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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 septembre 2024, n° 22/13817

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

D2R Conseil (SAS), Capsi Conseil (SAS)

Défendeur :

Holding de l'Étang (SARL), Cp Conseil (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bodard-Hermant

Vice-président :

Mme Brun-Lallemand

Conseiller :

Mme Depelley

Avocats :

Me Lustman, Me Larue, Me Marie

T. com. Paris, 15e ch., du 4 juill. 2022…

4 juillet 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 29 mai 2015, la société D2R Conseil, dont l'activité est le conseil en gestion et en organisation, a fait l'acquisition de 95 % du capital de la société Holding des hautes plaines, elle-même détentrice 100 % du capital de la société Capsi Conseil, dont l'activité est le conseil et l'assistance aux prestataires de service d'investissement et les sociétés de gestion de portefeuille.

Holding des hautes plaines et Capsi Conseil étaient jusque-là contrôlées, directement ou indirectement, par leur fondateur M. [L] [N], spécialiste des fonctions de conformité et de contrôle interne permettant l'attribution des agréments délivrés par l'Autorité de contrôle prudentiel et l'Autorité des marchés financiers.

Holding des hautes plaines a été absorbée par la suite par Capsi Conseil. M. [N] a conservé 5 % des actions de Capsi Conseil et a été nommé directeur général de D2R et de Capsi.

Ce même 29 mai 2015, ont par ailleurs été signés les actes suivants :

- une convention de coopération conclue (en présence de RGA Sacor, actionnaire majoritaire de la société ayant acquis le capital des sociétés cédées à M. [N]) entre Capsi Conseil et Holding de l'étang, une société immatriculée le 14 avril précédent, dont M. [N] est l'associé unique et gérant ; cet acte confiant au prestataire une mission de présentation de clientèle, de sous-traitance de mission de conseil et d'assistance et formation (afin, comme exposé p.2, « de conserver le bénéfice pour la société Capsi Conseil de la compétence et du savoir-faire de M. [N] ainsi que de son réseau relationnel spécifique »), jusqu'au 31 août 2017, et prévoyant une prolongation tacite, avec résiliation à l'expiration d'un préavis de 3 mois ;

- une convention de garantie de passif ayant notamment pour objet le maintien du chiffre d'affaires pour l'exercice 2015 ;

- un engagement de non concurrence du prestataire, pendant toute la durée de la convention de coopération (notamment, de prendre toute participation dans une société de prestation de conseil et d'assistance de même nature) et pendant une durée de 24 mois à compter de la fin de la convention (notamment, d'exercer des activités similaires ou concurrentes) ;

- une promesse unilatérale d'achat des 5 % d'actions conservées par M. [N], consentie sur levée d'option à simple demande.

Postérieurement, par acte sous seing privé du 1er mars 2018, un engagement de non concurrence a été signé par M. [N] à titre personnel, pour une durée de 12 mois reconductible tacitement.

Puis, par courrier du 16 mai 2019, la société Capsi Conseil a mis un terme au contrat de coopération du 29 mai 2015 avec prise d'effet au 17 août 2019.

Le 17 juin 2019 M. [N] a démissionné de ses fonctions de directeur général de D2R Conseil et de Capsi Conseil, ce dont les assemblées générales des sociétés tenues le 1er juillet 2019 ont pris acte. Il a exercé son option de vente des 5 % du capital de Capsi Conseil le 11 juillet 2019.

Le 3 juillet 2019, une autre société, CP Conseil (filiale à 100 % de Holding de l'étang) a été créée. Elle a entre le 1er et le 17 août 2019, signé six contrats de prestation de service (étude conformité, externalisation du contrôle permanent et du contrôle périodique, assistance à la conformité'), dont quatre avec des clients recourant jusqu'alors à Capsi Conseil. D'autres ont contracté avec elle postérieurement.

Le 14 janvier 2020, les conseils de M. [N] ont mis en demeure la société D2R Conseil de verser le prix de cession des actions s'agissant duquel il avait accepté un paiement échelonné. Le même jour, ils ont mis en demeure la société Capsi Conseil de régler la dernière facture émise (juillet 2019) et le solde créditeur du compte courant associé de M. [N].

Par acte du 9 juin 2020, les sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil ont assigné M. [N], la SARL Holding de l'Étang et la SAS CP Conseil devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir des dommages et intérêts pour violation des engagements de concurrence et pour concurrence déloyale.

Par jugement du 4 juillet 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- Condamné in solidum la SARL Holding de l'étang, M. [L] [N] et la SAS CP Conseil à verser à la SAS Capsi Conseil la somme de 3.168 € à titre de dommage et intérêts ;

- Débouté la SAS D2R Conseil et la SAS Capsi Conseil de leurs autres demandes formulées à titre principal, à titre subsidiaire et en tout état de cause ;

- Condamné la SAS D2R Conseil à verser à M. [L] [N] la somme de 50.000 € dans les 8 jours suivant la réception de l'ordre de mouvement avec astreinte de 500 € par jour de retard pendant une durée d'un mois, date à partir de laquelle il sera de nouveau fait droit ;

- Condamné la SAS D2R Conseil à verser à M. [L] [N] la somme de 3.039,95 € avec intérêt au taux légal à compter du 14 janvier 2020, avec anatocisme au titre de remboursement de compte courant ;

- Condamné la SAS Capsi Conseil, à verser à la SARL Holding de l'étang la somme de 7.867 € augmentée des intérêts à taux légal à compter du 14 janvier 2020 avec anatocisme ;

- Condamné la SARL Holding de l'étang à verser à la SAS Capsi Conseil la somme de 11.160 € TTC ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus ample ou contraires ;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- Condamné la SAS D2R Conseil et la SAS Capsi Conseil in solidum aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés la somme de 137,86 € dont 22,76 € de TVA.

Par déclaration reçu au greffe le 19 juillet 2022, les sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil ont interjeté appel.

Par jugement en date du 9 mai 2023 du tribunal de commerce de Paris, la société Capsi Conseil a été placée en liquidation judiciaire.

L'instance, interrompue ainsi que le magistrat chargé de la mise en l'état l'a constaté par ordonnance du 7 novembre 2024 a été reprise postérieurement suite à l'intervention volontaire du mandataire liquidateur de Capsi conseil.

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 décembre 2023, les sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil et la SCP BTSG, prise en la personne de Me [S] [P], ès qualités de liquidateur de la société Capsi Conseil demandent à la Cour de :

Vu l'article 1147 du code civil (ancienne rédaction),

Vu les articles 1231-1 et 1240 du code civil,

Vu les articles 1626 et 1628 du code civil,

Constater l'intervention volontaire de la SCP BTSG ès qualité de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil ;

Constater en conséquence la reprise d'instance,

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Condamné in solidum la SARL Holding de l'étang, M. [L] [N] et la SAS CP Conseil à verser à la SAS Capsi Conseil la somme limitée à 3.168 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Débouté la SAS D2R Conseil et la SAS Capsi Conseil de leurs autres demandes formulées à titre principal, à titre subsidiaire et en tout état de cause ;

- Condamné la SAS Capsi Conseil à verser à la SARL Holding de l'étang la somme de 7.867 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2020 avec anatocisme ;

- Condamné la SARL Holding de l'Étang à verser à la société SAS Capsi Conseil la somme limitée à 11.160 euros TTC ;

- Condamné la SAS D2R Conseil et la SAS Capsi Conseil in solidum aux dépens ;

Et statuant à nouveau :

Condamner in solidum M. [N], la société Holding de l'étang et la société CP Conseil à verser une somme de 1.029.814 euros aux sociétés D2R Conseil et à la SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil à titre de dommages intérêts eu égard pour M. [N] à la violation de son engagement contractuel de non concurrence, à son manquement au devoir de loyauté et à sa garantie d'éviction, eu égard pour la société Holding de l'étang à la violation contractuelle de sa clause de non concurrence et à sa responsabilité délictuelle comme tiers complice et eu égard pour la société CP Conseil à sa responsabilité délictuelle comme tiers complice, somme à parfaire ;

Condamner M. [N] à verser une somme de 50.000 euros à la société D2R Conseil au titre de sa garantie d'éviction ;

Sommer la société CP Conseil de communiquer l'intégralité des contrats de prestation de service portant sur des missions d'assistance pour la conformité, le contrôle interne et la maîtrise des risques depuis le 2ème semestre 2020 ;

Sommer la société CP Conseil de communiquer ses chiffres d'affaires pour 2019, 2020 et 2021 ;

Condamner ès qualités subsidiairement et in solidum M. [N] et les société Holding de l'étang et la société CP Conseil à verser la somme totale de 1.029.814 euros aux sociétés D2R Conseil et à la SCP BTSG de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil pour concurrence déloyale et parasitisme en application des articles 1240 et suivants du Code civil ;

Condamner en toutes hypothèses in solidum M. [N], la société Holding de l'étang et la société CP Conseil une somme complémentaire de 30 000 euros aux sociétés D2R Conseil et à la SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil au titre du préjudice moral subi ;

Ordonner à M. [N] et à la société CP Conseil chacun de :

- cesser directement ou indirectement toute activité concurrentielle des sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil ;

- cesser les débauchages de salariés des sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil ;

- cesser le démarchage et le débauchage de la clientèle des sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil ;

- et ce, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard et infraction constatée ;

Condamner la société Holding de l'étang à restituer à la SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil la somme de 9.300 euros HT soit 11.160 euros TTC compte tenu des avoirs consentis sur les factures ;

Condamner la société Holding de l'étang à restituer à la SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil la somme de 9.791,67 euros TTC au titre des commissions de 10 % indûment versées ;

Débouter M. [N], les sociétés CP Conseil et Holding de l'étang de leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamner in solidum la société Holding de l'Étang, la société CP Conseil et M. [N] à verser aux sociétés D2R Conseil et à la SCP BTSG es qualité de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au bénéfice du Cabinet Peyre en application de l'article 699 du CPC.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 02 février 2023, la société CP Conseil, la société Holding de l'Etang, et M. [N], demande à la Cour de :

Vu les dispositions des articles 32-1, 1240, 1589 1343-2 du code civil ;

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

Vu les dispositions des articles 514, 514-1 et 700 du code de procédure civile ;

- Déclarer recevables et bien fondés Monsieur [L] [N] ainsi que les sociétés Holding de l'Etang et CP Conseil en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- Débouter les sociétés Capsi Conseil et D2R Conseil de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Confirmer le jugement rendu le 4 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

* Condamné la SAS Capsi à verser à la SARL Holding de l'étang la somme de 7.867 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2020, avec anatocisme ;

* Dit que M. [N] n'a pas violé son engagement de non-concurrence ;

* Dit qu'Etang n'a pas violé cet engagement de non-concurrence figurant dans le contrat à l'article 12 (iii) ;

* Constaté que la société Holding de l'étang n'a pas démontré qu'il y a eu « une mauvaise exécution de ses missions » au titre du contrat de coopération ;

* Dit que M. [N] n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale ;

* Débouté la société Capsi Conseil de sa demande de condamnation de la société Holding de l'Etang à verser une somme de 9.761,67 euros au titre des commissions de 10% indûment versées ;

- Infirmer ledit jugement en ce qu'il a :

* Condamné in solidum la SARL Holding de l'étang, M. [L] [N] et la SAS CP Conseil à verser la SAS Capsi Conseil la somme de 3.168 € à titre de dommages et intérêts ;

* Condamné la SARL Holding de l'étang à verser à la SAS Capsi Conseil la somme de 11.160 € TTC ;

Statuant à nouveau :

- Débouter les sociétés Capsi Conseil et D2R Conseil de leur demande de condamnation in solidum de Monsieur [L] [N] ainsi que des sociétés Holding de l'étang et CP Conseil à verser une somme de 1.029.814,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Débouter la société D2R Conseil de sa demande de condamnation de Monsieur [L] [N] à verser une somme de 50.000 euros au titre de sa garantie d'éviction ;

- Débouter les sociétés Capsi Conseil et D2R Conseil de leur demande de condamnation in solidum de Monsieur [L] [N] ainsi que des sociétés Holding de l'étang et CP Conseil à verser une somme de 30.000 euros au titre du préjudice moral ;

- Débouter la société Capsi Conseil de sa demande de condamnation de la société Holding de l'étang à verser une somme de 11.160 euros au titre des « avoirs consentis sur les factures » ;

En tout état de cause,

- Condamner in solidum les sociétés Capsi Conseil et D2R Conseil à payer à Monsieur [L] [N] ainsi qu'aux sociétés CP Conseil et Holding de l'étang la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés Capsi Conseil et D2R Conseil aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2024.

***

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

- Sur la violation alléguée des engagements de non-concurrence contractuels et post-contractuels souscrits par la société Holding de l'Étang le 29 mai 2015

Moyens des parties

Les sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [S] [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil font valoir que, dans le cadre du contrat de coopération du 29 mai 2015, la société Holding de l'étang était soumise en application de son article 12 à une obligation de non-concurrence pendant toute la durée du contrat, d'une part, et pendant une durée de 2 ans après la fin du contrat, d'autre part.

Ils observent qu'Holding de l'étang est l'associé unique de la société CP Conseil, créée le 3 juillet 2019 (pièce n°14). Ils déduisent de cette circonstance, ainsi que de la conclusion d'au moins six contrats par CP Conseil avant même la prise d'effet de la résiliation le 17 août 2019 (pièce n°32) du contrat de coopération, que la société Holding de l'étang a violé son obligation de non-concurrence. Ils ajoutent que la société CP Conseil et M. [N] (associé unique d'Holding de l'étang) ont commis une faute engageant leur responsabilité délictuelle en qualité de tiers complice en permettant à Holding de l'étang de violer cette obligation.

Ils font enfin valoir que 25 clients sur 35, soit 70 %, ont rejoint la société CP Conseil d'août 2019 à août 2020, la perte totale sur chiffres d'affaires sur les deux exercices (clos au 31/08) s'élevant à 1 617 491 euros (soit une perte de marge de 869 090 euros).

En réponse, les sociétés CP Conseil, Holding de l'étang et M. [N] soutiennent que la clause de non-concurrence ne peut s'appliquer à la société Holding de l'étang, la société Capsi Conseil ayant procédé à la résiliation du contrat le 16 mai 2019 (pièce n°43) sans lui avoir transmis la liste des clients actifs auprès de la société D2R Conseil ou Capsi conseil comme la convention de coopération l'imposait.

De surcroît, faisant valoir que ni M. [N], ni CP Conseil n'étant parties à cette convention, seule Holding de l'étang est débitrice des obligations, ils contestent toute condamnation des intéressés sur un fondement contractuel.

Ils demandent par ailleurs de confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'Etang n'a pas violé l'engagement de non concurrence figurant au contrat à l'article 12 (iii).

Ils soutiennent enfin que bien que la date de prise d'effet de la démission de M. [N] ait été au 17 août 2019, les parties avaient, de façon orale, convenu de fixer la date de fin du contrat de coopération au 31 juillet 2019.

Réponse de la Cour

Il ressort des pièces versées que la convention de coopération du 29 mai 2015 signée entre Holding de l'étang (« le Prestataire ») et Capsi Conseil (« la Société ») comprend les dispositions suivantes :

« Article 12 ' Prohibition de cession du contrat ' exclusivité ' non concurrence :

(') La prestataire s'interdit, pendant toute la durée du présent contrat, de :

(') (ii) prendre toute participation ou accepter tout mandat ou fonction, directement ou par personne interposée, dans toute sociétés, groupement ou entités exploitant des activités similaires ou concurrente à l'activité concernée sur le territoire [France, Luxembourg, Suisse] ;

(iii) démarcher la clientèle ou les prospects de la société et de son associée unique, la société D25, en vue de leur fournir directement ou par le biais de personés interposées, des prestations de conseil et d'assistance de même nature que celles fournies par la société ;

(') Le Prestataire s'interdit par ailleurs, pendant deux ans à compter de la fin du présent contrat de :

(i) Exercer, directement ou indirectement, et notamment par le biais d'une autre société dont il serait associé ou dirigeant, des activités similaires ou concurrentes de l'activité concernée sur le territoire pour tout client actif de D2R Conseil ou de la Société au cours des douze derniers mois, à la date de fin du présent contrat ; étant précisé à cet égard que cet engagement ne sera opposable au prestataire que pour autant la Société lui aura remis, à la date de fin du contrat, une liste desdits clients ;

(') Il est précisé que ces interdictions sont prises en compte dans la détermination du prix des prestations, objet du présent contrat, en ce inclus la rémunération de la période d'interdiction postérieure au terme du contrat, ce que les parties reconnaissent et acceptent expressément.

Article 13 ' Tolérance

Il est formellement convenu que toute tolérance ou renonciation d'une des parties dans l'application de toute ou partie des engagements prévus au présent contrat, quelque que puisse en être la fréquence ou la durée, ne saurait valoir modification du présent contrat, ni générer un droit quelconque » (pièce D2R Conseil et Capsi Conseil n°7 ' souligné par la Cour).

La Cour retient, tout d'abord, que le tribunal a dans la décision attaquée considéré à raison, s'agissant des dispositions applicables en cours de contrat :

- qu'en créant le 3 juillet 2019 une filiale à 100 %, la SAS CP Conseil, laquelle a été immatriculée au RCS le 9 juillet suivant (pièce D2R Conseil et Capsi Conseil n°7), la société Holding de l'étang n'a pas respecté l'article 12 (ii) de la convention de coopération et que la société Capsi est bien fondée à demander des dommages et intérêts au titre de ce manquement contractuel ;

- que M. [N] et CP conseil ne pouvaient ignorer la teneur de l'engagement d'Holding de l'étang envers Capsi Conseil et sont tiers complices de la violation de cette interdiction de prendre toute participation dans une société concurrente.

La Cour ajoute que la disposition selon laquelle l'engagement n'est opposable au prestataire que pour autant la société lui aura remis une liste des clients concernés, porte sur un autre volet de la clause de non-concurrence litigieuse prévue à l'article 12 de la convention reproduit supra (cette seconde partie relative à la période post-contractuelle, débutant par : « Le Prestataire s'interdit par ailleurs, pendant deux ans à compter de la fin du présent contrat de' »).

Il s'en suit que la circonstance que la société Capsi Conseil ait procédé à la résiliation du contrat le 16 mai 2019 en omettant de transmettre, y compris même ensuite, la liste des clients concernés par la clause de non concurrence post-contractuelle, si elle rend inopposable l'engagement de non concurrence pour la période postérieure à la fin du contrat, ne peut conduire, contrairement à ce qu'allèguent les intimées, à écarter l'application des dispositions qui précèdent et qui, s'agissant de la période d'exécution du contrat, ne prévoient pas un dispositif de ce type.

La Cour approuve par ailleurs le tribunal, d'avoir pour écarter l'article 12 (iii) retenu que D2R et Capsi Conseil ne démontrent pas que CP Conseil, Holding de l'étang et M. [N] ont pendant la période d'exécution du contrat démarché des clients, ces derniers pouvant légitimement avoir estimé, au vu des particularités des missions conférées, devoir suivre M. [N] dans ses fonctions de leur propre volonté.

La Cour relève que les intimées allèguent que M. [N] s'est vu notifier par courrier le 16 mai 2019 un préavis expirant le 17 août 2019, mais que les parties avaient convenu ensuite, de manière orale, d'une de date de prise d'effet de la démission de M. [N] au 31 juillet 2019. Cependant l'article 2 de la convention prévoit le respect d'un préavis de trois mois et une telle renonciation, à la supposée établie, se heurte aux dispositions de l'article 13 de la convention.

La Cour constate, enfin, que le manquement contractuel imputable à Holding de l'étang et la faute commise par M. [N] et CP Conseil sur le fondement de l'article 1240 du code civil ont causé un même dommage.

Il se déduit de l'ensemble que les appelantes ont subi un dommage auquel ont concouru tant Holding de l'étang que CP Conseil et M. [N], mais que celui-ci se limite à la perte de chance de percevoir un montant égal à la marge des six contrats conclus par CP Conseil entre le 1er août et le 17 août 2019 (4 étant d'anciens clients de D2R et Capsi).

La Cour retient que le tribunal, en optant eu égard aux éléments versés en procédure pour une rémunération mensuelle de 1 000 euros par contrat, une marge sur cout variable de 80 % et une probabilité de 66 %, a de manière adéquate évalué le préjudice subi par Capsi Conseil à 3 168 euros et a à raison condamné in solidum Holding de l'étang, CP Conseil et M. [N] à lui verser cette somme.

Le jugement est confirmé sur ce point.

- Sur la violation alléguée de l'engagement de non-concurrence de M. [N] souscrit le 1er mars 2018

Moyens des parties

Les sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [S] [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil font valoir que l'engagement de non-concurrence signé par M. [N] à titre personnel 1er mars 2018, qui interdisait de manière irrévocable à ce dernier d'exercer une activité, de façon directe, indirecte ou par le biais d'une société, en lien avec une activité similaire ou concurrente à l'activité d'externalisation des fonctions de conformité et de contrôle interne de France, du Luxembourg ou de Suisse, était reconductible tacitement tous les 12 mois sauf dénonciation formulée par lettre recommandée avec accusé réception 3 mois avant la date d'échéance. Elles ajoutent que comme rappelé dans l'acte, l'intéressé a perçu en contrepartie une indemnité forfaitaire d'un montant égal à 20 % du prix de cession des actions.

Elles soutiennent que, faute pour M. [N] d'avoir respecté les modalités précises de dénonciation prévues, la reconduction tacite est acquise. Considérant que l'intéressé était toujours lié par l'obligation lorsqu'il a créé la société CP Conseil (pièces n°13 et 14) puis conclu des contrats avec des clients des sociétés Capsi Conseil et D2R Conseil, ayant entrainé des résiliations de clients des sociétés appelantes (pièces n° 15), elles s'estiment victimes d'une opération de déstabilisation d'ampleur dont elles disent n'avoir pris conscience qu'a posteriori.

Elles ajoutent que l'exigence d'une LRAR n'est pas édictée comme une simple règle de preuve d'une réception mais comme une condition et donc comme une exigence de validité, l'article 5.1 de la convention précisant qu'en cas d'autre communication, elle « devra être effectuée par écrit » (ainsi, par fax ou mail) « à condition d'être immédiatement confirmée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ». Elles observent, enfin, que les premiers juges évoquent une lettre du 28 novembre 2018, mais qu'elle n'a jamais été communiquée.

En réponse, les sociétés CP Conseil, Holding de l'étang et M. [N] font valoir, à titre d'éléments de contexte, que M. [N] a rencontré de nombreuses difficultés dans le cadre de l'exécution du contrat de coopération (retards de paiement de ses factures par D2R, départs récurrents de consultants, retours négatifs de clients de Caspi-D2R Conseil et résiliations de contrats), étant par ailleurs rappelé que la fin du contrat de collaboration est intervenue à l'initiative de l'actionnaire majoritaire des entités cédées en 2015, lequel a souligné dans le courrier de notification du 19 mai 2017 que la mission confiée à M. [N] « a été menée à bien ». Elles observent aussi que l'engagement de non-concurrence a été régularisé le 29 mai 2015, et que la date du 1er mars 2018 est celle de son renouvellement, acte duquel il ressort qu'aucune contrepartie pécuniaire spécifique n'est prévue (cette dernière étant, ainsi qu'il est précisé à l'article 2-Indemnité, « déjà intégrée dans le prix stipulé par le contrat d'acquisition » de 2015).

Elles ajoutent que la résiliation du contrat de coopération résulte de la seule volonté de Capsi Conseil, et qu'elle a été annoncée à M. [N] alors qu'il était hospitalisé, ce dont l'ensemble des associés de Capsi Conseil avaient parfaitement connaissance (pièce n°42). Elles précisent aussi que les clients ont été à l'initiative de Capsi informés dès le 12 juin suivant, alors que les intéressés n'avaient pas encore trouvé un accord sur la façon d'annoncer ce départ aux clients (pièce n°44).

Faisant état d'une dénonciation intervenue le 28 novembre 2018, ainsi qu'il ressort d'un mail du même jour (pièce n°9), dans le cadre d'une réunion dont la teneur est confirmée par M. [V] alors directeur général de Capsi Conseil (pièce n°125), elles observent qu'il n'y a eu aucune réaction des sociétés appelantes et ce en dépit de l'invitation de M. [N] à signer un nouvel engagement. Elles considèrent, dans ces circonstances, que l'engagement du 1er mars 2018 n'a pas pu faire l'objet d'une reconduction tacite, si bien que M. [N] se trouvait libéré de tout engagement de non-concurrence à la date des faits qui lui sont reprochés. Le tribunal a, à juste titre selon elles, retenu dans la décision attaquée que les pièces versées aux débats par M. [N] montrent que ce dernier a bien informé D2R Conseil et Capsi Conseil de la résiliation de son engagement de non concurrence par remise en main propre, suivie d'un email évoquant cette résiliation, avec un préavis de trois mois, comme prévu contractuellement. Or dans un tel contexte, une remise en main propre équivaut à une lettre recommandée avec accusé réception puisque l'envoi d'une lettre selon cette forme a pour objet de rendre certaine la bonne réception et la date d'une lettre.

Réponse de la Cour

Par acte intitulé Engagement de non concurrence du 1er mars 2018, signé entre M. [N] (l'Associé) et D2R et Capsi Conseil (« Les bénéficiaires »), et qui mentionne dans son exposé liminaire « prolonger l'engagement de non concurrence initialement signé lors de la transaction du 29 mai 2015 », les parties ont convenu d'une clause de non concurrence, hors missions confiées dans le cadre du contrat de coopération avec Holding de l'étang, répondant aux particularités suivantes :

« 1. Engagement de non-concurrence

1.1 L'Associé s'engage expressément et irrévocablement tant à l'égard du bénéficiaire que de sa filiale, pour une durée de 12 mois à compter des présentes, reconductible tacitement pour des périodes de 12 mois consécutifs sauf dénonciation formulée par lettre recommandée 3 mois avant la date d'échéance :

- A ne pas exercer, directement ou indirectement, et notamment par le biais d'une autre société dont il serait l'associé ou dirigeant, à son profit ou au profit de toute personne avec laquelle M. [N] aurait un lien de parenté, des activités similaires ou concurrentes à l'activité sur le territoire ;

(') - A ne pas engager ou avoir de contacts de quelque sorte que ce soit avec l'un des clients ou des partenaires de la filiale aux fins de détourner de la filiale ces clients ou partenaires.

Pour les besoins du présent article 1 :

« Activité » désigne l'activité d'externalisation des fonctions de conformité et de contrôle interne pour les prestataires de services d'investissement et les sociétés de gestion de portefeuille permettant l'attribution des agréments de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou de l'Autorité des marchés financiers ;

« Territoire » désigne la France, le Luxembourg ou la Suisse.

(') 2. Indemnité

Les parties déclarent et reconnaissent que l'Associé a perçu en contrepartie de réengagement visé à l'article 1 ci-dessus une indemnité forfaitaire d'un montant égal à 20 % du prix de cession des actions de la Société au Bénéficiaire, ce montant étant déjà intégré dans le prix stipulé par le contrat d'acquisition.

(') 5. Notifications ' Election de domicile

5.1 Toute notification ou autre communication devant intervenir au titre du présent contrat devra être effectuée par écrit, et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, où par fax ou e-mail, à condition d'être immédiatement confirmée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

5.2 La notification ou la communication sera réputée avoir été donnée soit à la date à laquelle elle aura été postée dans le premier cas, soit à la date du fax ou de l'e-mail dans le second cas.

5.3 Toutes les notifications et communications devront être adressées aux destinataires suivants :

Pour l'Associé : M. [L] [N] (')

Pour le Bénéficiaire : M. [E] [M], [Adresse 2] [Localité 5], Email [Courriel 10] (')» (pièce D2R Conseil et Capsi Conseil n°8).

La Cour constate que les intimées, au soutien de leur allégation selon laquelle l'engagement de non-concurrence du 1er mars 2018 n'a pas été reconduit tacitement à l'issue de la période de 12 mois contractuellement prévue, produisent les pièces suivantes :

- Un mail du 28 novembre 2018 de M. [N] à [Courriel 10] débutant par « Je reviens sur la dénonciation de mon « Engagement de non concurrence » de ce matin », par lequel l'intéressé précise qu'il ne s'agit pas d'une mesure de défiance mais de prudence, en raison de l'obligation à laquelle il s'est trouvé confronté en 2018 de devoir réclamer chaque mois le paiement de ses factures, et dans lequel, faisant allusion aux mesures prises et de leur impact à venir, il fait état de sa « grande motivation pour resigner un nouvel engagement pour 1, 2 ou 3 ans en 2019 et pour continuer l'aventure en développant nos affaires tout en consolidant l'existant » (pièce [N] n°9) ;

- Un échange par SMS entre [Z] [V] (Capsi) et [W] [N], évoquant cette dénonciation de l'engagement de non concurrence du 28 novembre 2018 par « remise en main propre à M. [M], par correction par rapport à un courrier LRAR et parce que [M. [N]] était dans une logique de continuité d'activité avec D2R Capsi et en aucun cas dans un esprit de litige ou de contentieux », ce qui génère le commentaire suivant : « oui, je m'en souviens très bien. Tu étais en face de moi et tu me rassurais que tu souhaitais continuer à travailler avec nous comme on le faisait et que si on avait des ajustements à faire s'agissant de tes prestations tu n'y trouvais pas d'inconvénient » (pièce [N] n°176) ;

- Suite à la notification le 16 mai 2019 par Capsi Conseil de la fin du contrat de coopération du 29 mai 2015, un mail du 13 juin 2019 de M. [N] à la personne mentionnée à l'article 5.3 de la convention (M. [M]) ayant pour objet « réponse à notre entretien », qui mentionne notamment : « Après mure réflexion, je ne souhaite pas renouveler mes engagements contractuels avec vous. Ainsi, la dénonciation de notre contrat de coopération (faite par vos soins) sera effective le 17 aout 2019 au plus tard, celle de l'engagement de non concurrence (faite par mes soins) étant effective depuis le 31 mars dernier », message dont M. [M] a pris acte par mail du lendemain, en mentionnant seulement « je ne peux que regretter ta décision » (pièce [N] n°125).

La Cour relève qu'il est justement observé que l'entrevue du 28 novembre 2018, dont l'existence n'est pas contestée par les appelantes, intervient à une date particulière en considération de l'article 1.1 de l'engagement de non concurrence, puisqu'il s'agit, eu égard à la date d'échéance fixée, du dernier jour de notification du délai de trois mois de préavis.

Elle ajoute :

- qu'il est allégué de façon convaincante que la lettre de dénonciation a été remise en main propre, devant témoin, la circonstance que les intimés ne soient pas en mesure de la produire ne pouvant, au cas présent, suffire à remettre en cause les allégations formulées à cet égard ;

- que les circonstances de la résiliation de la convention de partenariat à l'initiative de Capsi Conseil, telles qu'elles résultent des pièces versées au dossier, montrent que cette société considérait que la mission de transmission de la clientèle avait été menée à bien et qu'elle pouvait se passer désormais de M. [N], la mise en jeu de l'obligation de non concurrence post-contractuelle du 1er mars 2018 ne faisant pas partie des sujets discutés y compris après que M. [N] ait rappelé le 13 juin 2019 ne plus être lié.

A cet égard, le fait que le message du 13 juin 2019 évoqué supra de M. [N] comporte une erreur de calcul (le préavis de trois mois expirant non pas le 31 mars 2019 mais le 28 février 2019) ne peut, contrairement à ce qu'allèguent les appelantes, remettre en cause de la teneur de l'échange, duquel il ressort que l'intéressé considère ne plus être tenu depuis plusieurs mois par l'engagement de non concurrence, ce qui n'appelle alors aucune observation particulière de la part de Capsi.

Il peut être relevé, à titre complémentaire, que les appelantes ne remettent en cause ni l'existence du mail du 28 novembre 2018 envoyé à l'adresse électronique mentionnée à l'article 5 de la convention de coopération, ni les allégations des intimées selon lesquelles :

- il n'a pas été contesté suite à la réception de ce mail qu'une dénonciation de l'engagement de non concurrence soit intervenue ce jour-là ;

- ce sont les appelantes, à qui il avait été proposé de signer un « nouvel engagement pour 1, 2 ou 3 ans en 2019 », qui n'ont pas fait écho à cette proposition, puis ont été à l'initiative de la résiliation le 16 mai 2019 de la convention de coopération signée en 2015.

Il se déduit de l'ensemble que la notification par LRAR, telle qu'elle est prévue par l'engagement de non concurrence du 1er mars 2018 à titre de confirmation suite à l'envoi d'un mail à l'adresse spécifiquement mentionnée, ne constitue pas une condition déterminante de la dénonciation litigieuse, laquelle est au cas présent intervenue valablement dans le délai de préavis fixé.

C'est à raison que le tribunal a considéré que dans la mesure où les faits dont il est fait grief à M. [N] au titre de cet engagement sont postérieurs à l'expiration de ce dernier, les demandes formulées par D2R et Capsi Conseil ne sont pas fondées.

Le jugement est confirmé sur ce point.

- Sur le manquement allégué au devoir de loyauté de M. [N] en qualité de dirigeant et sur la garantie d'éviction due par l'intéressé

Moyens des parties

Les sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [S] [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil font valoir que le dirigeant qui créé une société concurrente avant de présenter sa démission engage sa responsabilité et que l'obligation de loyauté à laquelle il est tenu s'oppose à ce qu'il concurrence la société, notamment en créant avant son départ une société nouvelle avec une activité similaire (Cass. Com. 7 juin 1994 n°92-1393). Ils en déduisent que l'obligation de loyauté qui pèse sur lui se traduit par une obligation de non-concurrence (en ce sens, CA Paris, 18 février 2015, RG n° 14/11981). Ils soutiennent que M. [N] a créé la société CP Conseil quelques jours après son départ des sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil, si bien que cette société a été nécessairement conçue antérieurement et que les premiers contrats ont été conclus dès le 1er aout 2019 avec le client Techfund, dans le même secteur d'activité, ce qui est nécessairement la résultante de contacts noués précédemment.

Ils ajoutent qu'en cédant les 5 % du capital de Capsi Conseil qu'il détenait encore, M. [N] s'est par ailleurs engagé à garantir à D2R contre toute éviction en application des articles 1626 et 1628 du code civil, ce qui implique de ne pas détourner la clientèle de la société cédée.

En réponse, les sociétés CP Conseil, Holding de l'Étang et M. [N] font valoir que M. [N] était le dirigeant social de la société Capsi Conseil avant la cession intervenue le 29 mai 2015 et qu'il a réussi à convaincre un certain nombre clients de rester, bien que ces derniers aient été moins satisfaits qu'auparavant du fait de l'instabilité et de l'absence de professionnalisme de D2R-Capsi Conseil. Ils font par ailleurs la liste des 20 nouveaux clients apportés par M. [N] entre 2015 et 2019, soulignant que ce dernier n'a cessé de développer le chiffre d'affaires de cette société.

Ils affirment qu'il n'y a eu aucun démarchage ayant pour effet de réduire l'activité économique de Capsi Conseil, avant comme après la cession des 5 %. Ils ajoutent que bien au contraire, le comportement de M. [N] dénote par rapport à celui adopté par Capsi dans le cadre de l'exécution de leurs propres obligations, ainsi qu'il ressort d'un courrier électronique du 25 juin 2019 : « Mes factures d'avril et mai ne sont toujours pas réglées. Compte-tenu du contexte actuel, des retards de paiement permanents depuis 3 ans (..) j'aimerai en savoir plus sur l'échéancier. Je veux bien jouer le jeu, être fair-play, transmettre les informations sur les prospects et présenter les clients. Je veux bien signer mes démissions des fonctions de DG des deux sociétés, si cela vous arrange, fin juin (') Et finir très proprement mes missions en cours' Mais là, ça commence à être bien déséquilibré. Je rappelle tout de même que j'ai reçu un courrier de dénonciation de notre coopération de votre part alors que j'étais hospitalisé, avec effet au 17 août. Je n'ai donc pas choisi cette échéance qu'il convient d'assumer maintenant. » (pièce n°10).

Réponse de la Cour

La Cour retient que le tribunal a de manière pertinente constaté dans la décision attaquée :

- s'agissant du devoir de loyauté auquel est tenu le dirigeant, que les statuts de la société CP Conseil, immatriculée le 9 juillet 2019, ont été signés le 3 juillet précédent, et que cette dernière a conclu ses premiers contrats de prestations en août 2019, soit postérieurement à la démission de M. [N] de ses mandats de directeur général de D2R et de Capsi Conseil ;

- s'agissant de la garantie d'éviction due par M. [N] en sa qualité de cessionnaire du bloc actions encore en sa possession, que la cession de 95 % des actions est intervenue en 2015 et que l'acquéreur D2R, lui-même filiale d'un groupe exerçant dans le domaine de l'expertise comptable, ne s'était pas trouvé empêché depuis cette date de poursuivre l'activité de Capsi, D2R ayant donc tout loisir de renforcer cette structure de manière à réduire sa dépendance vis-à-vis de son ancien actionnaire majoritaire M. [N].

La Cour ajoute qu'il ressort des pièces versées aux débats par les intimés que :

- M. [N] n'a pas cherché à faire écran entre les clients et les nouveaux actionnaires et justifie avoir au contraire, insisté par exemple le 6 février 2018 pour qu'un client historique (qui souhaitait le rencontrer seul) soit suivi par un autre associé que lui (pièce n°141), et avoir notamment demandé le 20 septembre 2018 que la liste des clients pour lesquels il réalisait seul des missions soit réduite (l'intervention d'un consultant D2R Capsi « permettant de (le) décharger des jours/homme et de fiabiliser la mission ») (pièce n°65).

- M. [N] a adressé aux associés de Capsi Conseil, durant tout le mois de juin et juillet 2019, des mails de mise en relation avec de nouveaux clients, lesquels étaient issus pour la plupart de son réseau personnel (pièces n°81 à 92) ;

- les clients des appelantes ont décidé de leur propre fait et non sur sollicitation de M. [N] de le suivre au sein de CP Conseil, étant relevé qu'une partie de ces derniers lui avait confié leur contrôle interne dès la création de Capsi Conseil en 2004, d'une part, et que ces clients n'étaient pas satisfaits des prestations de D2R et Capsi postérieurement au départ de M. [N] et ont préféré le suivre dans sa nouvelle structure, d'autre part (attestations de clients - pièces n°38 et 103 à 110). Or, comme l'a observé le tribunal, il n'est pas contesté que dans le secteur de la conformité, existe un très fort intuitu personae si bien que des clients souhaitent conserver leur interlocuteur en cas de départ de celui-ci dans une autre structure.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit tout à la fois que M. [N] n'avait en sa qualité de dirigeant de D2R Conseil et de Capsi Conseil pas manqué à son devoir de loyauté et n'avait pas enfreint les dispositions des articles 1626 et 1628 du code civil relatifs à la garantie d'éviction.

- Sur la concurrence déloyale et le parasitisme allégués

Moyens des parties

Les sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [S] [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil font valoir que M. [N] a pu créer une activité concurrente grâce au savoir-faire qu'il a développé au sein des sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil et aux nombreux contacts acquis par celles-ci. Elles ajoutent que ces dernières sont des acteurs reconnus et respectés du marché et que CP Conseil a aisément pu développer grâce à la somme perçue lors de la cession des actions des titres Holding des hautes plaines et grâce aux nombreuses informations auxquelles M. [N] a eu accès grâce à son statut de mandataire social et d'interlocuteur privilégié de clients. Elles considèrent que CP Conseil et Holding de l'étang ont également participé, les trois intimés choisissant de se placer dans le sillage de Capsi Conseil au point d'en parasiter l'activité.

Formulant cette demande à titre subsidiaire, elles chiffrent le préjudice subi au même montant que la demande principale soit 1 029 814 euros.

En réponse, les sociétés CP Conseil, Holding de l'Étang et M. [N] renvoient à la décision de première instance, en ce qu'elle a rappelé, d'une part, qu'une action en concurrence déloyale ne saurait se déduire de simple présomption et qu'elle suppose l'accomplissement d'actes positifs dont la preuve doit être rapportée par ce lui qui s'en prétend victime et, d'autre part, qu'il est licite de pouvoir utiliser son expérience professionnelle acquise dans de précédentes fonctions.

Ils ajoutent, versant un certain nombre de pièces (n°112, 113, 148, 150, 151,158) à l'appui, qu'à l'instar de ce qui s'est passé pour les clients, ce sont les défaillances des autres associés de D2R-Capsi Conseil qui ont conduit certains consultants à démissionner, et non les prétendues sollicitations illicites de M. [N], étant observé par ailleurs que la gestion interne des ressources humaines posait difficulté depuis longtemps, malgré les actions entreprises par l'intéressé (pièces n°97, 134, 138, 144 à 147, 152).

Réponse de la Cour

La concurrence déloyale, qui en tant que limite à la liberté du commerce et de l'industrie doit être appréciée à l'aune de celle-ci, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires.

Elle peut consister en la création d'un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur (Com., 10 févr. 2015, n°13-24.979) ; en des faits de dénigrement, lequel consiste en la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre (Com., 9 janv. 2019, n°17-18.350) ; en la violation d'une réglementation, laquelle peut avoir pour conséquence de perturber le marché en plaçant une société dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents respectant ladite réglementation (Com., 17 mars 2021, n°19-10.414), ou encore en la désorganisation d'une entreprise, qui peut consister au débauchage d'un salarié (Com., 3 mars 2021, n°18-24.437) ou au détournement de fichiers stratégiques (Com., 13 septembre 2017, n°15-24.705).

Le parasitisme constitue une pratique distincte qui consiste pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (Com., 5 janv. 2022, n°19-23.701).

La preuve de la concurrence déloyale ou parasitaire implique nécessairement démonstration par celui qui s'en prévaut des faits nécessaires au succès de ses prétentions.

La Cour retient, au regard des faits tels qu'ils ont été exposés à l'occasion de l'examen des précédents moyens, et considération prise des très nombreuses pièces produites par les intimées permettant d'écarter toute action de débauchage de salariés, qu'aucun agissement répréhensible pouvant donner lieu à réparation pour concurrence déloyale ou parasitaire sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil n'est démontré par les appelantes.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les comptes entre les parties

Moyens des parties

Il sera constaté, à titre liminaire, que la SAS D2R Conseil n'a pas fait appel de ses condamnations au versement à M. [N] :

- de la somme de 50 000 euros due en règlement de l'achat des 5 % d'actions conservées par M. [N] en 2015 ;

- de la somme de 3 039, 95 euros au titre du remboursement de son compte courant créditeur.

Les sociétés D2R Conseil et Capsi Conseil et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [S] [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Capsi Conseil soutiennent que six avoirs (pièces n°28-1 à 28-5) ont été émis en raison de sommes, d'un montant total de 11 160 euros TTC, indument facturées et perçues par la société Holding de l'étang. Ils ajoutent qu'un montant total de 9 791, 67 euros TTC a été indument versé au titre de la commission de 10 % alors que cette dernière ne pouvait être perçue qu'en cas de nouveaux clients présentés ou apportés.

Elles contestent enfin avoir à s'acquitter de la facture n°2019014 émise le 31 juillet 2019 pour un montant de 7 867 euros TTC.

En réponse, les sociétés CP Conseil, Holding de l'Étang et M. [N] demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Capsi Conseil de restitution de rémunération, qu'il s'agisse tant des prétendues commissions de 10 % indument versées que de la facture de juillet 2019.

Ils sollicitent la réformation de ce dernier s'agissant des avoirs, dont certains sont anciens (novembre 2017, août 2018), étant rappelé que lors de la résiliation du contrat de coopération, Capsi Conseil a indiqué que la mission avait été « menée à bien » (pièce n°43) et n'a jamais dans la période pré-contentieuse sollicité d'explication ou un quelconque remboursement.

Réponse de la Cour

La Cour retient :

- que la commission de 10 % prévue dans la convention de coopération était due à Holding de l'étang par Capsi pour les clients Beauvais Capital, Breega Capital, Finaveo, Heoh et Promepar AM, ainsi qu'il ressort des pièces versées (n°162 à 167) par les intimés ;

- que les intimés échouent, par les pièces qu'ils versent aux débats (n° 168 à 174, lesquelles ne portent par ailleurs que sur quatre des six clients pour lesquels des avoirs ont été émis par Capsi) que les sommes sollicitées par les intimées au titre des avoirs ne correspondent pas à un trop perçu (respectivement HT de 2 640 euros, 1 800 euros, 1 440 euros, 1320 euros et 660 euros) ;

- que la facture de juillet 2019 est suffisamment étayée par une annexe reprenant l'intégralité des diligences réalisées par M. [N] ainsi que le nom des clients concernés (pièce intimés n°45), étant observé par ailleurs que la réalité des prestations réalisées ressort en outre de la pièce [N] n°161.

Le jugement est confirmé de ces chefs de demande.

Sur les autres demandes

La Cour retient, après le tribunal, que D2R et Capsi ne versent aux débats aucun élément venant étayer l'allégation selon laquelle elles auraient subi un préjudice d'image en raison de fautes imputables aux sociétés CP Conseil, Holding de l'Étang et à M. [N]. Leur demande de réparation au titre d'un préjudice moral n'est pas fondée.

Le sens de l'arrêt commande de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle n'a pas fait droit aux autres demandes de D2R et Capsi :

- formulées à l'égard de CP Conseil de sommation d'avoir à communiquer ses chiffres d'affaires et l'intégralité des contrats de prestations de service pour des missions d'assistance pour la conformité, le contrôle interne et la maitrise des risques ;

- formulées à l'égard de M. [N] en raison d'actes de concurrence interdite ou déloyale.

En application de l'article L. 622-22 du code de commerce auquel renvoie l'article L. 641-3 en matière de liquidation judiciaire, sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé sur le fondement de l'article L.626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. En outre, en vertu de l'article L. 622-17 I du code de commerce auquel renvoie l'article L. 641-13 en matière de liquidation judiciaire, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

Le critère de détermination du caractère postérieur ou antérieur des créances au sens du droit des procédures collectives est leur fait générateur ainsi que l'induit la référence expresse à leur naissance. Cependant, la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 ayant ajouté un critère d'utilité au critère chronologique et les créances au titre des dépens et des frais irrépétibles ne pouvant être considérées, sauf preuve contraire qui n'est pas ici rapportée, comme nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, ces dernières doivent être fixées au passif, conformément à l'article L. 622-22 du code de commerce (en ce sens, 3ème Civ., 8 juillet 2021, n° 19-18.437).

Les sociétés D2R et Capsi Conseil, cette dernière prise en la personne de son liquidateur, succombant en leur appel, leur demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

Il y a lieu d'allouer une somme de 5 000 euros aux intimés en application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, laquelle sera fixée au passif de la société Capsi Conseil.

La société D2R Conseil sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement entrepris dans toutes les dispositions qui lui sont soumises ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes de la société D2R Conseil et de la société Capsi Conseil, prise en la personne de son liquidateur la SCP BTSG (Me [S] [P]), au titre des frais irrépétibles ;

Fixe au passif de la société Capsi Conseil ne somme de 5 000 euros, au bénéfice de M. [N] de la société Holding de l'étang et de la société CP Conseil, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société D2R Conseil aux dépens d'appel.