CA Agen, ch. civ., 4 septembre 2024, n° 23/00642
AGEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Harley Davidson France (SAS)
Défendeur :
Harley Davidson France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauclair
Conseillers :
M. Benon, M. Segonnes
Avocats :
Me Danezan, Me Narran, Me Verzi, Me Thizy, Me Bricogne
FAITS :
[M] [F] exerce à titre personnel, sous l'enseigne '[M] Motor', une activité de vente de cycles et motocyclettes à [Localité 9] et désormais à [Localité 12] (32).
En juin 2020, après avoir consulté une annonce sur le site 'Le Bon Coin', [U] [P] [X] lui a acheté une motocyclette d'occasion de marque Harley Davidson type 'Street 750", immatriculée [Immatriculation 7], dont le n° de série est MEG4NBBC0FN503004.
Le 26 juin 2020, avant livraison, le magasin de M. [F] a subi une inondation qui a différé la livraison.
Mme [P] [X] a pris livraison de la motocyclette le 4 juillet et, peu de temps après, a ramené le véhicule en indiquant qu'il présentait des 'à-coups' lors de la conduite.
M. [F] a procédé à certaines réparations.
Mme [P] [X] a récupéré la motocyclette le 10 août 2020 mais s'est plainte que le commodo de commande de phare était cassé.
Le 11 août 2020, la motocyclette est tombée en panne alors qu'elle l'utilisait pour partir en vacances et a été remorquée jusqu'au garage Macadam Moto situé à [Localité 14] (34) qui a facturé 299,40 Euros à Mme [P] [X] pour l'identification des défauts suivants :
- le pneu avant touche le garde-boue avant,
- le frein avant est inefficace,
- sur le freinage arrière, le support étrier touche le disque,
- pas d'éclairage de plaque, faisceau électrique à revoir.
Ce garage a indiqué que la motocyclette ne pouvait être restituée que si Mme [P] [X] la récupérait sur une remorque.
La motocyclette a été amenée dans les locaux de la société Moto Axxe Yam 82 à [Localité 13].
Mme [P] [X] s'est adressée à M. [F] en réclamant l'annulation de la vente pour vice caché.
Par lettre du 21 août 2020, elle l'a mis en demeure de reprendre la machine.
A défaut d'acceptation de cette demande, elle a fait mandater le cabinet Euro-Expertise par son assureur de protection juridique, afin d'analyser la motocyclette.
Ce cabinet a organisé une réunion d'expertise le 14 avril 2021 à laquelle M. [F] a été convié, mais où il ne s'est pas présenté, et a établi un rapport constatant de nombreux défauts.
Après nouvelles vaines demandes de résolution amiable de la vente, par acte des 22 et 25 avril 2022, Mme [P] [X] a fait assigner M. [F] et la SAS Harley Davidson France, devant le tribunal de commerce d'Auch afin de voire annuler la vente sur la base de la garantie de conformité et de la garantie pour vice caché, et d'obtenir remboursement du prix de 7 900 Euros ainsi que des frais de vente, et paiement de dommages et intérêts.
M. [F] a conclu au rejet de la demande au motif que les défauts invoqués étaient visibles lors de la vente et, subsidiairement, expliqué que le prix de vente avait été fixé à 4 000 Euros et non à 7 900 Euros.
Par jugement rendu le 26 mai 2023, le tribunal de commerce d'Auch a :
- prononcé la résolution du contrat de vente,
- condamné à titre principal M. [M] [F] à verser à Mme [U] [P] [X] :
* 4 000 Euros au titre du remboursement du prix du véhicule,
* 2 390,50 Euros au titre des frais engagés,
- débouté Mme [U] [P] [X] de sa demande de 3 000 Euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance et le préjudice moral,
- condamné M. [M] [F] à la restitution du bien à ses frais,
- jugé irrecevable Mme [U] [P] [X] en son action contre la SAS Harley Davidson France, celle-ci étant prescrite,
- débouté Mme [U] [P] [X] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la SAS Harley Davidson France,
- jugé Mme [U] [P] [X] mal fondée en son action contre la SAS Harley Davidson,
- débouté Mme [U] [P] [X] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la SAS Harley Davidson France,
- rejeté la demande tendant à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- mis les dépens, liquidés pour le greffe à la somme de 89,67 Euros à la charge de M. [M] [F],
- condamné M. [M] [F] à verser à Mme [U] [P] [X] la somme de 1 500 Euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [U] [P] [X] à verser à Harley Davidson France la somme de 500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a admis que le véhicule était défectueux et atteint de vices cachés ; que s'agissant d'un véhicule affecté à des loisirs, il n'existait pas de préjudice de jouissance ou moral ; et que l'action contre l'importateur était prescrite compte tenu qu'il avait vendu le véhicule à un concessionnaire le 19 février 2015.
Par acte du 20 juillet 2023, [M] [F] a déclaré former appel du jugement en désignant [U] [P] [X] en qualité de partie intimée et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :
- prononcé la résolution du contrat de vente,
- condamné à titre principal M. [M] [F] à verser à Mme [U] [P] [X] :
* 4 000 Euros au titre du remboursement du prix du véhicule,
* 2 390,50 Euros au titre des frais engagés,
- condamné M. [M] [F] à la restitution du bien à ses frais,
- rejeté la demande tendant à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- mis les dépens, liquidés pour le greffe à la somme de 89,67 Euros à la charge de M. [M] [F],
- condamné M. [M] [F] à verser à Mme [U] [P] [X] la somme de 1 500 Euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Cet appel a été enrôlé sous le n° 23/00642.
Par acte du 24 juillet 2023, [U] [P] [X] a déclaré former appel du jugement en désignant la SAS Harley Davidson France et [M] [F] en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :
- condamné M. [M] [F] à verser à Mme [U] [P] [X] 4 000 Euros au titre du remboursement du prix du véhicule,
- débouté Mme [U] [P] [X] de sa demande de 3 000 Euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance et le préjudice moral,
- jugé irrecevable Mme [U] [P] [X] en son action contre la SAS Harley Davidson France, celle-ci étant prescrite,
- débouté Mme [U] [P] [X] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la SAS Harley Davidson France,
- jugé Mme [U] [P] [X] mal fondée en son action contre la SAS Harley Davidson,
- débouté Mme [U] [P] [X] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la SAS Harley Davidson France,
- condamné Mme [U] [P] [X] à verser à Harley Davidson France la somme de 500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Cet appel a été enrôlé sous le n° 23/00648.
Par ordonnance du 27 mars 2024, la jonction des instances d'appel a été ordonnée sous le seul n° 23/00642.
La clôture a été prononcée le 22 mai 2024 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 12 juin 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [M] [F] présente l'argumentation suivante :
- L'expertise amiable ne caractérise ni défaut de conformité ni vice caché :
* le rapport a été établi alors qu'il n'était ni présent ni représenté, son établissement ayant été fermé en avril 2021.
* les conclusions sont partiales et se limitent à entériner les propos de Mme [P] [X].
* les constatations ont été effectuées plus de 10 mois après la vente et ne caractérisent que des défauts apparents et détectables par un utilisateur normal lors d'un essai routier.
* sa cliente a essayé la motocyclette avant de l'acquérir et n'a pas renoncé à la vente alors que l'inondation l'avait endommagée.
- Subsidiairement, les sommes réclamées sont excessives :
* il a vendu la motocyclette pour la somme de 4 000 Euros comme en atteste la facture qu'il a établie le 4 juillet 2020 que sa cliente a payé par un chèque à hauteur de 3 000 Euros et en espèces à hauteur de 1 000 Euros, même si la TVA, incluse, a été omise par erreur matérielle.
* il s'agit d'une machine mise en circulation en 2017, vendue à un concessionnaire pour 6 058 Euros TTC.
* il a lui-même acquis le véhicule auprès d'un concessionnaire de [Localité 15] (77) pour un prix de 3 500 Euros.
* à l'exception des frais d'immatriculation, qu'elle n'a pas supportés, les sommes allouées par le tribunal ne correspondent pas aux frais de la vente et certaines sont liées à une simple panne d'essence.
Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :
- réformer le jugement sur les points de son appel,
- rejeter les demandes présentées par Mme [P] [X] à son encontre,
- subsidiairement : limiter la demande au titre du remboursement du prix de cession à la somme de 4 000 Euros,
- condamner Mme [P] [X] à lui payer la somme de 1 500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
*
* *
Par dernières conclusions notifiées le 2 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [U] [P] [X] présente l'argumentation suivante :
- Elle peut invoquer la garantie de conformité des articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation :
* le bien doit correspondre à sa description, en avoir les qualités, et celles que l'acheteur peut légitimement en attendre.
* une panne survenue à un bien d'occasion 6 mois après la vente est présumée recouvrir un défaut présent lors de la vente.
- Elle peut également invoquer la garantie des vices cachés :
* le vice doit rendre la chose impropre à son usage.
* elle a acheté la motocyclette à M. [F], vendeur professionnel, qui a tenté de réparer les défauts jusqu'au 11 août, mais le véhicule est à nouveau tombé en panne et l'expertise réalisée démontre l'existence de vices cachés, tout comme les multiples échanges avec M. [F].
* M. [F] avait été convoqué par le cabinet Euro-Expertise, mais il ne s'est pas présenté.
* l'inondation n'a pas endommagé cette motocyclette, mais d'autres engins.
* le vendeur l'a laissée conduire un véhicule dangereux.
- Les sommes dues sont les suivantes :
* restitution du prix de 7 900 Euros, correspondant au montant indiqué sur l'annonce du site 'Le Bon Coin' : aucune facture ne lui a été remise et celle produite par M. [F] ne lui a jamais été produite et pose question : elle ne mentionne pas la TVA ; le véhicule avait été valorisé à la hausse par sa transformation dans le cadre d'un concours à [Localité 11] ; le prix sur le marché de l'occasion correspond à celui qu'elle a payé ; si le prix invoqué par M. [F] était exact, il vendrait à perte compte tenu de ses frais ; quand elle a invoqué amiablement le prix de 7 900 Euros, son vendeur n'a pas contesté ce montant.
* remboursement des frais engagés : 2 390,50 Euros.
* préjudice subi : elle venait d'obtenir le permis moto et réalisait un rêve, alors qu'elle est tombée en panne sur une route à quatre voies avec un véhicule dangereux.
- Le bien doit être restitué aux frais du vendeur.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
- prononcer la résolution du contrat de vente,
- condamner M. [F] à lui payer les sommes suivantes (ou subsidiairement solidairement M. [F] et la SAS Harley Davidson France) :
* 7 900 Euros au titre du remboursement du prix de la moto,
* 2 390,50 Euros au titre des frais engagés,
* 1 500 Euros au titre du préjudice de jouissance,
* 1 500 Euros au titre du préjudice moral,
* 5 400 Euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner M. [F] à la restitution du bien à ses frais,
- le condamner aux dépens.
*
* *
Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SAS Harley Davidson France présente l'argumentation suivante :
- L'action exercée à son encontre est prescrite :
* elle a vendu la motocyclette dont le numéro de série est MEG4NBBC0FN503004 à un concessionnaire parisien le 19 février 2015 pour un prix de 5 423,57 Euros HT.
* l'action est exercée à son encontre plus de 7 ans après cette vente, alors que l'action en garantie pour vice caché doit être intentée dans le délai quinquennal de l'article L. 110-4 du code de commerce.
- L'action est infondée :
* la motocyclette a subi de nombreuses transformations après la vente du 19 février 2015, et a même été totalement démontée.
* elle a également subi des dommages extérieurs, suite à des chocs et à l'inondation, et ce dont se plaint Mme [P] [X] était visible lorsqu'elle a acheté la machine à M. [F], l'expertise amiable étant partiale sur ce point.
* l'importateur ne peut être tenu de vices qui naissent postérieurement à la première vente.
* le carnet d'entretien n'est pas produit alors qu'il est nécessaire de vérifier si la motocyclette a été correctement entretenue.
- Les demandes sont excessives :
* Mme [P] [X] ne justifie pas du prix d'achat qu'elle invoque.
* elle ne craint pas d'expliquer avoir acheté une motocyclette d'occasion, victime d'une inondation, cabossée, sans frein pour un prix supérieur au prix de vente initial de l'engin neuf.
- Les demandes formées à son encontre sont abusives.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions la concernant,
- rejeter les demandes présentées à son encontre par Mme [P] [X],
- la condamner à lui payer la somme de 1 500 Euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 2 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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MOTIFS :
1) Sur l'action intentée par Mme [P] [X] à l'encontre de M. [F] :
a : principe de l'action :
Le premier alinéa de l'article L. 217-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en juin 2020, dispose :
'Le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.'
Selon l'article L. 217-5 du même code, dans sa version également applicable en juin 2020, le bien est conforme au contrat s'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable.
Enfin, selon les anciens articles L. 217-10 et L. 217-11, en cas de défaut de conformité, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix et obtenir paiement de dommages et intérêts.
En l'espèce, dès le 9 juillet 2020, c'est à dire aussitôt après l'achat, la motocyclette a présenté des défaillances qui ont nécessité l'appel à Jet Assistance qui a établi une fiche d'intervention mentionnant l'existence de 'dégâts électriques suite inondation garage [M] Motor'.
Par courriel du même jour, Mme [P] [X], par l'intermédiaire de [K] [G] (qui semble être son concubin), a écrit à M. [F] en mettant en évidence que la motocyclette présentait les problèmes suivants :
- 'avant roulage :
* problèmes électriques changement de mode sur le moto gadget inopérant, le compteur s'éteint une fois le véhicule démarré, contacteur code phare inopérant, pas de rappel de clignotants sur la console LED et voyants rouge et orange allumés constamment,
* démarrage à froid compliqué calage et impossibilité de redémarrer avant une phase de quelques minutes de repos,
* pédale de frein qui ne revient pas en position initiale.
- après roulage :
* 1er roulage environ, petite allure entre 50 et 70 km/h sur 30 bornes, pas de soucis mécanique,
* 2ème roulage démarrage à froid sans problème, après une vingtaine de km sur un rythme très cool, route de campagne entre 70 et 80 à l'heure, petit roulage et coupure en roulant après repos de 15 mn elle est repartie comme si de rien n'était et a très bien fonctionné sur le retour 10 km à bonne allure (le ventilo fonctionne bien),
* usure anormale du pneu arrière,
* je trouve qu'elle n'a pas beaucoup de frein avant tout du moins qu'il manque de mordant.'
Loin de contester ces éléments, le jour même, M. [F] qui venait de la réceptionner en provenance de Jet Assistance, a répondu : 'OK, moto bien arrivée ! Au sujet de ton mail, on vient voir avec l'expert. Peux-tu m'envoyer la carte grise stp, on en a besoin pour le dossier'.
Dans un sms du 31 juillet 2020, il a indiqué recevoir une pièce pour remontage et, le 6 août, intervenir sur le freinage.
M. [F] a nécessairement été défaillant dans la réparation puisque le 11 août suivant, il est acquis que la machine est tombée en panne et a dû être transportée au garage Macadam Moto.
L'analyse de l'ordinateur de la machine par le logiciel spécifique de ce garage a donné les codes d'anomalies suivants :
- défaillance du capteur MAP, circuit ouvert/tension basse,
- circuit ouvert/tension basse de TPS 1,
- état pauvre de moteur/tension basse de sonde 02 (avant),
- état pauvre de moteur/tension basse de sonde 02 (arrière),
- circuit ouvert/tension basse de sortie de relais de ventilateur/refroidissement,
- capteur d'inclinaison hors tension.
Ce garage, en demandant à Mme [P] [X] de venir reprendre la machine sur une remorque, lui a signifié que sa conduite était dangereuse, ne serait-ce que du fait des problèmes de frein.
Le cabinet Euro-Expertise a ensuite constaté que la motocyclette présentait des défauts suivants :
- absence de frappe à froid sur le cadre, refait en résine epoxy par un concessionnaire de [Localité 11],
- absence de plaque constructeur,
- moteur n° NBBF503004,
- le compteur s'allume, moteur coupé,
- la motocyclette a du mal à démarrer à froid (plusieurs tentatives sont nécessaires),
- une fois le moteur lancé, le compteur s'éteint et les voyants rouge et orange restent allumés,
- le rappel au tableau de bord de clignotants ne fonctionne pas,
- le code phare ne fonctionne pas,
- le commodo est endommagé,
- sur l'action du frein avant, les feux de stop ne fonctionnent pas (uniquement sur l'action du frein arrière),
- en actionnant le frein avant et en poussant la motocyclette, ce frein bloque difficilement la roue avant,
- l'étrier de frein arrière bouge anormalement,
- le support du garde-boue avant frotte sur le pneumatique,
- le feu de plaque arrière droit ne fonctionne pas.
Ces éléments sont corroborés par les problèmes de fonctionnement apparus aussitôt après la vente, et les interventions incomplètes voire inefficaces de M. [F], de sorte qu'ils peuvent être pris en compte même s'il ne s'agit pas d'une expertise judiciaire.
Ils caractérisent le fait que, lors de la vente de la motocyclette à Mme [P] [X], elle était en réalité impropre à son usage normal, ne serait-ce que par l'absence de fonctionnement du frein avant dénoncée dès le courriel du 9 juillet 2020.
En tout état de cause, Mme [P] [X] bénéficie de la présomption de défaut de conformité instituée à l'ancien article L. 217-2 et ne peut se voir imputer d'avoir délibérément acheté une motocyclette sans frein avant, alors qu'elle s'en est plainte très rapidement.
La résolution de la vente est encourue en vertu du code de la consommation, invoqué à titre principal, dont les dispositions sont distinctes de celles relatives au vice caché du code civil.
Le jugement qui a prononcé la résolution du contrat de vente doit être confirmé.
b : restitutions :
En premier lieu, s'agissant du prix de vente de la machine, si Mme [P] [X] justifie que l'annonce de vente sur le site 'Le Bon Coin' était de 7 900 Euros, elle ne prouve pas que la transaction a effectivement eu lieu pour ce montant, au lieu de 4 000 Euros comme admis par le vendeur.
Ainsi :
- Elle ne produit pas la facture de son achat, ce qui est difficilement concevable compte tenu que l'acheteur doit la détenir et, en cas de carence du vendeur, exiger sa remise.
- Elle n'explique pas par quel moyen de paiement elle s'est acquittée de cette somme et n'en produit aucun justificatif comme par exemple copie de chèques, d'ordres de virement.
- Mme [P] [X] semble indiquer, sans toutefois le dire expressément, qu'elle a, en partie, payé le prix en espèces (M. [F] admet un paiement en espèces pour 1 000 Euros), mais elle ne détient pas de reçu, précaution pourtant élémentaire, et ne dépose pas aux débats de bordereau bancaire de retrait d'espèces.
- La facture n° FAC00000452 à l'ordre de Mme [P] [X] produite par M. [F] datée du 4 juillet 2020 qui, certes de façon anormale, ne mentionne pas de TVA, fait toutefois état d'un prix TTC de 4 000 Euros.
- Le livre dit 'de police' produit par M. [F] mentionne un paiement par chèque de 3 000 Euros et 1 000 Euros en espèces.
- La justification de la valeur moyenne de la machine sur le marché ne vaut pas preuve du paiement allégué.
Le jugement qui a limité la restitution du prix à la somme de 4 000 Euros doit être confirmé.
En second lieu, les frais de la vente, c'est à dire le coût de changement de propriétaire du certificat d'immatriculation, sont d'un montant de 195,76 Euros.
Cette somme a été facturée à Mme [P] [X] par M. [F] le 4 juillet 2020, qui l'a ainsi mise à la charge de sa cliente qui, par suite, est présumée s'en être acquittée, à défaut de preuve contraire apportée par M. [F].
Cette somme doit être allouée à Mme [P] [X].
c : dommages et intérêts :
M. [F], professionnel de la motocyclette, est présumé connaître les vices qui affectent la machine qu'il a vendue.
Il n'est d'ailleurs pas concevable qu'il ne se soit pas rendu compte que le frein avant de la machine ne fonctionnait pas et qu'elle présentait d'importants dysfonctionnements électriques.
Par conséquent, en sus de la restitution du prix et du paiement des frais de la vente, il est tenu au paiement de dommages et intérêts qui seront fixés aux sommes suivantes :
- frais de diagnostic, dépannage, convoyages : 145,34 (facture Jet Assistance) + 130 Euros (facture remorquage du 11 août 2020 de la SARL 7 Fonts Remorquages) + 299,40 Euros (facture Macadam Moto) + 1 020 Euros (facture de la société C2R Convoyage pour le transport de la machine lors de la panne survenue le 11 août 2020) = 1 594,74 Euros.
- préjudice moral constitué par la peur rétrospective d'avoir roulé avec une machine dangereuse : 1 500 Euros,
- préjudice de jouissance constitué par le fait de l'impossibilité de jouir normalement des plaisirs de l'engin pendant la période estivale et pour un départ en vacances : 500 Euros.
Il convient de préciser que le coût de l'expertise réalisée par le cabinet Euro-Expertise, d'un montant de 850 Euros, a été pris en charge par l'assureur de Mme [P] [X] selon mandat signé le 17 mars 2021, de sorte que cette dernière n'est pas fondée à en solliciter le paiement.
Il sera alloué 3 594,74 Euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera réformé sur ce point.
2) Sur l'action intentée par Mme [P] [X] à l'encontre de la SAS Harley Davidson France :
En premier lieu, aux termes de l'ancien article L. 217-12 du code de la consommation, l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien.
L'action de Mme [P] [X] étant accueillie sur le fondement des dispositions du code la consommation, le délai d'action de la garantie pour vice caché ne peut lui être opposé par la SAS Harley Davidson France.
Par conséquent, en assignant la SAS Harley Davidson France en avril 2022, c'est à dire dans le délai de 2 ans ayant couru depuis la vente de juin 2020, son action n'est pas prescrite.
Le jugement doit être réformé sur ce point.
Mais, en deuxième lieu, il n'est ni discutable ni discuté que les défauts de conformité que présentait la machine lors de la vente à Mme [P] [X] n'existaient pas lorsque la SAS Harley Davidson France l'a vendue neuve au premier concessionnaire de la marque le 19 février 2015.
Il est constant que ces défauts sont dus aux nombreuses transformations, interventions et usages, intervenus depuis cette première cession.
Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté l'action intentée par Mme [P] [X] à l'encontre de l'importateur.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
En troisième lieu, si l'appel formé par Mme [P] [X] à l'encontre de la SAS Harley Davidson France est pour le moins dépourvu de fondement, il n'en reste pas moins que cette société ne justifie pas d'un préjudice qui lui aurait été causé, distinct de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui doit lui être allouée à hauteur de 2 000 Euros pour l'indemniser de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
La demande de dommages et intérêts sera rejetée.
Enfin, l'équité nécessite de condamner M. [F] à payer à Mme [P] [X], en cause d'appel, la somme de 4 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
- CONFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a :
- condamné M. [M] [F] à verser à Mme [U] [P] [X] la somme de 2 390,50 Euros au titre des frais engagés,
- débouté Mme [U] [P] [X] de sa demande de 3 000 Euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance et le préjudice moral,
- jugé irrecevable Mme [U] [P] [X] en son action contre la SAS Harley Davidson France, celle-ci étant prescrite,
- STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,
- CONDAMNE [M] [F] à payer à [U] [P] [X] la somme de 3 594,74 Euros à titre de dommages et intérêts ;
- DÉCLARE les demandes présentées par [U] [P] [X] à l'encontre de la SAS Harley Davidson France recevables ;
- Y ajoutant,
- REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par la SAS Harley Davidson France ;
- CONDAMNE [U] [P] [X] à payer, en cause d'appel, à la SAS Harley Davidson France, la somme de 2 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE [M] [F] à payer à [U] [P] [X], en cause d'appel, la somme de 4 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE [M] [F] aux dépens de l'appel, à l'exception de ceux relatifs à l'appel formé à l'encontre de la SAS Harley Davidson France qui sont à la charge de [U] [P] [X].
- Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.