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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 4 septembre 2024, n° 23/06476

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Calade Centre Auto (EURL)

Défendeur :

Regie Berthaud Cogerim (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Masson-Bessou, Mme Drahi

Avocats :

Me Ceyhan, Me Lavirotte

TJ [Localité 6], du 29 juin 2023, n° 23/…

29 juin 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 3 juillet 2019 à effet au 1er juin 2019, M. [W] [B] et Mme [D] [B] ont consenti à l'EURL Calade Centre Auto, pour une durée de 9 ans, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 5] à [Localité 6] pour y exploiter une activité d'«'achat, vente et réparation de véhicules d'occasion et accessoires'», moyennant le paiement d'un loyer annuel hors charges et hors taxes de 14'970 € payable d'avance mensuellement.

Ce contrat comportait une clause prévoyant sa résiliation de plein droit en cas de défaut de paiement des loyers un mois après une mise en demeure restée infructueuse, même en cas de paiement ou d'exécution postérieure à l'expiration du délai du mois.

Le 20 janvier 2023, M. [W] [B] et Mme [D] [B] ont fait signifier à l'EURL Calade Centre Auto un commandement visant la clause résolutoire pour le paiement d'une somme de 5'132,67 € en principal, outre 513,27 € au titre de la clause pénale, et par exploit du 7 mars 2023, les bailleurs ont fait assigner le preneur devant le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Villefranche-sur-Saône en résiliation de bail-expulsion.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 29 juin 2023, le Président du Tribunal Judiciaire de Villefranche-sur-Saône a':

Constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial du 3 juillet 2019 entre l'indivision [W] et [D] [B] et la société Calade Centre Auto à la date du 20 février 2023,

Ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les 15 jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de l'EURL Calade Centre Auto et de tout occupant de son chef des lieux loués et situés [Adresse 5] à [Localité 6] avec le concours en tant que de besoin de la force publique et d'un serrurier,

Dit en cas de besoin que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier chargé de l'exécution avec somation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de 4 semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du Code des procédures civiles d'exécution sur ce point,

Fixé à titre provisionnelle l'indemnité d'occupation due par l'EURL Calade Centre Auto à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes charges et accessoires,

Condamné par provision l'EURL Calade Centre Auto à payer aux époux [W] et [D] [B] la somme de 4'918,53€ au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arrêté au 1er mai 2023 avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2023,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées au titre de la clause pénale,

Condamné l'EURL Calade Centre Auto à payer aux époux [W] et [D] [B] une somme de 800 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rappelé que la présente ordonnance bénéfice de plein droit de l'exécution provisoire,

Condamné l'EURL Calade Centre Auto aux entiers dépens en ce compris le coût de signification de la présente ordonnance et du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 20 janvier 2023, ainsi que les frais d'expulsion éventuels.

Par déclaration du 10 août 2023, l'EURL Calade Centre Auto a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs et, par avis de fixation du 28 septembre 2023 pris en vertu de l'article 905 et suivants du Code de procédure civile, l'affaire a été fixée à bref délai avec clôture fixée le 5 juin 2024.

***

Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 30 mai 2024 (conclusions responsives), l'EURL Calade Centre Auto demande à la cour de':

Vu l'article 122, 123, 491 alinéa 2 et les articles 834 et suivants du Code de procédure civile,

Vu l'article 1343-5 du Code civil,

Vu les L145-41 et suivant du Code de Commerce,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Réformer l'ordonnance de référé en date du 29 juin 2023 en ce qu'elle :

Constate l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial du 3 juillet 2019 entre l'indivision [W] et [D] [B] et la société Calade Centre Auto à la date du 20 février 2023 ;

Ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de l'EURL Calade Centre Auto et de tout occupant de son chef des lieux ;

Fixe à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par l'EURL Calade Centre Auto, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

Condamne par provision l'EURL Calade Centre Auto à payer aux époux [W] et [D] [B] la somme de 4 918.53 € titre du solde des loyers, charges accessoires et indemnités d'occupation arrêtés au 1er mai 2023 avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2023 ;

Dit n'y avoir lieu à référer sur les demandes formées au titre de la clause pénale ;

Condamne l'EURL Calade Centre Auto à payer aux époux [W] et [D] [B] la somme de 800 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonne le bénéfice de plein droit de l'exécution provisoire ;

Condamne l'EURL Calade Centre Auto aux entiers dépens.

Et en conséquence, statuant de nouveau :

Débouter les consorts [B] de l'ensemble de leurs demandes ;

Condamner les mêmes à réaliser les travaux de mise en conformité';

Juger que la société Calade Centre Auto ne pouvait exploiter les lieux de manière paisible ;

Autoriser la Calade Centre Auto à séquestrer le montant des loyers entre les mains de la Caisse des Dépôts et des Consignations ;

Considérer que tout retard à la date de l'échéance du commandement de payer l'EURL Calade Centre Auto ne pouvait que bénéficier de délais de grâce ;

Condamner les époux [B] à la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

En fait, elle y expose que son gérant s'est présenté devant le juge des référés et qu'il a annoncé un paiement de 6'000 €. Elle affirme qu'un renvoi a alors été ordonné et que le bailleur, par la voix de son conseil, a dit à son gérant qu'il était inutile de comparaître lors de l'audience de renvoi et que les travaux seraient faits. Elle déplore dans ces conditions, qu'à l'issue de la seconde audience au cours de laquelle elle n'a pas comparu, la résiliation du bail ait été constatée.

En droit, elle invoque une fin de non-recevoir tenant à l'absence de pouvoir du juge des référés pour décider de la résiliation du bail à raison de l'existence d'une contestation sérieuse. Elle ajoute qu'il n'existait pas d'avantage de trouble manifestement illicite, d'autant moins que le retard de paiement des loyers était justifié par une exception d'inexécution.

Sur le fond, elle conteste l'acquisition de la clause résolutoire puisqu'elle s'était plainte du fait que le bailleur n'effectue pas les travaux lui incombant pour pouvoir bénéficier d'une exploitation sereine des lieux. Elle se prévaut d'un procès-verbal de constat qu'elle a fait établir le 25 mai 2021 constatant des désordres pour affirmer qu'en réalité le bailleur n'a fait qu'anticiper une procédure qu'il allait subir. Elle considère que le commandement de payer visant la clause résolutoire n'a été délivré qu'après qu'elle ait invoqué l'exception d'inexécution en suspendant le paiement des loyers, reprochant au bailleur une man'uvre.

En réponse à l'argumentation adverse, elle conteste que le bailleur n'ait jamais été informé des travaux à exécuter et elle justifie que le mandataire de celui-ci avait au contraire annoncé des travaux par un courrier du 28 avril 2021.

***

Aux termes de ses conclusions remises au greffe par voie électronique le 4 juin 2024 (conclusions n°2), M. [W] [B] et Mme [D] [B] demandent à la cour de':

Vu l'article 145-41 du Code de Commerce,

Vu les articles 560, 564, 834, 835 et 954 du Code de procédure civile,

CONFIRMER, dans sa totalité, l'ordonnance de référé rendue par la Présidente du Tribunal Judiciaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE le 29 juin 2023 en ce qu'elle a : (reprise dispositif ordonnance de référé),

Y ajoutant,

DEBOUTER l'EURL Calade Centre Auto de toutes ses demandes, fins et prétentions,

DECLARER IRRECEVABLES comme nouvelles les demandes de l'EURL Calade Centre Auto tendant à l'allocation de délais de grâce et à la condamnation du bailleur à la réalisation de travaux,

CONDAMNER l'EURL Calade Centre Auto à payer à Monsieur [W] [B] et Madame [D] [B] la somme de 1'000 € au titre de l'article 560 du Code de procédure civile,

CONDAMNER l'EURL Calade Centre Auto à payer à Monsieur [W] [B] et Madame [D] [B] la somme de 3'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la même aux entiers dépens.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire, ils contestent que le gérant de la société Calade ait été dissuadé, lors de la première audience en référé, de comparaître, affirmant qu'il lui a au contraire été expliqué qu'il devait constituer avocat et ils ajoutent que l'intéressé n'a jamais fait mention d'un litige au sujet de travaux lors de cette audience. En tout état de cause, ils estiment que le procès-verbal d'huissier de justice produit, dressé 2 ans plus tôt, n'établit pas que la société Calade ait réclamé au bailleur des travaux. Au contraire, ils justifient qu'avant ce procès-verbal de constat, ils avaient fait connaître, par courrier de leur mandataire, leur accord pour la réalisation de travaux mais à la charge du locataire, lesquels ont été réalisés, sans que la société Calade ne réclame plus rien depuis 2021. Ils concluent à l'absence de contestation sérieuse, l'exception d'inexécution soulevée étant fantaisiste. Ils précisent que si la société Calade a réglé l'arriéré de loyer postérieurement au délai d'un mois à compter du commandement, la clause résolutoire avait joué et qu'en outre, un nouvel arriéré s'est déjà constitué pour 3'307,34 €.

Sur l'expulsion et le trouble manifestement illicite, ils rappellent que l'article 835 permet une expulsion malgré l'existence d'une contestation sérieuse mais qu'en tout état de cause, l'occupation sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite.

Sur les demandes d'exécution de travaux et de délai de grâce, ils estiment que s'agissant de demandes nouvelles en appel, elles sont irrecevables, outre que les travaux à exécuter ne sont pas identifiés.

Ils réclament des dommages et intérêts à raison du comportement procédural du preneur, outre un article 700.

***

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

A l'audience de plaidoirie du 12 juin 2024, l'appelant a sollicité le rejet des conclusions d'intimé n°2 et des pièces 7 à 9 au motif qu'elles n'auraient pas été déposées en temps utiles, et à défaut, le rabat de la clôture et la réouverture des débats pour permettre d'accueillir ses conclusions en réponse déposées le 11 juin 2024. La cour, écartant ces demandes, a en revanche autorisé l'appelant à faire valoir, par note en délibéré à transmettre sous quinzaine, ses observations en réponse aux conclusions et pièces litigieuses.

Par note en délibéré remise au greffe par voie électronique le 30 août 2024, l'EURL Calade Centre auto a fait savoir qu'elle bénéficiait, par jugement rendu le 13 juin 2024 par le Tribunal de commerce de Villefranche-sur-Saône, de l'ouverture d'un redressement judiciaire et elle a sollicité, au visa de l'article L.622-7 du Code de commerce, le retrait du rôle.

MOTIFS,

Sur les observations liminaires':

Sur le rejet des conclusions d'intimé n°2 et des pièces 7 à 9':

Selon l'article 135 du Code de procédure civile, le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.

En l'espèce, la clôture est intervenue le 5 juin 2024 de sorte qu'il n'est pas discuté que l'intimé est recevable à avoir conclu le 4 juin 2024 et à avoir produit trois nouvelles pièces.

Sous cette précision, la cour relève que ces conclusions et pièces nouvelles, communiquées la veille de la clôture, ne constituent qu'une réponse aux demandes reconventionnelles présentées par l'EURL Calade Centre Auto aux termes de ses propres conclusions du 30 mai 2024. Dans ces conditions, ces conclusions d'intimé et pièces nouvelles ne sauraient être considérées comme tardives mais, au contraire, elles sont intervenues avec la célérité requise par la date de clôture fixée et, plus généralement, par la procédure à bref délai applicable à l'affaire en vertu de l'article 905 du Code de procédure civile. En outre, il n'est pas prétendu que la teneur de ces éléments nouveaux nécessiterait une analyse approfondie s'agissant en réalité de développements courts insérés dans les nouvelles conclusions d'intimé et de trois pièces rapidement exploitables. Dès lors, au cas particulier, la société Calade Centre Auto était elle-même en mesure de répliquer en temps utile à ces éléments nouveaux et, au demeurant, l'appelant a été autorisé à formaliser cette réplique, si besoin était, par observations transmises sous quinzaine par note en délibéré. Ainsi, il n'est pas établi que la communication de conclusions et pièces le 4 juin 2024 ait fait obstacle à l'instauration d'un débat contradictoire à leur sujet.

Dès lors, en l'absence d'entorse au principe du contradictoire, la demande présentée à l'audience de plaidoirie par l'EURL Calade Centre Auto tendant à voir écarter les dernières conclusions de l'intimé et ses pièces 7 à 9, sera rejetée.

Sur le rabat de la clôture et la réouverture des débats':

Pour les mêmes raisons, il n'y a pas lieu à rabat de la clôture et à réouverture des débats. La demande de ce chef présentée à l'audience de plaidoirie par l'EURL Calade Centre Auto sera rejetée.

Sur la détermination des prétentions des parties':

Il sera rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir la cour «'juger'» lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions comme c'est le cas de la «'demande'» de l'appelante tenant au fait qu'elle ne pouvait pas exploiter les lieux loués de manière paisible.

Par ailleurs et en application de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et qu'elle ne peut de ce fait se prononcer sur des prétentions qui n'y seraient pas intégrées comme c'est le cas des fins de non-recevoir non-reprises au dispositif des écritures de l'appelante.

Sur l'absence d'interruption de l'instance':

Enfin, la cour rappelle qu'en vertu de l'article 371 du Code de procédure civile, en aucun cas, l'instance n'est interrompue si l'événement survient ou est notifié après l'ouverture des débats.

En l'espèce, l'ouverture du redressement judiciaire de la société Calade Centre Auto, par jugement rendu le 13 juin 2024 par le Tribunal de commerce de Villefranche-sur-Saône, est intervenue le lendemain de l'audience de plaidoirie. Dès lors, il n'y pas lieu, ni à retrait du rôle qui supposerait une demande conjointe des parties, ni à constater l'interruption de l'instance.

Sur la recevabilité des demandes de l'appelante':

Aux termes de l'article 564 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En outre, l'article 567 énonce que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel, ce qui suppose que ces demandes se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce, l'EURL Calade Centre Auto, qui n'a pas comparu en première instance, oppose à la demande en constat de la résiliation du bail une exception d'inexécution tenant au manquement des bailleurs à leurs obligations de réaliser des travaux de mise en conformité. Fondée sur l'article 1219 du Code civil, la recevabilité d'une telle prétention est expressément réservée par l'article 564 précité en ce qu'elle tend à faire écarter les prétentions adverses.

Par ailleurs, les demandes de l'EURL Calade Centre Auto tendant, d'une part, à obtenir la condamnation du bailleur à réaliser des travaux de mise en conformité, et d'autre part, à être autorisée à séquestrer les loyers dans l'attente de ces travaux, présentent un lien suffisant avec ladite exception d'inexécution. Dans ces conditions, ces deux demandes reconventionnelles sont également recevables en application de l'article 567.

Enfin, la demande de délais sur le fondement de l'article L.145-41 du Code de commerce ne tend qu'à faire écarter les prétentions adverses et elle est en conséquence parfaitement recevable.

La fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de l'appelante tendant à la condamnation du bailleur à la réalisation de travaux, à l'autorisation de consigner les loyers et en l'octroi de délai, sera rejetée et l'EURL Calade Centre Auto sera déclarée recevable en ses prétentions.

Sur le constat de l'acquisition de la clause résolutoire :

Il résulte de l'article 834 du Code de procédure civile que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article L.145-41 alinéa 1 du Code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire, sans qu'il soit besoin de caractériser une quelconque urgence ou un trouble manifestement illicite, s'agissant du simple constat de l'application d'une clause claire et précise qui, sauf preuve du contraire, ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

En effet, si le prononcé de la résiliation d'un contrat suppose une appréciation relevant des juges du fond, le constat de l'acquisition d'une clause résolutoire entre dans les pouvoirs du juge des référés qui s'assure uniquement de l'existence de ladite clause, de la régularité de sa mise en 'uvre et, le cas échéant, que la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

En l'espèce, le contrat de bail signé le 3 juillet 2019 contient une clause résolutoire et un commandement de payer visant cette clause a été signifié le 20 janvier 2023 pour la somme en principal de 5'132,67 €. La validité formelle du commandement de payer n'est pas contestée, pas plus que les décomptes produits.

Il résulte de ces décomptes que l'EURL Calade Centre Auto n'a pas payé les causes du commandement dans le délai d'un mois de sa délivrance, le preneur n'ayant effectué dans ce délai qu'un paiement de 1'525 € correspondant au demeurant à l'échéance courante de loyer. Dès lors, il est acquis aux débats que les conditions étaient réunies pour que le juge des référés constate que la clause résolutoire a produit ses effets le 20 février 2023.

Pour considérer néanmoins que le juge des référés ne pouvait pas constater l'acquisition de la clause résolutoire à cette date, l'EURL Calade Centre Auto invoque une exception d'inexécution qui constituerait selon elle une contestation sérieuse s'y opposant. Elle affirme en effet que les bailleurs ont manqué à leur obligation de lui assurer une jouissance paisible des lieux dès lors que les locaux exploités présentent de graves dégradations au niveau de la toiture, des façades et de l'électricité, comme elle l'a fait constater par un procès-verbal d'huissier de justice dressé le 25 mai 2021. Elle avance que cette situation est la raison pour laquelle les loyers étaient payés tardivement et elle ajoute que les consorts [B], en lui délivrant un commandement de payer et en engageant une action en résiliation du bail, cherchent en réalité à se décharger de leurs obligations.

Au soutien de ces affirmations, la société appelante produit uniquement le courrier reçu de son conseil le 28 avril 2021 et le procès-verbal d'huissier de justice du 25 mai 2021. Compte tenu de l'ancienneté de ces pièces, antérieures de plus de 18 mois au commandement de payer visant la clause résolutoire, il n'est pas suffisamment établi que la discussion des parties au sujet de travaux de remise en état des lieux loués était alors toujours d'actualité lors de la délivrance du commandement.

Au contraire, la circonstance que les bailleurs aient imputé au débit du compte locataire des frais de nettoyage des gouttières le 1er septembre 2021 tend à établir que les travaux sollicités ont été réalisés dans les suites immédiates de ce nettoyage.

A supposer même que cela n'ait pas été le cas, l'EURL Calade Centre Auto procède par affirmation lorsqu'elle prétend qu'un différend au sujet de travaux à réaliser explique ses retards de paiement.

En effet, elle ne produit aucun élément objectivant son intention de subordonner ses paiements à la réalisation de travaux. Au contraire, la cour relève que le relevé de compte locataire établit que les retards de paiements sont constants depuis l'origine du bail, sans décrochage particulier aux alentours d'avril 2021, soit au moment de la discussion des parties au sujet de travaux de remise en état. Dès lors, si le procès-verbal de constat établit effectivement que des désordres importants affectaient essentiellement les plafonds, l'installation électrique et les grillages extérieurs des lieux loués, soit des équipements dont la réparation incombe vraisemblablement aux bailleurs, le lien avec les impayés de loyers ne ressort que des explications formulées par l'appelante dans le cadre de la présente instance.

Enfin, la mauvaise foi des bailleurs, qui auraient délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire pour se soustraire à leurs obligations contractuelles, repose là encore sur de simples affirmations. Au contraire, il ressort du courrier du 28 avril 2021 que l'appelante a reçu de son conseil que celui-ci l'informait de l'accord donné par les bailleurs pour réaliser les travaux nécessaires.

Dès lors, en l'état de l'ancienneté des éléments produits par l'appelante concernant la nécessité de travaux de remise en état et en l'état de l'absence de preuve que l'EURL Calade Centre Auto ait entendu se prévaloir d'une exception d'inexécution antérieurement à l'action engagée en résiliation de bail, la contestation élevée pour s'opposer à cette action ne présente pas le caractère sérieux requis pour faire échec à la demande présentée en référé.

En conséquence, l'ordonnance attaquée doit être confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail acquise au 1er février 2023 par l'effet de la clause résolutoire.

Sur l'octroi de délais de grâce suspensifs des effets de la clause résolutoire :

Aux termes de l'article L.145-41 alinéa 2 du Code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du Code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article 1343-5 du Code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, l'EURL Calade Centre Auto invoque, au soutien de sa demande de délais de grâce, l'exception d'inexécution ci-avant examinée dont il a été vu qu'elle est insuffisamment étayée dès lors en particulier que les pièces produites s'y rapportant sont relativement anciennes. A défaut de justifier de sa situation financière et en particulier de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait de solder immédiatement la dette locative, il convient de débouter la société appelante de sa demande de délais de grâce suspensifs des effets de la clause résolutoire.

La décision attaquée, qui a ordonné l'expulsion de l'EURL Calade Centre Auto et l'a condamnée à une payer une indemnité d'occupation jusqu'à libération complète des lieux, est confirmée.

Sur les demandes reconventionnelles en réalisation de travaux et en consignation des loyers':

En vertu de l'article 4 du Code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, lesquelles prétentions sont fixées par leurs écritures.

Il est jugé qu'une demande indéterminée et indéterminable dans son objet équivaut à une absence de demande.

En l'espèce, ni dans le corps, ni dans le dispositif de ses écritures, l'EURL Calade Centre Auto ne précise pas quels sont les travaux de mise en conformité qu'elle sollicite.

En effet, en l'état d'un dispositif énonçant «'condamner les mêmes (les bailleurs) à réaliser les travaux de mise en conformité'», la cour n'est pas en mesure de connaître la nature des travaux sollicités. En outre, la nature desdits travaux n'est pas déterminable, ni à la lecture du courrier du conseil de l'appelante en date du 28 avril 2021, ni à la lecture du procès-verbal de constat du 25 mai 2021, s'agissant de considérations de nature technique supposant, si ce n'est l'avis d'un technicien, à tout le moins, la production de devis de réparations permettant de circonscrire les travaux à exécuter.

Dès lors, en l'état d'une demande générale et imprécise, qui, si elle était accueillie en l'état générerait immanquablement des difficultés d'exécution puisque les travaux litigieux ne sont pas circonscrits, la cour n'est saisie d'aucune prétention au sens de l'article 4 du Code de procédure civile.

Il n'y a en conséquence pas lieu à condamner les bailleurs à réaliser des travaux, ni à accueillir la demande subséquente de l'appelante tendant à l'autoriser à séquestrer les loyers entre les mains de la Caisse des dépôts et consignation.

Sur la demande de dommages et intérêts':

La condamnation, prévue par l'article 560 du Code de procédure civile, de celui qui forme un appel principal après s'être abstenu, sans motif légitime, de comparaître en première instance, n'est qu'une faculté pour le juge qui apprécie souverainement s'il y a lieu de la prononcer.

En l'espèce, les parties s'accordent pour expliquer que le gérant de l'EURL Calade Centre Auto s'est présentée devant le juge des référés, qu'il a annoncé un paiement de 6'000 €, soit un montant correspondant à la totalité de la dette locative, et qu'un renvoi a été ordonné. Il n'est pas discuté que lors de l'audience de renvoi, l'EURL Calade Centre Auto n'était pas représentée et que la dette locative n'avait pas été soldée. En revanche, la dette locative a été soldée le 10 août 2023, date à laquelle une déclaration d'appel a été formalisée.

Dès lors et sans qu'il n'y ait lieu d'entrer dans le débat opposant les parties sur ce qui aurait été dit au gérant de l'EURL Calade Centre Auto lors de la première audience, la non-comparution de cette société lors de la seconde audience en première instance, suivie d'un appel principal, ne justifie pas l'allocation de dommages et intérêts.

La demande de ce chef sera rejetée.

Sur les autres demandes':

La cour confirme la décision attaquée qui a condamné l'EURL Calade Centre Auto, partie perdante, aux dépens de première instance et à payer aux consorts [B] la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, montant justifié en équité.

L'EURL Calade Centre Auto, partie perdante, est condamnée aux dépens à hauteur d'appel.

La cour condamne en outre à hauteur d'appel l'EURL Calade Centre Auto à payer aux consorts [B] la somme de 1'500 € à valoir sur l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir, soulevée par M. [W] [B] et Mme [D] [B], tirée de l'irrecevabilité des demandes de l'EURL Calade Centre Auto tendant à la condamnation à réaliser les travaux de mise en conformité, à l'autorisation de consigner les loyers, et en l'octroi de délais,

En conséquence, déclare l'EURL Calade Centre Auto recevable en ses prétentions,

Rejette la demande de délais de grâce suspensifs des effets de la clause résolutoire présentée par l'EURL Calade Centre Auto,

Vu l'absence de contestation sérieuse,

Confirme l'ordonnance de référé attaquée.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de condamnation les bailleurs à réaliser des travaux de mise en conformité, compte tenu de son caractère indéterminé et indéterminable, ni à accueillir la demande subséquente de l'EURL Calade Centre Auto tendant à l'autoriser à séquestrer les loyers entre les mains de la Caisse des dépôts et consignation,

Rejette la demande de dommages et intérêts de M. [W] [B] et de Mme [D] [B] sur le fondement de l'article 560 du Code de procédure civile,

Condamne l'EURL Calade Centre Auto, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne l'EURL Calade Centre Auto, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [W] [B] et Mme [D] [B] la somme de 1'500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.