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Décisions

CA Riom, ch. com., 4 septembre 2024, n° 23/00601

RIOM

Arrêt

Autre

CA Riom n° 23/00601

4 septembre 2024

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 4 septembre 2024

N° RG 23/00601 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F7NM

VTD

Arrêt rendu le quatre septembre deux mille vingt quatre

décision dont appel : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de CLERMONT FERRAND, décision attaquée en date du 23 Février 2023, enregistrée sous le n° 2022-001420

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et de Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé

ENTRE :

S.A.S. AUDEBERT BOISSONS

immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le numéro 412 912 453

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

S.A.R.L. BILL&CO

immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le numéro 788 893 501

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Francis ROBIN de la SCP HERMAN ROBIN & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉE

DEBATS : A l'audience publique du 15 Mai 2024 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 04 septembre 2024.

ARRET :

Prononcé publiquement le 04 septembre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 17 décembre 2013, la SAS Audebert Boissons exerçant une activité de commerce de gros et fournitures de boissons, a conclu un contrat de bière avec la SARL DCMAG Le Mistral qui exploite un fond de café-brasserie à [Localité 3] sous l'enseigne 'Le Mistral'. Ledit contrat a été conclu pour une durée de 7 ans.

Dans ce contrat, la SAS Audebert Boissons (le fournisseur) a consenti un prêt sur fonds propres à hauteur de 8 000 euros, ainsi que la mise à disposition de matériels professionnels, et en contrepartie la SARL DCMAG Le Mistral (le revendeur) s'est engagée à s'approvisionner exclusivement en boissons nécessaires à son activité auprès de la SAS Audebert Boissons, avec un objectif contractuel en quantités et volumes de produits.

Le 20 mai 2019, la SARL DCMAG Le Mistral a changé de dirigeant et de dénomination sociale pour devenir la SAS Bill & Co.

À compter de septembre 2020, le nouveau dirigeant de la société Bill & Co aurait cessé de s'approvisionner auprès de la SAS Audebert Boissons alors que le contrat n'était pas arrivé à son terme.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) en date du 29 novembre 2021, la SAS Audebert Boissons a mis en demeure la SARL Bill & Co d'avoir à s'acquitter des sommes de 16 838,05 euros (clause pénale) et 9 382,26 euros (valeur de restitution des matériels mis à disposition) conventionnellement dues par application de l'article 7 conséquente à la rupture d'approvisionnement emportant résiliation de plein droit du marché.

Par acte en date du 30 mars 2022, la SAS Audebert Boissons a fait assigner la SARL Bill & Co devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand aux fins de voir constater la résiliation du contrat à compter de septembre 2020 et d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes sollicitées dans le cadre de la mise en demeure.

Par jugement du 23 février 2023, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a :

- dit la SAS Audebert Boissons recevable mais mal fondée en son action ;

- débouté la SAS Audebert Boissons de toutes ses demandes ;

- condamné la SAS Audebert Boissons à payer à la SARL Bill & Co la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Audebert Boissons aux dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés à 60,22 euros T.V.A incluse.

Le tribunal a considéré que si la SAS Audebert Boissons était recevable à agir, elle ne pouvait néanmoins se prévaloir d'aucun impayé puisque le prêt consenti par la SARL Bill & Co avait été remboursé dans sa totalité à la date du 15 juillet 2020, soit avant le terme du contrat.

De plus, il a relevé que les objectifs figurant dans le tableau inséré au contrat n'avaient jamais été atteints par le revendeur pendant toute la durée du contrat, et que pour autant il n'y avait jamais eu de réaction émise par la SAS Audebert Boissons.

Par déclaration du 5 avril 2023 enregistrée le 6 avril 2023, la SAS Audebert Boissons a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 28 juin 2023, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1 et 1231-6 du code civil, 514 du code de procédure civile, de :

- dire et juger recevable et bien fondé son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 23 février 2023 ;

- y faisant droit, infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau :

- constater, en tant que de besoin, la résiliation de droit du contrat du 17 décembre 2013 à compter de septembre 2019 du fait de la SARL Bill & Co ;

- condamner la SARL Bill & Co à lui payer les sommes de 16 838,05 euros au titre de la clause pénale prévue conventionnellement et 9 382,36 euros au titre de la restitution en valeur des matériels mis à disposition du revendeur ;

- dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2021 ;

- condamner la SARL Bill & Co à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Bill & Co aux entiers dépens de l'instance.

Elle conclut à la parfaite validité de la clause d'inexécution figurant à l'article 7 du contrat de marché de fourniture de boissons. Elle observe que la précédente direction de l'entité revendeuse a toujours satisfait à l'objectif de chiffre d'affaires s'agissant des boissons hors bières, qu'elle a atteint s'agissant des volumes de bières en fûts, des niveaux tout-à-fait raisonnables, et enfin s'agissant des volumes de bières en bouteilles, elle a atteint des volumes correspondant peu ou prou à environ 50 % de l'objectif contractuel. Elle estime qu'il est péremptoire et hasardeux de prétendre que les objectifs fixés n'étaient pas réalisables. Elle ajoute que la nullité partielle dont se prévaut la SARL Bill & Co sur le fondement de la clause d'inexécution du marché de fourniture de boissons a été confirmée par l'exécution volontaire du contrat en connaissance des obligations incriminées pendant cinq ans.

Elle fait ensuite valoir qu'elle a exécuté régulièrement et avec loyauté le contrat ; que la SARL Bill & Co a commencé à se dérober à l'ensemble de ses obligations avant la crise sanitaire.

Enfin, elle soutient qu'il n'existe aucune raison de neutraliser l'effet du mécanisme conventionnel l'autorisant, en cas d'insuffisance des approvisionnements par rapport aux objectifs contractuels ne lui apparaissant pas suffisamment prolongée ou préjudiciable, de ne pas se prévaloir de la résolution. Elle estime que le tribunal a dénaturé les termes de la convention.

Par conclusions déposées et notifiées le 18 juillet 2023, la SARL Bill & Co demande à la cour, au visa des articles L.442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat, 1134 ancien du code civil, 1217, 1224 du code civil, de :

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 23 février 2023 ;

- à titre subsidiaire, prononcer la nullité de la clause relative à la durée du contrat indiquant que le contrat sera poursuivi au-delà de 7 ans en cas de non atteinte des objectifs poursuivis ;

- prononcer la nullité de l'article 7 du contrat de fourniture de boissons conclu entre les parties en raison du déséquilibre significatif entre les obligations des parties et donc la nullité de la clause pénale et de la clause de restitution du matériel par valeur équivalente à la valeur d'origine ;

- constater que le contrat a pris fin à compter du 13 novembre 2019 et à défaut au 15 juillet 2020 ;

- à titre infiniment subsidiaire, prononcer la résolution judiciaire du contrat en raison de l'inexécution contractuelle de la SAS Audebert Boissons ;

- en tout état de cause, débouter la SAS Audebert Boissons de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la SAS Audebert Boissons au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même société aux entiers dépens.

Elle se prévaut d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties tel que prévu par l'article L.442-6 du code de commerce : les objectifs contractuels mis à sa charge étaient irréalisables, comme le démontrent les volumes effectivement réalisés, alors que l'article 2 du contrat prévoyait que les quantités conventionnelles devaient correspondre à la capacité réelle du débit de boissons du revendeur. Il aurait fallu qu'elle continue de s'approvisionner exclusivement, pendant a minima 7 autres années auprès de la SAS Audebert Boissons pour réaliser les objectifs, le contrat était ainsi affecté d'un vice de perpétuité. Elle conclut que la clause pénale, la clause de restitution en valeur des avantages contractuels à la valeur d'origine seront déclarées nulles, ainsi que la clause prévoyant la poursuite du contrat au-delà de 7 ans en cas de non atteinte des objectifs poursuivis.

Elle précise que le contrat a certes été signé le 17 décembre 2013 pour une durée de 7ans, mais la date de prise d'effet doit être fixée soit au 13 novembre 2012, date de mise à disposition du matériel, ou au 15 juillet 2013, date à laquelle le prêt sur fonds propres a commencé à être remboursé. Elle en conclut qu'en septembre 2020, elle n'était plus engagée.

Elle ajoute que la période à laquelle l'appelante fait référence pour résilier le contrat caractérise un manquement au devoir de loyauté et à l'exécution de bonne foi par le fournisseur, car si celui-ci considère que le contrat devait se poursuivre en septembre 2020, il ne pouvait ignorer le contexte de crise sanitaire qui régnait à cette époque.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2023.

MOTIFS :

- Sur la demande de la SARL Bill & Co visant à voir prononcer la nullité de l'article 7 du contrat de fourniture de boissons

La SARL Bill & Co demande de prononcer la nullité de l'article 7 du contrat de fourniture de boissons en raison du déséquilibre significatif entre les obligations des parties, et donc la nullité de la clause pénale et de la clause de restitution du matériel par valeur équivalente à la valeur d'origine, et ce, sur le fondement de l'article L.442-6 du code de commerce dans sa version applicable à la date du contrat (13 décembre 2013).

Selon l'article L.442-6 ancien du code de commerce :

'I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ;

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

3° D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit ;

4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ;

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas ;

6° De participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ;

7° De soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 ou qui sont manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartent au détriment du créancier, sans raison objective, du délai indiqué au huitième alinéa de l'article L. 441-6. Est notamment abusif le fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émission de la facture ;

8° De procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n'ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant ;

9° De ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle ;

10° De refuser de mentionner sur l'étiquetage d'un produit vendu sous marque de distributeur le nom et l'adresse du fabricant si celui-ci en a fait la demande conformément à l'article L. 112-6 du code de la consommation ;

11° D'annoncer des prix hors des lieux de vente, pour un fruit ou légume frais, sans respecter les règles définies aux II et III de l'article L. 441-2 du présent code ;

12° De ne pas joindre aux fruits et légumes frais destinés à la vente ou à la revente à un professionnel établi en France, lors de leur transport sur le territoire national, le document prévu à l'article L. 441-3-1 ;

13° De bénéficier de remises, rabais et ristournes à l'occasion de l'achat de fruits et légumes frais en méconnaissance de l'article L. 441-2-2.

II.-Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité :

a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale ;

b) D'obtenir le paiement d'un droit d'accès au référencement préalablement à la passation de toute commande ;

c) D'interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu'il détient sur lui ;

d) De bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ;

e) D'obtenir d'un revendeur exploitant une surface de vente au détail inférieure à 300 mètres carrés qu'il approvisionne mais qui n'est pas lié à lui, directement ou indirectement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-concurrence postcontractuelle, ou de subordonner l'approvisionnement de ce revendeur à une clause d'exclusivité ou de quasi-exclusivité d'achat de ses produits ou services d'une durée supérieure à deux ans.

L'annulation des clauses relatives au règlement entraîne l'application du délai indiqué au deuxième alinéa de l'article L. 441-6, sauf si la juridiction saisie peut constater un accord sur des conditions différentes qui soient équitables.

III.-L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article.

Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation.

La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Elle peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne condamnée.

La juridiction peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte.

Les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

Ces juridictions peuvent consulter la Commission d'examen des pratiques commerciales prévue à l'article L. 440-1 sur les pratiques définies au présent article et relevées dans les affaires dont celles-ci sont saisies. La décision de saisir la commission n'est pas susceptible de recours. La commission fait connaître son avis dans un délai maximum de quatre mois à compter de sa saisine. Il est sursis à toute décision sur le fond de l'affaire jusqu'à réception de l'avis ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de quatre mois susmentionné. Toutefois, des mesures urgentes ou conservatoires nécessaires peuvent être prises.L'avis rendu ne lie pas la juridiction.

IV.-Le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire.'

Outre que la SARL Bill & CO se prévaut d'un fondement juridique qui ne peut être invoqué à l'appui d'une action que devant certaines juridictions commerciales, en l'espèce le tribunal de commerce de Lyon, et dont l'appel ne peut être porté que devant la cour d'appel de Paris (article D.442-3 du code de commerce), elle forme en outre une demande de nullité des clauses du contrat en s'appuyant sur un texte prévoyant l'engagement de la responsabilité d'une personne soumettant son partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Le droit commun des contrats n'est invoqué qu'à l'appui de la demande en résolution du contrat.

La SARL Bill & Co se verra ainsi déboutée de cette demande.

- Sur la demande en résolution du contrat formée par la SARL Bill & Co et sur la demande en résiliation formée par la SAS Audebert Boissons et ses conséquences

La SARL Bill & Co soutient tout d'abord qu'en septembre 2020 date de la fin des approvisionnements, elle n'était plus engagée puisque le délai de 7 ans avait pris fin, soit depuis le 13 novembre 2019 au plus tôt (le 13 novembre 2012 correspondant à la date à laquelle la société Audebert Boissons a mis à disposition la machine à café et le moulin à café), soit depuis le 15 juillet 2020 (le 15 juillet 2013 correspondant à la date à laquelle le prêt sur fonds propres de 8 000 euros a commencé à être remboursé) ; qu'ainsi la SAS Audebert Boissons n'était plus fondée à se prévaloir de l'article 7 du contrat d'approvisionnement et de la résiliation du contrat aux torts du revendeur.

Or, le contrat a été signé le 17 décembre 2013 ; il s'intitule 'marché de fournitures de boissons'; les engagements du fournisseur sont de plusieurs ordres :

- prêt sur fonds propres de 8 000 euros sur 7 ans, la première échéance intervenant le 15 juillet 2013 ;

- coopérations commerciales trimestrielles : 30 euros / HT HD sur les produits bières en fût en provenance des brasseries AB-INBEV ; 5 % HT HD du chiffre d'affaires des autres produits (hors cafés, vins et champagnes, spiritueux et formats dits à emporter) ;

- mise à disposition des matériels suivants : tirage pression installé le 7 décembre 2012 ; machine à café mise en place le 13 novembre 2012 ; moulin à café mis en place le 13 novembre 2012.

En contrepartie, le revendeur devait acheter exclusivement au fournisseur les produits spécifiés sous l'article 3 pour les quantités conventionnelles ou valeurs déterminées aux conditions générales du fournisseur.

L'article 5 du contrat stipulait que le marché était conclu pour une durée d'exécution de 7 ans sans interruption autre que celle prévue à l'article 7.

Il n'existe aucune raison de différer la date du contrat en l'absence de stipulations spécifiques sur ce point. Le contrat devait donc a minima se terminer le 17 décembre 2020.

L'article 7 de ce contrat prévoyait :

'Sauf cas de force majeure, pour le fournisseur, comme pour le revendeur, l'engagement d'exclusivité sera poursuivi en exécution jusqu'à complet achèvement de sa durée.

Si le revendeur devait ne pas remplir intégralement l'une quelconque des obligations découlant de ce contrat, et si le fournisseur ne décide pas expressément d'en poursuivre l'exécution, le marché sera résilié de plein droit. La résolution est acquise sans mise en demeure préalable ou accomplissement de formalités judiciaires, et la clause pénale est exigible dès que la résolution est acquise.

Dans ce dernier cas, le revendeur s'engage à restituer les avantages mentionnés à l'article 1 ou accordés à toute autre occasion, ou à les rembourser à leur valeur d'origine à titre de restitution en valeur, à la convenance du fournisseur.

Le revendeur aura, en outre, à payer au fournisseur, des dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs à un montant fixé forfaitairement, à titre de clause pénale, à 20 % du prix des quantités ou valeurs manquantes, jusqu'à l'atteinte des objectifs prévus visés à l'article 5 valorisés sur la base de la dernière facturation.'

La SARL Bill & Co soutient que la société Audebert Boissons a fait preuve de déloyauté dans les relations commerciales dans la mesure où elle a résilié le contrat alors même qu'elle ne pouvait ignorer le contexte de crise sanitaire qui régnait à cette époque, les débits de boissons ayant fait l'objet d'une fermeture administrative pendant plusieurs mois, et elle a ainsi dû vivre sur ses stocks pendant une durée exceptionnellement plus longue par rapport aux années précédentes.

Toutefois, outre qu'en septembre 2020 les débits de boissons étaient ouverts et que le contrat n'était donc pas suspendu précisément à cet instant, les manquements dans les objectifs étaient bien antérieurs, et il peut être constaté qu'en 2019, la SARL Bill & Co avait drastisquement réduit ses commandes.

S'agissant par ailleurs des différents manquements reprochés à la SAS Audebert Boissons, il n'est justifié d'aucune demande d'intervention quant à un éventuel dysfonctionnement des matériels mis à disposition, ou encore du non versement des coopérations commerciales, ces reproches intervenant bien tardivement. La demande en résolution formée par l'appelante sera donc rejetée.

Néanmoins, conformément à la demande de la SAS Audebert Boissons, il y a lieu de constater la résiliation de droit de ce contrat à compter de septembre 2020 du fait de la SARL Bill & Co, date de la rupture des approvisionnements.

Le jugement ne peut en l'état être confirmé dans la mesure où il a neutralisé sans pour autant annuler la clause d'objectifs et la clause pénale auxquelles l'intimée était soumise.

En vertu de l'article 7 du contrat, le revendeur s'est engagé à 'restituer les avantages mentionnés à l'article 1 ou accordés à toute autre occasion, ou à les rembourser à leur valeur d'origine à titre de restitution en valeur, à la convenance du fournisseur'.

La SARL Bill & Co sera donc condamnée à restituer la somme de 7 818,63 euros HT au titre des matériels mis à disposition en valeur (4 708,63 + 2 490 + 620).

Par ailleurs, selon l'article 1126 ancien du code civil, la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution. Et l'article 1152 alinéa 2 ancien du code civil énonce que le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

La clause figurant à l'article 7 du contrat stipulant : 'Le revendeur aura, en outre, à payer au fournisseur, des dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs à un montant fixé forfaitairement, à titre de clause pénale, à 20 % du prix des quantités ou valeurs manquantes, jusqu'à l'atteinte des objectifs prévus visés à l'article 5 valorisés sur la base de la dernière facturation' constitue une clause pénale.

La SAS Audebert Boissons sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 16 838,05 euros à ce titre.

Or, la SARL Bill & Co avait pour objectifs de réaliser annuellement :

- 45 hectolitres de bières fûts et bouteilles en provenance des brasseries AB-INBEV ;

- 3 hectolitres de bières bouteilles en provenance d'autres brasseries ;

- 15 000 euros HT 'HD HVSS' (chiffre d'affaires HT à l'exception des bières).

Si la SARL Bill & Co a réalisé l'objectif lié au chiffre d'affaires de 2014 à 2017, tous les autres objectifs n'ont jamais été atteints, et ce, y compris les deux premières années contrairement à ce que soutient le fournisseur, et ce, dans des proportions importantes, ce qui explique d'ailleurs le quantum de la clause pénale réclamé en fin de contrat. Pourtant, l'article 2 de ce contrat prévoyait que les quantités conventionnelles déterminées devaient correspondre à la capacité réelle du débit de boissons du revendeur. Or, au bout de deux ans, le revendeur atteignait à peine la moitié des objectifs fixés en terme d'achat de bières.

La SAS Audebert Boissons avait conscience de cette difficulté dans la mesure où elle a proposé notamment à la SARL Bill & Co, cessionnaire du fonds de commerce, de réduire les achats annuels en bières toutes brasseries confondues, à 18 hectolitres et de fixer un achat de café Téo à 180 kg. L'avenant n'a pas été approuvé dans la mesure où la durée du marché devait en contrepartie être prorogée de trois ans.

Au surplus, la SAS Audebert Boissons a attendu le 29 novembre 2021 pour se prévaloir de la résiliation du contrat, sans ne jamais émettre le moindre reproche à sa co-contractante durant toute son exécution.

En outre, il n'est pas contesté que le prêt sur fonds propres a été intégralement remboursé.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, il apparaît que 'la peine' convenue entre les parties au sens de l'article 1152 ancien du code civil, est manifestement excessive, et sera réduite à un euro.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant principalement à l'instance, la SARL Bill & Co sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Néanmoins, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau :

Constate la résiliation de droit du contrat du 17 décembre 2013 à compter de septembre 2020 du fait de la SARL Bill & Co ;

Condamne la SARL Bill & Co à payer à la SAS Audebert Boissons la somme de 7 818,63 euros HT au titre de la restitution en valeur des matériels mis à disposition du revendeur ;

Réduit à un euro la clause pénale prévue à l'article 7 du contrat de fourniture de boissons du 17 décembre 2013, que la SARL Bill & Co sera condamnée à payer à la SAS Audebert Boissons ;

Déboute la SARL Bill & Co de ses demandes en nullité des clauses du contrat et sa demande visant à voir prononcer la résolution du contrat ;

Déboute la SAS Audebert Boissons du surplus de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Audebert Boissons aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, La présidente,