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CA Lyon, 1re ch. civ. b, 3 septembre 2024, n° 21/09141

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 21/09141

3 septembre 2024

N° RG 21/09141 - N° Portalis DBVX-V-B7F-OALZ

Décision du

Tribunal Judiciaire de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 18 octobre 2021

RG : 20/03033

S.C.I. ROGER HOFER

C/

[E] [T]

[G] [Y]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Septembre 2024

APPELANTE :

La SCI ROGER HOFER représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

ayant pour avocat plaidant Me Carole GUYARD DE SEYSSEL, avocat au barreau d'AIN

INTIMES :

Mme [X] [E] [T]

née le 27 Mars 1973 à [Localité 10]

[Adresse 8]

[Localité 2]

M. [J] [G] [Y]

né le 08 Septembre 1977 à [Localité 10]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentés par Me Solène THOMASSIN, avocat au barreau d'AIN, toque : 75

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 26 Avril 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Avril 2024

Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 8 février 2019, M. [J] [G] [Y] et Mme [X] [E] [T] (les acquéreurs) ont acquis une maison d'habitation située à Farges (Ain) auprès de la SCI Roger Hofer (la SCI).

Se plaignant d'infiltrations au niveau du sous-sol, ils ont assigné la SCI en responsabilité et en indemnisation de leurs préjudices.

Par un jugement du 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :

- condamné la SCI à prendre en charge l'intégralité des frais de remise en état de telle sorte qu'il soit mis fin aux infiltrations d'eau du sous-sol de la maison vendue,
- condamné la SCI à payer aux acquéreurs la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires en réparation de leur préjudice de jouissance,
- débouté la SCI de toutes ses demandes,
- condamné la SCI à payer aux acquéreurs la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné SCI aux dépens.

Par déclaration du 22 décembre 2021, la SCI a relevé appel du jugement.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 23 avril 2024, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement,

Statuant à nouveau,

- débouter les acquéreurs de l'intégralité de leurs demandes,

Subsidiairement, si la juridiction de céans confirmait l'existence d'un vice caché à sa charge,

- faire application de la clause de non garantie contenue dans l'acte notarié du 8 février 2019 et débouter les acquéreurs de l'intégralité de leurs demandes,

- débouter les acquéreurs de leurs demandes dans la mesure où le vice caché ne présente pas de gravité justifiant qu'il soit fait droit à la demande,
Très subsidiairement,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de nommer, investi de la mission ci-après proposée :

- donner toutes informations sur la classification des parties enterrées et les conséquences en résultant en termes de construction,

- dire si les parois du sous-sol sont affectées d'infiltrations, et dans l'affirmative, en rechercher la cause,

- rechercher notamment si :

* les murs périphériques en sous-sol ont bénéficié d'une étanchéité conforme à la norme en vigueur au moment de la construction et au regard de la nature des pièces en sous-sol,

* la maison d'habitation est équipée d'un drainage latéral et dans l'affirmative, s'il est affecté d'un dommage,

* l'état des réseaux d'évacuation des eaux,

- dire si des travaux ont été mis en 'uvre par les acheteurs, dans le sous-sol, après la vente, et leurs éventuelles conséquences,

- dire si des travaux ont été mis en 'uvre sur le secteur géographique concerné ayant pu modifier les drainages et écoulements des eaux,

- le cas échéant, chiffrer le coût des travaux de remise en état,

A titre très infiniment subsidiaire,

- réduire à de plus justes proportions l'indemnisation accordée en réparation du préjudice de jouissance,

En toute hypothèse,

- condamner les acquéreurs à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les acquéreurs aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Aguiraud & Nouvellet, avocat, sur son affirmation de droit.

A l'appui de son appel, la SCI conteste l'existence du vice allégué, et subsidiairement sa gravité, et conclut au rejet des demandes des époux acquéreurs, faisant valoir que :

- le sous-sol litigieux est une cave qui n'est pas destinée à l'habitation mais à des fins techniques ;
- la construction respecte les exigences du DTU tendant à assurer l'étanchéité des murs et les acquéreurs ne rapportent pas la preuve de malfaçons ou d'inobservation des règles de l'art ;
- la preuve d'une infiltration n'est pas sérieusement rapportée, pas plus que le caractère récurrent de celle-ci ou sa cause ; la preuve d'une impropriété à destination de la cave n'est pas rapportée ;

- les acquéreurs ont réalisé des modifications des lieux ;
- les infiltrations pourraient provenir d'un défaut d'entretien des réseaux d'évacuation des eaux pluviales et de drainage ;
- les acquéreurs se sont opposés à des opérations d'expertise contradictoire, de sorte que la cause des infiltrations alléguées n'a pu être déterminée ; la mesure technique non contradictoire réalisée par les acquéreurs est impropre à fonder la responsabilité de la venderesse et sa condamnation ;
- subsidiairement, sur la gravité du vice, l'infiltration de faible importance et dont le caractère récurrent n'a pas été démontré n'affecte que le sous-sol sans interdire l'occupation de la partie habitable ; sauf à vouloir transformer un sous-sol en partie habitable, les infiltrations non récurrentes ne sont pas susceptibles de restreindre l'usage de l'immeuble à tel point que les acheteurs auraient donné un moindre prix ;
- une clause d'exonération des vices cachés a été stipulée dans l'acte de vente et son application ne saurait être écartée car la mauvaise foi de la venderesse n'est pas établie.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 09 avril 2024, les acquéreurs demandent à la cour de :

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu,

- dire recevable et bien fondée leur action en garantie des vices cachés,

- dire que la SCI est responsable de l'ensemble des préjudices qu'ils ont subis,

en conséquence

- condamner la SCI à prendre en charge l'intégralité des frais de remise en état,

- condamner la SCI à leur verser la somme de 4 000 euros en réparation des préjudices subis,

- condamner la SCI à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter la SCI de toutes ses demandes,

subsidiairement

- leur donner acte qu'ils ne s'opposent pas à une expertise judiciaire aux frais avancés de la SCI, demanderesse à l'expertise.

Ils font valoir essentiellement que :
- les procès-verbaux de constat d'huissier de justice et les photos produites établissent l'existence d'infiltrations dans leur sous-sol ; ces infiltrations préexistaient à la vente et le gérant de la SCI en avait été informé ;

- un expert a conclu que la construction n'est pas conforme ;

- le vice n'est pas apparent puisqu'il ne se manifeste que lors d'intempéries ;
- la clause d'exonération de la garantie des vices cachés ne saurait jouer dès lors que la mauvaise foi de la SCI est démontrée ;
- la qualification de cave ou de sous-sol n'a pas d'intérêt ; l'acte de vente mentionne un sous-sol et la SCI l'avait présenté comme aménageable en tant qu'argument de vente.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 avril 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIVATION

Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Et selon l'article 1645 du même code, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Il résulte de ces textes que l'action en réparation du préjudice subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire et peut, par suite, être engagée de manière autonome.

La mise en oeuvre de la garantie des vices cachés suppose d'établir la preuve de :

(1) l'existence d'un vice inhérent à la chose d'une gravité suffisante pour rendre celle-ci impropre à son usage normal ou en diminuer fortement cet usage,

(2) du caractère caché de ce vice,

(3) de son antériorité à la vente.

La mise en oeuvre de l'action visée à l'article 1645 suppose en outre d'établir que le vendeur avait connaissance des vices de la chose vendue.

En l'espèce, le tribunal a retenu que la réalité des infiltrations dénoncées par les acquéreurs résulte clairement des productions, en particulier des constatations objectives faites par l'huissier de justice requis, que la SCI, venderesse de mauvaise foi, ne peut valablement se prévaloir de la clause exonératoire stipulée dans l'acte de vente, et que l'importance de la possible accumulation d'eau et la réitération du phénomène rendent incontestablement le bien impropre à sa destination, les murs du sous-sol d'une maison se devant d'être totalement étanches.

Les intimés versent aux débats notamment :

- deux procès-verbaux de constat d'huissier de justice datés du 4 novembre 2020 et du 10 mai 2021 qui font état d'un phénomène d'infiltrations en façade ouest, de l'absence d'étanchéité contre les parois murales et de la présence d'eau sur la dalle du sous-sol,

- de nombreuses photographies destinées à illustrer les infiltrations qu'ils dénoncent,

- un rapport d'expertise amiable non contradictoire établi le 6 mars 2023 par M. [S], expert architecte, qui conclut que la construction n'est pas conforme, en l'absence de drain ou en présence d'un drain non conforme, que l'ouvrage est impropre à sa destination et que « pour résoudre les problèmes d'inondations récurrentes à chaque pluie et rendre l'ouvrage conforme à sa destination, il n'y a que deux solutions : A. Étancher l'ouvrage par l'extérieur et réaliser un drainage conforme ; B. Étancher l'ouvrage par l'intérieur », le coût des travaux étant estimé entre 47'000 euros (étanchéité par l'intérieur) et 88'000 euros (étanchéité par l'extérieur) ;

- plusieurs devis de travaux d'étanchéité pour des coûts variant de 22'788,26 euros TTC à 104'229,34 euros TTC.

La SCI produit quant à elle un courrier de l'entreprise Spac maîtrise du 27 janvier 2023 qui indique avoir constaté, à l'occasion d'une visite technique destinée à déterminer l'origine de venues d'eaux dans le bien immobilier, « que la canalisation exutoire, identifiée comme telle par [les] soins [de la SCI], est obstruée », que « cette situation pourrait être à l'origine du problème d'infiltration d'eaux dans le sous-sol de la villa » et qu'un curage des canalisations existantes pourrait remédier à cette situation, le devis de curage versé aux débats par l'appelante s'élevant à 804 euros.

Il ressort de ces pièces que si l'existence de désordres dans le sous-sols semble établie, leur nature exacte, leur gravité, leur origine et, surtout, les travaux à entreprendre pour y remédier, sont discutés et la cour ne dispose pas, en l'état, des éléments suffisants pour trancher le débat dont elle est saisie.

Aussi convient-il, avant-dire droit, d'ordonner une expertise aux frais avancés des acquéreurs, ces derniers, demandeurs au principal, ayant intérêt à l'exécution de la mesure d'instruction.

Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, les demandes des parties sont réservées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réserve les demandes,

Avant-dire droit,

Ordonne une expertise et commet à cette fin :

M. [V] [C], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Lyon,

[Adresse 7]

[Localité 1]

téléphone : [XXXXXXXX04] et [XXXXXXXX05]

Mèl : [Courriel 9]

avec mission de :

1°) prendre connaissance des documents de la cause ; se faire remettre par les parties ou par des tiers tous autres documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, notamment les rapports d'expertise non judiciaires ;

2°) recueillir et consigner les explications des parties, entendre tous sachants à charge de reproduire leur dires et leur identité ; s'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source ; faire appel, si nécessaire, à un technicien d'une spécialité différente de la sienne ;

3°) se rendre sur les lieux situés [Adresse 8] à [Localité 2], en présence des parties et le cas échéant de leurs conseils, ou ceux-ci dûment convoqués, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise ; décrire les lieux et procéder à la prise de toutes photographies utiles ;

4°) dire si les désordres affectant le bien litigieux, en particulier au niveau du sous-sol, tels qu'allégués par M. [G] [Y] et Mme [E] [T] et visés dans l'assignation et dans les conclusions ultérieures ou tous autres documents de renvoi, existent ;

6°) dans l'affirmative, les énumérer, en rechercher et déterminer la date d'apparition, l'origine et la cause ;

7°) dire si, à son avis, ils préexistaient au moins en germe à la vente du 8 février 2019, s'ils avaient un caractère caché, et dans l'affirmative, rechercher d'une part, à quelle date les acheteurs en ont eu connaissance et, d'autre part, si la SCI Roger Hofer, venderesse, les connaissait ou pouvait les connaître ;

8°) donner son avis sur la gravité des vices constatés ; dire s'ils sont, au sens de l'article 1641 du code civil, de nature à rendre l'immeuble impropre à l'usage auquel il est destiné ou s'ils en diminuent tellement cet usage que l'acquéreur n'en aurait donné qu'un moindre prix s'ils les avaient connus ;

9°) décrire les travaux permettant d'y remédier, et en chiffrer le coût et la durée de leur exécution ;

10°) fournir tous éléments d'appréciation des préjudices éventuellement subis par les parties;

11°) rechercher et donner tous éléments techniques motivés permettant d'établir les responsabilités de chacun ; plus généralement, donner toutes informations utiles de nature à apporter un éclaircissement sur les questions à examiner ;

12°) répondre explicitement et précisément, dans le cadre de ces chefs de mission, aux observations des parties, après leur avoir fait part de ses premières conclusions à l'occasion d'une réunion de synthèse précédant le dépôt du rapport ou par le dépôt d'un pré-rapport et leur avoir imparti un délai de deux mois pour présenter leurs dires ;

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 283 du code de procédure civile,

Dit que M. [G] [Y] et Mme [E] [T] devront verser au greffe de la cour d'appel de Lyon avant le 15 novembre 2024, la somme de trois mille euros (3 000 euros) à valoir sur la rémunération de l'expert,

Dit que faute pour M. [G] [Y] et Mme [E] [T] d'avoir versé cette provision ou d'avoir fourni des explications au magistrat chargé du contrôle des expertises sur le défaut de provision dans le délai prescrit, la décision ordonnant l'expertise deviendra caduque,

Invite l'expert à établir un état prévisionnel du coût de l'expertise, à le communiquer au magistrat chargé du contrôle et aux parties dès le commencement de sa mission, ou au plus tard dans le mois suivant la première réunion d'expertise,

Dit que l'expert commencera ses opérations d'expertise dès qu'il aura été informé par le greffe de la cour d'appel de Lyon du versement de la provision à valoir sur sa rémunération,

Dit que l'original du rapport définitif sera déposé au greffe de la cour d'appel de Lyon dans le délai de sept mois à compter de la date à laquelle l'expert aura été avisé par le greffe du versement de la provision, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera lui-même copie à chacune des parties en cause,

Dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête présentée par la partie la plus diligente au conseiller de la mise en état de la 1ère chambre B de la cour d'appel de Lyon,

Désigne le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre civile B pour contrôler les opérations d'expertise,

Renvoie l'affaire à la première audience utile de mise en état de la 1ère chambre civile B du 19 juin 2025,

Réserve les dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT