Décisions
CA Riom, 1re ch., 3 septembre 2024, n° 23/01691
RIOM
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 3 septembre 2024
N° RG 23/01691 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GCRI
- LB- Arrêt n° 349
[U] [T] / [L] [C], [D] [C]
Ordonnance, origine Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 10 Octobre 2023, enregistrée sous le n° 22/04041
Arrêt rendu le MARDI TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et Mme Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé
ENTRE :
M. [U] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Maître Romain FORGETTE de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANT
ET :
M. [L] [C]
et Mme [D] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMES
DÉBATS : A l'audience publique du 23 mai 2024
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 3 septembre 2024 après prorogé du délibéré initialement prévu le 09 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [D] [C] et M. [L] [C] ont conclu le 24 juin 2017 avec la SAS MTH, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) sous le numéro 802 766 501, représentée par son président, M. [U] [T], un contrat d'entreprise générale de travaux dans la perspective de la construction de leur maison d'habitation, le montant du marché s'élevant à 305.286,60 euros TTC.
Le projet de construction a été conçu par la SARL David Cuenot Architecte et régi par le bureau d'étude AEM, sociétés radiées respectivement du RCS le 15 juillet 2020 et le 10 novembre 2020.
Les investigations liées à l'étude de sol et l'exécution des travaux ont été confiées à des sous-traitants à l'exception des lots plâtrerie-isolation, isolation en combles, peinture, carrelage, plomberie, sanitaire, chauffage et menuiseries, demeurés à la charge de la société MTH.
Par jugement du 15 mars 2018, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert en faveur de la société MTH une procédure de redressement judiciaire, qui a été convertie en liquidation judiciaire simplifiée par jugement du même tribunal en date du 3 mai 2018, la Selarl Mandatum ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Les dernières factures adressées à M. et Mme [C] en exécution du contrat ont été établies à l'en-tête de la SAS MTH Entreprise Générale, immatriculée au RCS sous le numéro 829 255 447, présidée par la société holding MTH Groupe, immatriculée au RCS sous le numéro 825 118 300, elle-même présidée par M. [U] [T], soit les factures suivantes :
- Le 12 juin 2018, pour un montant de 26'972,40 euros
- Le 18 juillet 2018, pour un montant de 33'227,46 euros
- Le 16 octobre 2018, pour un montant de 34'530,83 euros
- Le 11 décembre 2018, pour un montant de 10'973,47 euros.
Par jugement en date du 12 décembre 2019, le tribunal de commerce a prononcé à l'encontre de M. [T] une interdiction de gérer pour une durée de 12 années.
Par jugements rendus le 30 juin 2021 par le tribunal de commerce de Dax, les sociétés MTH Entreprise Générale et MTH Groupe ont été placées en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire simplifiée pour les deux sociétés suivant décisions de la même juridiction en date du 2 février 2022.
Soutenant que le chantier devait être terminé à la fin de l'année 2018 mais que les travaux n'avaient pas étés achevés et que ceux qui avaient été réalisés étaient affectés de désordres, M. et Mme [C] ont obtenu, par ordonnance de référé du 6 juillet 2021 rendue au contradictoire de la société MTH, de M. [T] et de l'ensemble des sous-traitants, l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire qui a été confiée à M. [F] par ordonnance de changement d'expert en date du 7 septembre 2021.
L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 7 avril 2022, soulignant dans celui-ci l'incongruité des termes du contrat de construction, la convention ne correspondant selon lui ni à un contrat de maîtrise d''uvre, ni à un contrat d'entreprise générale, en l'absence de véritable description des travaux, et dissimulant en réalité un « faux CCMI » ne comportant aucune garantie de livraison dans le délai et selon le prix convenus. L'expert, précisant que les travaux avaient débuté en décembre 2017 et auraient dû être terminés 11 mois plus tard, a conclu son rapport en relevant que le chantier avait été abandonné et que, devant l'ampleur des finitions à réaliser, le coût d'achèvement du chantier pouvait être chiffré à 91'452,70 euros TTC.
Par actes d'huissier en date des 12 janvier, 17 mars, 9,13 et 14 avril 2021, M. et Mme [C] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand M. [U] [T], formulant à son encontre, sur le fondement des articles 1240 du code civil et L. 223-22 du code de commerce, les demandes suivantes :
- Dire et juger que M. [U] [T] a commis en sa qualité de gérant de la société MTH, des fautes détachables de sa fonction de dirigeant engageant sa responsabilité personnelle et à l'origine d'un préjudice personnel distinct, subi par M. [L] [C] et Mme [D] [C] ;
- Condamner M. [U] [T] à payer et porter à M. [L] [C] et Mme [D] [C] les sommes suivantes :
- 91 452,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de la surfacturation opérée et correspondant au coût des travaux de finition à réaliser ;
- 5 000 euros à titre de dommage et intérêts en indemnisation du préjudice moral.
Par conclusions du 31 mars 2023, M. [U] [T] a saisi le juge de la mise en état de conclusions d'incident afin de contester la recevabilité de l'action pour défaut d'intérêt et de qualité à agir des demandeurs.
Par ordonnance du 10 octobre 2023, le juge de la mise en état a statué en ces termes :
- Déboutons M. [U] [T] de sa demande d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt et de qualité à agir de M. et Mme [C] et de leurs demandes à son encontre ;
- Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboutons M. [U] [T] de ses demandes reconventionnelles ;
- Condamnons M. [U] [T] aux dépens de l'incident ;
- Renvoyons l'affaire à l'audience de mise en état virtuelle du 15 décembre 2023 et délivrons une injonction de conclure à M. [U] [T].
M. [U] [T] a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 31 octobre 2023.
Vu les conclusions en date du 29 novembre 2023 aux termes desquelles M. [U] [T] présente à la cour les demandes suivantes :
« Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau,
- Juger irrecevables pour défaut de qualité et d'intérêt à agir les demandes formulées par M. [L] [C] et Mme [D] [C] à l'encontre de M. [U] [T], en ce qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice spécial et distinct de celui des autres créanciers du
débiteur en procédure collective ;
- Condamner in solidum M. [L] [C] et Mme [D] [C] à payer à M. [U] [T] une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;
- Condamner in solidum M. [L] [C] et Mme [D] [C] à payer à M. [U] [T] une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- Condamner in solidum M. [L] [C] et Mme [D] [C] aux entiers dépens ;
- Débouter M. [L] [C] et Mme [D] [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions. »
Vu les conclusions en date du 26 décembre 2023 aux termes desquelles M. [L] [C] et Mme [D] [C] présentent à la cour les demandes suivantes :
«Confirmer en tous points l'ordonnance du juge de la mise en état entreprise,
Rejeter l'incident présenté par M. [U] [T],
Condamner M. [T] au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'incident, ainsi qu'en tous dépens.»
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'action initiée par M. et Mme [C] tend à l'engagement de la responsabilité personnelle de M. [T] au titre du préjudice financier qu'ils auraient subi du fait de la facturation de travaux dus pour la construction de leur maison dont le chantier est cependant demeuré inachevé.
M. [T], rappelant que la société MTH a fait l'objet d'une procédure collective et que seul le mandataire judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, considère que les demandes présentées sont irrecevables au motif que M. et Mme [C] ne justifient pas d'un préjudice personnel distinct de celui subi par l'ensemble des créanciers résultant d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions et qu'ils réclament l'indemnisation d'un préjudice équivalent au montant qu'ils auraient dû déclarer dans le cadre de la procédure collective.
Il est constant qu'en application des articles L. 622-20, L. 641-4 et L. 651-2 du code de commerce la recevabilité d'une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier contre les dirigeants d'une société en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions.
Toutefois, seule la gestion du dirigeant social antérieure au jugement d'ouverture de la procédure peut ouvrir les actions en paiement des dettes sociales prévues par les dispositions relatives aux procédures collectives, de sorte que l'action fondée sur l'article 1382 du code civil tendant à la mise en jeu de la responsabilité personnelle du dirigeant pour des faits postérieurs au jugement d'ouverture reste recevable.
En l'espèce, si les griefs formulés par les époux [C] à l'encontre de M. [T] sur la base du rapport d'expertise judiciaire et tenant à l'irrégularité du contrat au regard des règles applicables en matière de construction de maison individuelle recouvrent des faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective, les intimés reprochent également à l'appelant les man'uvres commises par ce dernier après le jugement de liquidation, intervenu le 3 mai 2018, à savoir la transmission de factures établies à l'en-tête de société MTH Entreprise Générale, émises pour un montant total de 105'734,16 euros.
En conséquence, l'action dirigée personnellement contre M. [T] sur le fondement de faits postérieurs au jugement d'ouverture est recevable au regard de la qualité à agir de M. et Mme [C], indépendamment de la question de son bien fondé. Celle-ci devra être examinée par le tribunal au regard des conditions de mise en jeu par des tiers de la responsabilité d'un dirigeant, lesquelles supposent la démonstration d'une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
M. [T] soutient que pour autant les époux [C] n'ont aucun intérêt à agir à son encontre alors qu'il n'était pas le représentant légal de la SAS MTH Entreprise Générale, présidée par la société holding MTH Groupe, faisant valoir qu'ils auraient dû diriger leur action contre cette dernière.
Toutefois, cette argumentation ne résiste pas à l'analyse alors qu'en transmettant des factures à l'en-tête de la SAS MTH Entreprise Générale, M. [T] a agi en exécution du contrat conclu entre la société MTH, dont il était le représentant légal, et M. et Mme [C], ces derniers soutenant avoir subi un préjudice résultant du paiement de factures à une société envers laquelle ils n'avaient pas d'obligations.
Il sera observé par ailleurs d'une part que la question de la réalité des paiements intervenus à tort relève de l'analyse du bien-fondé de l'action et non de sa recevabilité, d'autre part qu'il importe peu que le montant de la réparation réclamée soit équivalent au chiffrage des travaux nécessaires à l'achèvement de la maison proposé par l'expert judiciaire, le préjudice allégué étant constitué de paiement indus.
En considération de ces explications, l'ordonnance sera confirmée, par substitution de motifs, en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée, ainsi qu'en toutes ses autres dispositions.
M. [U] [T] sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. et Mme [C], pris ensemble, la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Condamne M. [U] [T] à payer à M. [L] [C] et Mme [D] [C], pris ensemble, la somme de 1500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure d'appel.
Le greffier Le président
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 3 septembre 2024
N° RG 23/01691 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GCRI
- LB- Arrêt n° 349
[U] [T] / [L] [C], [D] [C]
Ordonnance, origine Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 10 Octobre 2023, enregistrée sous le n° 22/04041
Arrêt rendu le MARDI TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et Mme Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé
ENTRE :
M. [U] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Maître Romain FORGETTE de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANT
ET :
M. [L] [C]
et Mme [D] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMES
DÉBATS : A l'audience publique du 23 mai 2024
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 3 septembre 2024 après prorogé du délibéré initialement prévu le 09 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [D] [C] et M. [L] [C] ont conclu le 24 juin 2017 avec la SAS MTH, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) sous le numéro 802 766 501, représentée par son président, M. [U] [T], un contrat d'entreprise générale de travaux dans la perspective de la construction de leur maison d'habitation, le montant du marché s'élevant à 305.286,60 euros TTC.
Le projet de construction a été conçu par la SARL David Cuenot Architecte et régi par le bureau d'étude AEM, sociétés radiées respectivement du RCS le 15 juillet 2020 et le 10 novembre 2020.
Les investigations liées à l'étude de sol et l'exécution des travaux ont été confiées à des sous-traitants à l'exception des lots plâtrerie-isolation, isolation en combles, peinture, carrelage, plomberie, sanitaire, chauffage et menuiseries, demeurés à la charge de la société MTH.
Par jugement du 15 mars 2018, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert en faveur de la société MTH une procédure de redressement judiciaire, qui a été convertie en liquidation judiciaire simplifiée par jugement du même tribunal en date du 3 mai 2018, la Selarl Mandatum ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Les dernières factures adressées à M. et Mme [C] en exécution du contrat ont été établies à l'en-tête de la SAS MTH Entreprise Générale, immatriculée au RCS sous le numéro 829 255 447, présidée par la société holding MTH Groupe, immatriculée au RCS sous le numéro 825 118 300, elle-même présidée par M. [U] [T], soit les factures suivantes :
- Le 12 juin 2018, pour un montant de 26'972,40 euros
- Le 18 juillet 2018, pour un montant de 33'227,46 euros
- Le 16 octobre 2018, pour un montant de 34'530,83 euros
- Le 11 décembre 2018, pour un montant de 10'973,47 euros.
Par jugement en date du 12 décembre 2019, le tribunal de commerce a prononcé à l'encontre de M. [T] une interdiction de gérer pour une durée de 12 années.
Par jugements rendus le 30 juin 2021 par le tribunal de commerce de Dax, les sociétés MTH Entreprise Générale et MTH Groupe ont été placées en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire simplifiée pour les deux sociétés suivant décisions de la même juridiction en date du 2 février 2022.
Soutenant que le chantier devait être terminé à la fin de l'année 2018 mais que les travaux n'avaient pas étés achevés et que ceux qui avaient été réalisés étaient affectés de désordres, M. et Mme [C] ont obtenu, par ordonnance de référé du 6 juillet 2021 rendue au contradictoire de la société MTH, de M. [T] et de l'ensemble des sous-traitants, l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire qui a été confiée à M. [F] par ordonnance de changement d'expert en date du 7 septembre 2021.
L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 7 avril 2022, soulignant dans celui-ci l'incongruité des termes du contrat de construction, la convention ne correspondant selon lui ni à un contrat de maîtrise d''uvre, ni à un contrat d'entreprise générale, en l'absence de véritable description des travaux, et dissimulant en réalité un « faux CCMI » ne comportant aucune garantie de livraison dans le délai et selon le prix convenus. L'expert, précisant que les travaux avaient débuté en décembre 2017 et auraient dû être terminés 11 mois plus tard, a conclu son rapport en relevant que le chantier avait été abandonné et que, devant l'ampleur des finitions à réaliser, le coût d'achèvement du chantier pouvait être chiffré à 91'452,70 euros TTC.
Par actes d'huissier en date des 12 janvier, 17 mars, 9,13 et 14 avril 2021, M. et Mme [C] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand M. [U] [T], formulant à son encontre, sur le fondement des articles 1240 du code civil et L. 223-22 du code de commerce, les demandes suivantes :
- Dire et juger que M. [U] [T] a commis en sa qualité de gérant de la société MTH, des fautes détachables de sa fonction de dirigeant engageant sa responsabilité personnelle et à l'origine d'un préjudice personnel distinct, subi par M. [L] [C] et Mme [D] [C] ;
- Condamner M. [U] [T] à payer et porter à M. [L] [C] et Mme [D] [C] les sommes suivantes :
- 91 452,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de la surfacturation opérée et correspondant au coût des travaux de finition à réaliser ;
- 5 000 euros à titre de dommage et intérêts en indemnisation du préjudice moral.
Par conclusions du 31 mars 2023, M. [U] [T] a saisi le juge de la mise en état de conclusions d'incident afin de contester la recevabilité de l'action pour défaut d'intérêt et de qualité à agir des demandeurs.
Par ordonnance du 10 octobre 2023, le juge de la mise en état a statué en ces termes :
- Déboutons M. [U] [T] de sa demande d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt et de qualité à agir de M. et Mme [C] et de leurs demandes à son encontre ;
- Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboutons M. [U] [T] de ses demandes reconventionnelles ;
- Condamnons M. [U] [T] aux dépens de l'incident ;
- Renvoyons l'affaire à l'audience de mise en état virtuelle du 15 décembre 2023 et délivrons une injonction de conclure à M. [U] [T].
M. [U] [T] a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 31 octobre 2023.
Vu les conclusions en date du 29 novembre 2023 aux termes desquelles M. [U] [T] présente à la cour les demandes suivantes :
« Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau,
- Juger irrecevables pour défaut de qualité et d'intérêt à agir les demandes formulées par M. [L] [C] et Mme [D] [C] à l'encontre de M. [U] [T], en ce qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice spécial et distinct de celui des autres créanciers du
débiteur en procédure collective ;
- Condamner in solidum M. [L] [C] et Mme [D] [C] à payer à M. [U] [T] une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;
- Condamner in solidum M. [L] [C] et Mme [D] [C] à payer à M. [U] [T] une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- Condamner in solidum M. [L] [C] et Mme [D] [C] aux entiers dépens ;
- Débouter M. [L] [C] et Mme [D] [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions. »
Vu les conclusions en date du 26 décembre 2023 aux termes desquelles M. [L] [C] et Mme [D] [C] présentent à la cour les demandes suivantes :
«Confirmer en tous points l'ordonnance du juge de la mise en état entreprise,
Rejeter l'incident présenté par M. [U] [T],
Condamner M. [T] au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'incident, ainsi qu'en tous dépens.»
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'action initiée par M. et Mme [C] tend à l'engagement de la responsabilité personnelle de M. [T] au titre du préjudice financier qu'ils auraient subi du fait de la facturation de travaux dus pour la construction de leur maison dont le chantier est cependant demeuré inachevé.
M. [T], rappelant que la société MTH a fait l'objet d'une procédure collective et que seul le mandataire judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, considère que les demandes présentées sont irrecevables au motif que M. et Mme [C] ne justifient pas d'un préjudice personnel distinct de celui subi par l'ensemble des créanciers résultant d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions et qu'ils réclament l'indemnisation d'un préjudice équivalent au montant qu'ils auraient dû déclarer dans le cadre de la procédure collective.
Il est constant qu'en application des articles L. 622-20, L. 641-4 et L. 651-2 du code de commerce la recevabilité d'une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier contre les dirigeants d'une société en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions.
Toutefois, seule la gestion du dirigeant social antérieure au jugement d'ouverture de la procédure peut ouvrir les actions en paiement des dettes sociales prévues par les dispositions relatives aux procédures collectives, de sorte que l'action fondée sur l'article 1382 du code civil tendant à la mise en jeu de la responsabilité personnelle du dirigeant pour des faits postérieurs au jugement d'ouverture reste recevable.
En l'espèce, si les griefs formulés par les époux [C] à l'encontre de M. [T] sur la base du rapport d'expertise judiciaire et tenant à l'irrégularité du contrat au regard des règles applicables en matière de construction de maison individuelle recouvrent des faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective, les intimés reprochent également à l'appelant les man'uvres commises par ce dernier après le jugement de liquidation, intervenu le 3 mai 2018, à savoir la transmission de factures établies à l'en-tête de société MTH Entreprise Générale, émises pour un montant total de 105'734,16 euros.
En conséquence, l'action dirigée personnellement contre M. [T] sur le fondement de faits postérieurs au jugement d'ouverture est recevable au regard de la qualité à agir de M. et Mme [C], indépendamment de la question de son bien fondé. Celle-ci devra être examinée par le tribunal au regard des conditions de mise en jeu par des tiers de la responsabilité d'un dirigeant, lesquelles supposent la démonstration d'une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
M. [T] soutient que pour autant les époux [C] n'ont aucun intérêt à agir à son encontre alors qu'il n'était pas le représentant légal de la SAS MTH Entreprise Générale, présidée par la société holding MTH Groupe, faisant valoir qu'ils auraient dû diriger leur action contre cette dernière.
Toutefois, cette argumentation ne résiste pas à l'analyse alors qu'en transmettant des factures à l'en-tête de la SAS MTH Entreprise Générale, M. [T] a agi en exécution du contrat conclu entre la société MTH, dont il était le représentant légal, et M. et Mme [C], ces derniers soutenant avoir subi un préjudice résultant du paiement de factures à une société envers laquelle ils n'avaient pas d'obligations.
Il sera observé par ailleurs d'une part que la question de la réalité des paiements intervenus à tort relève de l'analyse du bien-fondé de l'action et non de sa recevabilité, d'autre part qu'il importe peu que le montant de la réparation réclamée soit équivalent au chiffrage des travaux nécessaires à l'achèvement de la maison proposé par l'expert judiciaire, le préjudice allégué étant constitué de paiement indus.
En considération de ces explications, l'ordonnance sera confirmée, par substitution de motifs, en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée, ainsi qu'en toutes ses autres dispositions.
M. [U] [T] sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. et Mme [C], pris ensemble, la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Condamne M. [U] [T] à payer à M. [L] [C] et Mme [D] [C], pris ensemble, la somme de 1500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure d'appel.
Le greffier Le président