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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 4 septembre 2024, n° 23/06940

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Masson-Bessou, M. D'Ussel

Avocats :

Me De Fourcroy, Me Lalanne, Me Rose, Me Ladignac-Philippe

TJ Saint-Etienne, du 17 août 2023, n° 23…

17 août 2023

Exposé du litige

Suivant acte sous seing privé du 30 juin 2009 portant contrat de location, [B] [G] et [H] [N] ont donné à bail à la SNC Crozet, à compter du 1er avril 2009, des locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 2], comprenant un magasin situé au rez-de-chaussée éclairé par trois ouvertures sur la [Adresse 6], une pièce servant de réserve et deux caves.

Le fonds de commerce était destiné à l'activité de vente de journaux, jeux et débits de tabac.

Le 29 octobre 2013, la SNC Crozet a cédé son fonds de commerce à [A] [K] et le 15 mars 2016, [S] [Y], fille de [A] [K], est venue aux droits de sa mère qui était décédée.

En raison de difficultés rencontrées pour céder le fonds de commerce dont elle avait hérité, les bailleurs s'opposant à cette cession, [S] [Y] a saisi le Président du Tribunal de grande instance de Saint-Etienne, lequel, par ordonnance de référé du 19 janvier 2017 a autorisé la cession, considérant le refus opposé par les bailleurs comme abusif.

Par acte du 27 février 2017, [F] [C] a acquis le fonds de commerce et par courrier du 6 mars 2017 a informé les bailleurs de son intention de réaliser des travaux d'agencement partiel et de décoration à partir du 2 mars 2017 dans le cadre de l'embellissement de l'espace de vente et de la mise aux normes des locaux.

Dans ce contexte, [F] [C] a confié la réalisation de ces travaux à l'EURL Atmosphère Agencement et joint à sa demande d'autorisation, des vues en trois dimensions de l'espace de vente.

Aux motifs qu'il avait été constaté au mois d'août 2017 lors d'une visite des lieux qu'[F] [C], au cours des travaux réalisés, avait déposé les lattis et marins pour poser un faux-plafond, que ces travaux, qui portaient atteinte à la structure de l'immeuble n'avaient pas été autorisés, qu'il avait été vainement demandé au preneur de procéder à la remise en état du local à de nombreuses reprises, les bailleurs, par exploit du 18 janvier 2023, ont fait délivrer à [F] [C] une sommation d'avoir à respecter les clauses du bail et de procéder à la remise en état du local dans le délai d'un mois, la sommation indiquant que les bailleurs à défaut entendaient se prévaloir de la clause résolutoire insérée au contrat de bail.

Soutenant qu'il n'avait pas été déféré à cette sommation, [B] [G] et [H] [N], par exploit du 3 mars 2023, ont assigné [F] [C] devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Saint-Etienne aux fins de voir au principal constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail et statuer sur ses conséquences, voir condamner [F] [C] à procéder à la remise en état des lieux sous astreinte et à leur payer la somme de 38 000 € à titre d'indemnisation des travaux de remise en état.

En défense, [F] [C] a opposé au principal l'existence de contestations sérieuses et demandé à titre reconventionnel que les bailleurs soient condamnés à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 17 août 2023, le juge des référés a :

Rejeté la demande de nullité de l'assignation délivrée le 3 mars 2023 ;

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Condamné in solidum [H] [N] et [B] [G] à payer à [F] [C] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Le juge des référés a retenu en substance :

que compte tenu de la connaissance par les bailleurs de la dépose des lattis et marins depuis plus de cinq ans, la délivrance de la sommation est susceptible de caractériser un usage de mauvaise foi par les bailleurs de leurs prérogatives contractuelles et se heurte à une contestation sérieuse faisant obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire en référé ;

que par ailleurs, l'offre de renouvellement du bail faite en parallèle par le bailleur permettant une poursuite de celui-ci, il existe également une contestation sérieuse à la demande de remise en état du local et de provision à valoir sur le coût des travaux de remise en état ;

que l'appréciation du comportement des bailleurs, au regard des circonstances, relève du juge du fond et qu'au stade du référé il ne peut être retenu un abus du droit d'agir en justice et qu'il n'y a donc lieu à référé sur la demande présentée par [F] [C] sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile.

Par acte régularisé par RPVA le 7 septembre 2023, [H] [N] et [B] [G] ont interjeté appel de l'intégralité des chefs de décision figurant au dispositif de l'ordonnance de référé du 17 août 2023, dont ils ont repris les termes dans leur déclaration d'appel.

Aux termes de leurs dernières écritures, régularisées par RPVA le 15 décembre 2023, [B] [G] et [H] [N] demandent à la cour de :

Vu le Code de commerce et notamment l'article 145-5, vu l'article 808 du Code de procédure civile, vu l'article 1217 du Code civil,

Dire l'appel recevable et bien fondé ;

Infirmer l'ordonnance de référés du 17 août 2023 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé et les a condamnés aux dépens et à payer à [F] [C] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Confirmer l'ordonnance de référé du 17 août 2023 en ce qu'elle a :

Rejeté la demande de nullité de l'assignation délivrée le 3 mars 2023,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'[F] [C] sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile.

Et, statuant à nouveau :

A titre principal :

Constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ;

Ordonner l'expulsion de [F] [C] et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

Fixer l'indemnité d'occupation au montant fixé par le bail ;

Condamner [F] [C] à leur verser la somme de 38 000 € en réparation des travaux de remise en état ;

Débouter [F] [C] de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire :

Condamner [F] [C] à procéder à la remise en état des lieux sous la surveillance Monsieur [V], architecte, et ce dans le délai de 4 mois à compter de l'ordonnance à intervenir sous peine d'une astreinte de 500 € par jour de retard ;

En tout état de cause :

Condamner [F] [C] à leur verser une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure, outre les entiers et frais de l'instance ;

Les appelants exposent :

que la réalisation de travaux non autorisés par les bailleurs a été constatée par [H] [N] dans un courriel du 26 juillet 2017 puis par un Huissier de justice qui a dressé un procès-verbal le 28 août 2017 et que dans le cadre de ce procès-verbal, [F] [C] s'était engagée à faire poser une couche d'isolant dans les plus brefs délais ;

que fort de cet engagement, ils ont alors attendu qu'elle réalise ces travaux de mise en conformité, ce qu'elle n'a finalement jamais fait ;

que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ils ne sont pas restés inactifs durant cette période, multipliant les demandes et relances en ce sens, ce dont ils justifient, ayant même diligenté une procédure de conciliation en juin 2023, laquelle s'est soldée en septembre 2023 par un échec, [F] [C] ayant refusé de reconnaître sa responsabilité et de faire les travaux.

Les appelants soutiennent au visa de l'article 834 du Code de procédure civile, être fondés en leur demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial et font valoir à ce titre que la prescription ne peut leur être opposée, alors que :

la Cour de cassation retient comme point de départ de la prescription, la date de la manifestation du dommage, qui, dans le cadre d'un bail commercial est fixé à la date du renouvellement du bail commercial ;

en l'espèce, le bail commercial expirait le 31 mars 2018, le délai de prescription commençant donc à courir à compter du 1er avril 2018 pour une durée de cinq ans, de sorte qu'il se terminait le 31 mars 2023, n'étant dès lors par expiré puisqu'ils ont délivré leur assignation le 3 mars 2023 ;

qu'en tout état de cause, si le point de départ de la prescription n'était pas considéré comme se situant à la date de renouvellement du bail, ils ont initié une procédure de conciliation dont la première réunion est intervenue en juin 2022, soit avant la date d'achèvement de la prescription quinquennale dont le point de départ serait fixé au 26 juillet 2017, date à laquelle ils ont eu connaissance des désordres affectant les lattis et les marins, et que compte tenu de cette procédure, la prescription a recommencé à courir à compter du 14 septembre 2022, après l'échec de la tentative de conciliation pour une durée maximale de six mois, soit jusqu'au 14 mars 2023 et qu'ils ne sont donc pas prescrits en leur action.

Les appelants soutiennent également que la validité de la sommation qu'ils ont délivrée le 18 janvier 2023 ne peut être contestée, aux motifs :

que la sommation rappelait les stipulations du bail, détallait les manquements reprochés et faisait clairement état de la remise en état des lattis et des marins qu'[F] [C] avait fait déposer ;

que dans ces conditions, la sommation est suffisamment précise.

Les appelants font valoir par ailleurs que leur bonne foi ne peut être remise en cause.

Ils exposent à ce titre :

qu'ils n'ont pas eu connaissance de la dégradation des plafonds lors de la demande de travaux dans la mesure où cette demande ne portait que sur des travaux d'agencement partiel, de décoration, d'embellissement et de mise aux normes et qu'il n'avait jamais été évoqué des travaux affectant la structure de l'immeuble ;

que lorsqu'ils ont appris la dépose des lattis et des marins, [F] [C] a reconnu sa responsabilité et a accepté de faire des travaux ;

qu'ils ont ensuite multiplié les tentatives amiables pour parvenir à ce que les travaux de remise en état soient effectués par [F] [C], ce dont ils justifient, mais que pour autant celle-ci n'a jamais répondu aux courriers qui lui ont été adressés.

[H] [N] et [B] [G] concluent que leur demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial est incontestable, alors que :

ils ont fait sommation à [F] [C] de procéder à la remise en état des locaux loués par un exploit en date du 18 janvier 2023, sommation visant l'article 17 du bail et la clause résolutoire du bail ;

[F] [C] n'a pas déféré à cette sommation.

Les appelants considèrent par ailleurs être fondés en leur demande de remise en état des lieux loués, au visa de l'article 1217 du Code civil, alors que :

en application de l'article 10 du contrat de bail, tous les travaux qu'[F] [C] souhaitait réaliser devaient être soumis pour accord aux propriétaires et qu'à la fin du bail, ils sont donc en droit de demander à [F] [C] de remettre en état les lieux loués à ses frais ;

plus précisément, les lattis et les marins présents depuis la construction de l'immeuble à la fin du XIX ème siècle ont été arrachés ;

de surcroît, les lattis et les marins du plafond assuraient, outre le coupe-feu et l'isolation phonique et acoustique, la stabilité de l'immeuble, comme en atteste Monsieur [V], architecte, leur dépose ayant eu pour conséquence d'affecter la structure de l'immeuble ;

il est donc justifié, compte tenu de la résiliation du bail commercial, qu'[F] [C] soit condamnée à leur verser la somme de 38 000 € correspondant à la somme nécessaire pour procéder à la remise en état des lieux.

Ils ajoutent que si, par extraordinaire, la cour devait ne pas constater l'acquisition de la clause résolutoire, [F] [C] doit être condamnée à procéder à la remise en état des lieux sous la supervision de Monsieur [V], l'architecte qu'ils ont choisi.

Ils s'opposent enfin à la demande reconventionnelle pour procédure abusive présentée par [F] [C] et à sa demande visant à voir constater une omission de statuer à ce titre, aux motifs :

qu'en disant qu'il n'y avait pas lieu à référé, le juge des référés a bien statué sur la demande d'[F] [C] présentée sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;

qu'il a fallu qu'ils fassent signifier une sommation de faire visant la clause résolutoire pour qu'[F] [C] prenne la mesure des manquements contractuels et commence à réaliser des travaux ;

que de multiples tentatives de résolutions amiables (dont la conciliation du mois de septembre 2022) n'ont pas permis de résoudre ce différend ;

que dans ces conditions, ils étaient parfaitement fondés à agir en référé et que leur procédure n'était aucunement abusive.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 22 février 2024, [F] [C] demande à la cour de :

Vu les articles L.142-4, L.143-41 et L.145-33 et L.145-41 et suivants du Code de commerce,

Vu les articles 1104, 1162 du Code civil, Vu les articles 1217, 1719, 1231-1, 1343-5 et 1344 du Code civil, Vu l'article 606 et 2224 du Code civil, Vu l'article 1134 ancien du Code civil, dont les dispositions figurent désormais aux articles 1103, 1104 et 1193 du Code civil, Vu les articles 484, 566 et 834 du Code de procédure civile, Vu les articles 32-1 et 700 du Code de procédure civile,

Débouter les Consorts [P] de leur appel principal comme injustifié ;

Juger l'existence de contestations sérieuses et dire n'y avoir lieu à référé ;

Déclarer bien fondé son appel incident à l'encontre de l'ordonnance de référé du 17 août 2023 en ce qu'elle a :

omis de statuer sur la demande de condamnation solidaire des Consorts [P] à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile à titre de dommages et intérêts ;

limité la condamnation solidaire des Consorts [P] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

L'infirmer de ces chefs et la confirmer pour le surplus ;

Et y ajoutant :

Condamner solidairement [H] [N] et [M] [G] à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile à titre de dommages et intérêts ;

Condamner solidairement [H] [N] et [M] [G] à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

A titre subsidiaire :

Débouter [H] [N] et [B] [G] de leur demande de condamnation à leur verser la somme de 38 000 € en réparation des travaux de remise en état ;

Débouter [H] [N] et [B] [G] de leur demande de procéder à la remise en état des lieux sous la surveillance de Monsieur [V] dans un délai de 4 mois à compter de l'ordonnance à intervenir sous peine d'astreinte de 500 € par jour de retard ;

Lui octroyer un délai de 12 mois pour répondre sur les points de la sommation et selon les modalités qui seront précisément définies par l'arrêt à intervenir, de manière rétroactive et en conséquence suspendre la clause résolutoire ;

En tout état de cause :

Déclarer irrecevable et infondée la demande de condamnation visant à ce qu'elle verse aux consorts [P] la somme de 1 000 €, constitutive d'une demande nouvelle au sens de l'article 566 du Code de procédure civile et les en débouter de l'intégralité de leurs demandes contraires ;

Débouter les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes contraires ;

Condamner solidairement [H] [N] et [B] [G] à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[F] [C] expose :

que lorsque [A] [K], qui exploitait le fonds de commerce auparavant, est décédée, sa fille [S] [Y], qui venait aux droits de sa mère, alors mineure à la date du décès et qui ne pouvait donc exploiter le fonds de commerce, a demandé aux bailleurs d'être autorisée à le céder mais que ces dernier s'y sont opposés, raison pour laquelle elle a diligenté une procédure à l'issue de laquelle le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Etienne a autorisé la cession, considérant le refus des bailleurs comme abusif ;

que c'est dans ces circonstances qu'elle a acquis le fonds de commerce le 27 février 2017, puis ayant constaté que les locaux étaient vétustes, a informé les Consorts [P] de son souhait de réaliser des travaux d'aménagement et de mise aux normes desdits locaux, notamment par courrier du 6 mars 2017 ;

que les bailleurs ont été informés de l'avancement des travaux tout au long de leur réalisation et que [H] [N] s'est rendu de façon très régulière sur place ;

que toutefois, par courrier du 16 septembre 2021, les consorts [P] lui ont adressé une mise en demeure de réaliser des travaux d'isolation « thermique et phonique », aux motifs qu'il existait des nuisances sonores qui rendaient la location des appartements situés au-dessus du commerce particulièrement difficile, alors qu'en réalité, il semble que la difficulté rencontrée pour louer lesdits appartements réside dans les graves problèmes d'hygiène et de salubrité de ces derniers, tel que relevé par un rapport de salubrité des autorités publiques ;

que néanmoins, dans un souci d'apaisement, elle a fait réaliser les travaux d'isolation tel que commandés par les bailleurs ;

que préoccupés par l'absence d'un système « coupe-feu 1h », au visa d'un document établi par l'architecte Monsieur [V] indiquant que le local ne permettait pas de répondre aux exigences règlementaires d'un plafond de degré coupe-feu 1h entre le commerce et les logements du premier étage, les bailleurs ont saisi la commission de sécurité de la ville de [Localité 2] afin qu'elle se prononce sur ce point, laquelle a rendu un avis favorable au maintien de l'autorisation d'ouverture du public en relevant que le système « coupe-feu 1h », préconisé par l'architecte n'était en réalité ni obligatoire ni nécessaire ;

qu'ensuite, par courrier du 4 octobre 2022, les consorts [P] lui ont adressé une mise en demeure de procéder à la remise en état des plafonds, puis par exploit du 18 janvier 2023, lui ont fait délivrer une sommation d'avoir à respecter les clauses du bail et de procéder à la remise en état du bien ;

que compte tenu des agissements des bailleurs, elle n'a eu d'autre choix que de saisir le Tribunal judiciaire de Saint-Etienne, par exploit du 17 février 2023, aux fins de faire constater la nullité de cette sommation et obtenir l'indemnisation du préjudice résultant du comportement abusif des bailleurs et que c'est dans ces conditions que les Consorts [P] ont diligenté le 3 mars 2023 la présente procédure.

[F] [C] sollicite à titre principal la confirmation de l'ordonnance déférée et le rejet des demandes présentées par [H] [N] et [B] [G], en raison de contestations sérieuses.

Elle fait valoir en premier lieu que l'acquisition de la clause résolutoire ne peut être constatée au regard de la prescription de l'action des bailleurs et de l'invalidité de la sommation qui lui a été délivrée.

S'agissant de la prescription, elle expose :

que l'action en constatation d'acquisition de la clause résolutoire est soumise à la prescription quinquennale de droit de commun de l'article 2224 du Code civil, le délai courant à compter du jour où le bailleur a connu ou aurait dû connaître l'infraction qu'il souhaite faire sanctionner par l'application de la clause résolutoire ;

qu'en l'espèce, dès le 6 mars 2017, les bailleurs avaient une parfaite connaissance des travaux qu'elle faisait réaliser courant mars 2017 et que donc les bailleurs ont eu connaissance de l'infraction qu'ils entendent faire sanctionner, à savoir la réalisation des travaux sans son accord express et écrit, dès le début de ceux-ci, soit à compter du mois de mars 2017 ;

que dès lors, conformément aux règles de prescription quinquennale applicables les consorts [P] pouvaient agir dans un délai de 5 ans à compter du 6 mars 2017, soit jusqu'au 6 mars 2022 et qu'ayant délivré la sommation le 18 janvier 2023, ils ne peuvent plus se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire sur le fondement de travaux réalisés en début d'année 2017 puisque la sommation délivrée est entachée de nullité ;

qu'enfin, la saisine du conciliateur ne peut avoir eu pour effet de suspendre le délai de prescription puisque ce dernier est arrivé à son terme le 6 mars 2022, soit antérieurement à toute conciliation.

S'agissant de la sommation, l'intimée fait valoir :

qu'il est constant, au visa de l'article 1344 du Code civil, qu'à peine de nullité, la rédaction du commandement doit être suffisamment précise et sans équivoque, pour ne laisser au preneur aucun doute sur ses obligations et lui permettre de remédier aux infractions incriminées dans le délai qui lui est imparti ;

qu'en l'espèce, la sommation ne peut qu'être déclaré nulle, compte tenu de l'imprécision de ses termes, ne permettant pas de savoir ce qu'il y a lieu de faire pour remédier à la prétendue faute invoquée ;

que de plus, elle se borne à demander « de procéder à la remise en état des plafonds afin que l'immeuble retrouve sa solidité et que l'isolation phonique, acoustique et coupe-feu soit assurée », ce qui ne permet pas au locataire de savoir quels travaux sont attendus de la part de son bailleur ;

qu'en outre, il est unique de solliciter la remise en état des plafonds visant à garantir l'isolation phonique et thermique du local alors même qu'elle s'est déjà conformée à cette injonction et qu'il en est de même concernant le système coupe-feu pour lequel la commission de sécurité s'est déjà prononcée ;

qu'enfin, si les bailleurs font état dans leur sommation de ce que les lattis qui étaient présents sous le plancher bois du plafond et qui faisait office d'isolant ont été enlevés, aucun élément ne vient corroborer une telle affirmation, étant précisé que le constat d'huissier auquel les bailleurs font référence ne fait que rapporter les propos de [H] [N].

[F] [C] ajoute que la mauvaise foi du bailleur s'oppose, au visa de l'article 1104 du Code civil, à ce qu'il soit fait droit à sa demande d'acquisition de la clause résolutoire.

Elle expose à ce titre :

que les consorts [P] ont toujours été réticents à son acquisition du fonds de commerce et que ce n'est qu'en application de l'ordonnance de référé du 19 janvier 2017 qu'elle a pu venir aux droits du précédent preneur ;

qu'elle a sollicité l'accord des bailleurs pour réaliser les dits travaux, qu'elle a pris le soin de leur adresser les vues en trois dimensions de l'espace de vente et que c'est donc avec une extrême mauvaise foi qu'ils indiquent s'être aperçus « par hasard » de la réalisation desdits travaux en août 2017 ;

que dans un souci d'apaisement, elle a accepté toutes les injonctions de son bailleur en réalisant des travaux d'isolation phonique et thermique par l'entreprise Néo Plâtrerie et qu'elle a également accueilli la commission de sécurité au sein de son commerce afin qu'il se prononce sur la nécessité d'un système « coupe-feu 1h », qui s'est avérée non nécessaire ;

qu'en dépit de l'ensemble de ses démarches, les consorts [P] ne cessent de la menacer de résilier le bail, comme c'était déjà le cas avec l'ancien preneur ;

qu'en outre, les bailleurs n'hésitent pas à multiplier les courriers recommandés depuis qu'elle a pris les lieux à bail, outre de multiples courriels et appels téléphoniques adressés également aux membres de sa famille ;

qu'ils ont saisi l'Unité Enseignes et Publicité de la Ville de [Localité 2] aux fins de la contraindre à retirer les enseignes publicitaires installés en 2008 par l'ancien locataire, l'unité ayant répondu qu'elle n'était en aucun cas responsable car les anciens locataires auraient dû retirer ces enseignes ;

qu'enfin, les bailleurs lui ont également adressé un congé avec offre de renouvellement du bail commercial et déplafonnement en date du 30 septembre 2021 par lequel ils sollicitent que le montant du loyer soit fixé à la somme de 30 441,00 €, soit un loyer mensuel de 2 536,75 €, alors qu'à ce jour, le loyer est de 672,20 €, soit une augmentation de 277,38 % , raison pour laquelle, si elle a consenti expressément au renouvellement du bail commercial, elle s'est opposée au montant du loyer proposé dans l'offre de renouvellement dénoncé par voie d'huissier de Justice.

S'agissant de la demande des bailleurs visant à la voir condamnée à leur payer la somme de 38 000 € au titre de la remise en état des lieux, [F] [C] fait valoir :

que cette somme n'est fondée sur aucun justificatif, si ce n'est un simple courriel émanant de Monsieur [V], ami des bailleurs, indiquant évaluer le coût des travaux de remise en état pour un montant approximatif de 38 000 € ;

qu'à titre subsidiaire, s'il était retenu que les bailleurs sont en droit de solliciter la remise en état du local, il conviendra alors de déterminer avec précision les obligations qui lui incombent à ce titre, en lui octroyant un délai d'un an pour le faire, et ce de façon rétroactive et, de fait, conduire à la suspension de la clause résolutoire.

Enfin, l'intimée demande que la décision déférée soit infirmée en ce qu'elle a omis de statuer sur sa demande de condamnation des consorts [P] au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile, et que la cour les condamne in solidum à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile à titre de dommages et intérêts.

Elle fait valoir à ce titre :

que l'action étant prescrite depuis le 6 mars 2022, elle est manifestement abusive ;

que pour autant, le premier juge a omis de statuer sur cette condamnation puisque rien ne figure au dispositif la concernant et qu'en conséquence, les appelants ne sont pas fondés à solliciter que l'ordonnance déférée soit confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur sa demande.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I : Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences

L'article 834 du Code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Au sens de ce texte, Il y a urgence dès lors qu'un retard dans la décision qui doit être prise serait de nature à compromettre les intérêts légitimes du demandeur, ce qui est nécessairement le cas lorsque la clause résolutoire est acquise, dès lors que le bailleur est privé de son droit de récupérer les locaux qui lui appartiennent.

L'article L. 145-41 du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les consorts [P] ont demandé au juge des référés que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire du bail les liant à [F] [C] aux motifs :

que cette dernière a réalisé en 2017, après avoir acquis le fonds de commerce, des travaux qui ont porté atteinte à la structure de l'immeuble, notamment en déposant les lattis et marins du plafond pour poser un faux plafond, ce sans autorisation des bailleurs, en contravention avec l'article 10 du contrat de bail ;

qu'en dépit d'une sommation qui lui a été délivrée le 18 janvier 2023, [F] [C] n'a toujours pas effectué les travaux ;

que cette dernière ne s'étant pas exécutée dans le mois suivant la délivrance de la sommation, ils sont fondés à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire en application de l'article 17 du contrat de bail.

[F] [C] oppose que la demande des consorts [P] se heurte à des contestations sérieuses, en ce que :

l'action visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire est prescrite, dès lors que les bailleurs ont eu connaissance des travaux litigieux le 6 mars 2017 et ne pouvaient donc agir en acquisition de la clause résolutoire après mars 2022, en raison de la prescription quinquennale ;

en raison de son imprécision, la sommation du 18 janvier 2023 est nulle, une procédure ayant été diligentée devant la 1ère chambre civile du Tribunal judiciaire de Saint-Etienne aux fins de voir constater cette nullité ;

aucun élément ne vient corroborer l'affirmation selon laquelle l'architecte auquel [F] [C] a confié les travaux de rénovation aurait fait déposer le plâtre et le lattis qui étaient présents sous le plancher bois du plafond ;

les bailleurs agissent de mauvaise foi.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats :

que lorsqu'elle a acquis le fonds de commerce le 27 février 2017, [F] a décidé d'entreprendre des travaux pour embellissement et mise aux normes des locaux, travaux confiés à l'Eurl Atmosphère Agencement et devant être réalisés au mois de mars 2017, ce dont elle a informé les bailleurs ;

que le 25 juillet 2017, le bailleur ([H] [N]) a indiqué avoir constaté que le plafond installé antérieurement avait été supprimé, (notamment les lattis et plâtres) ce qui supprimait l'isolation phonique, ce qui aurait été confirmé par un constat d'huissier du 28 août 2017 ;

que par la suite, les bailleurs et plus précisément [H] [N] n'ont eu de cesse au cours des années 2018 à 2022 de solliciter [F] [C] pour que des travaux de remise en état soient effectués ;

que c'est dans ces circonstances qu'a été délivrée le 18 janvier 2023 une sommation visant la clause résolutoire de respecter les clauses du bail et de procéder à la remise en état du bien, et plus précisément de procéder à la remise en état des plafonds afin que l'immeuble retrouve sa solidité et que l'isolation phonique acoustique et coupe-feu soit assurée, cette sommation faisant notamment référence à l'article 10 du contrat de bail.

La cour observe que s'il est reproché en substance à [F] [C] d'avoir fait déposer le plâtre et le lattis qui étaient présents sous le plancher bois du plafond du local commercial, aucun élément objectif, telle une expertise, n'est produit pour établir qu'à l'occasion des travaux qu'elle a fait réaliser, qui eux ne sont pas contestés, les lattis et plâtres ont été enlevés et qu'il en résulte un problème d'isolation phonique et de stabilité de la structure.

La cour observe ainsi qu'en réalité, le désordre dénoncés et leurs conséquences ne ressortent que des seules affirmations du bailleur, de ses indications, reprises par l'huissier de justice dans le constat du 28 août 2017 et de l'exposé de Monsieur [V], son architecte, dans un contexte où les factures établies par l'architecte en charge des travaux du fonds de commerce ne font aucune mention de la dépose des lattis.

S'il n'est pas exclu que les affirmations du bailleur soient fondées, pour autant, elles ne sont pas suffisantes au stade du référé pour qu'il en soit déduit que la clause résolutoire du bail est acquise, déduction qui ne peut intervenir que si elle ne se heurte à aucune contestation sérieuse, et donc s'il est établi de façon certaine et objective que le désordre est existant et imputable à [F] [C], ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par ailleurs, Il n'est pas contesté que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du Code civil.

Or, en application de ces dispositions, le délai de prescription court à compter du jour où le bailleur a connu l'infraction qu'il souhaite faire sanctionner par l'application de la clause résolutoire.

Si les parties sont en désaccord sur ce point de départ, pour autant, il n'est pas contestable qu'à la fin du mois de juillet 2017, le bailleur, en l'occurence [H] [N], avait connaissance des désordres querellés, à supposer qu'ils soient considérés comme établis et qu'à priori, il lui appartenait donc d'agir au plus tard au mois de juillet 2022, alors que la sommation a été délivrée le 18 janvier 2023 et la procédure en référé diligentée le 3 mars 2023.

Par ailleurs, si les appelants soutiennent que la procédure de conciliation a suspendu le délai de prescription, étant rappelé que l'échec de la tentative de conciliation a été constaté le 13 septembre 2022, il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur les incidences des différentes dates de la procédure de conciliation sur une éventuelle suspension de la prescription, incidences sur lesquelles les parties s'opposent et sur lesquelles seul le juge du fond est habilité à se prononcer.

Enfin, il apparaît que le 17 février 2023, [F] [C] a assigné les bailleurs devant le Tribunal judiciaire de Saint-Etienne aux fins de voir juger nulle et sans effet la sommation visant la clause résolutoire du 18 janvier 2023 au regard de la prescription, de son imprécision ne permettant pas au locataire de déterminer ce qu'il doit faire pour déférer aux injonctions de son bailleur. Or, il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de trancher ces différents points, amplement discutés par les parties, sur lesquels le tribunal judiciaire de Saint-Etienne est appelé à se prononcer, ce qui confirme que le litige n'est pas de nature à être tranché par le juge des référés.

La cour en conséquence confirme mais pour ces motifs la décision déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du bailleur en raison de contestations sérieuses faisant obstacle à ce que l'acquisition de la clause résolutoire soit constatée en référé ainsi que la remise en état subséquente du local ordonnée.

II : Sur la demande subsidiaire des bailleurs visant à voir condamner le preneur à remettre les lieux en l'état

Au cas où leur demande d'acquisition de la clause résolutoire est rejetée, les bailleurs demandent qu'[F] [C] soit condamnée sous astreinte à procéder à la remise en état des lieux sous la surveillance de Monsieur [V], architecte, dès lors que les lattis et marins ont été arrachés sans leur autorisation et qu'il en résulte un défaut d'isolation acoustique, une absence de coupe-feu et une atteinte à la structure de l'immeuble.

Or, comme indiqué précédemment, une telle demande se heurte, au visa de l'article 834 du Code de procédure civile, à des contestations sérieuses, dès lors qu'il n'est établi de façon objective ni que les lattis et marins ont été enlevés par [F] [C], ni, à supposer que ce soit le cas, qu'il en résulte un défaut d'isolation phonique, un problème coupe-feu et une atteinte à la structure de l'immeuble.

La cour en conséquence confirme mais pour ces motifs la décision déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

III : Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de [F] [C] pour procédure abusive

[F] [C] soutient que le premier juge a omis de statuer sur sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 5 000 € qu'elle a présentée en première instance. Elle demande l'infirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a omis de statuer sur sa demande et la condamnation des consorts [P] à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile.

La cour constate que, contrairement à ce que soutient [F] [C], le juge des référés s'est bien prononcé sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive qu'elle a présentée puisqu'il indique dans le corps de sa décision :

que 'le seul engagement de la présente instance ne suffit pas à caractériser un abus du droit d'agir en justice, constitutionnellement et conventionnement garanti' ;

qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande d'[F] [C] fondée sur l'article 32-1 du Code de procédure civile, mention reprise dans le dispositif de la décision.

Pour autant, le premier juge ne pouvait dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui constitue une demande distincte de la procédure de référé, fondée sur l'article 1240 du Code civil et ne pouvait que rejeter la demande.

La cour considérant que le rejet de la demande par le premier juge était justifié pour des motifs qu'elle adopte, infirme la décision déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par [F] [C] et statuant à nouveau rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par [F] [C].

IV : Sur les demandes accessoires

Les consorts [P] succombant, la cour confirme la décision déférée qui les a condamnés aux dépens de la procédure de première instance et à payer à [F] [C] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité.

La cour condamne les consorts [P] aux dépens à hauteur d'appel.

La cour condamne les consorts [P] à payer à [F] [C] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé su r la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par [F] [C] et,

Statuant à nouveau :

Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par [F] [C] ;

Confirme la décision déférée pour le surplus ;

Condamne in solidum [H] [N] et [B] [G] aux dépens à hauteur d'appel ;

Condamne in solidum [H] [N] et [B] [G] à payer à [F] [C] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.