CA Lyon, 1re ch. civ. B, 3 septembre 2024, n° 23/04955
LYON
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Aig Europe (SA), Generali Iard (Sté)
Défendeur :
Allianz Benelux (NV), Scheuten Solar Solutions (BV), Alrack, Selarl Mja
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Goursaud
Conseillers :
Mme Lemoine, Mme Lecharny
Avocats :
Me De Fourcroy, Me Adrien, Me Laffly, Me Zanati, Me Sourbe, Me Schillings
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat du 1er décembre 2010 conclu avec la société Free Power, la société Codiver holding a fait construire une centrale de production d'électricité photovoltaïque.
La société Free Power, assurée auprès de la société Generali Iard, s'était approvisionnée en panneaux photovoltaïques auprès de la société néerlandaise Scheuten solar systems aujourd'hui en liquidation judiciaire. Celle-ci était assurée auprès de la société AIG Europe.
La société Alrack, assurée auprès de la société Allianz et également en liquidation judiciaire aujourd'hui, était le fabriquant auquel la société Scheuten solar systems s'était adressée pour la fourniture des boîtiers de jonction installés sur les panneaux.
Les travaux ont débuté le 15 janvier 2011 et ont été réceptionnés sans réserve le 22 avril suivant.
En juin 2012, un épisode de surchauffe s'est produit et a conduit la société Free Power à remplacer un panneau de marque Scheuten.
En août 2012, la société Free Power a informé la société Codiver holding de l'existence d'incidents constatés sur d'autres installations comportant des panneaux équipés de modules de marque Scheuten en lui recommandant l'arrêt de l'installation afin d'éviter tout sinistre.
Par jugement rendu le 5 septembre 2013, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a:
- dit la société Codiver Holding recevable et bien fondée en ses demandes,
- débouté la société Free Power de l'ensemble de ses demandes en lui enjoignant, dans le cadre de sa garantie de bon fonctionnement, de mettre en conformité et sécurité l'installation en réparant les éléments ou en remplaçant les éléments défectueux et le cas échéant les éléments de couverture endommagés et de la remettre en bon état de fonctionnement, dans un délai de 60 jours, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, dans la limite de 40 jours, ordonnant qu'il soit sursis sur la demande de la société Codiver Holding au titre des pertes d'exploitation dans l'attente de la réparation et remise en fonction de la centrale.
La société Free Power a formé appel selon déclaration du 12 septembre 2013 et l'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 13/2407.
La société Free Power a fait appeler devant la cour, en intervention forcée, son assureur, la société Generali Iard et les organes de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la société Free Power.
Par un arrêt rendu le 10 juin 2015, la cour d'appel de Riom a :
- infirmé partiellement le jugement susvisé en ce qu'il a enjoint à la société Free Power, dans le cadre de la garantie de bon fonctionnement, de remettre l'installation photovoltaïque en conformité et en sécurité et en état de bon fonctionnement,
statuant à nouveau,
- dit que la société Free Power a engagé sa responsabilité de plein droit sur le fondement de la garantie décennale,
- déclaré recevables les demandes relatives à l'amortissement exceptionnel des modules photovoltaïques de 2011, aux intérêts d'emprunts du nouvel investissement, au coût du stockage et de la destruction des panneaux et à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- fixé la créance de la société Codiver Holding au passif de la procédure de sauvegarde de la société Free Power à la somme de 158.674,16 € hors-taxes au titre du coût de remplacement de la totalité des panneaux photovoltaïques, à la somme de 10.000 € au titre du stockage des panneaux et à la somme de 1 677,03 € au titre des frais de justice exposés devant le tribunal de commerce,
- renvoyé l'examen des pertes d'exploitation devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand qui a sursis à statuer sur ce poste de préjudice,
- condamné la société Generali Iard à garantir la société Free Power dans le cadre des limites de garantie de la police de responsabilité civile décennale souscrite,
- condamné cette dernière à payer à la société Codiver Holding la somme de 170 351,19 €,
- débouté les parties de leurs autres demandes.
La société Generali a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt mais elle a transigé avec la société Codiver Holding et s'est désistée de ce pourvoi selon un arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 2016 (3e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-23.236).
En exécution de la transaction, la société Codiver Holding a établi et remis à la société Generali Iard, le 4 août 2016, une quittance subrogative pour la somme de 206.351,19 € ; elle s'est ensuite désistée de son action pendante devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand sur les pertes d'exploitation, désistement constaté par jugement du 26 janvier 2017.
Parallèlement à la procédure d'appel susvisée, la société Generali Iard avait appelé en intervention forcée et garantie, dans le cadre d'une instance enregistrée sous le numéro RG 14/755, les sociétés Scheuten Solar Solutions BV, AIG Europe limited, Alrack BV, Allianz Nederland Corporate, M [C], en qualité de liquidateur de la société Scheuten Solar Holding BV et Scheuten Solar Systems BV, M de [T], en qualité de curateur de la société Scheuten Solar Solutions BV et la SELAFA MJA, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Scheuten Solar France.
Par ordonnance du 4 décembre 2014, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d'instance en intervention forcée et appel en garantie formé par la société Generali iard contre M de [T] en qualité de curateur de la société Scheuten Solar Solutions BV et contre la société Scheuten Solar Solutions BV, dit n'y avoir lieu à constater le désistement d'instance à l'égard de la société AIG Europe limited, prise en sa succursale française, en l'absence d'acceptation de sa part et prononcé son incompétence pour statuer sur les fins de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des appels en intervention forcée.
Par acte du 21 novembre 2016, la société AIG Europe Limited a assigné en intervention forcée M [F] [W], en qualité de liquidateur de la société Alrack BV.
Par un nouvel arrêt du 19 septembre 2018, rendu sur appel du jugement rendu le 5 septembre 2013 par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, la cour d'appel de Riom a déclaré recevables les assignations en intervention forcée délivrées par la société Generali Iard devant la cour, déclaré la société Scheuten Solar Systems responsable, par application de l'article 1386-8 du code civil, des conséquences dommageables des désordres et débouté la société Generali Iard de toutes ses demandes en la condamnant aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de chacune des sociétés AIG Europe et Allianz.
La cour a notamment considéré que :
- la société Scheuten Solar Systems qui a monté les boîtiers défectueux après les avoir fait fabriquer sous son contrôle, encourt de plein droit la responsabilité prévue à l'article 1386-8 du code civil, sans qu'aucune responsabilité ne puisse être retenue en la matière contre les autres sociétés du groupe Scheuten,
- le droit néerlandais s'applique au contrat d'assurance conclu entre la société Scheuten Solar Systems et la société AIG Europe et les clauses d'exclusion prévues à la police AIG Europe doivent recevoir application.
La société Generali Iard a formé un pourvoi. Elle s'est désistée à l'encontre de la société néerlandaise Scheuter Solar Solutions et du liquidateur de celle-ci.
La société AIG Europe a formé un pourvoi incident.
Par arrêt du 29 janvier 2020 (1re Civ., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-26.146), la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a déclaré la société Scheuten Solar Systems responsable en application de l'article 1386-8 du code civil, des conséquences dommageables des désordres et débouté la société Generali Iard de ses demandes contre la société AIG Europe, l'arrêt de la cour d'appel de Riom, remettant sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt en les revoyant devant la cour d'appel de Lyon.
La Cour a considéré :
- au visa de l'article L. 181-3 du code des assurances, que pour rejeter l'action de la société Generali Iard contre la société AIG Europe, l'arrêt retient qu'elle n'est pas fondée à invoquer les dispositions du code français des assurances, dès lors que le contrat d'assurance est soumis au droit néerlandais et que le dommage et les frais qui sont résultés des défauts de fonctionnement litigieux relèvent pleinement des clauses d'exclusion de garantie qui doivent s'appliquer ; qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions d'ordre public des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, invoquées devant elle, étaient applicables au présent litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé,
- au visa de l'article 16 du code de procédure civile, que pour déclarer la société Scheuten Solar Systems responsable des conséquences dommageables des désordres, l'arrêt retient sa responsabilité de plein droit prévue à l'article 1386-3 du code civil ; qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Selon déclaration du 2 juillet 2020, la société Generali Iard a saisi la cour de renvoi à l'encontre de la société AIG Europe, de M [C], pris en sa qualité de liquidateur des sociétés Scheuten Solar Holding BV et Scheuten Solar Systems BV, de la Selafa MJA, prise en la personne de Mme [J], en qualité de liquidateur de la société Scheuten Solar France, de M [T] [O], en qualité de liquidateur de la société Scheuten solar Solutions BV, de la société Alrack BV et de la société Allianz Benelux NV.
Par un arrêt du 4 mars 2021, la cour d'appel de Lyon a :
- rejeté la demande de la société Generali Iard tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture ou à l'irrecevabilité des conclusions et pièces déposées le 11 janvier 2021 par la société AIG Europe,
- déclaré la société Scheuten Solar Systems responsable des conséquences dommageables des désordres subis par la société Codiver holding en application des dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil devenus 1245 et suivants,
- fixé la créance de la société Generali Iard à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société Scheuten Solar Systems à la somme de 47.677,03 €,
- condamné la société AIG Europe à payer à la société Generali Iard la somme de 47.677,03 €, outre intérêts capitalisés à compter du 14 mai 2018,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société AIG Europe aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Grillat, avocat,
- débouté la société AIG Europe de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à payer à la société Generali Iard la somme de 8.000 € de ce chef.
La société AIG Europe a formé un pourvoi en cassation.
La société Generali Iard a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Par un arrêt du 19 avril 2023 (1re Civ., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-15.093), la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce que, d'une part, il condamne la société AIG Europe à payer à la société Generali Iard la somme de 47 677,03 € outre intérêts capitalisés à compter du 14 mai 2018 et, d'autre part, il rejette l'action de la société Generali Iard fondée sur l'article 1641 du code civil, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon et remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.
La cour a considéré :
- au visa de l'article 1386-2, devenu 1245-1, du code civil, que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne s'appliquent qu'à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, or la cour d'appel s'est abstenue d'expliquer ce qu'indemnisait la somme de 47.677,03 euros mise à la charge de la société AIG Europe, ainsi elle n'a pas donné de base légale à sa décision,
- au visa de l'article 1641 du code civil, que la cour d'appel aurait dû rechercher si la société Generali Iard n'était pas également subrogée dans les droits et actions de la société Free Power, son assurée, contre la société Scheuten Solar Systems, ainsi elle n'a pas donné de base légale à sa décision.
Par déclaration de saisine du 19 juin 2023, la société AIG Europe a saisi la cour d'appel de Lyon. L'affaire a été enrôlé sous le numéro RG 23/4955.
Par déclaration de saisine du 11 juillet 2023, la société Generali Iard a saisi la cour d'appel de Lyon. L'affaire a été enrôlé sous le numéro RG 23/5685.
Aux terme de ses dernières conclusions, notifiées le 28 mars 2024, la société AIG Europe demande à la cour de :
I- à titre préliminaire,
- juger que les demandes de la compagnie Generali dirigées contre la compagnie AIG Europe constituent une prétention nouvelle au sens de l'article 565 du code de procédure civile,
en conséquence,
- juger irrecevables toutes demandes de la compagnie Generali dirigées contre la compagnie AIG Europe,
- rejeter toutes les demandes de la compagnie Generali dirigées contre la compagnie AIG Europe SA,
II' sur le rejet des demandes dirigées contre la compagnie AIG Europe SA sur le fondement de la garantie des vices cachés,
- infirmer le jugement de toutes dispositions qui seraient contraires au présent dispositif,
1 ' sur l'irrecevabilité et le mal fondé des demandes de la compagnie Generali prétendument subrogée dans les droits de la société Free power :
- juger que la compagnie Generali a renoncé clairement et sans équivoque à se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 10 juin 2015 et à la subrogation dans les droits de la société Free power,
- juger en tout état de cause, que la compagnie Generali ne justifie pas d'une subrogation régulière dans les droits de la société Free power,
en conséquence,
- juger irrecevable et/ou à tout le moins mal fondée la compagnie Generali qui se prétend subrogée dans les droits de la société Free power, en ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la compagnie AIG Europe SA,
- débouter la compagnie Generali de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre AIG Europe SA et fondées sur la subrogation dans les droits de Free power,
- mettre hors de cause la compagnie AIG Europe SA,
subsidiairement,
Sur l'application du droit néerlandais à la relation contractuelle entre Free power et Scheuten :
- juger que le droit désigné par la règle de conflit de loi et applicable à la relation contractuelle entre Free power et Scheuten est la loi néerlandaise,
en conséquence,
- débouter la compagnie Generali, subrogée dans les droits de la société Free power de toute ses demandes fondées sur les articles 1641 et suivants du code civil français, non applicables;
- mettre hors de cause la compagnie AIG Europe SA ;
en tout état de cause, même si le droit français était applicable, sur la prescription de l'action de la compagnie Generali même si elle était subrogée dans les droits de la société Free power :
- juger que la compagnie Generali a attendu 8 ans avant de se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 10 juin 2015 et d'une subrogation dans les droits de la société Free power;
- juger que la société Free power n'a jamais assigné la compagnie AIG Europe SA et était prescrite en matière de vice caché dès le 7 février 2012,
en conséquence,
- juger que les demandes de la compagnie Generali qui se prétend subrogée dans les droits de la société Free power, sont irrecevables car prescrites sur le fondement de la garantie des vices cachés,
- débouter la compagnie Generali qui se prétend subrogée dans les droits de la société Free power, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la compagnie AIG Europe SA,
- mettre hors de cause la compagnie AIG Europe SA.
2 ' sur l'impossibilité pour la compagnie Generali subrogée dans les droits de la société Codiver de se prévaloir de la garantie des vices cachés :
sur le mal fondé de la compagnie Generali prétendument subrogée dans les droits de la société Codiver en raison du caractère définitif de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 4 mars 2021 :
- juger que la Cour de cassation ne remet pas en cause l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 4 mars 2021 en ce qu'il a jugé que la société Codiver « ne pouvait donc exercer une action en garantie des vices cachés contre le fournisseur Scheuten Solar Systems sur le fondement de l'article 1641 du code civil faute d'existence d'un contrat de vente et son assureur Generali ne peut donc, alors qu'il ne dispose d'aucun droit supplémentaire à ceux détenus par son assuré, exercer dans le cadre de son action directe contre l'assureur des sociétés du groupe Scheuten, une action en garantie des vices cachés. »,
- juger que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 4 mars 2021 est devenu définitif sur ce point,
- juger à titre subsidiaire et surabondant, qu'il ne peut y avoir transmission de la garantie des vices étant donné, d'une part, l'existence d'une chaîne de contrats internationale, d'autre part, l'application du droit néerlandais à la relation Free power ' Scheuten, et enfin, l'impossibilité pour Codiver, maître d'ouvrage, de se prévaloir de la garantie des vices cachés contre Free power, entrepreneur,
en conséquence,
- juger que la compagnie Generali, subrogée dans les droits de la société Codiver, est mal fondée en ses demandes au titre de la garantie des vices cachés (articles 1641 et suivants du code civil),
- débouter la compagnie Generali, subrogée dans les droits de la société Codiver,
de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la compagnie AIG Europe SA prise en sa succursale néerlandaise ;
- mettre purement et simplement hors de cause la compagnie AIG Europe SA, prise en sa succursale néerlandaise :
subsidiairement, sur l'irrecevabilité des demandes de la compagnie Generali subrogée dans les droits de la société Codiver même dans l'hypothèse où elle serait fondée à se prévaloir de la garantie des vices cachés :
- juger que la compagnie Generali ne justifie pas d'une subrogation légale régulière dans les droits de la société Codiver dès lors que l'indemnité n'a pas été versée en vertu d'une garantie régulièrement souscrite,
- juger que la compagnie Generali ne rapporte pas la preuve de la concomitance du paiement et de la subrogation dans les droits de la société Codiver,
- juger que les demandes de la compagnie Generali fondées sur la subrogation dans les droits de la société Codiver, sont irrecevables car prescrites conformément à l'article 1648 du code civil,
- débouter la compagnie Generali subrogée dans les droits de la société Codiver, de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de la compagnie AIG Europe SA, car irrecevables,
- mettre hors de cause la compagnie AIG Europe SA ;
III - sur le rejet des demandes dirigées contre la compagnie AIG Europe SA sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux :
- juger que la compagnie Generali exerce son recours contre la compagnie AIG Europe SA sur le fondement des articles 1245 et suivants du code civil,
- juger que le régime de la responsabilité des produits défectueux, fondé sur les articles 1245 et suivants du code civil n'est pas applicable, en l'absence de dommages à des biens autres que le produit livré lui-même (c'est-à-dire autres que les panneaux photovoltaïques livrés par la société Scheuten),
- juger que la Cour de cassation et la présente juridiction ont considéré à juste titre que le coût de remplacement des panneaux ne correspondait pas à un dommage résultant d'une atteinte à un bien autre que les produits défectueux eux-mêmes,
- juger que la société Codiver n'a pas eu à subir de dommages à des biens autres que le produit défectueux lui-même,
- juger s'agissant spécifiquement de la somme de 47.677,03 € qui avait été mise à la charge de la compagnie AIG Europe par la cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 4 mars 2021, qu'il appartient à la société Generali de préciser à quoi correspond cette somme et d'en justifier,
- juger que la compagnie Generali ne rapporte pas la preuve que cette somme correspondrait à une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même,
en conséquence,
- juger que la compagnie Generali est mal fondée en ses demandes fondées sur les articles 1245 et suivants du code civil ;
- débouter la compagnie Generali de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la compagnie AIG Europe SA prise en sa succursale néerlandaise ;
- mettre purement et simplement hors de cause la compagnie AIG Europe SA, prise en sa succursale néerlandaise.
en tout état de cause,
- condamner la compagnie Generali à payer à la société AIG Europe SA la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Vincent de Fourcroy, SELARL De Fourcroy, avocats au barreau de Lyon, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 26 mars 2024, la société Generali Iard demande à la cour de :
I. sur l'action de la société Generali Iard fondée sur les vices cachés
- juger responsable la société Scheuten solar systems sur le fondement de la garantie des vices cachés.
- fixer au passif de la liquidation de la société Scheuten solar systems la créance de la compagnie Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Codiver holding à la somme de 206.351,19 € au titre de sa responsabilité engagée sur le fondement des vices cachés,
- condamner la société AIG Europe SA à verser à la société Generali Iard la somme de 206.351,19 € au titre de la responsabilité de la société Scheuten solar systems sur le fondement des vices cachés, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la quittance subrogative régularisée le 4 août 2016,
- débouter la société AIG Europe SA de l'ensemble de ses demandes, tant en principal, frais et accessoires,
à titre subsidiaire,
- fixer au passif de la liquidation de la société Scheuten solar systems de la créance de la compagnie Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Free Power à la somme de 171.789,96 € au titre de sa responsabilité engagée sur le fondement des vices cachés,
- condamner la société AIG Europe SA à verser à la société Generali Iard la somme de 171.789,96 € au titre de la responsabilité de la société Scheutensolar systems sur le fondement des vices cachés, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Riom du 10 juin 2015,
- débouter la société AIG Europe SA de l'ensemble de ses demandes, tant en principal, frais et accessoires,
II. Sur l'action de la société Generali Iard fondée sur les produits défectueux
- juger responsable la société Scheutensolar systems sur le fondement des articles 1245 et suivants du code civil relatifs aux produits défectueux,
- fixer au passif de la liquidation de la société Scheuten solar systems de la créance de la compagnie Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Codiver holding à la somme de 48.115,80 € au titre de sa responsabilité engagée sur le fondement des produits défectueux,
- condamner la société AIG Europe SA à verser à la société Generali Iard la somme de 48.115,80 € au titre de la responsabilité de la société Scheuten solar systems sur le fondement des produits défectueux, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation d'appel en cause en cause d'appel du 5 mars 2014,
- débouter la société AIG Europe SA de l'ensemble de ses demandes, tant en principal, frais et accessoires,
III. Des demandes accessoires
- condamner la compagnie AIG Europe SA à payer à la compagnie Generali Iard une indemnité de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés directement par Me Laffly, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouter la société AIG Europe SA de ses demandes au paiement de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la compagnie Generali.
Aux termes de conclusions de désistement partiel notifiées le 20 novembre 2023 dans le dossier enregistré sous le numéro de RG 23/4955 , la société AIG Europe demande à la cour de lui donner acte de son désistement partiel d'instance à l'égard de la société Alrack BV, représentée par son liquidateur judiciaire, Mr [F] [W] [V], et à l'égard de la compagnie Allianz benelux, es-qualités d'assureur de la société Alrack BV, de juger ce désistement partiel parfait et de réserver les dépens de l'incident.
Aux termes de conclusions notifiées le 23 novembre 2023, la société Allianz Benelux demande à la cour de constater que la société AIG Europe s'est désistée de son appel à son égard et de prendre acte de son acceptation de ce désistement, de condamner AIG Europe à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de conclusions de désistement notifiées le 23 octobre 2023 dans le dossier enregistré sous le numéro de RG 23/5685, la société Generali Iard demande à la cour de la recevoir en ses écritures et l'y dire bien fondée et de constater qu'elle se désiste de son appel à l'égard de la société Alrack, de son liquidateur et de la compagnie Allianz Benelux, ainsi que de statuer ce que de droit quant aux dépens.
Aux termes de conclusions de désistement notifiées le 23 octobre 2023, la société Allianz Benelux demande à la cour de constater que la société Generali Iard s'est désistée de son appel à son égard et de prendre acte de son acceptation de ce désistement, de condamner Generali Iard à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M [R] [C], M [O] [T] et la société Scheuten Solar Solution BV, auxquels la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 13 juillet 2023, n'ont pas constitué avocat dans le dossier enregistré sous le numéro de RG 23/4955.
La SELARL MJA, à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 17 juillet 2023, n'a pas constitué avocat.
M [R] [C], M [O] [T] et la société Scheuten Solar Solution BV, auxquels la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 12 septembre 2023, n'ont pas constitué avocat dans le dossier enregistré sous le numéro de RG 23/5685.
La SELARL MJA, à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 11 septembre 2023, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 mars 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient de joindre les deux instances enregistrées sous les numéros RG 23/4955 et 23/5685 et de dire qu'elles se poursuivront sous le numéro RG 23/4955.
Il convient de donner acte à la société AIG Europe et à la société Generali de leur désistement partiel d'instance à l'égard de la société Alrack BV, représentée par son liquidateur judiciaire, M [F] [W] [V], et à l'égard de la compagnie Allianz benelux, assureur de la société Alrack BV.
La société Allianz Benelux accepte ce désistement. La société Alrack n'a pas constitué avocat.
Il convient en conséquence de constater le désistement partiel de la société AIG et de la société Generali Iard et le dessaisissement de la cour à l'égard de la société Alrak, représentée par son liquidateur judiciaire, et à l'égard de la compagnie Allianz Benelux.
1. Sur l'étendue de la saisine de la cour
La société Generali soutient qu'ensuite de la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 4 mars 2021, doivent être considérés comme définitifs:
- la consécration de la responsabilité de la société Scheuten solar sur le fondement des produits défectueux,
- le principe de l'étendue de la réparation qui s'applique à tout dommage autre que le produit défectueux lui-même,
- l'inopposabilité des limites et exclusions contenues dans la police souscrite auprès d'AIG.
La société AIG fait notamment valoir que:
- la cassation porte sur la seule somme qui était mise à la charge de la société AIG au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux, de sorte qu'il ne peut être considéré qu'il y aurait une consécration de la responsabilité de la société Scheuten solar sur ce fondement,
- l'arrêt de la cour d'appel de Lyon est définitif en ce qu'il a jugé que le coût de remplacement des produits défectueux est exclu par les articles 1245 et suivants du code civil,
- la société Codiver n'a pas eu à subir de dommages à des biens autres que le produit défectueux lui-même,
- l'intégralité de la réclamation de la compagnie Generali , qu'elle soit subrogée dans les droits de Codiver ou de Free power, correspond à un dommage qui résulte de l'atteinte au seul produit défectueux lui-même, de sorte que la compagnie Generali doit être déboutée.
Réponse de la cour
Dans son arrêt du 4 mars 2021, la cour d'appel de Lyon a :
- rejeté la demande de la société Generali Iard tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture ou à l'irrecevabilité des conclusions et pièces déposées le 11 janvier 2021 par la société AIG Europe,
- déclaré la société Scheuten Solar Systems responsable des conséquences dommageables des désordres subis par la société Codiver Holding en application des dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil devenus 1245 et suivants,
- fixé la créance de la société Generali Iard à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société Scheuten Solar Systems à la somme de 47.677,03 €,
- condamné la société AIG Europe à payer à la société Generali Iard la somme de 47.677,03 €, outre intérêts capitalisés à compter du 14 mai 2018,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société AIG Europe aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Grillat, avocat,
- débouté la société AIG Europe de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à payer à la société Generali Iard la somme de 8.000 € de ce chef.
L' arrêt du 19 avril 2023 de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce que:
- il condamne la société AIG Europe à payer à la société Generali Iard la somme de 47 677,03€ outre intérêts capitalisés à compter du 14 mai 2018,
- il rejette l'action de la société Generali Iard fondée sur l'article 1641 du code civil.
Il en résulte que le chef de l'arrêt ayant déclaré la société Scheuten Solar Systems responsable sur le principe des conséquences dommageables des désordres subis par la société Codiver Holding en application des dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil devenus 1245 et suivants est irrévocable.
En revanche, l'autorité de la chose jugée n'étant attachée qu'au dispositif des décisions de justice, à l'exclusion des motifs, il ne peut être déduit de la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, que « le principe de la mobilisation de la garantie d'assurance d'AIG europe est définitif, tout comme l'inopposabilité des clauses d'exclusions et des limites (plafonds et franchises) contenues dans la police ».
2. Sur la recevabilité des demandes formées contre la société AIG Europe
La compagnie AIG Europe soutient que les demandes de la société Generali dirigées à son encontre sont déclarées irrecevables en raison de leur nouveauté, dès lors qu'elle n'a jamais été assignée en première instance.
Réponse de la cour
L'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la cour d'appel de Riom a déclaré recevables les assignations en interventions forcées délivrées par la société Generali Iard devant cette cour, dont celle délivrée à la société AIG Europe.
Cet arrêt a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 29 janvier 2020 « mais seulement en ce qu'il a déclaré la société Scheuten Solar Systems responsable en application de l'article 1386-8 du code civil, des conséquences dommageables des désordres et débouté la société Generali de ses demandes contre la société AIG », de sorte que la disposition de l'arrêt ayant déclaré l'intervention forcée de la société AIG Europe recevable est irrévocable.
En conséquence, en application de l'article 555 du code de procédure civile, la société Generali Iard est recevable à former des demandes à l'encontre de la société AIG même pour la première fois en cause d'appel.
3. Sur l'action en garantie contre les vices cachés
La société Generali soutient que la société Scheuten solar systems est responsable sur le fondement de la garantie des vices cachés et sollicite que sa créance, qu'elle estime à titre principal à la somme de 206.351,19 euros et à titre subsidiaire à la somme de 171 789,96 euros, soit fixé au passif de la liquidation, ainsi que la condamnation de la société AIG europe au paiement de cette somme.
Elle fait notamment valoir que :
- dans son arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation demande à la cour de renvoi de statuer sur l'action en garantie contre les vices cachés qu'elle a engagée, en sa qualité de subrogée dans les droits de la société Free power, son assurée,
- elle est également subrogée dans les droits et actions de la société Codiver holding en vertu de la quittance subrogative à hauteur de la somme de 206.351,19 €,
- l'action fondée sur les vices cachés fondée sur la subrogation légale de son assurée n'est pas un fondement nouveau, il a été évoqué devant la cour d'appel de Lyon, et l'assureur peut se prévaloir d'une subrogation légale dans les droits de son assuré, en sus d'une subrogation conventionnelle dans les droits de la victime,
- elle est subrogée dans les droits de Free power depuis l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 10 juin 2015 qui l'a condamnée à garantir cette société en application de la garantie décennale, cet arrêt est définitif sur ce point et elle l'a exécuté en versant à la société Codiver holding la somme globale de 171.789,96 €,
- l'assureur en responsabilité qui a indemnisé la victime d'un dommage dont son assuré devait répondre est subrogé à la fois dans les droits de la victime et dans ceux de son assuré, dont il a payé la dette en ses lieu et place,
- la cour d'appel de Riom a statué de façon irrévocable tant sur la responsabilité décennale de la société Free power que sur la mobilisation de la garantie décennale de la société Générali, de sorte qu'elle est légalement subrogée dans les droits de la société Free power
- la transaction conclue avec la société Codiver ne constitue pas une renonciation de sa part ni n'a vocation à remettre en cause le caractère définitif de l'arrêt du 10 juin 2015 de la cour d'appel de Riom à l'égard des tiers à la transaction,
- elle a dès l'assignation délivrée le 5 mars 2014 fondé ses demandes sur la garantie des vices cachés, de sorte que son action n'est pas prescrite,
- le courrier de la société Scheuten solar du 7 février 2012 ne saurait constituer le point de départ du délai de deux ans car il met en avant une potentielle défectuosité et non un vice avéré, il vise des panneaux produits entre septembre 2009 et juillet 2010 et non du 6 février 2011 comme c'est le cas en l'espèce,
- le vice n'a été établi que le 13 août 2022, date à laquelle la société Scheulten solar a demandé à la société Codiver de mettre son installation à l'arrêt, suite à une expertise,
- les articles 1641 et suivants du code civil ont vocation à s'appliquer, dès lors que la compagnie AIG ne démontre pas l'existence et le contenu de la clause de la loi applicable dans le contrat conclu entre Free power et Scheuten solar systems, elle ne rapporte pas la preuve que Free power aurait pris connaissance d'une telle clause et ne produit pas les conditions générales du contrat, soumettant leurs rapports au droit néerlandais,
- la société Scheuten solar systems a vendu des panneaux photovoltaïques entachés d'un défaut de fabrication et de conception provoquant des échauffements et constituant un vice grave car pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, et en tant que vendeur professionnel, la société Scheuten solar systems est présumée de manière irréfragable, connaître les vices de la chose qu'elle a vendu,
- le vendeur est en conséquence tenu à la restitution du prix et à l'indemnisation de tous les dommages.
La compagnie AIG Europe fait valoir en réplique que :
- dans son arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation a demandé à la cour d'appel de renvoi de déterminer si la compagnie Generali peut se prévaloir ou non d'une subrogation dans les droits de son assurée, la société Free Power,
- la compagnie Generali ne peut invoquer la subrogation dans les droits de son assurée, la société Free Power, dès lors qu'elle s'est toujours exclusivement prévalue d'une subrogation dans les droits et actions de la seule société Codiver, par ailleurs en transigeant avec la société Codiver, elle a renoncé à se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 10 juin 2015 et de la subrogation dans les droits de la société Free power dans le cadre de son action récursoire contre la compagnie AIG,
- le bénéfice du cumul des subrogations dans les droits du tiers victime et ceux de l'assuré est fondé sur l'article L121-12 du code des assurances, - le versement de l'indemnité au tiers victime, soit la société Codiver, permet à l'assureur d'être subrogé dans les droits du tiers victime, mais pas dans les droits de son assurée, soit la société Free power, - la compagnie Generali, qui soutient être légalement subrogée dans les droits de son assurée, doit produire sa police d'assurance, ce qu'elle ne fait pas et que le versement de l'indemnité à Codiver n'est pas intervenu en vertu d'une garantie souscrite et ne peut alors être qualifiée « d'indemnité d'assurance », ainsi que l'exige l'article L 121-12 du code des assurances,
- elle n'est pas fondée à se prévaloir des articles 1641 et suivants du code civil, d'autant que les rapports contractuels des sociétés Scheuten solar systems bv et Free power, sont soumis au droit néerlandais, en application de l'article 4,1 a du Règlement CE Rome I du 17 juin 2008 qui prévoit que le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle,
- son action en garantie des vices cachés en tant que subrogée dans les droits de la société Free power est prescrite dès lors que sa demande n'a été formulée que dans ses conclusions du 22 septembre 2023, soit au-delà du délai légal de 2 ans, le subrogeant n'a pas non plus exercé cette action prescrite dès le 7 février 2012,
- la compagnie Generali ne peut pas plus invoquer la subrogation dans les droits de la société Codiver dès lors que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon a définitivement rejeté l'action de la société Generali sur ce fondement,
- en tout état de cause, celui qui est subrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, or il n'existe aucun contrat de vente entre les sociétés Codiver et Scheuten solar systems et la chaine de contrat litigieuse a une dimension internationale,
- la société Codiver ne disposait pas d'un recours sur un fondement contractuel contre la société Scheuten solar systems bv et son assureur, la compagnie AIG Europe limited,
- la subrogation conventionnelle est irrégulière, le paiement ayant eu lieu antérieurement et non concomitamment à l'établissement de la quittance subrogative.
Réponse de la cour
a. Sur l'action contre les vices cachés exercée par la société Generali Iard à l'encontre de la société AIG Europe sur le fondement de la quittance subrogative délivrée par la société Codiver Holding
Contrairement à ce qui est soutenu par la société AIG Europe, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 4 mars 2021 ne rejette pas de façon irrévocable l'action en garantie des vices cachés exercée par la société Generali Iard en sa qualité de subrogée de la société Codiver Holding, puisque dans le dispositif de son arrêt du 19 avril 2023, qui est seul revêtu de l'autorité de la chose jugée, la Première chambre civile de la Cour de cassation casse cet arrêt, notamment en ce qu'il rejette l'action de la société Generali Iard fondée sur l'article 1641 du code civil.
Dès lors, cette demande est recevable.
Il est constant que la société Codiver Holding a donné quittance à la société Generali Iard pour la somme totale de 206 351,19 euros - correspondant aux causes de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Riom le 10 juin 2015 et à une somme reçue ensuite de la transaction se substituant à cet arrêt - en la subrogeant expressément « dans ses droits et actions à l'encontre de tout tiers responsable et de leurs assureurs, notamment en application de l'article 1250 et le cas échéant 1251 3° du code civil ».
Le paiement avec subrogation permet au subrogé de disposer de toutes les actions qui appartenaient au créancier avant le paiement de la créance.
Or, la société Codiver Holding, maître de l'ouvrage, dans les droits de laquelle est subrogée Generali Iard, n'avait pas de rapport contractuel avec la société Scheuten Solar Systems, qui avait fourni les panneaux solaires à la société Free Power, locateur d'ouvrage, constructeur de la centrale, et seul interlocuteur du maître de l'ouvrage.
Dès lors, elle ne pouvait exercer une action en garantie des vices cachés contre le fournisseur Scheuten Solar Systems sur le fondement de l'article 1641 du code civil, faute d'existence d'un contrat de vente et Generali Iard ne peut donc, alors qu'il ne dispose d'aucun droit supplémentaire à ceux détenus par le subrogeant, exercer dans le cadre de l'action directe contre l'assureur de la société Scheuten, une action en garantie des vices cachés.
En conséquence, il convient de débouter la société Generali Iard de sa demande en garantie contre les vices cachés fondée sur la subrogation conventionnelle de la société Codiver Holding.
b. Sur l'action contre les vices cachés exercée par la société Generali Iard à l'encontre de la société AIG Europe en sa qualité de subrogée de son assurée, la société Free Power
Sur la recevabilité du moyen tiré de la subrogation légale
Contrairement à ce qui est soutenu par la société AIG Europe, aucune disposition ne fait interdiction à la société Generali Iard de soutenir, même pour la première fois en cause d'appel, un nouveau fondement juridique à l'appui de sa demande en paiement, les articles 564 et suivants du code de procédure civile faisant uniquement interdiction à une partie de présenter une demande nouvelle en appel.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la nouveauté du fondement juridique invoqué par la société Generali Iard, qui est inopérant.
Sur la régularité de la subrogation légale
Aux termes de l'article L 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
Et l'assureur subrogé dans les droits de la victime qu'il a indemnisée peut également se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré, prévue par la disposition précitée, et intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices cachés dont son assuré disposait.
En l'espèce, la société Generali Iard a versé à la société Codiver Holding la somme globale de 170 351,19 euros en exécution de l'arrêt irrévocable de la cour d'appel de Riom du 10 juin 2015, qui a notamment:
- dit que la société Free Power a engagé sa responsabilité de plein droit sur le fondement de la garantie décennale,
- fixé la créance de la société Codiver Holding au passif de la procédure de sauvegarde de la société Free Power à la somme de 158 674,16 euros HT au titre du coût du remplacement de la totalité des panneaux photovoltaïques, à la somme de 10 000 euros au titre du stockage des panneaux et à la somme de 1 677,03 euros au titre des frais de justice exposés devant le tribunal de commerce,
- condamné la société Generali Iard à garantir la société Free Power dans le cadre des limites des garanties de la police responsabilité civile décennale souscrite et l'a condamné à payer à la société Codiver Holding la somme de 170 351,19 euros.
Du fait même de cette condamnation à garantir son assuré sur le fondement de sa garantie décennale, la société Generali Iard, qui justifie bien avoir versé une indemnité d'assurance, est subrogée légalement dans les droits de la société Free Power.
Cette subrogation légale n'a pas été remise en cause dans la quittance subrogative, qui fait référence au règlement de la condamnation par la société Generali Iard de son indemnité d'assurance fondée sur la garantie décennale.
En outre, la société Generali Iard produit la police d'assurance la liant à la société Free Power.
Enfin, aucun élément ne permet de retenir qu'en transigeant avec la société Codiver Holding postérieurement à l'arrêt du 10 juin 2015 de la cour d'appel de Riom, la société Generali Iard aurait renoncé à sa subrogation dans les droits et actions de la société Free Power.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société Generali Iard est subrogée légalement dans les droits de la société Free Power, son assurée.
Sur le bien fondé de l'action en garantie contre les vices cachés
Il est constant entre les parties, d'une part, que la société Scheuten Solar Systems est une société de droit néerlandais installée aux Pays-Bas et la société Free Power une société française et, d'autre part, que la facture émanant de la société Scheuten Solar System du 8 février 2011 produite par la société Generali Iard concerne la relation contractuelle entre la société Free Power et cette dernière.
Il en résulte que le contrat entre ces deux sociétés est un contrat international soumis au Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome 1), lequel s'applique aux contrats conclus entre le 1er avril 1991 et le 17 décembre 2009, ainsi que le soutient exactement la société AIG Europe.
Ce Règlement prévoit en son article 3 que le contrat est régi par la loi choisie par les parties et, à l'article 4, qu'à défaut de choix, il est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle, sauf s'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause qu'il présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre, auquel cas la loi de ce pays s'applique.
Il revient aux juges du fond d'apprécier si les parties ont eu la volonté de choisir la loi de leur contrat.
En l'espèce, la facture rappelle que « les conditions générales de Scheuten solar novembre 2010 s'appliquent à toutes les offres et soumissions de Scheuten ainsi qu'à tous les contrats convenus avec Scheuten (...) Ces conditions contiennent notamment une clause de limitation de responsabilité ainsi qu'une clause déclarant le droit néerlandais applicable (...) »
Cependant, la société AIG Europe n'est pas en mesure de produire les conditions générales de vente auxquelles il est fait référence, de sorte que cette stipulation ne peut être opposée à la société Generali Iard, qui la conteste.
Néanmoins, en l'absence de tout autre élément permettant d'apprécier si les parties ont eu la volonté de choisir la loi de leur contrat ou si le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays, il convient de faire application du principe selon lequel il est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.
La société Scheuten Solar Holding ayant sa résidence habituelle aux Pays-bas, il n'est pas établi que la loi française s'applique au contrat.
Il s'ensuit que la société Generali Iard, en sa qualité de subrogée de la société Free Power, n'est pas fondée à se prévaloir de la loi française sur la garantie contre les vices cachés à l'encontre de l'assureur de la société Scheuten Solar holding, la société AIG Europe.
En conséquence, il convient de débouter la société Generali Iard de sa demande en garantie contre les vices cachés, fondée sur la subrogation légale de la société Free Power.
4. Sur l'action en responsabilité du fait des produits défectueux
La société Generali sollicite que la responsabilité de la compagnie AIG Europe soit reconnue sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux et qu'elle soit condamnée à lui verser à ce titre la somme de 48.115,8 €.
Elle fait notamment valoir que :
- subrogée dans les droits de la société Codiver holding, le quantum de son recours s'élève à la somme de 206.351,19 €,
- après déduction du coût du remplacement des modules photovoltaïques, les dommages subis, inhérents à la défectuosité du produit, s'élèvent à la somme de 48.115,8 €.
La société AIG Europe fait notamment valoir en réplique que :
- les sommes réclamées par la société Generali correspondent à l'atteinte au produit défectueux lui-même, - - une telle indemnisation est exclue du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux,
- la somme comprend également des frais de justice, ainsi que de dommages-intérêts non justifiés,
- la compagnie Generali ne rapporte pas la preuve que la somme demandée correspond à l'indemnisation d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
Réponse de la cour
Ainsi qu'il a été précédemment vu, le chef de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 4 mars 2021, ayant déclaré la société Scheuten Solar Systems responsable sur le principe des conséquences dommageables des désordres subis par la société Codiver Holding en application des dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil devenus 1245 et suivants est irrévocable.
Il résulte de l'article 1386-2, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction alors applicable, que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux ne s'applique pas à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte au produit défectueux lui-même, ce qui englobe tous les préjudices qui en découlent directement ou indirectement, sans affecter des biens distincts du produit.
En l'espèce, la société Generali Iard sollicite la somme de 8 000 euros au titre de l'indemnisation du stockage des modules des panneaux photovoltaïques, ce qui correspond au stockage des produits défectueux eux-mêmes et ne peut, dès lors être indemnisé sur ce fondement.
La société Generali Iard demande encore la somme de 1 677, 03 euros au titre des frais de justice exposés en première instance, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, 438, 77 euros au titre des frais de justice exposés en appel, ce qui correspond à des sommes sur lesquelles il a déjà été statué dans les procédures antérieures et qui, en outre, ne peuvent correspondre à la réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
La société Generali Iard demande enfin la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts sans préciser aucunement le préjudice dont elle demande la réparation.
En conséquence, la somme de 48 115,80 euros réclamée par la société Generali Iard ne correspondant pas à la réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même ou n'étant pas justifiée, il convient de la débouter de sa demande.
5. Sur les autres demandes
L'équité et la situation économique des parties commandent l'octroi à la société AIG Europe d'une indemnité de procédure de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge de la société Generali Iard qui, succombant en appel, doit être déboutée de sa demande de ce chef.
Il convient par ailleurs de condamner la société AIG Europe et la société Generali Iard à payer, chacune, la somme de 1 000 euros à la société Allianz Benelux NV sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Les dépens d'appel sont à la charge de la société Generali Iard qui succombe.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Vu le jugement du 5 septembre 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand,
Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 janvier 2020,
Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 avril 2023,
Ordonne la jonction des deux instances enregistrées sous les numéros RG 23/4955 et 23/5685 et de dit qu'elles se poursuivront sous le numéro RG 23/4955,
Constate le désistement partiel de la société AIG Europe et de la société Generali Iard et le dessaisissement de la cour à l'égard de la société Alrack BV, représentée par son liquidateur judiciaire, M. [W] [V] et à l'égard de la compagnie Allianz Benelux NV,
Déclare recevables les demandes de la société Generali Iard formées à l'encontre de la société AIG Europe,
Déboute la société Generali Iard de ses demandes en paiement,
Condamne la société Generali Iard à payer à la société AIG Europe la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société AIG Europe à payer la somme de 1 000 euros à la société Allianz Benelux NV au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Generali Iard à payer la somme de 1 000 euros à la société Allianz Benelux NV au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la société Generali Iard aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.