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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 4 septembre 2024, n° 23/00849

LIMOGES

Arrêt

Autre

CA Limoges n° 23/00849

4 septembre 2024

ARRET N°

N° RG 23/00849 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIQLF

AFFAIRE :

M. [Z] [H]

C/

M. [N] [R], E.U.R.L. [U] [E] PARTIE INTERVENANTE FORCEE

MCS/EH

Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

Grosse délivrée aux avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024

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Le QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE

Monsieur [Z] [H],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Carole GUILLOUT, avocat au barreau de LIMOGES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro c-87085-2023-8850 du 13/12/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)

APPELANT d'une décision rendue le 08 NOVEMBRE 2023 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LIMOGES

ET

Monsieur [N] [R]

né le 24 Décembre 1987 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Guillaume LAVERDURE de la SELARL AVOC'ARENES, avocat au barreau de LIMOGES

E.U.R.L. [U] [E] PARTIE INTERVENANTE FORCEE, demeurant [Adresse 2] / FR

représentée par Me Matthieu GILLET de la SELARL DEMOSTHENE, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me Hugo CARDONA, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMÉS

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Suivant avis de fixation à bref délai du Président de chambre, l'affaire a été fixée à l'audience du 27 Mars 2024 en application des articles 905 et suivants du Code de Procédure Civile.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Madame Laetitia LUZIO SIMOES, greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport. Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Après quoi, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue 29 Mai 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. A cette date, le délibéré a été prorogée au 12 Juin 2024, puis au 26 juin 2024 et au 04 Septembre 2024.

Au cours de ce délibéré, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre,de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller et de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

EXPOSE DU LITIGE:

Suivant certificat de cession signé le 20 septembre 2022, M. [N] [R] a vendu à M. [Z] [H] un véhicule Volkswagen Touran immatriculé DH 221 PQ.

Par acte de commissaire de justice du 22 juin 2023, M. [H] a fait assigner M. [R] devant le président du tribunal judiciaire de Limoges statuant en matière de référé, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner une expertise du véhicule, de voir M. [R] condamner à lui verser la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par acte du 31 août 2023, M. [R] a appelé en cause la SARL [U] [E] exerçant sous le nom commercial 'AUTO BILAN SERVICE' aux fins de lui voir rendre communes et opposables les opérations d'expertise.

Par ordonnance du 8 novembre 2023, le juge des référés a ordonné la jonction des procédures , a rejeté la demande d'expertise, et a condamné M. [H] aux dépens de l'instance.

*****

Par déclaration du 21 novembre 2023 effectuée dans des conditions de forme et de délai non contestées, M. [H] a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a rejeté sa demande d'expertise, et l'a condamné aux dépens de l'instance,en intimant M. [R] seul.

L'affaire a été orientée à bref délai.

*****

Par conclusions signifiées et déposées le 7 décembre 2023, M. [H] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, et statuant à nouveau, d'ordonner une mesure d'expertise et de condamner M. [R] à la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par acte de commissaire de justice du 21 décembre 2023, M. [R] a fait assigner en appel provoqué la SARL [U] [E].

Il demande à la cour de :

- ordonner la jonction de la présente affaire avec celle enrôlée sous RG n° 23/00849;

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la SARL [U] [E];

- confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire le 8 novembre 2023;

- condamner M. [H] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel;

à titre subsidiaire, si une expertise devait être ordonnée:

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté implicitement ses demandes tendant à:

- constater qu'il ne s'oppose pas à la demande d'expertise judiciaire sollicitée par M. [H] sous les réserves et protestations d'usage ;

- déclarer qu'il s'associe à la demande d'expertise de M. [H] et sollicite également qu'un expert judiciaire soit désigné au contradictoire des codéfendeurs, ce qui constitue une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil, étant précisé qu'il en sera tiré argument devant le juge du fond comme étant interruptive de prescription, et comme étant suspensif du délai applicable, par application de l'article 2239 du code civil ;

- donner à l'expert judiciaire qui sera désigné les missions détaillées dans ses écritures ;

- fixer les modalités de réalisation de l'expertise judiciaire, et notamment le délai avec lequel l'expert judiciaire devra déposer son rapport accompagné de toutes les pièces complémentaires, sauf prorogation accordée, et en délivrer copie aux parties ;

- statuer ce que de droit quant au montant et au délai de versement de la consignation, et quant à la charge provisoire des frais d'expertise ;

- faire droit à l'ensemble des prétentions ci-dessus exprimées ;

- rejeter la demande de M. [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réserver les dépens dans l'attente de la procédure au fond.

Par conclusions signifiées et déposées le 12 janvier 2024,la SARL [U] [E] demande à la cour de :

- débouter M. [H] de son appel déclaré mal fondé ;

- débouter Monsieur [N] [R] de son appel en cause ;

- confirmer en conséquence l'ordonnance de référé attaquée en toutes ses dispositions ;

- condamner la partie succombant à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

****

La Cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, étant rappelé qu'aucune mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une des parties dans l'administration de la preuve.

S'il ne peut être exigé du requérant dans le cadre d'une demande de mesure d'instruction in futurum, de rapporter la preuve certaine de vices cachés affectant le véhicule vendu, il doit toutefois apporter des présomptions ou indices laissant présumer raisonnablement la potentialité de vices non apparents antérieurs à la vente, compromettant l'usage normal du véhicule, et de nature à le dissuader de l'acheter ou le conduisant à l'acheter à moindre coût .

En l'espèce, il sera relevé que M. [Z] [H] a acheté à M. [N] [R] un véhicule d'occasion VolkswagenTouran au prix de 9800 €, le véhicule affichant à la date de la transaction, un kilométrage de 177'815 km et ayant été mis en circulation pour la première fois le 11 juillet 2014.

M. [Z] [H] a acquis ledit véhicule sur la base d'un rapport de contrôle technique daté du 9 septembre 2023 effectué par la SARL [U] [E] remis par le vendeur avant la vente, aux termes duquel des défaillances mineures avait été relevées, lesdites défaillances étant relatives aux plaquettes de frein accusant une usure importante à l'avant gauche et à l'avant droit, ainsi qu'au capuchon antipoussière gravement détérioré à l'avant gauche et droit.

Or, l'acquéreur a fait réaliser le 23 septembre 2022, soit trois jours après la vente un contrôle technique par le centre de contrôle technique AUTO PALAIS ledit contrôle révélant que le même véhicule présentait des défaillances ne permettant pas la validation d'un contrôle technique réglementaire à savoir :

- l'orientation d'un feu de croisementnon conforme ;

- un amortisseur endommagé ou donnant des signes de fuite ou de dysfonctionnement ;

- un capuchon antipoussière manquant ou filer avant droit avant gauche( mentionné dans le premier rapport de contrôle mais qualifié de défaillance mineure).

Ce second contrôle technique faisait également état d'autres défaillances qualifiées de mineures.

M. [Z] [H] a produit un devis de réparation s'élevant à la somme de 1092,41 € TTC en date du 28 septembre 2023.

Ainsi que le relève le premier juge, ce devis comprend une dépense de 600,92 €

correspondant à la réparation des freins, dépense dont l'acheteur pouvait se convaincre puisque l'usure importante avait été signalée lors du premier procès- verbal de contrôle technique. De ce fait, les seuls travaux relatifs à l'amortisseur et au phare signalés par le second contrôle technique représentent une somme de 490,50 € TTC.

Cependant, M. [Z] [H] a invoqué devant le premier juge comme vice caché, des infiltrations dans l'habitacle du véhicule provenant de la carrosserie et la présence d'humidité, et il a produit des photographies non datées, jugées insuffisantes par le premier juge pour démontrer l'existence de ce défaut.

En cause d'appel, il fournit une pièce nouvelle, à savoir un constat dressé à sa demande le 13 novembre 2023 par Maître [J] [K], commissaire de justice, lequel a constaté la présence d'eau dans l'habitacle du véhicule à plusieurs endroits : au-dessus des pares soleil, sur les parties latérales intérieures du véhicule, sur le tapis de sol côté passager. Il a relevé également la présence de moisissures sur le tableau de bord à quelques millimètres du pare-brise ; l' huissier de justice indique avoir enlevé la paroi plastique se trouvant sur le côté, sous les volets d'aération, et constaté que les éléments de structure du véhicule présentaient manifestement des traces de rouille à moins qu'il ne s'agisse de travaux de soudure. Il indique également avoir enlevé une règle de la partie supérieure intérieure du hayon arrière, et constaté que la structure présentait des moisissures importantes.

Ces constatations matérielles sont accompagnées de photographies les corroborant, et révèlant un défaut généralisé d'étanchéité à l'eau du véhicule.

Dans ces conditions, M. [Z] [H] justifie d'un intérêt légitime à l'organisation d'une expertise judiciaire à l'effet de déterminer l'origine des divers défauts affectant le véhicule : à savoir ceux mentionnés dans le second contrôle technique effectué trois jours après la vente, ainsi que le défaut d'étanchéité du véhicule dont le procès-verbal de constat établi de manière incontestable l'existence, et que l'expertise aura pour objet notamment d'en rechecher la cause et la date d'apparition.

Une expertise judiciaire sera donc ordonnée en présence de toutes les parties, et ce aux frais avancés de M. [Z] [H], étant observé que ce dernier, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, sera dispensé du versement d'une consignation.

* Sur les demandes accessoires :

L'expertise étant ordonnée dans l'intérêt de M. [Z] [H], celui-ci supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, et il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour d'appel statuant publiquement, par décision contradictoire rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME l'ordonnance rendue le 8 novembre 2023 par le juge des référés

du Tribunal judiciaire de Limoges ;

Statuant à nouveau,

ORDONNE une expertise et COMMET pour y procéder M. [J] [I] domicilié [Adresse 5] (87) expert près la cour d'appel de Limoges, avec pour mission :

- de convoquer les parties, de les entendre et de se faire remettre tous les

documents utiles ;

- d'examiner le véhicule Volkswagen Touran immatriculé DH 221 PQ.

appartenant à M. [Z] [H] et de décrire son état ;

- de dire s'il présente des défauts, dans l'affirmative, les décrire en donner l'origine préciser s'ils existaient au moment de la vente en indiquant s'ils rendent le véhicule impropre à l'usage auquel on le destine ;

- rechercher les conditions dans lesquelles a été effectué le premier contrôle technique par la SARL [U] [E], préciser si ce premier contrôle a été effectué dans les règles de l'art, dans la négative préciser les manquements imputables à la SARL [U] [E], donner son avis sur les raisons des divergences entre le premier contrôle technique et le second contrôle technique ;

- rechercher si l'acquéreur pouvait se convaincre lui-même de l'existence des vices du véhicule par une vérification élémentaire ;

- dire si le prix de vente correspond à la valeur du véhicule eu égard à son état, son âge et son kilométrage à la date de la transaction ;

- chiffrer le coût des réparations nécessaires pour remettre le véhicule en état et pour le mettre en conformité avec les prévisions contractuelles et préciser la durée des travaux ;

- donner toutes informations techniques utiles à la solution du litige.

DISPENSE M. [Z] [H] bénéficiaire de l'aide juridictionnelle du versement d'une consignation à valoir sur la rémunération d'expert ;

RAPPELLE que la rémunération de l'expert sera établie dès le dépôt du rapport en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni ;

DIT que l'expert devra procéder à ses opérations et déposer son rapport au greffe de la Cour, dans les 5 MOIS de sa saisine ;

DIT que le opérations d'expertise se dérouleront sous le contrôle du magistrat chargé du contrôle des expertises, lequel pourra procéder d'office, en cas d'empêchement de l'expert, à son remplacement ;

DIT que la cour pourra tirer toutes conséquences de droit du défaut de communication par les parties des documents à l'expert ;

PRÉCISE que l'expert adressera une photocopie du rapport à l'avocat de chaque partie et devra mentionner dans son rapport l'ensemble des destinataires à qui il l'aura adressé ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que M. [Z] [H] supportera les dépens de première instance

et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Emel HASSAN. Corinne BALIAN.