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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 4 septembre 2024, n° 22/01673

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Masson-Bessou, M. D'Ussel

Avocats :

Me Curis, Me Burgy

TJ Lyon, du 10 févr. 2022, n° 16/12392

10 février 2022

Exposé du litige

Par acte du 29 juin 2005, [I] [D] a vendu à Monsieur et Madame [N] [R] (ci-après les époux [R]) une maison d'habitation sise [Adresse 5] à [Localité 4] (Rhône), dont il avait au préalable fait rénover le corps de logis principal et réaménager la cuisine, selon marché de travaux confié à la société José Goncalves.

[I] [D] a pris possession des lieux et acquitté la facture de la société Goncalves le 30 avril 2005 sans procéder à une réception expresse des travaux.

S'étant aperçu courant 2010 que le pied du mur extérieur de la cuisine présentait des traces d'humidité, Monsieur [N] [R] a régularisé courant 2012 une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la MAIF, laquelle a mandaté le cabinet Eurexo.

Le cabinet Eurexo a conclu à la survenance de remontées capillaires dans le mur en pisé, revêtu d'un enduit inadapté à sa structure.

Par ordonnance du 7 novembre 2014, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné une mesure d'expertise, et commis à cette fin Monsieur [S], avec la mission d'usage.

Par ordonnance du 7 avril 2015, les opérations d'expertise ont été étendues à des désordres de même nature affectant l'ensemble des murs de la demeure.

L'expert a déposé son rapport le 6 avril 2016, sur la foi duquel les époux [R] ont, en date des 21 et 26 octobre 2016, assigné la SMABTP, assureur de la société José Goncalves, désormais en liquidation judiciaire, et Monsieur [I] [D] devant le Tribunal de grande instance de Lyon en indemnisation des désordres.

Par jugement du 10 février 2022, le Tribunal judiciaire de Lyon a :

Débouté les époux [R] de leurs demandes dirigées contre la SMABTP ;

Constaté que l'appel en garantie régularisé par la SMABTP était dépourvu d'objet ;

Condamné [I] [D] à payer aux époux [R] la somme de 16 351,50 €, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement ;

Condamné [I] [D] à payer aux époux [R] la somme 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné [I] [D] aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Raphaël Berger, avocat ;

Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Rejeté le surplus des demandes.

Le tribunal a retenu en substance :

1-Sur la nature et la gravité des désordres

que l'expert a expliqué la présence d'humidité du pied de mur de la cuisine par un remblaiement de terrain, qui neutralisait la protection de toute remontée capillaire assurée par le soubassement en pierre situé en dessous de l'élévation en pisé, les travaux de l'entreprise ayant permis aux eaux de pluie de s'infiltrer dans le pisé et de remonter par capillarité, notant également que l'enduit à base de ciment appliqué était inadapté au pisé, car empêchant la respiration naturelle de ce matériau ;

que nul ne soutenant que l'eau pénétrerait dans le logis ou que l'humidité s'y ferait ressentir, cela permet d'exclure toute impropriété à destination ;

que l'expert a relevé qu'il existait un risque à terme pour la stabilité du mur, susceptible d'apparaître à l'échéance de quelques années mais que ces constatations, effectuées 11 années après la prise de possession et le règlement du marché, caractérisant une réception tacite du chantier, conduisent à écarter toute atteinte à la solidité de l'ouvrage dans le délai décennal ;

qu'il n'a par ailleurs pas caractérisé un risque struturel pour les autres murs et relevé que les fissures de gravité limitée relevées en cours d'expertise étaient normales.

2-Sur la garantie décennale de la SMATBP et l'action dirigée contre [I] [D] sur le fondement de la garantie décennale

que les désordres ne rendant pas l'immeuble impropre à sa destination et ne compromettant pas la solidité de l'ouvrage dans le délai décennal, la garantie décennale de la SMABTP n'est pas mobilisable, et pas plus celle de [I] [D], en sa qualité de constructeur au sens de l'article 1792-1 du Code civil.

3-Sur l'action dirigée à l'encontre de [I] [D] au titre de la garantie des vices cachés

qu'au visa des dispositions des articles 1641 et 1643 du Code civil, [I] [D] est tenu de garantir les époux [R] des vices relevés ;

qu'en effet, [I] [D] a la qualité de vendeur professionnel, dès lors qu'il est marchand de biens, qu'il pratique habituellement l'acquisition d'immeubles pour les revendre et qu'il est par ailleurs réputé en cette qualité connaître les caractéristiques de la chose vendue et présumé avoir connaissance des vices susceptibles de l'affecter, ne pouvant se prévaloir de la clause de non garantie stipulée à l'acte de cession ;

que les désordres relevés constituent des vices antérieurs à la vente, susceptibles à terme d'affecter la solidité du bâti et de rendre l'immeuble impropre à l'usage d'habitation auquel les époux [R] le destinaient ou d'en diminuer tellement cet usage que les intéressés ne l'auraient pas acquis ou en auraient donné qu'un moindre prix s'ils les avaient connus ;

que la réduction du prix doit être fixée au coût des travaux de reprise retenu par l'expert, soit 16 351,50 €, ce qui permet aux acquéreurs de disposer d'un bien conforme à celui qu'ils attendaient.

Par déclaration régularisée le 1er mars 2022, [I] [D] a interjeté appel de l'intégralité des chefs de décision du jugement du 10 février 2022, dont il a repris les termes dans sa déclaration d'appel, intimant uniquement la SMABTP.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 9 janvier 2023, [I] [D] demande à la cour de :

Vu l'article 1792-1 Code civil, Vu l'ancien article 1382 du Code civil et l'ancien article 1147 du Code civil,

Infirmer la décision de première instance,

Juger que la nature de désordre est de nature décennale,

Juger, conformément au rapport d'expertise, que l'humidité dans le corps du mur dont font état les

époux [R] résulte de :

la mise en 'uvre d'un ciment inadapté au support pisé par l'entreprise Goncalves,

l'absence de piquage de l'enduit d'origine par l'entreprise Goncalves,

du remblaiement contre la façade sud-ouest, par l'entreprise Goncalves, avec les déchets issus du chantier au lieu de les évacuer en décharge, et réalisant cet ouvrage de manière non conforme aux règles de l'art avec l'absence de bèche périphérique de la terrasse béton,

Juger qu'il n'a pas la qualité de maître d''uvre au sens des article 1792 et suivants du Code civile,

Juger qu'il n'avait pas à diriger et surveiller les travaux, et qu'aucune immixtion n'est intervenue,

Juger que seule l'entreprise Goncalves est responsable de ces désordres en sa qualité d'entreprise générale tant sur le fondement des articles 1792 et suivant du Code civil que des anciens articles 1147 ou 1382 du Code civil.

En conséquence,

Condamner la SMABTP à prendre en charge le sinistre de son assuré, l'entreprise Goncalves, selon le rapport d'expertise évalué à un montant de 16 500,00 euros TTC,

Condamner l'assureur de l'entreprise Goncalves, la SMABTP, à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens de l'instance.

[I] [D] indique reprocher à la décision déférée de n'avoir tiré aucune conséquence du rapport d'expertise et notamment du fait qu'il n'a commis aucune faute, que la société Goncalves est l'unique responsable des désordres et qu'il s'agit de désordres structurels qui relèvent de la garantie décennale.

Il soutient en premier lieu que la nature décennale des désordres est incontestable.

Il fait valoir à ce titre :

qu'il est jugé de longue date par la Cour de cassation que le désordre futur, qui ne s'est pas encore produit dans toute son ampleur, mais remplira le degré de gravité exigé à l'avenir peut relever de la garantie décennale des constructeurs ;

qu'en l'espèce, l'expert a retenu dans son rapport que si les désordres affectant le mur Sud-Ouest de la cuisine ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage à brève échéance, en revanche, dans l'hypothèse où cette situation perdure pendant plusieurs mois ou années, la poursuite de l'humidification de ce mur aboutirait à l'apparition de désordres structurels graves compromettant alors la solidité de l'ouvrage et qu'il y aurait de manière inéluctable, à plus ou moins longue échéance, un désordre structurel du type effondrement.

Il ajoute que le Conseil d'état a déjà eu l'occasion d'affirmer qu'il n'est pas nécessaire que la solidité de l'ouvrage soit compromise (ou que l'ouvrage soit rendu impropre à sa destination) avant l'expiration du délai de 10 ans.

Il soutient en second lieu que seule l'entreprise Goncalves est responsable des désordres, aux motifs :

que l'expert a expressément indiqué dans son rapport que seule la responsabilité de l'entreprise Goncalves était engagée, précisant même qu'il ne retenait pas l'hypothèse faite par le conseil de la SMABTP selon laquelle [I] [D] serait intervenu comme maître d''uvre pour les travaux de rénovation ;

que par ailleurs, les désordres n'étaient pas visibles lors de la réception, l'expert ayant été contraint de réaliser « un sondage destructif » pour mettre en évidence le désordre de la terrasse et de faire un prélèvement s'agissant de l'enduit ;

que seule l'entreprise Goncalves, constructeur au sens de l'article 1792-1 du Code civil, est responsable des dommages, car elle a utilisé un enduit ciment inadapté de marque inconnue, n'a pas procédé au piquage de l'enduit existant, a remblayé la terrasse contre la façade sud-ouest avec les déchets issus du chantier au lieu de les évacuer en décharge, et réalisé cet ouvrage de manière non conforme aux règles de l'art.

En réponse aux conclusions de la SMABTP, [I] [D] relève :

qu'il ne peut lui être reproché d'avoir commis une faute en n'émettant aucune réserve à la réception, alors que l'expert a dû procéder à un prélèvement de l'enduit de la façade et faire analyser ses propriétés chimiques pour enfin conclure à la présence de ciment non adapté au support en pisé et qu'il en est de même concernant la terrasse et l'absence de bèche périphérique qui a été constatée au cours de l'expertise par un sondage à l'aide d'une pelle ;

qu'il n'avait aucune obligation réglementaire de solliciter un maître d''uvre étant assisté par un professionnel, l'entreprise Goncalves.

Il conclut que la SMABTP devra l'indemniser d'un montant de 24 690,17€, correspondant à la somme de 16 026,40 € réactualisée à l'indice ICC de la somme qui lui a été facturée au titre de l'enduit par l'entreprise Goncalves.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 9 novembre 2022, la SMABTP demande à la cour de :

Vu les articles 1792 et suivants du Code civil, 1382 ancien du Code civil,334 du Code de procédure civile,

A titre principal

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour devait infirmer le jugement entrepris pour retenir la responsabilité décennale de la société Goncalves et la mobilisation des garanties de la SMABTP et entrer, par conséquent, en voie de condamnation à l'encontre de la SMABTP :

Juger que la responsabilité de [I] [D] dans la réalisation des désordres est engagée pour une part qui ne saurait être inférieure à 20 % ;

Condamner [I] [D] à relever et garantir la SMABTP à minima à hauteur de 20 % de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcée à son encontre ;

En tout état de cause :

Condamner [I] [D] à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens à hauteur d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et les liquider conformément à l'article 701 du Code de procédure civile.

Elle relève à titre principal l'absence de caractère décennal des désordres , en ce que :

en application de l'article 1792-4-1 du Code civil, le délai d'épreuve de la responsabilité décennale est de 10 ans à compter de la réception ;

par ailleurs, les désordres doivent être de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination avant l'expiration du délai de 10 ans commençant à courir au jour de la réception, la cour de cassation rappelant que la mise en oeuvre de la garantie décennale n'est subordonnée qu'à la seule survenance, dans le délai de 10 ans, d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage ;

en l'espèce, la réception est intervenue le 30 avril 2005, le délai d'épreuve expirant donc le 1er mai 2015 et d'une part l'expert a noté dans son rapport en date du 6 avril 2016, soit postérieurement à l'expiration du délai décennal que les désordres affectant le mur Sud-Ouest de la cuisine ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage à brève échéance, d'autre part, à ce jour, soit plus de six ans après l'expiration du délai d'épreuve, aucun désordre complémentaire n'est apparu ;

par ailleurs, l'impropriété à destination doit s'apprécier par rapport à l'ouvrage dans son intégralité et non simplement par rapport à ses éléments de conception, [I] [D] étant infondé à se limiter à relever qu'il y a une impropriété à destination de l'enduit ;

il en résulte que la responsabilité de la société Goncalves ne peut être engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil et partant que la SMABTP n'est pas tenue à garantie.

A titre subsidiaire, la SMABTP sollicite la garantie de [I] [D], en raison des fautes qu'il a commises.

Elle fait valoir à ce titre :

que [I] [D] est un professionnel de l'immobilier ayant une compétence notoire dans la rénovation des bâtiments anciens du beaujolais, et particulièrement le pisé, ce dont témoigne son site internet ;

qu'il ne pouvait, compte tenu de son expertise, ignorer les caractéristiques de rénovation des murs en pisé ;

que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il s'est dispensé de recourir à un maître d''uvre, malgré l'ampleur de la rénovation et a exercé cette mission ;

que par ailleurs, la mise en 'uvre de la terrasse a eu pour conséquence de réduire fortement l'efficacité du soubassement en pied de mur, ce qu'il ne pouvait ignorer ;

qu'il en résulte qu'il a commis une faute en n'émettant aucune réserve lors de la réception de l'ouvrage et à tout le moins en ne s'adjoignant pas le service et les conseils d'un maître d''uvre et que ces fautes sont à l'origine du dommage ;

qu'en toute hypothèse, il est largement démontré son immixtion importante dans les choix et la direction des travaux, d'autant qu'une entreprise générale ne saurait se substituer à un maître d''uvre, le fait que l'expert judiciaire n'ait pas retenu cette hypothèse n'étant pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

La SMABTP en conclut qu'elle est fondée à être relevée et garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre pour une part qui ne saurait être inférieure à 20 %.

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir la cour 'dire et juger' ou 'juger' lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

La cour rappelle par ailleurs qu'en application de l'article 954 du Code de procédure civile, elle ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et qu'elle ne peut de ce fait se prononcer sur des prétentions qui n'y seraient pas intégrées.

En l'espèce, sans tenir compte des demandes accessoires, [I] [D] ne présente dans le dispositif de ses écritures qu'une unique demande, à savoir que la SMABTP soit condamnée à prendre en charge le sinistre de son assuré, l'entreprise Goncalves, évalué à 16 500 € TTC, ce qui peut se comprendre comme une demande de condamnation de la SMABTP en sa qualité d'assureur de la société Goncalves, à payer la somme de 16 500 € TTC, coût des travaux de reprise, sans qu'il soit précisé toutefois si cette somme doit être versée aux époux [R] ou à [I] [D].

Il convient cependant d'observer que [I] [D] a été condamné en première instance à payer aux époux [R] la somme de 16 500 € au titre de la garantie des vices cachés et que cette condamnation est définitive dès lors que les époux [R] n'ont pas été intimés dans le cadre de la présente procédure d'appel.

En réalité, [I] [D] semble par son argumentation et les moyens qu'il développe dans ses écritures considérer que l'entreprise Goncalves, avec laquelle il a contracté, a engagé sa responsabilité décennale au titre des désordres du chantier et que donc la SMABTP, en sa qualité d'assureur décennal, lui doit sa garantie, étant précisé qu'il semble évoquer subsidiairement la responsabilité contractuelle, voire délictuelle de l'entreprise Goncalves, alors qu'il n'est pas contesté que dans le cadre de sa garantie, la SMABTP ne couvre que la garantie décennale, toute action à l'encontre de la SMABTP en dehors de ce cadre ne pouvant donc prospérer.

En application de l'article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

La cour rappelle qu'au sens de ces dispositions, la responsabilité décennale est une responsabilité de plein droit, indépendante de toute notion de faute, et qu'il suffit pour qu'elle soit engagée qu'il soit démontré l'existence d'un dommage compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, survenu dans le délai décennal, soit dans le délai de 10 ans à compter de la réception des travaux.

En l'espèce, les désordres dénoncés par les époux [R] consistaient en une humidité à niveau du pisé de terre au pied du mur de la façade sud-ouest de la cuisine, un affaissement de la terrasse, et en des enduits de façade révélant des tâches d'humidité.

L'expert [S] explique que l'entreprise Goncalves a réalisé un remblaiement en cours de chantier, constitué de déchets issus du chantier de rénovation, et réalisé une terrasse en béton contre le mur sud-ouest de la cuisine qui n'a pas été exécutée dans les règles de l'art, avec en particulier une absence de bêche périphérique expliquant le tassement de la terrasse.

Il précise que le remblaiement effectué au pied du mur de la cuisine et la réalisation de la dalle béton ont eu pour conséquence de réduire fortement l'efficacité du soubassement présent en pied de mur, et créer la possibilité de remontées d'eau par voie capillaire dans le corps du mur en pisé, ce qui explique l'humidité constatée.

Il indique enfin que les enduits appliqués dans le cadre de la réfection des enduits de façade contiennent du ciment et sont inadaptés à un support en pisé de terre, car empêchant le mur de respirer, d'où le confinement de l'humidité dans le corps du mur.

Il attribue la responsabilité de ces désordres à l'entreprise Goncalves et chiffre les travaux de reprise à 16 500 € TTC.

Il relève enfin que les désordres affectant le mur sud-ouest de la cuisine ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage à brève échéance, mais que dans l'hypothèse où cette situation perdurerait pendant plusieurs mois ou années, la poursuite de l'humidification du mur aboutirait à l'apparition de désordres structurels graves compromettant la solidité de l'ouvrage à type d'effondrement.

A l'instar du premier juge, la cour relève d'une part, qu'aucune impropriété à destination n'est établie, nul ne soutenant que l'eau pénétrerait dans le logis ou que l'humidité s'y ferait ressentir, d'autre part que si l'expert a relevé un risque à terme pour la stabilité du mur, susceptible d'apparaître à l'échéance de quelques années, un tel risque n'était pas survenu 11 années après la prise de possession et le règlement du marché caractérisant une réception tacite du chantier (30 avril 2005), lorsque l'expert judiciaire a établi son rapport, et n'est pas plus survenu à ce jour, ce qui permet d'exclure toute atteinte à la solidité de l'ouvrage apparue dans le délai décennal.

La cour rappelle à ce titre, et contrairement à ce que soutient [I] [D], que pour relever de la responsabilité décennale, les désordres doivent rendre l'ouvrage impropre à sa destination ou porter atteinte à sa solidité avant l'expiration du délai de 10 ans commençant à courir au jour de la réception des travaux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La cour ajoute que le fait que l'enduit appliqué pour la réfection des enduits de façade contienne du ciment, et est donc inadapté à un support en pisé, ne peut suffire à retenir une impropriété à destination au sens de l'article 1792 du Code civil, l'impropriété à destination devant s'apprécier par rapport à l'ouvrage dans son intégralité et non simplement par rapport à ses éléments de conception.

La cour en déduit que la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a retenu que les désordres ne rendant pas l'immeuble impropre à sa destination et ne compromettant pas la solidité de l'ouvrage dans le délai décennal, la garantie décennale de la SMABTP n'était pas mobilisable et la cour en conséquence déboute [I] [D] de sa demande visant à voir condamner la SMABTP à prendre en charge le sinistre de son assuré à hauteur de 16 500 € TTC.

[I] [D] succombant, la cour le condamne aux dépens à hauteur d'appel.

La cour condamne [I] [D] à payer à la SMABTP la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a retenu que les désordres ne rendant pas l'immeuble impropre à sa destination et ne compromettant pas la solidité de l'ouvrage dans le délai décennal, la garantie décennale de la SMABTP n'était pas mobilisable ;

En conséquence déboute [I] [D] de sa demande visant à voir condamner la SMABTP à prendre en charge le sinistre de son assuré à hauteur de 16 500 € TTC ;

Condamne [I] [D] aux dépens à hauteur d'appel ;

Condamne [I] [D] à payer à la SMABTP la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.