux dont l'amplitude d'ouverture de 9 h à 18 h 30 du lundi au samedi matin, en continuité était large. Elle ajoute que Mme [H] n'a pas pu entrer dans l'agence à une seule reprise en raison de sa fermeture un lundi matin.
Mme [H] ne peut donc revendiquer un libre accès aux locaux de l'agence qu'elle ne dirige pas, en dehors des heures d'ouverture, bien que des clés lui aient été remises par commodité.
A compter du 24 juin 2019 Mme [H] qui ne démontre pas que l'agence était fréquemment fermée, pouvait donc s'y rendre aux heures d'ouverture du public pour pouvoir organiser des visites de biens immobiliers et accéder aux dossiers clients.
Mme [H] n'établit donc pas que l'impossibilité d'accéder aux locaux de l'agence librement à compter du 24 juin 2019 a constitué un obstacle à la poursuite de son mandat.
Dans ces conditions Mme [H] n'établit pas que la poursuite du mandant devenait impossible. La cessation du contrat à son initiative n'était donc pas justifiée par des circonstances imputables au mandant.
Le jugement tribunal est confirmé de ce chef.
L'indemnité de préavis
La société [P] IMMOBILIER fait valoir que Mme [H] a rompu son contrat d'agent commercial sans respecter de préavis. Elle sollicite à ce titre une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 5.746 euros calculée sur la base des commissions perçues au titre des 2 dernières années pleines effectuées au sein de la structure.
Le contrat d'agent commercial précise :
Par la suite le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée et pourra être dénoncé à tout moment par chacune des parties par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant le respect d'un préavis d'UN mois.
Toutefois, il pourra être rompu à tout moment, sans préavis ni indemnité, en cas de défaut d'inscription, de non-règlement de charges, de dépassement de mandat, de faute grave telles que manquement au devoir de loyauté qui porte attente à la finalité commune et défaut de mise en oeuvre des moyens permettant de réaliser des affaires.
Mme [H] ne démontre pas qu'elle se trouve dans la situation prévue au second paragraphe.
Toutefois la société [P] IMMOBILIER ne démontre pas que la départ précipité de Mme [H] à compter du 24 juillet 2019 lui a causé un préjudice dès lors qu'elle insiste sur son désinvestissement en relation avec une charge de travail conséquente au sein de l'[5] .
Les demandes annexes
Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [H] est condamnée aux d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour :
Confirme le jugement ;
- Rejette les autres demandes des parties
- Condamne Mme [H] aux dépens d'appel